VIII - Les tumultes d'une âme endolorie.

Je ne parvenais pas à dormir. En réalité, après que l'on se soit quitté brutalement, j'étais partie faire un tour. J'avais besoin de temps, de réfléchir et surtout de me dire que j'avais raison. Qu'il était comme tous les autres, juste bon à réclamer mon corps et non ma personne. Il m'était pourtant difficile de ne pas regretter la façon dont mes paroles ont eu l'air de le toucher bien plus que je ne l'aurais imaginé. Son visage trahissant la douleur qui le gagnait à chaque coup que je lui avais infligé. Pourtant, je les avais tous pensé. Et c'était peut-être ce constat qui me laissait un goût acre dans la bouche.

Mes paupières étaient lourdes, cachant sans doute encore des cauchemars que je n'étais pas encline à vivre. Pourtant le sommeil ne venait pas. Les heures passaient progressivement et je voyais le matin s'approcher de plus en plus sans parvenir à m'abandonner au sort de Morphée.

Tournant, me retournant dans mon lit, sans arrêt. Droite, gauche, sur le ventre, le dos, le côté... c'était insoutenable. Je ne comprenais pas pourquoi mon esprit s'épuisait tant à refuser la paix qu'offrait le sommeil. Pourquoi étais-je aussi capricieuse ce soir-là ?

Plusieurs nuits d'insomnie ont suivi ce rendez-vous – si on pouvait vraiment l'appeler ainsi – jusqu'à me faire douter de ma santé mentale. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même, sans comprendre pourquoi tout ceci avait eu autant d'impact sur moi.

Le lundi matin, mon cours débutait à huit heures et quand mon téléphone sonna pour m'annoncer que le moment de me lever était venu, je n'avais eu qu'une seule réflexion « et merde ». Sept heures de sommeil dans le corps après trois nuits n'étaient pas suffisantes pour me permettre d'affronter la vie.

J'avais eu le temps de passer par plusieurs phrases : la première étant la confiance immense que mes mots étaient justes. La seconde fut la culpabilité. La troisième, qui débuta la nuit du dimanche et qui me garda éveillée avec une atroce angoisse, me poussant à me demander si je ne m'étais pas trompée. Certes, c'était un abruti fini. Mais... et s'il était différent de mon père ? Et si je ne confondais pas les situations ? Malgré tout une petite voix se faisait plus insistante, me susurrant « ils sont tous pareils, Iris, tu le sais. »

- Tu es étrange depuis ta petite soirée avec l'inconnu du parc, souffla Rose un léger sourire aux lèvres pendant que nous prenions notre petit déjeuner dans un silence qui durait depuis ce fameux soir.
- Ah... soufflais-je, effacée par la fatigue.
- Tu n'as rien dit depuis des jours... tu veux en parler ?
- Il n'y a rien à dire. Il est comme tous les autres : à éviter.
- Iris, est-ce que tu crois qu'un jour tu accepteras le fait que ton père ne définit pas tous les hommes sur cette planète ? questionna-t-elle assez préoccupée.
- Rien à voir, vraiment rien à voir.
- Vraiment ? s'exclama mon amie en soulevant un sourcil.
- Oui !
- Tu te mens à toi-même. Je sais que c'est un sujet compliqué mais... on se connait depuis un moment maintenant. Et tu ne cesses de tout rattaché à ce qu'il se passe avec lui. En soirée tu compares les gens bourrés à son alcoolisme. Tu parles de tromperie automatiquement quand des couples battent de l'aile. Tu te refuses toute relation sentimentale avec comme argument le fait que les hommes sont forcément comme ton père et les couples comme tes parents. Est-ce que tu lui as laissé une chance d'apprendre à te connaitre au moins ?

Je ne pouvais pas m'empêcher de lui en vouloir à cet instant. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien en savoir après tout ? Elle n'avait pas vécu ce que j'avais subi pendant des années. Elle se trompait.

- Ne parle pas de ce que tu ne sais pas, Rose.
- Et si c'était toi, finalement, qui parle de quelqu'un que tu ne connais pas ?
- Pas besoin d'en savoir plus, j'ai déjà bien compris qui il est, crois-moi, invectivais-je, furieuse qu'elle essaie de plaider en sa faveur.

Elle me regarda longuement. Je pouvais presque l'entendre penser « laisse toi faire, Iris ». C'était hors de question. À quoi ça me servirait ? Et quand bien même, j'en étais tout simplement incapable. J'étais fatiguée de devoir me méfier de tout et tout le monde. La vérité c'est que j'étais pétrifiée. Et rien n'arrivait à apaiser cette peur viscérale. La seule chose que je pouvais apercevoir de l'amour c'était une fin tragique et inévitable. Je n'avais pas assez de force pour ça.

Quelques heures plus tard, alors qu'on était assises dans l'amphithéâtre, mon esprit recommença à divaguer. Les mots de mon amie ne cessant de rebondir dans mon crâne, se mêlant à ce sentiment de culpabilité qui ne me lâchait plus depuis mon départ du restaurant. Ses yeux me hantaient. Sa voix rauque qui faisait résonner mon prénom dans l'air comme un cri de douleur. Ses doigts autour de mon poignet me donnant l'impression d'être marquée à vie par cette détresse qui semblait l'habiter à ce moment-là.

Comment peut-on guérir de blessures qui refusent de cicatriser ? Peut-on d'ailleurs réellement soulager une douleur qui n'est pas physique ? Vais-je un jour réussir à sortir de l'œil du cyclone ? Tout ça me semblait hors de ma portée et j'avais beau retourner ces questions en boucle, en ajouter d'autres et chercher des réponses... rien ne venait. J'étais coincée dans cet enfer à tout jamais. J'en avais l'intime certitude. Ne pouvant abréger ma souffrance que d'une seule façon : me laisser tomber dans un vide différent de celui qui emplissait mon âme.

La mort n'était-elle pas finalement plus douce qu'une vie remplie d'autant de souffrance ?

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