Chapitre 11.3: Questions

Nous roulions déjà depuis une quinzaine de minutes sans que l'un ou l'autre n'ait ouvert la bouche. Ce silence pesant commençait à me taper sur les nerfs parce que je savais quelle en était la cause. Excédée, je me détournai du paysage nocturne qui défilait devant moi, bien décidée à dire ce que je me devais de dire.

- Daniel...

Il ne répondit pas immédiatement. Il savait bien que lorsque je l'appelais par son nom entier, ce n'était pas pour parler de la pluie et du beau temps.

- Est-ce que tout va bien dans l'équipe ?

- Hum ? Qu'est-ce que tu veux dire ?

Il regardait droit devant lui.

- Ecoute, je ne vais pas passer par quatre chemins, je trouve Scott très bizarre et ce malaise ne me quitte pas chaque fois que je le vois. Je n'aime pas la façon dont il te parle. Et avant de partir tout à l'heure, c'était presque comme s'il te menaçait.

- June, tu te fais des films. D'ailleurs, je ne vois même pas de quoi tu parles. Scott se comporte avec moi comme avec n'importe quel gars de l'équipe.

- Je n'en suis pas sûre. On dirait que tu es son toutou ! Ça m'énerve !

- Tu racontes n'importe quoi. C'est notre capitaine. En un sens, il aura toujours une certaine autorité sur nous.

- Bah, qu'il l'exerce sur les plus jeunes. Ça sert à ça le bizutage des nouveaux non ? Pourquoi est-ce qu'il se comporte comme ça particulièrement avec toi ? Vous êtes dans la même classe, bon sang ! C'est pas pareil !

A ce moment, la voiture s'arrêta un peu brusquement. Je ne m'y attendais tellement pas que je poussai un petit cri mais heureusement, la ceinture de sécurité me maintint fermement en place. Toutefois, cela ne calma pas mon cœur et les étoiles qui floutaient tout ce qui se trouvait autour de moi pour autant. Je ne pouvais rien y faire lorsque cela arrivait. Au moins avec le temps, je ne finissais plus complètement tétanisée à la moindre secousse.

- Je suis désolée, June ! S'écria Dan presque immédiatement en posant une main sur mon épaule. Je ne l'ai pas fait exprès. Ça va ?

Je savais qu'il disait la vérité. Il ne ferait jamais quelque chose comme ça pour me faire souffrir délibérément, me rappeler les instants tragiques qui m'avaient enlevés mon père et qui avaient failli m'ôter la vie aussi. Non, jamais il ne l'aurait fait. Je ramenai une mèche de cheveux derrière mon oreille pour reprendre contenance. Les étoiles devant mes yeux avaient disparus et je réalisai qu'en fait, nous étions arrivés chez moi. Je me tournai vers lui.

- Ça...ça va. C'est pas grave.

Il souffla bruyamment avant de poser son front sur le volant.

- J'ai l'impression d'être un abruti. Toi tu t'inquiètes pour moi et tout ce que je trouve de mieux à faire c'est de te rappeler les moments les plus douloureux de ta vie.

- Qu'est-ce que tu racontes ? Tout va bien, regarde, lui dis-je en posant une main sur son épaule. C'est plutôt moi qui devrais m'excuser pour dire n'importe quoi. Je sais que si quelque chose n'allait pas tu me le dirais. Je suis devenue un chouia parano, je crois, conclus-je avec un petit rire nerveux.

Oui, ça devait être ça. Avec ce qui se passait ces derniers temps, je devais être un peu plus sensible. Je caressai son dos dans l'espoir que cette soirée ne se termine pas de façon trop bizarre. Il fallut quelques minutes à Dan avant de se relever et de me prendre doucement dans ses bras. Il enfouit son nez dans mon cou tandis que je lui rendis son étreinte. Ses bras glissèrent le long de mon dos et les miens farfouillèrent dans ses cheveux alors qu'il ne nous était même pas possible d'approfondir ce geste du fait de nos positions respectives.

- Tu n'as pas besoin d'être forte, tu sais. Je suis là...

La voix de Dan était presque un murmure et je me sentis fondre à nouveau pour lui.

- Je sais. Et tu as déjà fait énormément pour moi mais si toi tu restes fort à ma place, qui restera fort pour toi ?

-...

- Laisse-moi aussi m'inquiéter pour toi.

Ses bras me serrèrent encore plus fort.

- Tout va bien pour moi, je te le promets. Laisse Scott où il est.

Sa voix était si douce mais pourtant si pleine de véhémence que je ne pouvais que le croire. Je me faisais sûrement des films. Mais à ma décharge, si ça me permettait d'avoir des câlins comme ça, je devrais peut-être me faire du mouron plus souvent.

Je pris une dernière inspiration avant de me décider à rentrer chez moi.

- Sérieusement, tu devrais carrément jeter ce pull. L'odeur ne partira jamais.

- N'importe quoi, sourit-il avant de poser ses lèvres sur les miennes comme pour me faire taire.

Soit, je ne me ferai pas prier.

Alors que je franchissais finalement le seuil de la porte à 22h passée, ma mère me fit une petite remontrance sur le fait que l'école reprenait la semaine prochaine et que je ne pourrais plus rentrer à cette heure. Je la rassurai brièvement avant de monter dans ma chambre. Je me changeai rapidement en pensant à la soirée que je venais de passer. D'abord, la pensée de Dan me fit sourire. Inutile de me regarder dans un miroir pour deviner que je devais avoir la tête d'une parfaite idiote.

Je secouai la tête pour revenir au sujet Darring. Immédiatement, alors vêtu d'un pantalon de pyjama en coton et d'un t-shirt trois fois trop grand pour moi, je grimpai dans ma cachette secrète. Là-haut, mon esprit s'aéra presque instantanément. Je pouvais réfléchir à la suite des évènements maintenant. Je me rapprochai du coin qui me permettait d'avoir une vue imprenable sur la résidence des Darring. Là aussi, ça ne dormait pas encore. Les lumières étaient encore allumées. Je m'adossai au garde-fou et me mis à réfléchir.

Lors de mon altercation avec Chase, nous tenions des discours différents, comme deux versions de la même histoire. Il était persuadé que j'étais au courant de toute l'histoire et que j'avais refusé de les aider, que je jouais la comédie. Alors que c'était totalement absurde ! Et pour la lettre ? Je sortis l'objet concerné que j'avais pris soin de mettre dans ma poche avant de monter et l'observai de plus près. Peut-être qu'un détail m'avait échappé ? C'était impossible que Jamie ait pu m'envoyer cette lettre alors même qu'il ne se souvenait plus de moi. Et même ! Comment avait-il pu trouver mon adresse ? Était-ce une simple coïncidence s'ils avaient emménagés juste là ? A deux pas de chez nous ? Si c'était le cas, la providence avait un sacré sens de l'humour mais sinon, comment cela aurait-il été possible ?

Au même moment, j'entendis le ronron d'un moteur approcher. Très vite, je vis les phares d'une voiture illuminer notre rue et la voiture de Peggy se garer dans leur allée.

Je pensais que Chase était déjà rentré, étant donné que je ne l'ai croisé nulle part avant de quitter la maison de Scott mais de toute évidence je m'étais trompée. Toujours accoudée sur le garde-fou, le menton dans la paume de ma main, je l'observai s'extirper de l'habitacle de la petite voiture avec la grâce et l'assurance d'un félin. Toutefois, la brutalité avec laquelle il referma la portière m'en dit un peu plus sur son état d'esprit.

Je le voyais toujours près de la voiture, tourner en rond comme un chien perdu, les mains sur les hanches et le visage tourné vers le ciel. A quoi était-il en train de penser ? Ah, c'était assez évident. Il devait repenser à la même chose que moi, c'est-à-dire à toutes ces nouvelles choses qu'il venait d'apprendre. Il avait l'air complètement paumée et je le comprenais parfaitement.

Maintenant, il passait ses mains dans ses cheveux noirs et brusquement, il se figea, le visage tourné vers les toits, vers notre toit, dans ma direction. Comme je le disais tantôt, la providence avait un sacré sens de l'humour. Sinon, comment expliquer que nos regards puissent s'entortiller de la sorte en cet instant précis alors que rien n'aurait pu lui signaler ma présence ?

Je me redressai sous l'assaut de son regard et le fixai à mon tour. Il baissa ses mains mais en garda une sur la hanche. De là où je me trouvais, j'avais l'impression qu'il hésitait à dire quelque chose et Chase, hésiter ? J'avais l'impression que c'était trop beau pour être vrai. Il détourna le regard un instant et je crus presque qu'il allait rentrer chez lui sans faire d'histoire.

- Hey...

Il avait parlé suffisamment fort pour que je puisse l'entendre, mais suffisamment bas pour que j'ai l'impression d'avoir rêvé. Non, mais attendez ! Il venait de me parler là, non ? Comme pour mettre en doute mes suppositions, il se mura à nouveau dans un silence exaspérant. Mais alors que je commençais vraiment à me demander si je n'avais pas rêvé, il ouvrit la bouche de nouveau.

- Je... je crois qu'on devrait parler, lâcha-t-il dans un soupir.

On aurait dit que ces quelques mots lui avaient arraché la bouche alors qu'ils m'avaient rendu bouche bée.

A ce moment, le vent se mit à souffler et nos deux chevelures d'un noir obscur se fondirent avec la nuit. Peut-être était-ce là le signe que quelque chose était en train de changer...

A suivre...

©Tous Droits réservés

____________________________________

Au prochain chapitre: Chase a pris l'initiative de parler à June et la fameuse lettre renferme encore plus de secret que ces deux là auraient pu imaginer...

************

J'aime beaucoup ce chapitre. On voit une autre facette de Chase et il présage qu'on n'a pas fini d'en voir d'autre. J'ai hâte de vous faire lire la suite. 😊

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top