Chapitre 6.1 : Réminiscences

J'avais déjà pris la décision de ne pas me laisser faire face à Chase, surtout que la haine qu'il me vouait était carrément injustifiée. Je ne le connaissais pas et vice-versa, alors c'était quoi son problème ? Un boulon avait dû sauter dans les engrenages de son cerveau, c'était la seule explication possible. Et ce n'était pas ça qui allait m'empêcher de discuter avec quelqu'un d'aussi sympathique que son frère.

- Contente de te voir aussi. Désolée pour la dernière fois, j'étais... assez pressée.

- Je ne te le fais pas dire. On aurait dit que tu avais le feu aux fesses ou le diable à tes trousses. J'espère que ce n'est pas Chase qui t'a effrayée.

Perspicace le frangin ! Nous commencions à marcher sur le chemin retour, à pas lents.

- Non, t'inquiète. En parlant de Chase, tu as dû venir avec lui, non ? Il est où ?

Non, ce n'est pas ce que vous croyez ! Je n'étais pas en train de m'assurer qu'un chien en colère ne me tomberait pas dessus à tout moment !

- Quelque part dans la maison. On a été séparé dans la foule. On se retrouvera plus tard à la voiture alors, je me promène.

- Tu fais aussi le tour du propriétaire ?

- Ouais. On commençait à crever de chaud là-dedans. J'ai dû sortir prendre l'air. Et puis, j'ai jamais vu une baraque aussi grande. Ça donne envie de dénicher quelques cadavres dans le placard, non ? ajouta-t-il avec espièglerie.

Je ris.

- Les cadavres ne doivent sûrement pas être dans les placards mais exposés à la vue de tout le monde si tu veux mon avis. Ils n'ont peur de rien, ici.

- Ouh là ! Ça filerait presque les jetons, se moqua-t-il gentiment.

- Tu as vu le jardin ? Il est trop beau !

- Oui, plutôt pas mal. J'ai un faible pour les odeurs sucrées.

C'était bizarre. Avec lui, il n'y avait pas de malaise. On venait de se rencontrer, mais c'était comme si on se connaissait depuis des années, un peu comme Mickey, ou Ann. Mais je ressentais aussi comme de la nostalgie, à regarder ses cheveux bruns et son visage, le même que celui de Chase... minute !

Maintenant que je le regardais plus attentivement, ils avaient le même visage, les mêmes yeux d'acier et marins à la fois, le même nez droit, presque aristocratique. Si on lui mettait des cheveux aussi noirs que les plumes d'un corbeau...

Je me devais de lui poser la question.

- Euh... James ? Chase et toi vous vous ressemblez beaucoup. C'est normal ? Enfin, je veux dire...

- Quoi, pour des frères jumeaux ? Aux dernières nouvelles, je crois que oui.

Il se mit à rire devant mon expression scandalisée.

- C'est aussi surprenant ? Bon, c'est vrai qu'on n'a pas vraiment la même personnalité, mais ça crève plutôt les yeux, non ?

J'étais sur le point de secouer la tête pour lui signifier que non lorsque le vibreur de mon portable gémit dans mon sac. J'avais reçu plusieurs textos d'Ann. Aïe ! Bientôt, nous serons sortis du jardin et de l'allée de grands buissons et nous rejoindrons la fête, chacun de son côté. Mieux valait se séparer maintenant. Je pourrai reprendre mes interrogations plus tard et ça me laissait le temps de digérer le fait que Chase avait non seulement un frère adorable, mais qu'ils étaient en plus jumeaux !

- Euh, je vais devoir y aller. Mes amis m'attendent. En tout cas, c'était un plaisir de discuter avec toi, James.

- Moi aussi mais...

Il prit une expression contrite avant de continuer :

- Je ne connais toujours pas ton nom. Tu es rentrée la dernière fois avant de me le donner et Chase n'a rien voulu me dire. Et je n'allais pas aller frapper à votre porte pour ça. D'ailleurs, la tarte aux pommes était une tuerie. Mieux que ce que je fais, en tout cas

- Tu cuisines ? demandai-je, surprise.

- Je suis plus pâtisseries mais oui. Et sans vouloir me vanter, elles sont pas mal.

D'où son faible pour les odeurs sucrées.

- J'ai hâte de voir ça !

Décidément, c'était de mieux en mieux avec lui. Il était gentil, beau, sympathique et il faisait des pâtisseries ! Le rêve de toutes les filles !

- On se reverra bientôt, repris-je. Je crois que je sais où tu habites.

- Bizarre, moi aussi.

- Ouais. Demande les Madison. Plus précisément, June Madison.

- June Madison ?

- Huhum... Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Je ne savais pas si c'était l'éclairage qui était bizarre, mais il était devenu vert.

- Ça va ? demandai-je, inquiète, en posant ma main sur son épaule.

- Oui, j'ai juste un super mal de tête, me répondit-il faiblement en posant une main sur sa tête.

- Attends, je vais t'aider, lui dis-je en le soutenant.

Au même moment, une ombre se détacha des fourrés, ou plutôt deux. Inutile de faire un dessin sur ce qu'ils faisaient. Mais l'une d'elle se tourna dans notre direction et se précipita à notre rencontre.

- TOI ! QU'EST-CE QUE TU LUI AS ENCORE FAIT ?

Je butai sur le « encore » mais il ne me laissa pas le temps de m'attarder dessus. Il m'éjecta fissa et me remplaça en tant que support de James.

- Hey, Jamie, ça va ? T'en fais pas, on rentre à la maison.

Jamie ?

- Non, Chase, ça va. C'est rien. June m'a aidé, elle...

- Cette fille ne peut pas t'aider !

- Hey ! Je suis encore là, je te signale !

- Et je me demande encore pourquoi ! Dégage !

- Non mais tu te prends pour qui ? m'offusquai-je.

C'était une chose de m'embrasser, mais même m'empêcher de voir quelqu'un et de lui venir en aide ? C'était quoi cette embrouille ?

- Je ne sais pas ce que je t'ai fait, mais je n'ai rien à voir avec ce qui se passe là maintenant.

Chase, aidant toujours un James de plus en plus livide, soutint mon regard. Le sien était sans doute mille fois plus furieux que le mien. Il m'aurait presque fait reculer si je n'avais pas reporté mon attention sur James.

- Tu ne lui apportes rien de bon, siffla-t-il entre ses dents. Je te l'ai déjà dit, hors de ma vue !

Il avait beau cracher ce qu'il voulait, ce n'était pas lui le plus important là maintenant. C'était James. Ou plutôt Jamie ?

- James... Jamie, est-ce que ça va ?

- Ne l'appelle pas comme ça ! hurla Chase. Arrête !

- Ta gueule, toi ! Tu vois pas qu'il souffre ?

- Et à cause de qui tu c...

- Chase, arrête. Elle n'est pas... elle...

Un gémissement sourd traversa ses lèvres avant qu'il ne puisse finir sa phrase, alors qu'il tombait à genou.

- Jamie !

Les voix inquiètes de Chase et moi se mêlaient tandis que Jamie continuait de gémir en se tenant la tête.

- Qu'est-ce qu'on peut faire ? tremblai-je.

- Toi, rien. Va-t-en !

- Il faut appeler de l'aide, dis-je sans l'écouter.

- Non !

- Ju...

Jamie essaya de dire quelque chose. Je me rapprochai de lui pour l'écouter.

- Oui, Jamie. C'est bien, parle-moi.

- Jamie, ne dis rien...

Jamie releva un visage que je n'aurais jamais imaginé voir. Les larmes étaient en train de le ravager.

- Junya... pourquoi ? pleura-t-il avant de pousser des gémissements de bête blessée.

- Ça suffit ! s'écria Chase en relevant Jamie du mieux qu'il pouvait. On rentre.

- Mais...

- Toi, ne t'avise pas de l'approcher à nouveau sinon... je te tuerai !

Cette menace très claire me donna la chair de poule. C'était la première fois qu'on me mettait en garde de cette façon et j'étais restée clouée sur place, incapable d'esquisser le moindre geste, alors que les deux frères s'éloignaient dans une démarche incertaine. La première chose à laquelle je pensai en reprenant mes esprits, alors qu'ils avaient déjà disparu dans la nuit, fut mon prénom dans la bouche de Jamie.

« Junya »

Je lui avais juste dit que je m'appelais « June ». Comment connaissait-il mon véritable prénom ? Inconsciemment, je caressai à travers l'étoffe de ma robe le collier en forme de clé dont je ne me séparais jamais.

- Jamie...

***

Alors que je poussai la porte d'entrée, j'entendis le murmure de la télévision au salon. Quelques secondes plus tard, ma mère pointa le bout de son nez, surprise. Elle avait dû passer sa soirée devant la télé, attendant sans même le savoir que je finisse par franchir cette porte, tout comme elle avait attendu que mon père le fasse trois ans plus tôt.

- June ? Qu'est-ce que tu fais là ? Il n'est même pas encore vingt-trois heures. Quelque chose ne va pas ?

Par où commencer ? James ou plutôt Jamie, mon cher voisin avait fait une crise de je-ne-sais quoi à une fête, son oh-combien charmant frère jumeau, m'avait menacée de mort et il se pourrait que ce même Jamie ne soit autre que « LE » Jamie Darring de la lettre que j'ai reçue il y a bientôt un mois. A part ça, c'était une super soirée. Il y avait de la bonne musique, de la bonne bouffe, de la bonne boisson, le triplé gagnant quoi. Mais je me contentai de secouer la tête :

- Non, ça va. J'avais juste envie de rentrer plus tôt. J'ai pas réussi à m'endormir cette nuit alors je suis un peu fatiguée.

Heureusement que juste après l'altercation avec les jumeaux, je croisai Neal dans l'immense baraque des Donovan. Je ne voulais pas forcer Jay à me ramener. Il avait l'air de tellement bien s'amuser. Ann et Mickey quant à eux, avaient fini par trouver le feu de camp entre-temps et avaient préféré y rester, pelotonnés tous les deux sur un banc avec une couverture. Ils n'avaient pas besoin de savoir ce qui venait de se passer alors je m'excusai rapidement avant de rentrer dans la maison.

Dans la petite pièce privée, je découvris un Dan rond comme une pelle qui somnolait dans un coin. Bravo ! Furieuse, je le laissai là et pénétrai à nouveau dans la grande pièce à vivre qui n'avait toujours pas baissé le rythme. C'est là que je tombai sur Neal. Il proposa gentiment de me ramener. Il préférait rentrer lui aussi. Evidemment, je ne me fis pas prier.

- Alors, c'était comment ?

- C'était bien, vraiment. Mais je suis crevée, je te raconterai demain.

- Ok. Bonne nuit, ma chérie.

Sur ces mots, je grimpai les marches de l'escalier et refermai avec soulagement la porte de ma chambre derrière moi.

suivre...

@Tous Droits Réservés

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Restez attentifs à la suite des événements.

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