Chapitre 5.1 🌖 « Je te tiens. »

Note auteure :

Je dédie ce chapitre à Jessie_cgf dont un commentaire sur mon histoire « nnard Interstellaire° » a inspiré le choix de la province où se déroule « Souvenirs Refoulés » : le Nouveau-Brunswick !

Les commentaires laissés par elle sur ce livre m'aident beaucoup à crédibiliser le contexte de mon histoire, avec des noms précis que je ne trouve pas spontanément sur Google ; comme le nom du centre commercial au chapitre précédent ainsi que la ville où il se trouve.
C'est un peu mon agente secrète (pas si secrète que ça) qui se trouve sur place, haha.

Bises Jessie et merci à tou.te.s ceux et celles qui soutiennent l'histoire depuis le poste du Prologue <3.

*

Nous sommes fin prêts à partir pour notre expédition au Mont Chipoudy !  Sorti le dernier de la maison, je verrouille la porte d'entrée derrière moi avant de m'engager dans notre allée.  

Le ciel dégagé nous baigne généreusement des rayons  agréables   du soleil matinal.  Bien qu'il fasse  assez doux, je compte  protéger mes phalanges non gantées de l'attaque du froid .  Je glisse alors machinalement mes mains dans les poches de ma veste après y avoir rangé mes clés. J'étends à peine l a neige crépiter sous mes bottes tandis que j'avance jusqu'au pick-up, où mon Yu-Han se trouve déjà avec notre rejeton à fourrure. Mon cœur rate presque un battement lorsque ce dernier s'élance après ce qui semble être un petit lièvre blanc, crapahutant jusqu'à un amas de branchages dans la poudreuse.

Un peu paniqué à l'idée qu'il le suive dans le sous-bois, j'ouvre la bouche pour hurler au chien de revenir quand la voix autoritaire de mon mari fouette l'air humide.

— Ronin, viens ici.

Yu-Han fixe l'intéressé, qui a tourné sa tête aussi dure que poilue vers son maître. J'aimerais dire que je suis étonné de voir notre canidé rappliquer sans faire de chichi, mais Yhan a toujours été meilleur dresseur que moi. Si je comprends les animaux, les soigne et peux les maîtriser physiquement si nécessaire, je ne suis pas très doué pour me faire écouter.

— Monte, ordonne calmement mon chéri.

Il tapote la paroi de la benne ouverte du pick-up. Recouverte d'un plaid, la cage de transport de notre loulou s'y trouve. 

Grands et joueurs, les Dalmatiens sont autant réputés pour leur intelligence que leur agilité. J'esquisse un léger sourire en observant Ronin prendre un minimum d'élan afin de sauter sur le plateau, qui se trouve quand même à hauteur de hanche par rapport à son maître. Ce dernier désigne la cage du doigt après un bref claquement, le bon toutou y entre puis s'assoit spontanément.

— T'es génial, mon tout beau, le félicite Yhan.

Le champion se fait gratifier de gratouilles sur le crâne, en plus d'une friandise bien méritée. Je suis heureux que leur entente soit redevenue comme antan. En plus de représenter un ancrage pour Yu-Han, Ronin lui permet de s'évader de la maison et s'aérer l'esprit lors des longues balades qu'ils effectuent tous les deux dans les bois. Je ne suis pas encore prêt à laisser mon mari partir plus loin que notre domaine sans moi. Il l'a compris – je pense – mais cela ne paraît pas le déranger outre mesure.

— Désolé d'interrompre votre tête à tête, taquiné-je enfin arrivé à hauteur du véhicule.

Yhan affiche à son tour un petit sourire à ma raillerie.

— Ce n'est rien, rétorque-t-il avec nonchalance. J'ai assez d'amour en stock pour vous deux.

Une fois la porte de la cage fermée, mon Roméo se concentre entièrement sur moi. Le souffle coupé par sa réponse, je ne peux qu'admirer son doux visage.

Son sourire s'élargit d'un air malicieux. Il vient déposer sur mes lèvres un chaste baiser, que j'accueille sagement alors que tous mes sens s'éveillent de façon incontestable. Mon muscle cardiaque entame une course effrénée et, même lorsque Yhan se recule, je frissonne encore de contentement.

Nos regards s'accrochent de façon singulière.

Je ne sais vers quelles pensées son esprit vogue tandis que je tente de calmer l'indécence des miennes. J'aimerais tant l'étreindre et l'embrasser d'une passion infinie. Mais ce n'est ni l'heure, ni le moment. Sans compter le fait que nous ignorions la cause de la fièvre qui l'a indisposé la veille, nous essayons de prendre notre temps afin de réajuster nos appuis respectifs dans notre relation.

Après tout, hier encore, nous étions bien loin d'afficher la complicité d'aujourd'hui. Je me sens béni que nous ayons dépassé le stade d'époux colocataires pour redevenir un couple. Que Yhan se montre prêt à engager des gestes amoureux à mon égard me permet d'en faire autant, sans avoir l'impression d'outrepasser une limite incertaine. Je reste pour autant attentif à ses réactions et il semble que nos deux cerveaux déraillent dans la même direction, en ce moment.

En vue de me libérer de ses prunelles envoûtantes, je détourne les yeux vers Ronin. Incroyablement calme, il nous fixe, la queue battant l'air sec. Je glisse les doigts à travers le grillage et lui demande doucement :

— Pressé de partir, mon grand ?

La boule de poils pousse un glapissement excité et tourne sur elle-même telle une toupie. J'entends le faible rire de Yu-Han, vers qui je ramène mon attention.

— Je pense qu'il est surtout pressé de quitter sa prison. Il aime moins la voiture que les longues balades en forêt.

— Oui. On devrait y aller, concédé-je.

— Je conduis, déclare Yhan en fermant la benne.

Mes clés de voiture sont déjà en sa possession. Sous le coup de la surprise, je balbutie, lancé à sa suite.

— A-Attends... Es-tu sûr de toi ?

— Ouais, le fonctionnement des bagnoles automatiques c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas.

Confiant, Yu-Han s'amuse à envoyer le trousseau en l'air avant de le rattraper. J'ignore tout autant que lui à quand remonte la dernière fois où il a touché un volant, mais que puis-je refuser à l'amour de ma vie ? Nous circulerons d'abord dans des petites rues tranquilles avant de rejoindre la ville. Je reprendrais la main en cas de pépin.

— Tu as pensé à cacher le double de la clé ? s'enquiert-il lorsque nous montons en voiture. Je ne voudrais pas que mon père se retrouve enfermé dehors à son retour de chez ses amis.

— Oui. Je l'ai mise au fond du pot en céramique, à coté des décos de l'entrée. Je peux le lui rappeler par message, si tu veux.

— Ce serait parfait.

Nos affaires sont bien installées sur les sièges arrières, Ronin est à l'abri dans son manteau douillet et sa cage sécurisée. Je boucle ma ceinture avec une inquiétude modérée. Après avoir effectué les réglages du siège et des rétroviseurs, Yhan en fait de même et démarre en toute tranquillité.

Mes amours et moi-même arrivons à destination sans aucuns problèmes sur la route, excepté les imbéciles habituels. Yu-Han conduisait très prudemment, dans le temps. Il a aujourd'hui des réflexes qui s'ajoutent à la liste des facultés étrangères à sa personne avant sa disparition. Une fois stationnés sur un parking presque désert, nous descendons de voiture. J'attrape nos sacs pendant que mon chéri libère notre quadrupède maintenant surexcité.

Bien que Yu-Han ait reprit son dressage – en vue de la fête organisée dans deux jours à la maison –, le manteau de Ronin est affublé d'un harnais permettant de l'empoigner en cas de pépin. Son collier, lui, facilite sa tenue en laisse temps que nous sommes entourés de villageois.

— Il m'a tout l'air d'avoir d'excellentes réponses aux rappels, avance Yhan en le caressant entre les oreilles.

— Avec toi, du moins.

— Oui, sourit mon Jules. Je propose qu'on le laisse vagabonder à nos côtés, on lui remettra la laisse si des gens ou un danger quelconque approchent durant notre randonnée.

— Je suis d'accord.

Mon sac sur le dos, je tends le sien à Yhan mais il secoue légèrement la tête en faisant asseoir Ronin à mes pieds.

— Tu peux le tenir un moment ? Je vais ôter ma veste.

Je saisis la sangle de la laisse en baissant le regard vers notre chien pour être sûr qu'il reste sagement assis. Puis, je lève des yeux inquiets vers mon mari qui semble un peu palot.

— Il fait trois degrés et tu as chaud ? Es-tu encore fiévreux ?

Liant ma question à mon geste, je pose la main sur son front sans attendre sa réponse dérisoire.

— Quelque peu, oui, souffle Yu-Han alors que sa température dépasse à coup sûr les trente-huit degrés Celsius.

— Ce n'est pas bon signe, annoncé-je. Tes migraines se sont-elles calmées, au moins ?

— Quelque peu, répète ma tête de mule en me reprenant la laisse des mains comme si de rien n'était.

Je soupire.

— Chéri, si tu es encore malade il vaut mieux annuler. On trouvera autre chose de moins épuisant à faire avec Ronin.

Ne restant qu'avec son sweat-shirt pour le protéger du froid, il secoue à nouveau la tête en une réponse négative, noue sa veste autour de sa taille et récupère son sac à dos de mes mains.

— Il a besoin de se dépenser et, je ne saurais l'expliquer, mais rester inactif amplifie mon mal de crâne. Une longue marche et un bon bol d'air frais en ta compagnie ne me feront que du bien, finit-il par m'assurer avec un sourire charmeur.

Je ne suis pourtant pas serein. La veille, Yhan nous a avertis ne pas se sentir dans son assiette à notre retour du centre commercial. Sûrement à cause du contrecoup émotionnel, ai-je pensé. Son père lui a préparé un bouillon de bœuf et de légumes, qu'il a gobé après une douche. Toujours sur les conseils de Oba, Yu-Han a ensuite tenté de se reposer. Mais, ne trouvant aucun répit, il a préféré descendre au jardin d'hiver avancer sur ses travaux. Mon beau-père étant endormi, j'ai veillé sur mon époux depuis le séjour, où j'ai feins de regarder la télé afin de m'assurer, de temps à autre, qu'il n'ait besoin de rien. Lorsque je me suis décidé à me joindre à lui, nous avons ensuite discuté de choses et d'autres en toute désinvolture, au milieu du semi-chantier dont mon chéri souhaite à tout prix terminer l'aménagement pour Noël.

Ronin à ses pieds, entouré de ses nombreuses nouvelles plantes sous le ciel étoilé et la lune brillant à travers la verrière, Yhan a eu l'air d'aller bien mieux malgré une quasi nuit blanche. Mon inquiétude quant à son état de santé n'était donc plus si présente ce matin.

— Je t'assure que ça va, itoshii, insiste-t-il.

J'opine. Yhan doit avoir très envie de maintenir notre programme. Malgré un piètre sens de l'orientation, du moins à l'époque car celui-ci semble s'être amélioré, il a toujours beaucoup apprécié les promenades en forêt et à la montagne. Ronin en raffole tout autant. Je cède donc, à une condition.

— D'accord, mon cœur. Mais au moindre signe de fatigue de ta part, nous ferons demi-tour sans autre débat. Ok ?

Il affiche le sourire éclatant d'un vainqueur.

— Entendu !

*

Eh bien... Au bout d'une heure de marche, je crois bien être celui qui peine à suivre le rythme. Ronin virevolte joyeusement de droite à gauche sous la vigilance de Yu-Han, qui le rappelle dès qu'il s'éloigne trop.

Le sentier ascendant qui traverse la forêt était au début assez large et, bien qu'à présent rétréci, n'est pas très difficile à pratiquer. Enfin, de gros rochers s'interposent par moments, mais rien d'insurmontable. Nous profitons allègrement du paysage et de la quiétude de la montagne enneigée. Paraissant en pleine forme, Yhan joue à la balle ou peaufine les quelques tours appris à son compagnon canin, qui s'y adonne cœur joie à nos côtés.

— Ronin, parle.

Les échos du jappement qui suit cet ordre retentissent au loin et me tirent un rire.

— C'est bien. Maintenant, chante ! enchaîne mon époux à l'attention de notre boule de poils.

Tout en avançant, Ronin incline la tête, les yeux levés vers Yhan dont il n'a visiblement pas assimilé la demande. C'est un des nouveaux "trucs" qu'il a appris.

— Chante, Ronin, insiste mon homme avant de montrer la voie en imitant à la perfection le cri du loup.

Ronin se joint à lui, ils finissent par hurler tous les deux à l'unisson. Je ne peux m'empêcher de m'esclaffer.

— Tu es complètement fou de lui avoir appris ça.

— Mais c'est drôle, sourit Yhan.

— Ça l'est, oui. Et puis, ça épatera peut-êtr...

Cette phrase n'arrivera jamais à son terme, mon pied droit glisse de la pierre verglacée où il s'est négligemment posé. Je perds l'équilibre. Me voyant déjà dégringoler la pente tout de même un peu raide que nous sommes en train de monter, je tourne bêtement la tête en arrière. Cela ne fait qu'accélérer ma chute.

— Je te tiens.

La poigne solide de Yu-Han se referme soudain sur mon bras. Je lève la tête. Il est légèrement penché vers moi, le bras tendu et les appuis au sol inégaux. Cela m'étonne que mon élan ne nous happe pas tous les deux. 

Sans perdre une seconde, il me tire assez brusquement. Son geste est sans doute trop rapide pourque son corps soit entraîné par le mien. Malgré une légère douleur à l'endroit où il exerce sa pression, je ne me plains pas. D'une, j'atterris blottis contre son torse robuste. De deux, sa réactivité m'a certainement évité de m'ouvrir le crâne au sol.

Mes yeux encore épouvantés se posent dans ses iris tranquilles. Quelques petites mèches échappées de sa queue de cheval titillent mon visage. Yhan finit par m'adresser un infime sourire.

— Plus de peur que de mal ?

— Oui, soufflé-je, troublé. Tu... Tu es encore brûlant.

Je ne sais à quel moment je me suis accroché à lui, mes doigts sont pourtant refermés autour de ses biceps. Pressé contre son buste, je sens son corps ardant à travers sa veste de survêtement.

— C'est pourtant toi qui vacilles, ricane mon Prince Charmant.

Ses yeux ne quittent pas les miens tandis que sa main chaude vient caresser ma pommette.

— Tu es sûr de ne pas t'être foulé la cheville ?

— J'ai... Non. Je n'ai rien.

— Tant mieux.

Notre proximité et son regard profond me rendent tout chose. Son odeur fruitée et sauvage, mêlée à l'aura puissante émanant de lui depuis son retour, m'enivre tel un cocktail détonnant. Je suis mitigé entre ma sagesse et le désir qui ne cesse de croître en mon sein. 

Devrais-je me défaire de la prise de mon époux pour continuer notre avancée, ou cueillir ses lèvres tentatrices ?

Yu-Han met fin à mes tergiversations mentales en se penchant vers moi. Sa bouche se pose affectueusement très près de la mienne, mais l'évite avec soin. Si nous nous embrassions maintenant, je crains fort qu'aucun de nous ne serait capable de réfréner ses ardeurs. Il finit par se reculer, se pince la lèvre et me saisit la main afin de m'encourager à poursuivre notre marche.

— Prends garde où tu poses les pieds, mon chéri, m'avertit-il tendrement.

Les papillons qui dansent le Tango dans mon ventre cherchent à s'en échapper pour exprimer mon bonheur au monde entier. Je me contente de hocher la tête, incapable de parler, puis emboîte le pas à mon cher et tendre sous les aboiements foufous de Ronin. Il a encore dû débusquer un animal...

Notre randonnée se termine un peu plus de deux heures et demie plus tard, sans nouvel incident. De retour à la maison, nous prenons tour à tour nos douches. Yhan accepte ensuite la proposition de son père pour un déjeuner à Dieppe, où nous nous rendons tous les trois dans un super restaurant mexicain. Le long du repas, je ressasse notre matinée dans mon esprit et souris distraitement. Par moments à mon mari ; d'autres, aux anges pour les remercier de leur bonté.

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