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Chère amie, toi qui es là, je vais te raconter ce qui m'est arrivé avant d'être ici.

Je ne sais pas si tu connais l'endroit dont je vais te parler, mais sache qu'il n'y a pas si longtemps il fut un lieu connu.

Je te parle d'une île artificielle se situant au Japon au large de Nagasaki. On ne s'en trouve pas loin. C'est l'île d'Hashima. Bien sûr, si tu la connais, tu peux affirmer qu'elle n'est pas complètement artificielle. Au début, elle n'était qu'un gros rocher qui fut plus tard agrandi par les japonais.

J'ai vécu sur cette île. J'y ai travaillé aussi. J'y étais d'ailleurs pour ça. Je plongeais au cœur des mines sous-marines pour trouver du charbon. L'île a été agrandie dans ce seul but.

Toutefois, saches que j'ai détesté y vivre. C'était horrible, l'île et ses modestes habitations débordaient de monde. On se marchait presque les uns sur les autres. Ah ! Que j'étais heureux le jour où j'ai quitté cet endroit pour revenir dans les terres.

Par contre, je ne cesse, encore aujourd'hui, de me demander ce que je faisais sur l'île à travailler pour les japonais. Moi chinois, que faisais-je là ?

Cette île était nommée « Navire de guerre » à cause de ses constructions de digues en gros blocs de pierres qui en faisaient le tour.

J'ai envie de te raconter un jour qui fut spécial pour moi. Ce n'est pas celui où j'ai quitté cette île où régnait travail forcé et maltraitance. Mais ce fut un jour signe d'espoir, et il reste encore bien ancré dans ma mémoire, comme si je l'avais vécu hier.

Ce jour-là, je me suis éveillé dans mon plus que modeste appartement. Je ne recevais pas l'eau chez moi. J'avais peu de place pour me déplacer. Mon appartement d'une pièce reflétait la grandeur de l'île. Ma décoration était un poêle qui ne fonctionnait plus depuis quelques années, le gaz servant dorénavant à me réchauffer. Il y avait aussi des tableaux sur les murs et la télévision en face de mon lit.

Je n'avais ni femme, ni enfant. Je vivais seul et chaque matin j'avais peur de ne pas pouvoir revenir chez moi, bien que cet appartement je le détestasse, comme la vie que je menais là-bas.

Même si je ne voulais pas me lever pour aller travailler, je finissais par le faire. Il valait mieux. De toute façon je n'avais pas le choix.

Comme tous les matins, je me levais et allais à ma fenêtre, voir le ciel et le paysage qu'on me refusait. A croire que tous les jours j'oubliais que le soleil n'entrait pas dans mon appartement, et qu'en face de ma misérable fenêtre je ne contemplais qu'un immeuble de béton.

Le ciel demeurait ma rêverie. J'imaginais que je le voyais de ma fenêtre, ce ciel si bleu.

Lorsque je fus prêt pour attaquer la journée, je partis à la mine. Il me fallait descendre des escaliers et emprunter des passerelles pour arriver au travail. J'arrivais rapidement sur les lieux, car l'île n'était pas d'une immensité incroyable. Pour que tu comprennes mieux la taille de cette terre artificielle, saches que la traverser prenait le temps de fumer une cigarette. Ainsi, je ne pouvais même pas en fumer une le temps du trajet de mon appartement à la mine !

Arrivé au travail, je saluais les autres travailleurs, chinois et coréens. Nous étions tous ensemble, dans la même galère, nous nous soutenions à chaque seconde. Et tous les jours, à plusieurs reprises, nous nous encouragions pour tenir le coup la journée, et trouver la force de revenir le lendemain.

A peine arrivés sur les lieux que l'on nous criait déjà dessus : « Allez au boulot ! ».

Nous n'avions pas le droit de nous asseoir sans autorisation, et l'avoir était plutôt rare. Peu de pauses dans la journée nous étaient accordées. Seul le midi nous permettait un minimum de repos. 

Le plus pénible devrais-je dire, était le chemin que nous devions emprunter pour récolter le charbon, des puits raides, plus raides que tu ne le penses. Dans ces puits, il y faisait chaud et humide. Nous descendions jusqu'à plus de 1000 mètres de profondeur.

Seul un mineur ayant connu ce travail peut comprendre la souffrance que nous traversions. Tel était ce mal que nous nous murmurions entre nous, toute la journée et peu importe le moment : « sois prudent ». A croire que nous n'avions la connaissance que de ces mots. Nous parlions peu, en effet, les pauses, comme je l'ai dit, n'étant pas autorisées. Quand nous croisions un autre mineur, nous lui disions ces deux mots, la fatigue et la douleur se lisant dans le ton de notre voix. 

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