XXV - Les songes empoisonnés d'une âme amoureuse.

- Declan ! s'écria-t-elle en me voyant, me sautant au cou. Declan, Declan !
- Je suis là, Iris. Je suis là, lui répondis-je, le cœur battant la chamade.
- Tu m'as tellement manqué !
- Toi aussi, tu ne peux pas imaginer, soufflai-je dans un murmure.

L'attrapant par la taille, je l'enlaçais de toutes mes forces, refusant de la laisser s'échapper à nouveau.

- Tu sais, j'ai cru ne plus te revoir.
- Pareil pour moi, mais je suis tellement heureux que tu sois là. Je dois te dire quelque chose...
- Quoi ? sourit-elle, les larmes aux yeux.
- Je t'aime, Iris. Je t'aime comme un fou. Je t'aime !
- Declan, je...

Sa voix s'effaça.

- Quoi ?
- Declan je...
- Je ne t'entends pas, Iris.

Lorsqu'elle ouvrit la bouche à nouveau, un son strident retentit.

- Iris ?

Une deuxième fois, le son franchit la barrière de ses lèvres. C'était à déchirer les tympans. Comme une alme, un...

Mes yeux s'ouvrirent brutalement. Il me fallut quelques secondes pour émerger et comprendre ce qu'il venait de se passer.

- Fait chier... pestai-je en soulevant la couette.

Quelqu'un sonnait à ma porte. Et ce quelqu'un était visiblement très impatient vu la façon dont il brutalisait ma sonnette.

- Ça va là, j'arrive ! hurlai-je à l'attention de la personne qui se trouvait de l'autre côté de la porte.

Léo me souriait de toutes ses dents, et entra sans même attendre que je l'y invite.

- Tu peux m'expliquer ce que tu fous là ?
- Oui, absolument ! Je t'en dois une mon pote ! dit-il en posant une main ferme sur mon épaule.
- Sois plus précis ?
- La fille, Rose !
- Oh merde... Léo...
- Quoi ?!
- Tu as jeté la meilleure amie d'Iris !
- Quoi ? Non ! Calmos ! Je l'ai invitée, nuance.
- Invitée ? Depuis quand t'invites, toi ?
- Depuis quand tu tombes amoureux, toi ? ironisa-t-il dans un sourire plein de sous-entendus.

Ne prenant même pas la peine de répondre, je me dirigeais vers la cuisine et sorti deux tasses. Les petits grains ambrés du café soluble firent un bruit mélodieux en tombant sur le fond des récipients.

- Elle est incroyable ! reprit mon ami en s'appuyant sur l'évier à mes côtés.
- Hmhm, approuvai-je, craignant le pire.
- Elle est très intelligente en plus ! Tu sais que je les aime encore plus quand elles sont intelligentes.
- Oh oui, poursuivis-je, sarcastique. C'est sûr que c'est vraiment la qualité que tu regardes en premier, tiens !

Pour seule réponse, il leva les yeux au ciel.

- Monsieur est devenu bien grincheux et moralisateur depuis qu'il s'est trouvé une poule et les œufs d'or !
- Tu viens... commençai-je en riant, ne pouvant pas me contrôler. Tu viens de comparer Iris à une poule ou je rêve ?
- C'est bien ça l'expression, non ?
- Tu sais, je crois que si tu les choisissais si intelligentes, elles n'accepteraient certainement pas de sortir avec toi ! Moi, je n'accepterai pas !
- Tu me supplierais ! pouffa-t-il.
- Seulement pour les œufs d'or je suppose !

Il pouffa et reprit.

- Sincèrement Declan, elle est vraiment géniale.
- Ouais, je n'en doute pas. Simplement, t'es plutôt du genre à prendre et à jeter.
- Toi aussi ! Pourtant regarde toi, tu me casses les oreilles avec elle depuis des mois !
- Et on voit où ça m'a mené, répondis-je sarcastique.
- T'as changé depuis que tu la connais, mon pote.

Je me suis arrêté un instant, lui tendant sa tasse, un sourcil arqué.

- En mieux, en dix fois mieux. Rose le pense aussi d'ailleurs, ajouta-t-il doucement en posant ses lèvres sur la tasse.
- Elle te l'a dit ?
- Intéressé ? demanda-t-il, un rictus scotché au coin lèvres.
- Surpris plutôt, me justifiai-je.
- Et si je te disais ce qu'elle m'a dit de ne pas te dire ? ajouta-t-il, malicieux. Tu changerais sans doute d'avis sur la pertinence de mon rencard avec elle !
- Rappelle-moi de ne jamais plus te confier de secrets...

Dans un large sourire, il posa sa tasse et mis ses mains sur mes épaules en me secouant légèrement.

- Elle a dit à Iris que t'étais venu à la fac pour une fille !
- Ce qui était d'ailleurs faux ! Et j'ai toujours envie de te tuer à ce propos ! Qu'est-ce qui t'est passé par la tête ?!
- Oh je t'en prie, faut les faire mariner un peu ! Si elle pense que tu viens en voir une autre, elle aura envie que ce soit elle que tu viens voir ! argumenta mon ami, visiblement très fier de son raisonnement.
- C'est à chier !
- Mais non...
- Oh si ! Crois-moi, de toutes les idées pourries que tu aies eues, celle-ci est de loin la plus débile !
- Mais, continua Léo, ça a marché ! Elle a pleuré toute la nuit !
- Oh super ! m'écriai-je en me dégageant de son contact. J'en suis absolument ravi ! pestai-je, sarcastique.
- Bah quoi ? Ça veut dire qu'elle t'aime, non ?
- Ça veut dire qu'elle a mal, Léo ! Ça l'a blessée !
- Mais t'es blessé que quand t'aimes quelqu'un, non ?
- Ou quand tu penses que le mec peu fiable en qui tu n'avais pas confiance, te prouve que t'as eu raison de ne pas lui faire confiance ! Si ce n'était pas déjà fait, elle me déteste maintenant, c'est sûr, dis-je en commençant à me diriger vers la pièce à vivre.
- Ce n'est pas ce que Rose m'a dit...

Je me retournais brusquement pour lui faire face.

- Elle m'a dit de ne pas te le dire, mais elle pense que ce n'est pas impossible vous deux.
- Tu l'as vue quand déjà ?
- Hier soir.
- Et elle lui a dit ça quand ?
- Après qu'on l'ai vue, donc... il y une semaine ?

Le toisant un instant, il reprit sa tasse, un sourire fier séparant son visage en deux.

- Elle n'est pas comme les autres, Léo.
- Ça reste un humain. Tu la mets un peu trop sur un piédestal.
- Elle le mérite, pestai-je.
- Tu ne crois pas qu'il serait temps d'arrêter vos conneries ? C'était drôle deux minutes « oh non, Declan je ne t'aime pas ! Oh non, Iris, aime-moi ! Mais tu es mauvais Declan ! » piapiapia, mima-t-il en prenant une voix censée ressembler à nos personnages. Avec Rose, on pense...
- On pense, murmurai-je moqueur.
- On pense, reprit-il ignorant ma remarque, que vous feriez mieux de vous appeler. Ça va faire trois mois ? Tu attends quoi ? Qu'il soit trop tard pour de bon ?
- Des fois, les gens ont besoin de guérir chacun de leur côté pour mieux se retrouver. C'est censé être sain.
- D'accord, mais ça mérite d'être aussi malheureux chacun dans votre coin ? demanda Léo, les bras croisés, toujours appuyé contre mon évier. Elle t'aime Declan. Tu l'aimes. Tout le monde s'aime. T'attends quoi ? conclut-il.

Ce que j'attendais ? D'être enfin assez bien pour elle.

Oui, j'avais arrêté de boire. Oui, j'avais arrêté la drogue. Oui, j'avais trouvé un job à peu près stable et correct. Oui, j'essayais de reprendre ma vie en main. Pourtant, l'impression que ce n'était pas suffisant me rongeait.

Elle avait besoin de temps, pour réparer son propre cœur. Peut-être faire le deuil d'une famille qu'elle ne retrouverait jamais. Ou d'un passé bien trop brisé pour être reconstruit. Elle était fragile, et menaçait de s'effondrer toutes les deux minutes. Alors je n'avais aucune envie d'être la cause de sa chute. Si je devais avoir une incidence sur sa vie, je voulais que ce soit en positif. Être quelqu'un de bien, être fiable pour qu'elle s'appuie sur moi en cas de besoin. Être fort pour l'aider à porter ses fardeaux.

Mériter son amour. Me battre pour être celui qu'elle veut et celui qui lui faut.

Est-ce qu'il y a quelque chose de plus terrible que de rencontrer ce qui s'apparente le plus à ce que les gens appellent une âme sœur et que ça ne fonctionne pas ? Vous savez que c'est elle, parmi sept milliard de personnes, pourtant elle vous a dit que vous n'étiez pas assez bien, que vous ne la méritiez pas ? Y a-t-il pire que d'aimer et de voir que malgré tout ce n'est pas suffisant ? À cet instant où la porte claqua, il me sembla que non.

C'est pourquoi je voulais être meilleur, parce que c'est ce qu'elle méritait plus que quiconque à mes yeux. Parce que j'étais éperdument amoureux d'elle et que je voulais qu'elle en soit fière. On méritait d'être heureux, et si ça pouvait être ensemble, alors ce serait encore mieux.

Simplement, j'avais peur de ne jamais l'être. De ne jamais valoir le coup pour elle. De rester un raté avec un joli masque sur le visage.

J'étais persuadé que s'éloigner pour mieux se retrouver allait nous être bénéfique. J'en avais assez d'être toxique, de la faire pleurer, de lui poser autant de problème.

Alors si cela devait prendre un an, je m'en fichais. Du moment qu'à la fin de l'histoire, je la retrouvais.

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