Chapitre 3.1 : Coïncidence ?

Je ne m'arrêtai de courir qu'en apercevant les portes de la bibliothèque. Je n'avais jamais parcouru cette distance aussi vite.

Alors que je tentai de reprendre mon souffle, de petits cercles d'humidité apparurent sur le sol. Il me fallut quelques secondes avant de réaliser que c'était moi. J'étais en train de pleurer. Je ne m'en étais même pas rendu compte dans ma précipitation mais contrairement à ce qu'on pourrait croire, je pleurais surtout de rage et de frustration. Comment avais-je pu être assez bête pour le laisser faire ? Je me sentais tellement stupide.

Je m'adossai au mur en essayant de me calmer.

- C'était quoi, ce bordel ? me demandai-je.

Au souvenir de son baiser, j'essayai d'enlever les vestiges de son goût, de sa chaleur et de son odeur sur ma peau en me frottant la bouche avec la manche de ma veste. Peine perdue. Je le sentais encore. Cette fois, mes larmes redoublèrent. Je ne comprenais pas ce qui venait de m'arriver. J'avais envie de vomir, de me brûler la bouche ! Mais rien de ce que je ferai n'effacerait ce qu'il s'est passé.

- Daniel... me lamentai-je alors que ça ne servirait à rien.

Je n'arrivais pas à croire qu'un autre garçon que lui ait posé ses lèvres sur moi. Je détestais ça ! Peut-être devrais-je courir le rejoindre au terrain de foot et tout lui raconter. Je me demandais s'il lui casserait la gueule. Dan n'était pas particulièrement violent mais il était moins flegmatique que Mickey. Mais je me voyais mal lui expliquer comment j'avais pu laisser ce gros con me toucher pour l'instant.

Je restai prostrée contre le mur de longues minutes.

Toutefois, je n'oubliai pas que j'avais un travail à faire à la bibliothèque, travail auquel ce Chase devait aussi participer donc il ne tarderait sans doute pas à apparaitre lui aussi. Je ne voulais même pas croiser son regard. Je commençai par me passer une lingette humide sur le visage. Je ne voulais pas que les autres me voient dans cet état. Heureusement que j'en avais toujours dans mon sac.

J'osai espérer que j'avais à nouveau figure humaine lorsque je franchis la porte de la bibliothèque, un sourire factice collé sur le visage. Je tombai direct sur Ann qui interrompit son laborieux travail d'époussetage lorsque je me dirigeai vers elle.

- Me revoilà, m'exclamai-je d'un air faussement enjoué. Désolée pour le retard, j'arrivais pas à me décider. Où est Mickey ? Dire que je lui avais vraiment ramené quelque chose ! Et Olivia ?

Entre nous, elle paraissait beaucoup trop jeune pour qu'on l'affuble d'un madame.

- Dans la salle des archives. Elle a l'air d'avoir vachement plus de boulot que nous en tout cas et tu n'imagines pas la montagne de bouquin qu'on a à dépoussiérer et à ranger. Et Mickey finalement, a préféré s'éclipser comme un lâche en voyant tout le boulot qu'il fallait effectuer.

Elle fit une pause et m'observa en fronçant les sourcils.

- June, ça va ?

Oh non ! J'aurais espéré qu'elle ne verrait rien mais c'était sans compter le fait que cette fille me connaissait par cœur depuis l'école primaire. Je ne pouvais rien lui cacher.

Je vérifiai que personne ne pouvait nous entendre.

- On parlera plus tard, s'il te plait.

Elle n'insista pas et se contenta de hocher la tête en silence. Elle avait compris qu'il valait mieux ne pas s'impatienter, étant donné qu'elle n'avait pas dû batailler pour me tirer les vers du nez. Elle avait remarqué que c'était chaud.

Mon amie me tendit un plumeau et je me mis au travail.

Une heure plus tard, Olivia sortit de la salle des archives. Ses cheveux auburn tirés en queue de cheval haute ainsi que son jean étaient maculés de poussière. Elle étouffa une toux d'une main et retira ses lunettes carrées pour s'éponger le front de l'autre, dévoilant ses prunelles noisette sur un visage beaucoup trop enfantin.

- Alors, ça avance, les jeunes ?

C'était toujours marrant lorsqu'un adulte essayait de communiquer avec des ados. Neal apparut à nos côtés, un carton plein dans les bras.

- Plutôt pas mal. Je dirais qu'on aura bientôt fait la moitié du boulot.

- Cool. C'est parfait.

- Hmm... je crois qu'il manque quelqu'un, madame.

La tête châtaine de Matthew apparut de derrière une étagère. Evidemment, je savais de qui il voulait parler. J'avais passé l'heure qui venait de s'écouler à guetter chaque minutes la porte d'entrée au cas où il pointerait le bout de son nez.

- Ah ! Vous parlez de Chase, n'est-ce pas ? Quelques problèmes à régler avec l'administration. Il ne viendra pas aujourd'hui. Allez, ajouta-t-elle en mettant les mains aux hanches, on y est presque. Continuons.

Maintenant que je savais que je ne le reverrai plus de la journée, mes épaules s'affaissèrent. J'avais au moins quelques heures de répit. Oui, je n'étais pas stupide. On était dans le même lycée, on avait presque les mêmes options. Il était inévitable qu'on se croise à nouveau. Mais à cela, je préférais ne pas y penser.

Une autre heure passa ainsi.

Le lieu nettement plus propre, ordonné et accueillant qu'au départ, Olivia eut finalement marre de nos âneries. En effet, la fatigue ayant eu raison de nous à un moment donné, nous avions fini par transformer la pièce en salle de jeu, jouant à la guerre des étoiles avec nos plumeaux, s'esclaffant au moindre titre ridicule ou tendancieux et faisant des grimaces dans son dos. Finalement, c'est avec un soulagement non dissimulé qu'elle nous donna la permission de rentrer chez nous.

- Merci pour votre aide, les jeunes. Rentrez chez vous. Je continuerai le reste demain avec votre ami absent.

Ami ? C'était vite dit...

- Ah, je sens plus mes bras, se plaignit Neal en se massant les bras.

Nous rassemblions nos affaires.

- M'en parle pas, renchérit Ann. En plus, on a effectué le travail de six personnes à cinq. Bravo, le nouveau. J'ai juste une envie, me poser devant la télé avec un verre de Coca aussi gros que ma tête.

- Te connaissant, ton rêve deviendra vite réalité, me moquai-je gentiment.

- Pas si je suis avec elle pour l'en empêcher.

Mickey se tenait dans l'embrasure de la porte, un sourire en coin sur le visage et le regard moqueur mais affectueux envers Ann. Elle le gratifia d'une petite tape sur l'épaule.

- Aïe ! s'écria-t-il en tenant son épaule.

- Tu mérites toute la douleur que tu ressens, dit-elle.

- Oh, détrompe-toi. C'est plutôt tout l'amour que tu ressens pour moi que j'ai senti.

Elle lui tira la langue mais je savais à la rougeur qui montait à ses oreilles qu'elle était gênée.

- Comment rivaliser avec ça ? chuchota Neal à mon intention.

Je savais qu'il flirtait avec elle en toute innocence ou du moins, c'était ce qu'il assurait mais j'étais sûre que c'était plus que ça. Ça devait lui faire mal de reconnaître qu'il ne pourrait jamais s'immiscer entre eux. Même moi j'étais complètement jalouse. Ils étaient « Le » couple modèle. Leur relation était trop parfaite pour être égalée ou même imitée.

- Comme je te comprends, soupirai-je.

Je regardai Mickey prendre Ann par l'épaule et lui ébouriffer les cheveux. Je souris malgré moi. Ils étaient trop mignons. Ça me donnait envie de rejoindre Dan. D'ailleurs, c'est ce que j'allais faire.

- Euh... je crois que je vais faire un détour par le terrain de foot avant de rentrer. J'espère pouvoir attraper Dan pour quelques minutes.

- June, attends !

Ann m'attrapa le bras et se mit à chuchoter.

- On devait parler, tu te rappelles ?

- T'inquiète pas, répondis-je doucement. On verra ça plus tard.

- Mais...

- Plus tard, s'il te plait. Promis, ok ?

Je lus dans ses yeux toute son inquiétude.

- Ok, mais tu n'y couperas pas. C'est clair ?

- Comme du cristal.

- Alors file, ma mystérieuse amie. Je te laisse pour cette fois, capitula-t-elle avec un brin de regret dans la voix.

- Ok. A plus, les gars.

Mickey et Neal me saluèrent d'un signe de la main tandis que je bifurquai dans le couloir pour couper à travers l'espace vert où les professeurs aimaient se cacher pour fumer. A partir de là, atteindre le terrain de foot serait plus facile. Normalement, il faudrait retraverser tous les bâtiments des élèves et continuer en contournant le gymnase et l'auditorium, ce qui constituerait une belle trotte, compte tenu de l'endroit où je me trouvais.

Très vite, j'eus déjà les grilles du terrain de football en vue. Je grimpai les escaliers qui menaient aux gradins et de là, j'avais une vue imprenable sur le terrain et les joueurs. Même à quelques dizaines de mètres, je n'eus aucun mal à reconnaître Dan. Vêtue de la combinaison rouge et or de l'école, ses protections gonflant encore sa carrure déjà loin d'être modeste, il écoutait avec intérêt les conseils du coach, son casque à la main et l'air concentré.

Je ne voulais pas le déranger aussi, je me fis toute petite dans les gradins et les regardai exécuter une stratégie qu'ils mettraient sûrement en œuvre pendant le match contre le lycée Williams qui aurait lieu vendredi prochain, dans trois jours.

Ils finirent par faire une pause.

Je regardai ma montre. Dix-huit heures.

Ils allaient continuer comme ça pendant combien de temps encore ? Je me levai et m'approchai rapidement du terrain en essayant de capter l'attention de Dan. Celui-ci, après quelques mouvements de la main, finit par m'apercevoir et s'excusa auprès d'un de ses coéquipiers pour venir me parler.

- Hey ! Tu es là ! Je pensais que tu rentrerais directement après la bibliothèque.

Les effluves de son eau de Cologne avaient disparu depuis longtemps et ses joues étaient rougies par l'effort mais il n'en demeurait pas moins diablement sexy.

- Non, j'osais espérer que tu aurais terminé et qu'on pourrait rentrer ensemble... mais j'ai l'impression que je tombe mal.

Il prit un air contrit.

- Je suis vraiment désolée, je t'assure, s'excusa-t-il. On doit se donner à fond pour vendredi et personne ne peut y échapper.

- Ah...

Que dire d'autre ? J'étais déçue, mais en même temps, je n'avais pas le droit de l'être. Il se donnait à fond dans le sport qu'il aimait et maintenant qu'il avait une réelle place dans l'équipe il ne pouvait plus se défiler. Je savais à quel point c'était facile d'être mis sur la touche. La pression devait être énorme. Impossible pour moi de passer avant ses entrainements. Même si je voulais le voir ou rentrer avec lui. Même si je mourrais d'envie qu'il me prenne dans ses bras et me console. Même si j'avais besoin qu'il m'embrasse pour effacer le souvenir de l'autre timbré.

- Hey... ça va ?

Il me caressa la joue d'une main moite de sueur, ses yeux sombres teintés par l'inquiétude, comme ceux d'Ann tout à l'heure. Décidément, était-ce moi qui n'étais pas douée pour cacher mes sentiments ou bien j'avais des amis mentalistes ?

Je secouai la tête en souriant.

- Non non, ça va. Je crois que je vais tout simplement te laisser. Je ne veux pas te distraire.

- Tu es sûre que ça va ?

Au même moment, on lui fit signe que la pause était finie.

- Vas-y. On s'appelle, ok ?

- Ok...

Il commença à repartir vers le terrain mais il s'arrêta et revint vers moi.

- Jeudi, la veille du match, nous avons quartier libre. On reste ensemble ? Enfin... si tu veux...

Je ne pus m'empêcher de glousser. Il n'avait pas changé en deux mois. Il retrouvait cette timidité, cette crainte amoureuse du rejet lorsqu'il m'invitait quelque part où lorsqu'il voulait simplement passer du temps avec moi.

- Ça vous fera gagner le match ? demandai-je, taquine.

- Oh, ça oui !

- Alors, c'est d'accord !

Il sourit de toutes ses dents, rendant plus visible la légère cicatrice sur sa lèvre supérieure, vestige d'un bec de lièvre, qui le rendait encore plus adorable. Avant de partir, il m'attrapa par la taille et m'attira à lui, doucement, mais fermement. C'est comme s'il avait lu dans mes pensées. Il venait de me donner exactement ce dont j'avais envie, ce dont j'avais besoin. Un baiser tendre mais passionné à la place de ce baiser orageux et dégoûtant. C'était tout ce qu'il me fallait.

Nous nous séparâmes avec regret. Je sentis dans ses yeux qu'il ne voulait pas me quitter. Moi non plus je ne le voulais pas.

- HAYNES !

Il prit un air coupable.

- Ah merde... il faut vraiment que j'y aille sinon le coach va me tuer.

- Ok. On se voit plus tard.

Il répondit d'un signe de la main, puis s'élança vers le terrain. Je le regardai s'éloigner, le cœur un peu plus léger.

A suivre...

©Tous Droits Réservés

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Coucou les lecteurs. La première partie du chapitre 3 est en ligne. Ne dormez pas, le meilleur reste à venir.
A bientôt pour la deuxième partie 😉

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