III - Quand les maux se rencontrent.
Ma vie se résumait aux soirées et aux filles qui défilaient chaque soir dans mon lit. Le cliché typique du gars perdu qui ne sème que le chaos dans de sa vie pour justifier son malheur.
Ce soir-là, j'étais en train de chanter et danser sous l'effet de l'alcool, depuis déjà des heures, quand je l'ai vue. On ne pouvait pas la manquer, c'était sans doute la seule personne dans cette soirée qui était sobre, clean et apeurée. Assise sur une chaise, les bras serrés contre son corps, balayant la salle du regard avec crainte. Je ne savais rien d'elle, ni son nom, ni même ce qu'elle faisait là. Pourtant, à l'instant où mes yeux ont quitté la vie qui m'entourait, je ne voyais plus qu'elle. Dans sa robe bleue corbeau et des collants d'un noir plus sombre que la nuit à l'extérieur, parsemés de roses en dentelles.
Je me souviens m'être approché d'elle avec la ferme intention de rompre cette sensation étrange qu'elle me faisait ressentir.
- Si tu ne veux pas t'amuser, barre-toi, au lieu de rester là à pourrir l'ambiance ! m'exclamais-je, fier de ma tirade, beuglée approximativement à cause des effets de tous les vices que j'avais déjà consommés.
Une larme coula le long de sa joue jusqu'à la commissure de ses lèvres. Sur l'instant, je m'en foutais. A dire vrai, je n'étais plus moi-même et à cette époque rien ne m'importait réellement. Je crois que je me souviendrai toujours du regard vide, et pourtant rempli d'une peine indescriptible, qu'elle m'avait accordé. C'était frappant, crispant, de quoi vous faire décuver en deux minutes.
Livide, le néant à perte de vue, à perdre la vie.
- Je m'en vais de toute façon, ne t'en fais pas, avait-elle dit si doucement que j'avais dû me concentrer pour capter ses mots.
En deux secondes la chaise était libre et heureusement, parce qu'un étourdissement venait de me faire tanguer. Je revois encore son visage. Si blême, déserté par la vie, tout autant que mon âme.
Sur les coups de cinq heures du matin, lorsque toutes les personnes présentes avaient finis soit la tête dans les toilettes, soit affalées aux quatre coins de la maison dans laquelle la fête se passait, je n'avais eu d'autre choix que de prendre le chemin du retour. Je titubais dans la rue, continuant à brayer des morceaux de chansons entendues durant la soirée.
Quelque chose de sale, d'inaudible, qui fissure les tympans et brise les rires. J'étais plutôt content je crois, parce qu'une fille semblait perdue au loin et j'avais en tête l'idée de lui faire rencontrer le chemin de mon lit. De mes draps qui puaient encore le parfum de toutes ces inconnues qui se sont éprises et prises le cœur dans mes filets maudits. C'était pathétique, je le savais, mais à l'époque c'était peut-être la seule chose qui faisait repartir la vie à l'intérieur de moi.
J'arrivais, fier comme un paon, sur la ligne de départ pour ajouter une fille à ma liste déjà bien longue de mes conquêtes d'une nuit.
Guidé par cette silhouette sombre à quelques pas de moi, je m'apprêtais à la saluer quand elle s'est retournée, me prenant de court et posant sur moi un regard encore plus glacial que la fraicheur matinale qui m'enveloppait. Ces yeux, je ne les avais que partiellement oubliés, pensant ne jamais plus les revoir. En un éclair j'avais perdu le peu de moyen que je possédais. En réalité, je n'avais pas grande confiance en moi, j'essayais juste de me donner une contenance devant les autres, avec toutes mes foutues attitudes et répliques à deux balles !
- Encore toi ? T'es moins saoul maintenant ou toujours pas ? pesta-t-elle en me voyant.
- T'es pas très aimable, mam'selle, riais-je difficilement, déstabilisé.
- Je te retourne le compliment. Alors, c'est ça ta vie ? s'exclama-t-elle en me désignant d'un geste de la main. Te mettre dans un état pareil et roder toute la nuit ?
Le souffle coupé, je n'avais rien su faire d'autre que pouffer de rage. Son attitude désinvolte et aussi méprisante m'avait retiré toute envie de jouer le rôle du mec charmant et enjôleur. Sans vraiment comprendre pourquoi, elle me donnait juste envie de la remettre à sa place.
- Tu te prends pour qui ? Je ne t'ai rien demandé, moi, pestais-je, agacé. Tu ne pourrais pas comprendre de toute façon, Miss parfaite.
- J'ai pas envie de comprendre les gens comme toi.
Son ton tranchant ne rendait pas ma tâche facile. D'habitude tout se passait pour le mieux. Il me suffisait de ronronner quelques mots doux, de jeter deux trois regards enjôleurs en tentant de toucher le point sensible pour ensuite leurs donner l'impression que grâce à elles, j'allais guérir. Que le démon de la nuit se changerait en ange une fois le soleil au plus haut dans le ciel. Sauf que là... c'était une tout autre scène qui se déroulait. C'est comme si elle voulait me régler mon compte sans que je sache pourquoi. M'acculer pour mieux me poignarder en plein cœur avec ses paroles acerbes. Le problème, c'est que j'avais été bien formé à ce genre de choses, beaucoup trop bien pour me laisser piéger à nouveau.
- Je suis malheureux et je demande qu'à être aimé, lançais-je en m'avançant de quelques pas vers elle.
J'avais dit ça dans un seul but : me la faire. C'est dégueulasse, je sais. Je n'étais vraiment pas le genre de personne fréquentable. Pas ce que beaucoup définissent comme le « Bad boy » charmant qui finit par plaire aux parents. Non, moi j'étais de la pire espèce. Elevé dans la haine, nourri à l'amertume et drogué à la douleur. Il n'y avait plus rien à sauver. Enfin, c'est ce que je pensais en tout cas.
J'ai fini par lui faire du mal, je le sais.
Est-ce que je la méritais ? Non. Personne ne la méritait à vrai dire. Et dès les premiers mots, elle me l'avait bien fait remarquer.
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