Armistice
Javert et Valjean se tenaient devant le chef de la Sûreté.
Vidocq était un homme impressionnant, il montrait son importance par sa posture. Il intimidait rien que par un regard.
Un grand homme vêtu de costumes de prix. Un homme puissant et qui le savait. Le chef de la Sûreté n'avait aucun remord en voyant l'état de son agent.
Si l'affaire avait raté, la faute allait en retomber sur le coupable.
Même si, secrètement, l'ancien forçat se réjouissait de voir l'ancien garde-chiourme en mauvaise posture.
Un moment délectable qui rattrapait les instants passés sous les chaînes à baisser les yeux devant l'adjudant-garde Javert.
Vidocq était un peu rancunier. C'était le moindre de ses défauts.
Donc le Mec examinait les deux hommes devant lui. En silence.
La joue de Javert était gonflée et vilaine. Le sang avait séché et les favoris étaient sales et emmêlés.
Vidocq ne disait rien. Il regardait, sans sourire, les deux hommes debout devant lui. Une minute, deux minutes..., cinq minutes...
" Donc tu as foiré toute l'affaire c'est cela ?, lâcha sèchement le chef de la Sûreté en direction de l'inspecteur Javert.
- Oui, admit simplement le policier.
- Merde !, " conclut laconiquement le Mec.
Puis le regard, clair et perçant, de Vidocq se posa sur Jean Valjean et ses yeux se rétrécirent. Le Mec devait chercher dans sa prodigieuse mémoire de qui il était question. Et, comme de bien entendu, avec un sourire amical que dénotait l'éclat froid de ses yeux, Vidocq s'écria :
" Tiens ?! Le Cric ? Je t'envoie capturer des escarpes et tu me ramènes un fagot, Javert. La prochaine fois, je t'enverrais aux merles, tu me ramèneras des grives.
- Je n'ai pas capturé un fagot, rétorqua froidement Javert. C'est un témoin.
- Un témoin ? Un fagot ? Ce surin a dû te frapper la tête !
- Non."
Javert serrait les dents, serrait les poings, essayant de ne pas montrer la rage qui montait en lui.
Un témoin, un témoin, un témoin... Un allié ? Un complice ?
" T'en dis quoi Le-Cric ? Tu es un mouton [un indicateur] ?
*****************
Vidocq ! Les années avaient bien traité ce charlatan capable de faire du chirurgien en chef du bagne le complice involontaire d'une évasion. Le Vidocq que Valjean avait devant lui n'avait guère de ressemblance avec le jeune gaillard qui s'était endetté auprès de l'aristocratie du bagne en vue de se procurer des bottes et une perruque pour se déguiser. Et qui oublia de leur payer avant de prendre la poudre d'escampette. L'on prononça une sentence contre lui, l'une de celles où il n'y a pas d'avocats ou de juges impliqués.
Vidocq savait bien se battre et il était un dur à cuire, mais cela se serait mal terminé pour lui s'il n'avait pas reçu l'aide d'un couple de forçats lorsque des hommes de main allaient exécuter le verdict.
Valjean avait été l'un de ses sauveteurs, bien qu'à contrecœur : c'était Maillard, l'homme à qui il était accouplé, qui était venu à sa rescousse. Ce ne fut pas surprenant chez un novice trop bête pour survivre à sa deuxième année de grande fatigue.
Mais maintenant Valjean était plus vieux et aussi plus sage. Il en savait assez sur la nature humaine pour comprendre que de rappeler Vidocq, un homme puissant, qu'il lui était redevable ne le prédisposerait pas en sa faveur. Après tout, Valjean avait été le témoin privilégié de la dégradation d'un homme fier. Un homme qui ne s'était jamais fait remarquer par sa loyauté ou sa camaraderie.
Mais Vidocq n'était pas le seul à pouvoir se déguiser : Valjean lui dédia un sourire illisible. M. Madeleine contemplait impassiblement le redoutable chef de la Sûreté.
A ses côtés, Javert reconnaissait ce sourire, ces manières et passa une main dans ses cheveux pour lisser les poils hérissés de sa nuque.
" J'ai en effet été témoin d'une action criminelle ce matin."
Le regard estomaqué de Vidocq n'avait pas de prix. Javert ne put s'empêcher de sourire. M. Madeleine....
" Tu as été témoin d'une action criminelle !, répéta le chef de la Sûreté, moqueur. Tu as appris à parler depuis le bagne Le-Cric ! Je me souviens plutôt d'une bête moi... Passeport jaune. Alors tu me racontes ? "
Valjean resta silencieux un instant. Le magistrat qu'il fut jadis, se demandait quels pourraient être les desseins du chef de la Sûreté. Peu importait ce qu'il avait vu, Valjean était frappé de mort civile depuis sa première condamnation et son témoignage n'était pas recevable devant la cour. Javert et Vidocq le savaient. Que cherchaient-ils alors ? Des détails qui leur permettraient d'identifier les assassins ? Valjean se perdait en conjectures. Mais une chose était claire pour lui : il avait l'obligation morale d'empêcher qu'un massacre comme celui dont il avait été témoin ne se reproduise.
Et la certitude que la bande organisée qui avait été surprise en flagrant délit agirait à nouveau le poussa à parler.
"Tu me racontes oui ou merde ?," répéta Vidocq, ses yeux gris menaçant tempête.
Et Valjean raconta.
En termes très précis, avec un vocabulaire recherché. Javert apprécia de voir le chef de la Sûreté se troubler devant ce forçat devenu bourgeois.
Mais le Mec était aussi un forçat devenu bourgeois, il était même devenu le chef de la police et il n'allait pas se laisser traiter avec autant de désinvolture dans son propre bureau. Vidocq se leva et darda son regard, glacé, sur les deux hommes devant lui.
" Vous m'avez l'air de former une belle paire vous deux ! Vous avez raté cette mission avec brio. A vous de la rattraper."
Javert fut le premier à se rebeller, il osa avancer d'un pas vers le bureau du Mec, oubliant le respect du subalterne face à son supérieur, oubliant que cet ancien forçat était devenu son supérieur, un forçat chef de la Sûreté. Javert était en colère !
" QUOI ? Tu te fous de moi ?, s'écria Javert, en tutoyant Vidocq, plein de mépris et de haine. Valjean a témoigné, laisse-le filer ! Tu as le nom du type et sa description. Il s'agit du Poron, présent au bagne de Toulon en 1823 ! Tu ne peux pas... PUTAIN ! Tu ne peux pas me forcer à travailler avec...lui... VIDOCQ !
- Et pourquoi le cogne ?, demanda la voix doucereuse du Mec, préférant ne pas relever l'irrespect flagrant de son employé.
- Un forçat... un forçat... Il... "
Javert baissa la tête, s'étouffant dans sa rage. Pouvait-il avouer que Valjean lui avait sauvé la vie ? Pouvait-il avouer qu'il avait retiré sciemment les menottes à l'ancien forçat malgré les risques encourus ?
Javert ne dit rien et serra les dents. Vidocq se mit à rire, sans joie.
" Tu es à ma botte le cogne. N'oublie pas cela ! Tu es à mon service durant toute cette affaire. Règle-la et tu retournes dans ton minable commissariat de Pontoise. Je connais en effet le Poron, je me souviens bien de sa gueule. Je vais filer sa description à mes agents. Mais il me faut des hommes sur le terrain ! En l'occurence toi et ton fagot !
- Je vais te foutre ma démission !, claqua Javert.
- Je suis sûr que Chabouillet sera heureux de l'apprendre ! Lui qui chante tes louanges partout ! Il essaye de t'obtenir un poste de commissaire vieux cogne !
- Je m'en fous !
- Et ton collègue ? Rivette c'est cela ? Tu t'en fous aussi ? Il était où celui-là cette nuit ? Vous deviez patrouiller à deux, tu m'expliques ?
- Il... Je l'ai laissé rentrer chez lui. Sa femme est enceinte. Je...
- Tu as bon coeur le cogne ! Vois où cela nous mène ! Deux morts, une femme bonne à coller à l'asile de Charenton et des escarpes en fuite. Je vous applaudis monsieur l'inspecteur de première classe !"
Et joignant le geste à la parole, Vidocq applaudit, un son lugubre qui fit grincer des dents à Javert.
" Retrouve-moi ces gonzes et je redore ton blason ! Je te libère de la Sûreté et Chabouillet t'obtiens un poste de commissaire. Sinon, je vais tout faire pour obtenir un blâme contre vous deux ! Toi et ton collègue. Rivette. C'est un jeune marié, non ? Les mois vont être difficiles... "
Le sourire était si mauvais.
Javert était vaincu, le chien de police baissa la tête, muselé.
" Et Valjean ?, " murmura le policier, brisé.
Les yeux de Vidocq se posèrent dédaigneusement sur Valjean et le Mec sourit, vicieusement.
" Il faut vraiment discuter avec Le-Cric ? Je pense que le fagot sait où est son bien. Coopérer avec la Sûreté et obtenir un pardon. Refuser de collaborer et retourner au pré. Pas plus difficile que cela. Hein Le-Cric ? Tu préfères quoi ? La Force ou le Bagno ? "
Oui, M. Madeleine était un homme retors, pondéré mais implacable. On ne gouverne pas une ville sans un minimum de rhétorique, on ne gère pas une usine sans avoir de la cervelle. Mais là...
Valjean ne savait pas comment contrer Vidocq.
Retourner au bagne ?
Collaborer avec la police ?
Puis, il songea au couvent et à sa fille et il acquiesça.
" J'ai des exigences."
Cela fit rire Vidocq, vraiment.
" Allons donc ? Des exigences ? Qu'est-ce que tu veux le fagot ? Un lit à l'abri ? Un repas chaud ?
- Vous avez besoin de mon témoignage, n'est-ce-pas ? Je suis prêt à collaborer avec la police.
- Tu vois quand tu veux Le-Cric !, ajouta Vidocq, goguenard. Ton témoignage, comme tu le dis si bien, n'aura aucune valeur face à la justice, mais j'ai besoin de plus de détails sur les autres chauffeurs. Tu viens du pré, tu vas reconnaître d'autres Sorbonnes. Et je me ferais un plaisir de les marier à la Veuve !
- J'ai des exigences, répéta paisiblement Valjean. J'ai un travail à accomplir. Des gens comptent sur moi et je refuse de les abandonner.
- Quoi ? Tu plaisantes ? Je m'en fous de ces gens ! Je t'ai à mon service toi aussi.
- Tiens, il me semble que je ne sois pas capable de travailler avec la Rousse. Je ne me souviens plus du bagne. Je refuse d'être un mouton.
- Arrête le fagot ! Je n'aurai aucun scrupule à t'envoyer à la Force !"
Pour toute réponse, Valjean haussa les épaules et s'assit sans ajouter rien de plus, dans un suprême défi face au chef de la Sûreté.
Majestueux !
Vidocq se redressa sur son fauteuil et s'énerva.
" Ne te fous pas de moi Le-Cric ! Javert ! Les poucettes ! Ou tu les as oubliées elles aussi ? "
Menotter Valjean avait été longtemps un des rêves de l'inspecteur Javert. Bizarrement, le faire enfin ne provoqua pas l'euphorie tant attendue. Javert sortit les poucettes et le cabriolet et s'approcha de Valjean. Placidement, le forçat tendit ses poignets.
Un regard entre les deux hommes. Un jeu à tenter ? Vraiment ?
Mais Valjean se rendait-il vraiment compte qu'il jouait avec le feu et risquait gros ? Javert eut envie de lui dire de se calmer et de se soumettre...du moins pour le moment...
Mais Javert ne dit rien. Il menotta Valjean. Saisissant les mains, remontant les manches, dévoilant les cicatrices blanchies d'anciennes blessures, Le-Cric avait souvent été enchaîné.
Sans s'en rendre compte, le policier fit cela doucement, avec le plus de soin possible, cherchant à capter le regard de Valjean pour y déceler la montée de la panique. De la douleur. Ne pas serrer trop fort, ne pas abîmer la peau.
Et à la surprise générale, ce fut Vidocq qui céda :
" Arrête Javert ! Tu as gagné Valjean. Tu gères ta vie. Mais je veux te voir tous les soirs au rapport avec Javert. Réglez-moi cette affaire et je vous libère !
- Libère ?, demanda doucement Valjean, soulagé de sentir le métal s'éloigner de sa peau déjà couverte de cicatrices.
- Un pardon pour toi et un retour dans l'active pour Javert.
- Ce serait un plaisir !, répondit sèchement le policier.
- Je m'en doute le cogne. Disparaissez les gonzes ! J'ai assez vu vos gueules ! Je vous veux tous les deux demain soir au rapport."
*****************
Javert se mit en marche, mais Valjean resta immobile. Inébranlable malgré la douceur de ses manières. Il croisa les bras sur sa poitrine.
"Je ne veux pas de pardon, monsieur. Je veux l'oubli."
Madeleine jouait dur.
Vidocq se leva, rouge de colère.
" Javert, sors-moi cet animal d'ici. "
L'inspecteur saisit le bras de Valjean et le tira avec toute la force qu'il put rassembler dans ses doigts meurtris. En vain.
" Nous savons tous à quel point il peut être lent et fastidieux d'obtenir un pardon, poursuivit l'ancien bagnard. Je serais forcé de me livrer et d'attendre en prison jusqu'au procès. Le juge pourrait rejeter la demande..."
Vidocq rétrécit les yeux. S'il n'y avait pas eu cette froideur en eux, on aurait presque pu dire qu'il trouvait la situation quelque peu amusante. Il y avait dans les mots de Valjean une référence implicite à sa propre situation. Et Valjean semblait le savoir. Cependant, il aurait suffi que la tête de la Sûreté ouvre la bouche pour réduire ce dément en poussière. Mais Vidocq voulait savoir jusqu'où irait l'audace de l'ancien maire. D'un geste brusque de la main, il lui fit savoir qu'il l'autorisait à continuer.
" Monsieur, pour être franc, une grâce royale à l'occasion d'un couronnement, peut-être la naissance du Dauphin, serait beaucoup plus bénéfique pour moi. Bien qu'un "oubli" officiel pour services rendus à la police portant la signature du préfet serait également satisfaisant.
- Inspecteur Javert, si vous vouliez enfin vous charger de votre "témoin", je vous en serais pleinement reconnaissant, fit la voix glacée du chef de la Sûreté. J'ai une envie folle de le coller en cellule pour la nuit, ce qui serait dommageable pour notre affaire. Dehors ! "
L'inspecteur Javert se pencha vers Valjean et lui murmura dans le creux de l'oreille :
" Ne pousse pas ta chance Valjean ! Vidocq est rancunier. Il risque de ne pas te pardonner de te rebeller."
Valjean regarda Javert, la colère brillait dans ses yeux. La colère de Jean-le-Cric. Javert eut un sourire désolé.
" Toulon est loin ! Je ne suis qu'un cogne à la botte du chef de la Sûreté. Je ne peux rien pour toi."
Cela surprit Valjean, qui ne dit rien. Trêve ? Complicité ?
Le maire de Montreuil préféra se taire et accepta d'obéir à la main de Javert, glissée sous son bras. Sortir du bureau du chef de la Sûreté.
On se recula vers la porte du bureau du Mec lorsque ce dernier lança sa flèche du Parthe :
" Valjean, si tu disparais dans Paris, je lâcherais après toi Javert et tous les officiers de police. Foi de Vidocq ! "
On ne répondit pas.
Il fallait laisser le dernier mot à Vidocq, il s'agissait de son bureau et de son territoire.
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La rue était pleine de passants. La rue Petite-Sainte-Anne resplendissait sous le soleil hivernal. C'était l'aurore.
Une nuit passée en Enfer venait de se terminer, un nouveau jour se profilait à l'horizon.
Javert avait retrouvé Valjean.
Valjean avait retrouvé Javert.
Et les deux hommes maudissaient autant le mauvais sort de ces retrouvailles. Javert reprit le fiacre, oubliant les dépenses que cela allait occasionner. Vicieusement, il se promit de se faire rembourser par la Sûreté.
" Tu as un travail à gérer as-tu dit ?, commença Javert.
- Oui, répondit laconiquement Valjean.
- On peut savoir où ? "
Les yeux perçants du policier fouillèrent avec soin le visage de Valjean lorsqu'il répondit.
Javert ne savait pas si Valjean allait répondre la vérité, mentir avec effronterie, se taire...
Manifestement, l'heure n'était plus aux faux-semblants car Valjean avoua :
" Je travaille au couvent du Petit-Picpus.
- QUOI ? "
Le souvenir de la disparition de Valjean dans Paris était un douloureux échec pour le policier. Il avait tenu dans sa main le forçat, il l'avait suivi dans les méandres de Paris et il l'avait perdu sans comprendre pourquoi.
Honteux comme un renard qu'une poule aurait pris.
" Comment cela a-t-il été possible ?
- J'y ai retrouvé un vieil ami, répondit Valjean.
- Un ami ? Toi ?
- Enfin, un ami de M. Madeleine, " se reprit Valjean, honteux.
Un forçat n'a pas d'amis, un forçat n'a pas de valeur, un forçat ne mérite que le mépris. La leçon du bagne avait bien été apprise par Jean Valjean.
" Tu m'en diras tant ! Et quel ami ?
- Le Père Fauchelevent.
- L'homme de la charrette !," rétorqua aussitôt Javert.
Valjean regardait Javert, souriant malgré lui, il lui semblait voir les rouages de l'esprit logique du policier s'enclencher et finalement, Javert comprit tout seul l'étendue de l'affaire.
" Tu lui avais trouvé une place dans un couvent de Paris.
- C'est cela inspecteur.
- Joli, reconnut simplement Javert. Je n'aurai jamais fait le lien. "
Valjean ne dit rien. Javert donna l'adresse au cocher et les chevaux partirent dans un petit trot rapide.
" Tu avais tout manigancé à l'avance ?, s'enquit le policier.
- Non, inspecteur. Ce ne fut que le hasard qui mena mes pas.
- Et la gamine ? "
Javert aperçut le soudain éclat de colère qui illumina les yeux de Valjean. Il en fut saisi.
" Ne me dis pas que tu l'as encore avec toi ?, fut surpris Javert.
- Elle est au couvent.
- C'est la fille de la pute ?
- Ne l'appelez pas comme cela, je vous prie. Sa mère était une malheureuse."
M. Madeleine ! Javert montra les dents et sourit sans bienveillance.
" Elle est au couvent ?
- Oui, inspecteur.
- Sous quel nom ? "
Valjean hésita à répondre.
Son nom était sa dernière porte de sortie. Il pouvait s'enfuir, changer de ville mais recommencer sous une nouvelle identité était difficile, falsifier des papiers, payer des consciences, créer un passé...
Difficile ! Valjean n'avait plus tous les moyens que M. Madeleine avait à sa disponibilité.
" Sous quel nom ?, répéta durement Javert.
- Euphrasie Fauchelevent, lâcha enfin Valjean.
- Donc tu es ?
- Ultime Fauchelevent. "
Et à la surprise de Valjean, Javert se détendit enfin.
" Enfin une vérité sort de ta bouche. Je commençais à me poser des questions Valjean. Alors, allons à ton couvent.
- Inspecteur..., commença Valjean.
- Au fait, quel est ton métier aujourd'hui ?
- Jardinier, inspecteur."
Javert eut un sourire amusé avant de rétorquer :
" Cela te va bien, Valjean. Faire pousser des légumes et tailler des arbres."
Un rire, inusité, rouillé...mais qui découvrit son comparse lorsque Valjean, étonné, se mit à rire aussi.
" J'aime assez me charger d'un jardin en réalité.
- Je n'en doute pas."
Une trêve ?
Peut-être.
En tout cas, la tension avait diminué et les deux hommes ne semblaient plus à deux doigts de se jeter à la gorge.
*****************
Oui, Javert connaissait le couvent du Petit Picpus. Oui, il en avait reniflé tous les alentours avec soin. Oui, il avait patrouillé dans les rues du quartier pendant des mois. Bien au-delà de ses heures de travail.
Il était tellement furieux contre lui-même. Furieux d'avoir été ainsi joué.
Bien entendu, il s'était posé des questions sur le couvent mais on lui avait refusé l'entrée. Ses chefs ne l'avaient pas appuyé dans ses démarches pour perquisitionner le couvent. Il n'eut le droit qu'à un simple billet du portier indiquant que nul inconnu n'avait pénétré le couvent.
Il dut se contenter de cela.
Un mensonge !!!
Monsieur Ultime Fauchelevent se tenait maintenant à ses côtés.
Et Javert se demandait encore pourquoi il avait hésité à le menotter.
" Tu vas me faire faux-bond, hein Valjean ?, fit soudain la voix lasse de Javert.
- Comment cela ?
- Tu vas t'enfuir dans la nuit et je vais me retrouver les mains vides. Comme d'habitude.
- Vous le croyez ? "
Javert croisa ses doigts et sourit, amusé, épuisé, blasé.
" Évidemment."
On collaborait ?
Il allait falloir plus que quelques coups de poing et une admonestation du chef de la Sûreté pour que l'inspecteur Javert offre sa confiance à Jean Valjean. Le passif était trop lourd entre les deux hommes.
Valjean ne dit rien.
Que pouvait-il dire ?
Il avait suffisamment donné de preuves de sa propension à la fuite pour pouvoir convaincre Javert de sa bonne foi en prétendant simplement le contraire.
*****************
Javert avait froid, il était fatigué, il avait mal. Il ne sentait plus ses orteils et ses doigts étaient une douleur de chaque instant. Quant à sa joue, il allait devoir se couvrir la peau de pommade à l'arnica.
Il ferma les yeux et laissa sa tête tomber en arrière sur la banquette du fiacre, l'épuisement lui faisait abandonner le combat malgré lui. Des jours et des nuits sans dormir réellement, posté dans le froid et la neige. Il en payait le prix.
Valjean le contemplait avec des yeux inquiets.
Cela agaça le policier qui sortit de son évanouissement en entendant la question posée maladroitement par son compagnon :
" Vous allez bien Javert ?
- Occupe-toi de tézigue, Valjean !, grogna Javert.
- Vos mains sont blessées ? Vous avez du mal à les utiliser.
- Merde Valjean ! C'est clair ?
- Si je dois travailler avec un estropié, je tiens à le savoir !, claqua Valjean. Vos mains inspecteur ! "
Instinctivement, le dos du policier se dressa. La voix autoritaire de M. Madeleine avait toujours eu ce don sur lui.
Le chien avait flairé le loup déguisé en mouton, mais le loup avait de l'autorité.
Javert grogna et tendit ses mains. Notant le tremblement avec aigreur. Il s'attendait à la douleur mais le toucher de Valjean fut doux sur ses doigts.
" Il faut retirer vos gants, asséna le forçat.
- Lorsque j'aurai de l'eau chaude, expliqua Javert, je soupçonne les engelures de s'être crevassées.
- Ah ! Cela doit être douloureux. "
Ce soudain intérêt pour sa santé fit sourire Javert. A quel jeu jouait Valjean ?
" Oui. Et ça ira mieux avec un bain d'eau chaude et de nouveaux bandages.
- Avez-vous du liniment au camphre ?, demanda Valjean en laissant s'enfuir les mains fragilisées du policier.
- Non. Je n'ai pas les moyens d'acheter ce genre de produits.
- Nous en avons au couvent. Je pourrais vous en donner un flacon. "
Un nouveau regard.
Corruption ?
Ou volonté de rendre encore et toujours la charité ?
Saint Jean.
" Je n'ai nul besoin de tes soins, Valjean. Je te dépose à ton couvent et je vais retourner chez moi. Nous nous retrouverons plus tard pour faire le point sur notre affaire.
- Bien, inspecteur. Mais si je puis me permettre, vous devriez vous reposer.
- Tu ne peux pas te permettre ! "
La voix avait claqué, durement. Valjean se tut, dompté. Javert en fut soulagé. Il avait mal, c'était vrai et il était déjà assez irrité d'avoir montré autant de faiblesse devant un forçat.
Il ne pouvait pas donner davantage.
Le fiacre s'arrêta.
Valjean descendit le premier, n'oubliant pas sa hotte. Javert nota avec agacement la porte que le forçat laissa ouverte sur lui.
Javert détestait la faiblesse et encore plus la compassion. Ces attentions amicales lui donnèrent envie de cogner monsieur Madeleine brutalement.
Javert descendit à son tour et se retrouva face à la porte de service du couvent du Petit Picpus. Le refuge de Jean Valjean. Il ne laissa pas le fiacre se retirer, il ne souhaitait pas rester en compagnie de Jean Valjean.
La vieille haine contre M. Madeleine le portait en cet instant, rester plus longtemps en la compagnie de ce dernier n'était pas une bonne idée.
Javert se souvint amèrement. Lui avait essayé d'entrer dans le couvent par la grande porte, on l'avait renvoyé à la porte de service.
Comme un simple livreur !
Il se revit debout devant la porte, argumentant avec le portier, le priant d'appeler la Mère Supérieure et de le laisser perquisitionner. Il suffisait de déplacer les nonnes dans la chapelle, il suffisait de laisser les locaux libres pendant quelques minutes. Le policier promit d'être rapide et diligent.
On ne voulut rien savoir.
Dans un mouvement de rage, Javert jeta son chapeau sur le sol. Ses supérieurs lui défendirent d'insister auprès de la communauté religieuse.
On l'admonesta, on le musela, on le força à se soumettre.
Jean Valjean devint un échec cuisant pour le fier inspecteur. Un sujet de plaisanterie. Une raison de rire dans son dos.
Il avait fallu des mois à l'inspecteur pour faire oublier cette défaite à son supérieur.
On ne parla plus jamais de Jean Valjean...du moins devant lui...
La porte du couvent.
Javert eut soudain envie d'entrer avec une escouade de policiers sous ses ordres pour arrêter toute la troupe.
*****************
Javert se secoua pour revenir au présent et à l'affaire en cours.
" J'aimerais vraiment Valjean discuter de cette affaire avec toi, tu sais. Tu n'es pas un imbécile. Tu as vu le visage du chef. Tu le connais bien. Les autres sont des chauffeurs venus du Nord. Tu peux m'être utile.
- Vous aussi vous avez reconnu leur accent ?"
Javert eut un sourire méprisant. Pour qui Valjean le prenait-il ? Peut-être avait-il lamentablement échoué ce matin mais il n'était pas un si mauvais policier.
" Oui, répondit sèchement l'inspecteur. Je ne les connais pas mais j'ai quelques adresses à Paris où je pourrais avoir des informations sur des gonzes venus du Nord... On aime se retrouver entre gens du pays.
- J'imagine...," répondit amèrement Valjean.
Le forçat n'avait jamais cherché à retrouver des gens de son pays. Faverolles était loin, comme si cette partie de sa vie n'avait jamais existé. Javert ne dit rien, ne sachant trop comment interpréter cette exclamation. Et de toute façon, lui aussi était un solitaire.
" Je connais ces chauffeurs, poursuivit Javert. Une simple piste et nous les retrouverons.
- En fait, vous n'avez pas rien, inspecteur. "
Javert eut un nouveau sourire, mauvais, avant de secouer la tête. Il n'avait pas rien mais il avait peu. Et il n'avait pas assez confiance en Vidocq pour lui avouer le peu qu'il avait. Il préférait conserver des informations pour lui.
" Je n'ai rien. Pour Vidocq, seul le résultat compte. Ce soir est un cuisant échec. Qu'ai-je à offrir qu'un simple nom ? Même si j'aurai pu réparer quelque peu la situation...
- Comment cela ?, demanda naïvement Valjean.
- En t'offrant en pâture au Mec."
Un pacte ? Une menace ? Un rappel de leur collaboration ?
Non, Valjean ne fut pas dupe.
Javert lui signifiait simplement les termes de leur accord tacite.
" Je serais là ce soir. Dites moi simplement où. "
Javert acquiesça. On se comprenait.
" Je viendrais te chercher en fin de journée. Nous irons faire le tour de la Grande Vergne nuitamment. Mes mouchards ont peur de la rousse autant que du soleil.
- Alors à ce soir ? "
Javert s'inclina et remonta dans le fiacre. Il referma la portière et d'un coup sec sur le plafond de l'habitacle, le policier fit repartir la voiture.
Ce soir ?
Il avait une journée pour préparer un plan, fouiller les archives, interroger quelques collègues picards qu'il connaissait...
Il avait désespérément besoin d'une piste !
Et ses mains étaient devenues des accessoires inutiles en l'état. Javert allait devoir compter sur la force de Jean Valjean en cas de coup dur.
Ce fut peut-être cette dernière révélation qui lui fit pousser un douloureux soupir.
Le monde pouvait-il aller plus mal ?
*****************
" Vous en avez mis du temps !"
Fauchelevent attendait l'ancien forçat, bien éveillé dans la hutte. Le vieil homme n'avait pas plus fière allure. En fait, aux symptômes de sa maladie s'étaient ajoutées les traces d'un ennui agaçant.
" J'ai eu un contretemps," admit Valjean, taciturne .
Il entreposa alors un sac de charbon de bois dans un coin et enleva rapidement son manteau. Il avait commencé à transpirer à cause de l'atmosphère chaleureuse que, Dieu merci, le poêle avait gardée dans la pièce.
" Avez-vous mangé quelque chose ce matin ?, demanda-t-il en plaçant une casserole sur le poêle pour faire du café.
- Vous m'avez laissé du pain et du fromage à portée de main. Vous ne vous rappelez plus ? Mais au lieu de prendre soin des marmites, vous devriez nettoyer les sentiers du jardin : les petites ne vont pas tarder à sortir pour faire leur promenade.
- C'est fait. Il ne me reste plus qu'à déblayer la neige qui s'est accumulée devant la porte du petit couvent.
- Dame ! Ce n'est pas pressé ! Les vieilles nonnes n'iront pas se promener cette semaine, je vous le garantis.
- C'est ce que je pensais aussi."
Valjean finit d'éplucher les légumes et ajouta un bon morceau de lard à la soupe. Alors seulement, il tendit une tasse de café au vieil homme et s'en servit une qu'il bût à la hâte. Au loin, on pouvait entendre le tumulte de petites voix qui animaient le couvent quelques instants durant la journée. L'ancien forçat mordit dans son morceau de pain et se précipita dehors sans se soucier de boutonner son manteau.
Un chœur d'anges de différentes tailles, mais toujours vêtu de la même nuance de bleu, s'éparpillait dans le jardin. Une silhouette noire se hâta de se mettre en tête et, comme par miracle, l'ordre s'installa.
Valjean marchait la tête baissée, faisant semblant de ne pas prêter attention aux écolières, vers la rangée de peupliers qui veillait sur le mur du fond et s'occupa à alléger les branches couvertes de neige des deux jeunes exemplaires qui, contre vents et marées, insistaient pour pousser dans ce coin ombragé.
" Papa ! Père ! "
La voix de Cosette résonna dans son dos. Petite, discrète, mais remplissant aussi toute l'étendue du ciel. L'homme jeta un coup d'œil autour de lui à la recherche de regards importuns. Dès qu'il comprit qu'ils étaient seuls, il s'approcha de la jeune fille et posa un baiser sur son front.
C'était un privilège qu'aucun père, aucune des mères des petites recluses du Picpus n'avait... Et que Valjean courait rarement le risque de s'accorder.
"Papa... J'ai tricoté toute la nuit. Mère Saint-Ange a failli m'attraper... Alors elle ne m'aurait pas laissée sortir et..."
Le visage du vieux forçat rayonna du sourire que seule Cosette savait soutirer chez lui, et il étendit les mains dans un geste pacificateur.
" Du calme, du calme, ma petite. Vas-y doucement... Je n'arrive pas à comprendre ce que tu dis !
- La Mère Supérieure va suspendre la promenade pendant que le mauvais temps dure, expliqua la fille. Et j'ai tricoté ces gants pour vous, parce que les vôtres sont déjà usés... Mais je ne savais pas si je pouvais vous les donner, alors je me suis dépêchée. Vous voyez ? Ils sont spéciaux..."
Et en effet, ils l'étaient. Des choses farfelues et noires qui ressemblaient à des mitaines mais qui avaient aussi des boutons et des orifices pour passer les doigts.
Dans toute autre circonstance, Valjean se serait senti ridicule de ne pas pouvoir maîtriser le sourire un peu bête qui se fixait sur son visage en caressant l'épaisse, mais douce, laine des gants.
" Merci, ma petite.
- Le gens des montagnes de... de... Eh bien, d'un endroit où il fait très froid, ils s'en servent. Elle plaça une de ses petites mains à l'intérieur du gant. Vous voyez ? Lorsque vous travaillez, vous pliez la laine sur le dessus et vous l'accrochez avec le bouton. Vous avez alors un gant comme les autres. Mais quand vous devez marcher, ou quand il fait très, très froid, alors vous rabaissez le morceau de laine et vous le placez autour de vos doigts. Vous le fixez avec l'autre bouton et vous avez une moufle sur votre gant..."
Un accès de toux sèche empêcha Cosette de continuer à parler. Valjean se battit pour ne pas froncer les sourcils.
"Je n'aurai donc pas froid, même s'il y a de la glace partout ", dit-il.
La jeune fille hocha la tête. Elle sourit avec fierté. Mais ses yeux balayaient déjà les environs à la recherche de la nonne qui pourrait les surprendre d'une minute à l'autre. Et la punir pour la énième fois.
Elle saisit la main de son père et la serra un instant. C'était comme si un petit oiseau battait des ailes contre les doigts de l'homme. C'était un appel aux instincts les plus profondément enracinés chez Jean Valjean.
Il serait si facile de cacher Cosette dans la hotte et de quitter le couvent sans éveiller le moindre soupçon ! Certes, la jeune fille aurait à voyager repliée sur elle-même et serait mal à l'aise, beaucoup plus que lorsque Fauchelevent la fit entrer dans le couvent de la même manière. Mais son poids ne serait pas plus lourd que celui d'un moineau lorsque Valjean la porterait sur ses épaules... Et la mettrait en sécurité.
Et puis, quoi ?
L'entraîner sur des routes glacées que pas même les diligences n'osaient emprunter ? Embarquer pour le Havre, puis pour l'Angleterre ? Comment le faire alors que la Seine était gelée au point que même les approvisionnements essentiels pour la capitale étaient coupés ?
"Voudriez-vous embrasser oncle Fauvent pour moi ?, demanda Cosette, interrompant le cours de ses pensées.
- Ne t'inquiète pas, ma petite. "
Et elle se sauva en courant, comme la petite fille qu'elle était, mais laissant entrevoir la modestie qu'on lui enseignait. Les manières qui correspondaient à la femme que Cosette serait bientôt forcée de devenir.
Valjean secoua la tête comme pour sortir d'un rêve. Un rêve qui ne lui plaisait pas. Et il partit lentement vers le petit couvent. Il retirait la neige et, du coin de l'œil, apercevait sa petite fille qui riait de temps en temps. Parfois, elle sortait un mouchoir de sa manche pour s'essuyer le nez avec un geste pas aussi délicat qu'on pourrait y attendre.
Cela faisait longtemps que le soleil avait quitté son zénith lorsque Valjean retira les marmites du repas et se déshabilla. Il souleva sa chemise pour palper prudemment son côté. Une rangée de bleus s'était formée là où le Poron avait frappé, mais les côtes semblaient intactes.
" Vous avez glissé ?, demanda Fauchelevent, qui jusque-là semblait somnoler.
- Je n'ai jamais vu autant de glace réunie," dit Valjean.
C'était vrai. Mais c'était aussi un mensonge.
" Dame ! Cet hiver semble ne pas se terminer ! "
Et c'était vrai. Valjean devrait se résigner et gagner du temps, laisser sa liberté et la sécurité de Cosette entre les mains de Vidocq... Mais surtout, entre celles de Javert.
Et puis, dès que le dégel serait assez avancé, fuir.
" Tous les hivers se terminent ; ce que nous ne savons pas, c'est quand.", répliqua l'ancien forçat alors qu'il s'allongeait sur son lit de camp.
A peine deux minutes plus tard, Jean Valjean dormait du sommeil des justes.
*****************
Ce fut une journée difficile pour l'inspecteur de première classe. A tout point de vue.
Tout d'abord, Javert dut serrer les dents sous la douleur lorsqu'il retira ses gants de cuir épais avant de plonger ses mains dans l'eau chaude. Les engelures s'étaient percées et le sang se mêlait à l'eau.
Le verdict était simple.
Il lui serait impossible d'utiliser ses doigts efficacement pendant plusieurs jours.
Javert renonça à ses gants, rendus de toute façon inutilisables par le sang coagulé. Il se badigeonna les doigts de pommade à l'arnica, son seul luxe, et tenta de son mieux de se bander les mains.
Il était atterré.
Il les cacha de son mieux dans des mitaines de laine qu'il possédait. Cela ne protégeait aucunement du froid mais permettait de cacher les pansements.
Le seul point positif fut que ses orteils avaient mieux survécu au froid. L'épaisse couche de paille dont il avait garni ses bottes avait rempli sa mission. Il avait des orteils gelés, douloureux mais aucune engelure n'était visible.
Au moins le policier allait pouvoir marcher. Courir serait peut-être plus délicat.
La matinée était déjà bien avancée lorsqu'il eut fini ses soins.
Javert regarda son lit d'un air chagrin...avant de rejoindre son poste au commissariat de Pontoise. Il avait de la paperasse à gérer. Il savait pertinemment que le commissaire Gallemand, un ivrogne accompli, était absent.
Javert était le seul officier de ce poste à savoir écrire et lire convenablement.
Donc, ce fut là que Javert passa sa matinée, à corriger des rapports, interroger de simples voleurs de rue arrêtés par ses subalternes et à s'abreuver de café chaud...
Une matinée vite passée.
L'après-midi allait le trouver à la Préfecture.
L'inspecteur voulait se charger des recherches concernant l'affaire Loisel. Il voulait le plus d'informations possibles sur de possibles pistes.
Et puis...et puis il y avait M. Chabouillet... Son protecteur aimait que Javert le tienne au courant des démêlés avec la Sûreté...
Tout le monde devait connaître son fiasco à cette heure tardive.
Javert allait devoir faire profil bas et amende honorable.
Une journée difficile...et aucun espoir que la nuit soit meilleure...
Le policier en oublia de manger, tant il voulait prouver à tous qu'il avait de la valeur. Malgré tout !
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