XIV - En quête de vérité.
Comment était-on censé s'habiller pour se réconcilier avec un parent auquel on avait tourné le dos de nombreuses années auparavant ?
Pendant que je cherchais des vêtements à me mettre sur le dos, Rose me fixait, allongée sur son lit.
- Tu comptes me dire un jour ce que tu fais ou je dois te torturer pour avoir des informations ?
- La torture n'aura pas d'effet, souriais-je en tournant légèrement la tête vers elle, tout en continuant mes fouilles.
- Tu vas le revoir... articula-t-elle, n'épargnant aucune syllabe du poids de ses sous-entendus. Tu vas le revoir !
- Oui, concédais-je en espérant nourrir suffisamment sa curiosité pour qu'elle ne creuse pas plus le sujet.
- J'en étais sûre ! s'écria-t-elle en bondissant de son lit. Il te plait, avoue-le !
Rose est mon amie depuis de nombreuses années, elle est comme une sœur pour moi, mais je dois bien avouer qu'à ce moment-là, j'ai regretté de devoir subir son interrogatoire. J'aurais pu lui confier les vraies raisons de ma rencontre avec Declan. Mais je n'étais tout simplement pas prête. Et j'étais bien trop angoissée pour considérer la situation de façon objective. Alors, tout ce que j'aurais voulu à cet instant, c'est la paix !
- Vous allez où ? demanda-t-elle en sautillant à mes côtés.
- Où voudrais-tu qu'on aille ? murmurais-je dans un sourire taquin.
- Ne me dis pas que... tu vas chez lui ?!
- Et comment !
Nourrir sa curiosité a cependant toujours été ma partie préférée. C'est comme donner le crouton de pain à un enfant capricieux, il pense avoir la meilleure part alors qu'en réalité on s'est assuré de garder le reste de la baguette.
- Et tu n'allais rien me dire ? Tu vas t'envoyer en l'ai...
Sauf que nourrir sa curiosité a toujours été un jeu dangereux...
Plaquant ma main sur sa bouche dans un geste désespéré, je la fis taire par crainte que l'on nous entende.
- Oh ça va, ne joue pas les effarouchées avec moi, enfin ! gloussa-t-elle en commençant à fouiller dans le placard que nous partagions. Je vais te trouver une tenue.
- Non ! On va rien faire, Rose.
- Mais... tu vas chez lui ?
- Oui, mais je n'y reste pas. Je passe le prendre, c'est tout. On va...
A court d'explications, un silence s'installe entre nous. Cherchant désespérément quelque chose à dire, je remets mon attention sur ma tâche première : être prête avant dix heures pour partir.
- On va aller faire un tour en voiture, c'est tout, finis-je par expliquer.
- Hm...
Elle me fixa un instant, les yeux plissés et suspicieux. Si j'avais pu tout lui raconter, les choses auraient été bien plus simples. Mais il faut croire que la vie est tout sauf simple !
- On peut faire beaucoup de choses en voiture, tu sais...
- Rose... soufflais-je en levant les yeux au ciel, avant de me mettre à rire.
Après avoir terminé de m'habiller, je retournais dans la chambre, trouvant une Rose aux traits tendus. Elle me suivait du regard dans la pièce, ne perdant pas une miette de chaque mouvements.
- Laisse-moi t'aider au moins, souffla Rose en se dirigeant vers sa coiffeuse pour prendre le maquillage qui était dessus.
- Merci... dis-je timidement en m'essayant sur le bord du lit.
- Promets-moi de faire attention au moins.
- C'est promis, confiais-je dans un sourire sincère. Je serai là ce soir. Tard, mais je serai là.
- Appelle-moi au moindre problème surtout !
- Il n'y aura pas de problème, soupirais-je en levant les yeux au ciel.
- Appelle-moi quand même ! insista mon amie en tenant mon visage pour pouvoir continuer son œuvre, à base de paillettes et de fards multicolores.
- Oui chef, concédais-je dans un gloussement.
L'heure du départ arrivée, je pris la voiture et me rendis à l'adresse que Declan m'avait envoyé après notre bref échange quelques jours avant. J'aurais pu tenter de confier l'itinéraire pour me rendre jusqu'à chez lui à mes aptitudes de mémorisation visuelles. Mais étant bien trop gagnée par le stress ce jour-là, et bien trop occupée à le dévisagé lorsque je l'ai déposé chez lui la dernière fois qu'on s'est vus, j'ai préféré la jouer sécurité maximale.
Une fois devant chez lui, je lui ai envoyé un message pour le prévenir de ma présence, auquel il répondit, je cite « on est en retard ? Parce que moi oui. Je fais vite. ». On n'était pas en retard, mais le temps semblait être complètement distordu. Les secondes étaient à la fois des heures et des instants bien plus brefs que l'unité de mesure du temps la plus petite qu'il existe. Tout me semblait sur pause et en même temps en avance rapide. L'ambiance était différente, bizarre, étouffante. Et mes mains n'ont jamais autant sué que ce jour-là.
De la voiture, je pouvais le voir s'agiter à travers l'une des fenêtres de son appartement. Passant tantôt de droite à gauche, puis faisant à nouveau un aller-retour de gauche à droite. Je pouvais le voir pianoter sur son téléphone juste avant d'entendre le mien sonner dans l'habitacle.
Lorsqu'il sortit enfin, je cru voir passer dans son regard un sentiment familier. Comme de l'inquiétude. Je me surpris à rester bloquée sur son visage. Il était beau, c'était indéniable. Quelque chose me repoussait au début, mais après le moment que nous avons partagé et la façon dont il s'est ouvert à moi, j'avais le sentiment que je devrais peut-être songer à reconsidérer mes certitudes, les voyant s'effriter peu à peu.
Il entra dans la voiture, un léger sourire aux lèvres lorsqu'il prit conscience de mon regard accroché à lui.
- Je dois bien avouer que je n'ai jamais eu un Uber aussi joli ! plaisanta-t-il en détaillant mon visage d'un regard que je sentais bienveillant.
- Rose... lançais-je pour seule explication en démarrant le moteur.
- Elle sait ce qu'elle fait on dirait, tu es magnifique.
Nos regards se croisèrent. Quoi lui dire ? Il m'avait prise de court. Bafouillant alors seulement un « merci » gêné, auquel il répondit par un sourire tout en se mettant à son aise dans le siège, visiblement amusé de mon embarras.
Le début du trajet se fit dans le silence. Seule le poste radio présent sur le tableau de bord comblait ce dernier. Ma concentration n'était pas au rendez-vous et mon regard ne faisait que se poser sur Declan, qui lui, semblait dormir comme un loir.
Aux alentours de treize heures, nous nous sommes arrêtés pour manger un bout, convenant d'un commun accord qu'il était grand temps de se restaurer. Faisant escale dans une petite ville, une sorte de brasserie nous tendit les bras et sans se faire prier, on la désigna comme notre porte d'entrée vers un repas bien mérité.
Alors que je commençais à avancer vers la porte d'entrée, Declan m'indiqua qu'il me rejoindrait dans une minute. Appuyé contre ma voiture, il fumait sa cigarette en regardant le ciel. Il semblait nerveux, tirant sur sa cigarette rapidement, fermant les yeux un instant en expirant la fumée opaque, avant de les rouvrir. Puis, comme attiré par mon regard, il ancra ses pupilles dans les miennes, un large sourire aux lèvres. Assise sur une banquette mal rembourrée du côté de la fenêtre, je baissais la tête sur le menu, de plus en plus troublée par mon passager.
En arrivant à la table, il jeta son paquet nonchalamment sur cette dernière et retira sa veste après s'être installé en face de moi.
- Tu as choisi ? lança-t-il en désignant du menton le seul menu présent à notre table.
- Oh... oui, vas-y, dis-je en lui passant la petite fiche plastifiée.
- Merci, souffla-t-il en l'attrapant, créant un contact avec nos doigts.
Encore une fois, son regard effleura mon visage. Je pouvais sentir son parfum chatouiller mes narines à la distance où il se trouvait. Je n'avais pas remarqué à quel point il était léger et envoûtant. Tournant rapidement la tête vers le reste de la salle, je le vis du coin de l'œil afficher son fameux rictus amusé. Peut-être a-t-il remarqué que sa présence ne me faisait plus le même effet, et c'est cette satisfaction que semblait afficher son sourire, qui me donnait envie de lui en coller une.
Je n'avais plus l'impression d'avoir affaire à ce gars pesant et qui ne souhaitait que se satisfaire le temps d'une nuit.
Pour autant, ce n'était pas suffisant. Il n'avait pas changé en l'espace d'un instant si bref. Les bruits, visiblement féminins, en fond lors de mon appel me l'avaient bien rappelé. Il était toujours ce mec qui parle fort, qui braille sur le monde et qui ne me considère pas plus différente qu'une autre. Et je n'avais certainement pas envie d'être celle qu'une autre entendrait maladroitement lors d'un appel hasardeux.
Cependant, je ne pouvais pas nier le fait qu'il me paraissait amical, presque bienveillant à certains moments. Ce qui ne m'avait pas effleuré l'esprit une fois à notre rencontre.
Et contre toutes attentes, à cette table, dans ce restaurant, et en le regardant lire si consciencieusement cette carte plus que banale, il me semblait être la meilleure compagnie que je puisse avoir pour exécuter cette idée folle.
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