XXIV - Les affres d'un cœur tourmenté.
La nuit a été très longue après ce que Rose m'avait raconté. Vraiment trop longue même. En réalité, j'aurais préféré ne rien savoir. Ça aurait sans doute rendu ça beaucoup moins dur ! Les larmes perlaient sur mes joues, je m'en voulais tellement. Ce serait mentir que de dire qu'il ne me manquait pas. Quand j'ouvrais le placard et que le pyjama qu'il m'avait offert me narguait de mon côté de la penderie, un pincement me déchirait le cœur. Dès que je prenais le volant, j'avais encore ce goût d'aventure dans le sang. Il m'arrivait même parfois d'avoir envie de rouler jusqu'à chez lui, de lui demander pardon et de tout recommencer.
Je crois que Rose avait raison. Je l'aimais. Éperdument.
Qu'allait-il se passer si je lui offrais mon cœur, et que je me rendais compte que j'avais à nouveau placé ma confiance sur la mauvaise personne ? Comment pourrais-je me relever après une autre blessure ? J'avais déjà tellement souffert, j'en avais assez. J'étais pétrifiée à l'idée de m'ouvrir complètement à quelqu'un aveuglément.
L'idée que le ciel me tombe encore sur la tête me faisait paniquer. J'ai voulu le rappeler. J'ai voulu tant de fois entendre le son de sa voix, légèrement rauque, mais surtout chaleureuse et rassurante. Elle m'enveloppait, me couvrait et je me sentais comme invincible. Lorsqu'il prononçait mon prénom, j'avais la sensation d'être la personne la plus forte du monde.
Il ne s'était pas ouvert à moi, pas de façon concrète. Et si je devais avoir des sentiments pour lui, je voulais d'abord savoir s'il les partageait. Il ne l'a pas fait, tout ce que j'avais réussi à savoir c'est que c'était mon corps qu'il convoitait au début. Mais qu'en était-il de mon cœur ? Et du sien ? Accepterait-il de me le donner si je lui disais que je l'aimais ?
Lorsque je repensais à notre escapade, et à ce qu'il m'avait dit au sujet de mon implication dans sa sobriété, je ressentais une sorte de fierté. J'aimais être celle qui le poussait vers le haut. Pourtant, j'avais peur que ce ne soit pas vraiment le cas. Sans que ce ne soit particulièrement rattaché à son affection à mon égard.
Et qui l'eut cru, d'ailleurs. Qui aurait pu penser une seule seconde que j'aurais pu avoir un quelconque effet sur lui. Au commencement, une guerre était annoncée entre nous. C'était surprenant comme, finalement, on peut découvrir partiellement une personne et changer d'opinion dessus. Ça me faisait du bien de l'aider, même si ce n'était que pour un cours instant. Ayant l'air un peu égoïste, ça me permettait de me sentir utile. Rien que le fait qu'il m'ait dit que sans moi, il n'aurait pas pensé à arrêter, m'avait donné à ce moment-là l'impression d'être importante dans la vie de quelqu'un.
Mais un doute me rongeait, secondé par un espoir vicieux : pourquoi il tenait tellement à changer ? Valoir le coup à mes yeux comme l'avait dit ?
- Rose ? chuchotai-je en espérant que mon amie ne dormait pas.
- Hm ? grogna-t-elle.
- Je suis triste... commençai-je, mes sanglots reprenant de plus bel.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? murmura-t-elle en glissant de son lit pour venir dans ma petite couchette, à côté de ce dernier.
- J'ai peur qu'il m'abandonne. Je pensais que si c'était moi qui le repoussais, ça ferait moins mal. Que si je ne lui laissais pas la possibilité de m'atteindre, alors j'irai bien.
- Mais ce n'est pas le cas... chuchota mon amie, que je sentais sourire.
- Non, pas du tout. J'ai tellement mal. Il me manque, je crois ?
- Tu crois ? gloussa-t-elle.
- Peut-être, je ne sais pas... Est-ce que tu crois que c'est mal d'avoir envie de lui manquer ?
- Non. Et tu sais, quand il m'a demandé de tes nouvelles, ça avait l'air d'être réciproque.
- Il était comment ?
- Il a l'air... différent.
- Différent ? l'interrogeai-je, confuse.
- Ouais, plus calme, posé. Très sérieux. Il était sobre, en plus ! ricana-t-elle.
Je me redressais précipitamment.
- Rose ?
- Oui ?
- Est-ce que tu seras là pour me ramasser s'il me brise en mille morceaux ?
- Toujours, ma belle. Toujours.
Elle me prit dans ses bras alors que je continuais à vider ma peine sur l'oreiller. J'avais besoin de libérer ce que je retenais depuis des mois. Je m'étais interdit de prononcer son nom, de parler de mes sentiments, ou même de montrer quoi que ce soit d'autre. Enfermée dans les cours, les révisions et cherchant un job pour partir de chez Rose. Surtout, ne plus voir mon père et vivre ma vie.
A chaque fois que j'avais osé penser renouer avec lui, une petite voix chuchotait : « et s'il replongeait ? Et si finalement on finissait ensemble, devenant comme mon père un beau jour ? ». Rose l'a dit. Il était sobre. Et il n'y avait qu'une seule façon de vérifier ses dires.
J'avais espéré secrètement, chaque jour, le revoir sur le campus ou dans le parc. Laissant trainer mon regard plus de temps qu'il ne le fallait sur le parc, sur la place principale ou dans les environs. Cette fameuse coïncidence était arrivée à Rose. Qu'on puisse se revoir. Parler. Parce que je lui avais dit qu'il n'était peut-être pas ce qu'il me fallait, sauf qu'à présent, mon cœur me disait que c'était faux. Il était celui que je voulais, en tout cas. Ne m'étant jamais sentie autant exister qu'à ses côtés. Poussant le monde à tourner, mon monde.
Alors, dans mes rêves les plus fous, tout basculait et je l'imaginais être la seule chose pouvant me sauver de ma mélancolie, de ma tristesse. N'oubliant jamais que sans lui, je n'aurais pas ma mère au téléphone presque une fois par semaine.
- Un jour, tu retrouveras la paix, Iris. Et que ce soit avec ou sans lui, ça n'a pas grande importance. Le principal, c'est que tu te rendes compte que c'est ce que tu mérites. Et je serai là pour t'encourager, conclut Rose, avant que je ne sombre dans un sommeil profond.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top