Chapitre 1
J'observe cette immense bâtisse se dresser devant moi qui autrefois était mon endroit préféré pour y passer mes vacances.
Mais j'ai grandi et en y réfléchissant le manoir de mamie me fout la trouille. On pourrait le comparer à ceux que l'on voit dans les films d'horreur. J'ignore pourquoi j'aimais venir ici.
— Fanny, tu pourrais m'aider ! s'exclame ma mère.
Elle me sort de mes pensées et j'accours. J'ai trois valises et quatre petits sacs, on pourrait croire que ce soit nos bagages, mais en fait tout ça est à moi.
Je vais rester ici quelque temps. Je n'en ai pas trop envie, mais ma mère me répète sans cesse que cela me ferait du bien de changer d'air, loin de Sean, loin de Felicia et loin de mon cœur brisé. Maintenant que j'ai fini les cours et que les vacances d'été pointent le bout de leur nez, je peux me poser et prendre congé jusqu'à ce que je sois prête à me lancer dans le monde du travail. Qui n'est pas pour tout de suite !
L'énorme porte s'ouvre et mamie apparaît à l'encadrement.
— Ma chérie !
Mamie n'a pas changé depuis toutes ses années. Elle porte toujours le même petit chignon relevé sur le haut de sa tête d'un blanc éclatant, les mêmes bijoux et le même sourire que d'habitude.
— Mamie, tu m'as manqué ! dis-je en la prenant dans mes bras.
— Entrez donc !
Je passe le seuil de la porte. Tant de souvenirs me reviennent. Je souris rien qu'en y pensant. Nous passons dans le salon pour prendre le thé. Mes yeux se baladent autour de moi. Cette bâtisse est flippante, je ne comprends pas ce que fait mamie ici seule.
Pendant qu'elles discutent, je me lève pour regarder mes photos d'enfance posées sur la cheminée. Il y a une photo de moi en train de me baigner dans le lac. Je devais avoir neuf ans pas plus. Je passais toutes mes vacances ici avec mamie. Jusqu'au jour où j'ai arrêté de venir. Plus le temps, j'étais devenue une ado et j'avais un petit copain, des amies et des sorties à privilégier.
— Tu te rappelles de ton ami imaginaire ? lâche ma mère en riant.
Je pouffe en mettant ma main sur ma bouche. Cette photo a été prise le premier jour où je l'ai rencontré et il a changé ma vie.
— Tu étais persuadée qu'il existait et tu disais que c'était le garçon de tes rêves. Tu as même imaginé ton mariage avec lui, surenchéri ma mère.
— Moi je dis qu'il a existé, je ne l'aurais jamais imaginé seule et puis, je n'étais pas la seule à le voir. Oscar aussi le voyait et c'est même lui qui était le témoin de mon mariage.
Ma mère se met à rire et lève les yeux au ciel.
Mon ami imaginaire s'appelait Oliver. Il était plus grand que moi, il devait avoir mon âge actuel ou même un peu plus jeune je dirais. Il avait les cheveux bruns et les yeux bleu-vert, un sourire éclatant lorsque ses iris me regardaient. Bon d'accord, je l'ai peut-être imaginé, mais il a été mon ami le plus précieux. J'ai passé des moments inoubliables avec lui et Oscar. Nous étions les trois mousquetaires.
— Parlant de Oscar, il est ici pour les vacances, m'annonce mamie.
Oscar est devenu mon ami la deuxième année où je suis venue ici. Bizarrement, Oscar et moi avions le même ami imaginaire. Nous n'avons jamais su expliquer cela. On adorait jouer tout les trois. Notre jeu préféré était « sauve-moi, si tu peux », j'étais la princesse et eux mes chevaliers. Le but était de me sauver du méchant dragon du lac. Une idée sortie tout droit de notre ami Oliver. Qu'est-ce qu'on s'éclatait !
— Oh, mais génial ! Tu pourras lui parler au moins tu ne seras pas seule ! s'exclame de joie ma mère.
— Maman ! Il ne me reconnaîtra sûrement pas. Il a peut-être oublié qui je suis.
Le fait de savoir qu'Oscar est ici me rend toute chose. Ça fait tellement longtemps...
— Ne t'inquiète pas, elle ne sera jamais seule. Il y a toujours quelqu'un pour veiller sur elle, rassure mamie en me faisant un clin d'œil.
— Bon, je vais devoir y aller, dit ma mère en finissant sa tasse de thé.
Elle me prend dans ses bras et me dit à bientôt. J'aurais tellement voulu rester chez moi ne fusse ou ne serait-ce que pour les vacances. Mais je n'avais pas mon mot à dire dans l'histoire. Elle gagne toujours la partie.
Je regarde la voiture de ma mère s'éloigner.
— Bon, il ne reste plus que toi et moi, mamie.
— Et Oliver, répond-elle.
— Mamie !
Je me mets à rire nerveusement. Limite elle me fout la chair de poule.
— Il n'existe même pas, finis-je.
— Des fois il se produit des choses qu'on ne peut pas expliquer, Fanny.
J'en ai des frissons qui hérissent mes poils. Mamie est quelques fois étrange...
Elle m'aide à monter mes bagages dans ma chambre. J'ai toujours apprécié cette chambre. Le lit m'a toujours paru immense, sûrement car je suis petite de taille. Il y avait des nuits où avec Oliver on s'improvisait une tente avec mes draps et mes coussins. Il a toujours été là pour moi lorsque j'en avais besoin. Mamie n'a jamais rien dit. Elle m'entendait parler seule et pourtant, ne m'a jamais prise pour une dingue contrairement à ma mère.
Ma grand-mère me laisse m'installer tranquillement. Je déplie mes bagages, les rangeant dans les tiroirs. Il fait magnifique dehors, le soleil va bientôt se coucher et je veux en profiter avant d'aller rejoindre le pays des rêves. Je descends les escaliers et préviens mamie que je vais me promener aux alentours de la demeure. Après quelques minutes de marche, j'arrive jusqu'au lac et souris bêtement. Cet endroit est aussi magnifique que dans mes souvenirs. Il a un certain charme que j'adore. Le pneu que nous avions accroché en guise de balançoire à l'arbre est toujours là. D'ailleurs je me demande comment ce truc peut encore tenir. Je m'approche et le pousse pour le faire bouger légèrement. La maison de Oscar se voit d'ici. J'observe cette grande maison de loin. J'ai envie d'aller le voir, juste pour savoir s'il ne m'a pas oublié. Est-ce que je le reconnaîtrais ? Ça fait un bail, nous étions des enfants la dernière fois.
— Qui êtes-vous ? demande une voix masculine dans mon dos.
Je me retourne vers mon interlocuteur.
— Monsieur Peterson, vous ne me reconnaissez pas ? Je suis Fanny.
Monsieur Peterson est un homme d'une cinquantaine d'années assez discret et gentil comme tout. Il est notre voisin le plus proche. Mamie l'a toujours beaucoup apprécié. Sa maison donne face au lac. À côté de la sienne, habite les Steel, une famille étrange, je dois dire. Je n'aimais pas beaucoup les croiser et surtout leur villa me donne la chair de poule ! C'est juste hyper flippant !
— Fanny c'est toi ! Mais qu'est-ce que tu as grandi ! Regarde-moi ce bout de femme que tu es devenue !
Je glousse et le remercie.
— Vous savez si Oscar est dans le coin ?
— Il est arrivé hier oui. Je lui dirais que tu es de retour, me dit-il d'un grand sourire.
— Merci beaucoup, monsieur Peterson !
Il entre chez lui en me saluant de la main.
Je regarde à gauche et à droite pour ensuite regarder le lac, une envie me prend et je retire mes chaussures pour plonger mes pieds dans l'eau. Elle est glacée, mais c'est agréable. Je ferme les yeux quelques secondes pour profiter de l'air pur fouettant mon visage. Ma mère n'a peut-être pas tort, cela pourrait me faire du bien de changer d'air.
Je ne pourrais pas expliquer ce que je ressens, mais d'un coup je me sens oppressée et observée. Je tourne la tête lentement, il n'y a personne. Mon cœur se serre dans ma poitrine. Je suis de nature peureuse et ce calme commence à me foutre la frousse. Je suis sûre qu'il y a quelqu'un qui me regarde.
— Il y a quelqu'un ? demandé-je mal assurée.
Pas de réponse. La balançoire commence à se bercer lentement puis plus fortement. Le vent ne souffle pas si fort pourtant. Mon cœur palpite et mes membres commencent à trembler. Comment cette balançoire a pu bouger toute seule ?! J'attrape mes chaussures et m'en vais en courant jusqu'au manoir. Je prends mes jambes à mon cou comme on dit. Je n'ai probablement jamais couru aussi vite de ma vie, pas même lors d'une partie de touche-touche !
— Ça va ma chérie ? On dirait que tu as vu un fantôme, se moque mamie.
— Non tout va bien, dis-je peu sûr de moi.
Ma grand-mère affiche un sourire en coin.
— Il est temps d'aller se coucher, me dit-elle en éteignant la lumière.
Je monte les escaliers en les éclairants avec la lumière de mon téléphone. J'ai encore des sueurs froides, de tout à l'heure.
Je me change et je me glisse dans mon lit. Je ferme les yeux, mais n'arrive pas à trouver le sommeil. Je soupire et repousse mes draps. Au bout d'une heure sans réussir à dormir, je décide de m'aventurer dans la bâtisse. Ça fait tellement d'années que je ne suis pas venue que j'en ai plus que des vagues souvenirs. J'allume une bougie pour m'éclairer et prends mon téléphone avec moi. J'avais oublié que ces lieux étaient plutôt effrayants le soir. Où suis-je devenue une poule mouillée ? Je passe de nombreuses portes. Je me rappelle ce que chacune d'elle contienne derrière, mais il y en a une en particulier que je préférais, celle qu'on appelait le donjon. Je l'ouvre délicatement. Rien n'a changé. C'était notre salle de jeu. Il n'y a pourtant rien d'extraordinaire ici, mise à part notre grande imagination. Il n'y a qu'un canapé au milieu de la pièce et de vieilles choses dont mamie ne veut pas se séparer. Je m'assois sur le canapé qui était notre abri de sécurité pour ne pas tomber dans la lave du volcan. Rien que d'y penser j'en ris. Je me positionne debout sur le canapé et regarde cette pièce qui m'a l'air moins grande que d'habitude et tout d'un coup je sens mon âme d'enfant m'envahir, elle emplit l'espace. J'ai soudain envie de jouer et de sauter sur le fauteuil. Je ne m'en prive pas et pieds joins je bondis dessus comme une gamine. Je fais le tour de moi-même et fais voltiger mes cheveux. Je me stoppe net lorsqu'un bruit retentit derrière moi. Une brise vient me caresser le visage. Ma bougie s'éteint comme si quelqu'un venait de souffler dessus. Mon cœur s'emballe en moins d'une seconde et je me mets à trembler de la tête aux pieds.
— Mamie c'est toi ?
— Fan ? C'est toi ?
Cette voix n'est certainement pas celle de mamie. J'entends, mais ne vois rien. Je suis prise de panique et m'en vais en courant en trombe pour aller m'enfermer directement dans ma chambre à double tour. Je me glisse sous mes draps et y reste les yeux fermés fortement. Comme si un simple drap pouvait me protéger de ma peur !
Ce n'est pas possible.
Cette voix.
Ce ne peut pas être vrai. Je suis en train de rêver...
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