Chapitre 6 : Par où l'histoire se dévoile enfin

Lafarge. Un individu notoirement dangereux et malfaisant est prisonnier des mousquetaires. Ces derniers le ramènent à Paris depuis la Gascogne où il agissait pour le compte de Richelieu mais sans plus aucune mesure ni retenue.

C'est un colosse, aussi solide que peut l'être Porthos. Intendant en Gascogne, il était chargé de récolter les impôts mais l'homme trop avide, vindicatif et trop sûr de lui, avait abusé de son pouvoir et réclamait plus que ce que les Gascons devaient.

Alors que les mousquetaires avaient été chargés de l'arrêter, Lafarge a tué deux d'entre eux. Des meurtres qui viennent s'accumuler aux exactions dont il est déjà coupable.

Conduit à travers les rues de Paris, encadré par les quatre compagnons, Lafarge impressionne. Les gardes-rouges interviennent, car intendant Lafarge dépend du cardinal et non de Tréville. Il a mis en balance la réputation du ministre donc ce dernier espère bien s'en charger directement.

Les gardes-rouges sont inconscients du danger qu'ils récupèrent et n'entendent pas les conseils donnés par Athos.

Le capitaine Trudeau, qui dirige cette troupe de gardes-rouges ne se méfie pas et c'est ainsi qu'il est tué.

Les mousquetaires s'en mêlent et parviennent, en s'unissant, à stopper Lafarge. Mais les gardes-rouges veulent leur prisonnier pour eux.

Ils s'opposent donc aux mousquetaires, les provoquant en duel.

Au final, les gardes-rouges ont pu récupérer Lafarge car les quatre hommes se sont arrêtés à temps.

Ces événements ont eu le don d'exaspérer Tréville qui veut que le Roi reconnaisse aux mousquetaires, dont beaucoup sont des Gascons, le droit d'être reconnus comme ayant arrêté Lafarge et ce parce qu'il a mis à sac une grande partie des terres d'où sont issus ses hommes.

Le défi est trop beau et le Roi aime jouer, qu'il en soit ainsi. Un duel pour l'honneur sera organisé entre le champion des Mousquetaires et le champion des Gardes-Rouges.

Mais la somme mise en jeu par le Roi, 1 000 écus, est immense. Chaque homme doit donc participer à l'effort et payer pour participer. Le vainqueur emportant le butin.

Quatre amis certes mais d'Artagnan n'est pas mousquetaire, il n'est que cadet. Porthos et Aramis auraient la possibilité de participer, si ce n'est qu'ils sont désargentés. Une gageure pour Aramis qui entrevoit là l'occasion de s'amuser un peu avec quelque riche veuve. Pour une fois, Porthos se range de son côté. Nécessité fait loi.

D'Artagnan, sur les conseils d'Athos et Aramis, va trouver Tréville pour lui demander la permission de se battre. Il veut pouvoir trouver sa valeur et surtout gagner la belle somme mise en jeu. En effet, les terres gasconnes de d'Artagnan ne lui rapportent plus et il n'a plus les moyens de payer son loyer. Ce que Bonacieux ne se prive pas de lui faire savoir.

Il aime Constance mais doit supporter cet homme mesquin, à l'esprit étroit. Cela passait, mais qu'en sera-t-il s'il ne peut demeurer là ?

Aramis et Porthos, toute à leur idée, se sont rendus en l'église Saint Sulpice où une messe des morts est célébrée. Aramais connait chacune des veuves présentes et joue les entremetteurs pour Porthos. Ils s'amusent. Il n'est question que de soutirer quelques écus, au final, rien de bien méchant, à ces veuves fortunées et délaissées.

Tréville annonce à Charles que Lafarge ne s'est pas privé pour détruire l'ouvre d'Alexandre et que c'est la raison qui explique pourquoi Charles n'a plus un sou vaillant. Il va donc l'autoriser, à ce titre, à concourir. Mais il ne le laisse pas tomber et va veiller à ce que d'Artagnan soit reconnu comme victime des destructions de Lafarge.

Athos a accepté d'entraîner Charles. Un moment qui n'est pas sans rappeler un autre jour, 12 ans plus tôt. Mais seulement dans la tête d'Olivier.

Il veut cependant mettre Charles en garde, il est trop fougueux. Il se laisse déborder par son cœur. Il le provoque et comme cela était à craindre, d'Artagnan se laisse déborder par ses émotions. Il abandonne l'entraînement et fonce droit au Louvre, exiger une audience au cardinal pour la reconnaissance de ses droits.

Cette venue met le cardinal au plus grand plaisir car il se dit qu'il tient là l'occasion de soumettre le Gascon. Et qui sait, de détruire les mousquetaires, cette épine dans son pied.

Milady propose ses services, mais le cardinal se méfie. Il semble que dès qu'elle a à faire à eux, elle échoue. Il fomente un autre plan, de sa propre imagination. Et va faire trouver Bonacieux qu'il charge d'espionner d'Artagnan. Il se demande si Milady n'est pas son amante. Il a besoin d'en savoir davantage.

Refoulé par le cardinal, d'Artagnan perd toute raison et se rend à la Bastille où Lafarge est enfermé. Il veut le défier et l'obliger à reconnaître qu'il a détruit ses propriétés. Mais Lafarge ne s'en laisse pas compter et se bat. Ce n'est que par l'intervention d'Athos que Charles est sauf. Olivier comme il se l'était promis 12 ans plus tôt et comme il en a assuré Tréville veille sur son frère. Il le sait trop impétueux et incapable de se maîtriser. Ce qui peut le conduire à sa perte.

Athos tente de raisonner d'Artagnan, mais ce dernier reste sourd. La partie est serrée et l'affaire s'embarque mal.

Dans la nuit, Anne retrouve Athos et le rappelle à l'ordre. Elle aurait pu le tuer, elle ne l'a pas fait parce qu'elle se sent attiré par lui encore. Lui reste insensible à cette femme. Elle le menace clairement. Lui entend, mais il est fixé sur son objectif ; sauver d'Artagnan de sa propre fureur.

Il continue l'entraînement de Charles le lendemain, en le rappelant à ses obligations de mousquetaire. Mais Charles n'écoute pas. Il en devient imprudent.

Milady, éconduite par Olivier, se rend auprès de d'Artagnan et lui donne la somme nécessaire à son inscription au concours. Il est surpris mais accepte, comme une dette envers elle. Inconscient de l'engagement pris et de l'homme qui l'espionne de sa fenêtre. Une information qu'il ne manquera pas de transmettre au cardinal.

Constance avait réuni la somme, et voulait en faire cadeau à Charles, mais elle a vu Milady et s'en est offusquée. Charles et elle se séparent, fâchés.

Pendant ce temps, Porthos courtise Alice, cette veuve malheureuse dont il a déjà récupéré un objet lui ayant donné la somme nécessaire à son inscription. Mais il n'a pas été insensible aux charmes de la femme et succombe facilement. Cœur d'artichaut. Aramis est plus pragmatique, il s'est arrangé pour récupérer l'argent nécessaire mais n'attend pas davantage de sa bienfaitrice du moment. Elle sera oubliée aussitôt le dos tourné.

Les exercices commencent et Tréville observe. Il doit faire son choix parmi tous. Tir au mousquet, qu'Aramis emporte haut la main, en véritable tireur d'élite. Puis vient la lutte où Porthos est déclaré vainqueur avec aisance. Nul n'a jamais réussi à faire tomber le colosse.

Il reste le combat à l'épée. Aramis est bon, mais d'Artagnan peut le surpasser. C'est alors qu'Athos vient conseiller une dernière fois Charles par ces mots :

- « La tête avant le cœur. Tréville appréciera ton sang froid autant que ta dextérité. »

En disant cela, il regarde Charles droit dans les yeux.

Cette phrase résonne en lui, il l'a déjà entendue. Mais il doit d'abord se concentrer sur le duel qui l'oppose à Aramis. Le combat commence et d'Artagnan égal à lui-même laisse parler son cœur. Il se bat bien mais ce n'est pas assez. Aramis le fait tomber.

Puis alors qu'il se relève, la phrase fait mouche.

Enfin, pour une fois, il laisse sa tête prendre la main sur le duel. Ce qui le conduit à la victoire. Tréville apprécie en effet, et se rend totalement compte que le jeune homme est prêt. Il a grandi, mûri et appris. Il est un mousquetaire, au même titre que ses compagnons et est une fine lame, peut-être autant sinon plus qu'Athos lui-même. C'est un homme sur lequel il faudra compter car il est un adversaire de taille pour ses ennemis. Capable de froideur mais également d'engouement, il est redoutable. Lorsqu'il se bat, la lame est son prolongement. Elle touche bien souvent son adversaire et les coups sont intelligents, ciblés.

Si Armais et lui n'avaient été opposés dans un duel amical, à cette heure, il serait terrassé.

Plus tard, les combats pour le choix du champion des gardes-rouges fait rage. Le cardinal s'est rendu sur place. Déçu par des hommes qui manquent de hargne, il décide de nommer Lafarge. Il a compris combien l'homme est dangereux.

Tréville espionnait et réalise que le champion choisi ira jusqu'à tuer. Il ne veut pas risquer la vie d'un de ses hommes, son choix était compliqué car aucun des trois n'a démérité, chacun dans sa partie. Or le duel sera uniquement à l'épée. Il devrait donc, tout naturellement, nommer d'Artagnan, champion des mousquetaires.

Face à tous, le capitaine annonce sa décision ; il sera le candidat idéal.

D'Artagnan, dépité, s'en va. Il a perdu toute chance de s'en sortir. Sa vie à Paris a tourné court. Si ce n'est l'amour de Constance, il n'a rien. Que va-t-il devenir ?

Personne ne comprend le choix de Tréville. Athos en tête, est furieux. Il va défendre la place de Charles. Pourquoi Tréville lui vole-t-il ce droit ? D'Artagnan mérite sa place. Il l'a gagnée au péril de sa vie plusieurs fois. Il en veut terriblement au capitaine.

D'Artagnan se rend auprès de Constance, espérant trouver consolation. Au lieu de cela, il trouve une femme qui l'éconduit. Parlant d'une illusion et même d'une passade. C'est la fin pour d'Artagnan. Désabusé, il n'a plus rien. Constance le jette dans les bras de Milady, mais il en est incapable.

Pourquoi ? Il avait eu une sorte de porte-bonheur de la part de Milady, il l'a égaré, il semblerait que la poisse le poursuive.

Constance, abandonnée, est malheureuse. Contrainte d'éconduire celui qu'elle aime par son mari, elle a obéi face à la menace mais elle s'en veut au-delà de tout ce qu'il est possible d'imaginer.

Le duel doit avoir lieu. Les hommes sont rassemblés sur la lice. Le Roi et le cardinal sont présents. D'Artagnan rejoint enfin ses camarades, bon dernier. Il entend alors Aramis et Porthos, mais désillusionné, il se montre agressif envers ses amis, ou du moins très négatif quant à l'amour qui semble être l'apanage de Porthos ce jour.

Chacun des champions est appelé et les hommes découvrent que l'adversaire du capitaine est Lafarge en personne. Tous sont sous le choc, sauf le capitaine qui apparemment s'y attendait. Athos comprend alors le choix de Tréville d'être leur candidat. Il se doute qu'il veut donner une chance à d'Artagnan, mais pas dans ces conditions. Le jeu est truqué. Ce qui n'a rien d'étonnant quand l'adversaire est aussi fin stratège que le cardinal. Jamais il ne laisserait une chance à ses opposants de l'emporter sur lui. Quitte à devoir user de duperie.

Le risque encouru par Richelieu est grand, car le Roi pourrait lui refuser son coup de poker. Mais le Roi est joueur. Il laisse faire.

Lafarge se montre bel et bien le butor qu'il est, le combat est inégal. Certes l'expérience de soldat de Tréville lui apporte une technique puissante, mais la force brute et animale de Lafarge lui donne l'avantage. Terrassé, blessé, Tréville va perdre le duel. Fou de rage, d'Artagnan ne tient plus et se porte au secours de son capitaine, bientôt suivi par ses compagnons d'armes. Nul ne peut laisser le duel s'achever ainsi, dans le déshonneur.

Les gardes-rouges s'en mêlent. Le Roi doit intervenir pour remettre de l'ordre. Joueur jusqu'au bout, le Roi autorise que Tréville désigne un remplaçant, au prétexte que le cardinal n'a pas respecté les règles.

Tréville nomme d'Artagnan.

C'est le moment qu'il attendait. L'heure de sa revanche a sonné. Mais saura-t-il garde la tête froide ? D'autant que Lafarge le provoque. Athos suit ce combat avec tout son corps, il le vit pleinement. Son frère va-t-il l'emporter ? Il voudrait mordre, mais ne peut que regarder.

Chaque feinte, chaque passe est suivie par les yeux de tous. Charles laisse, comme toujours, parler son cœur. C'est un jeu dangereux, il risque de perdre la partie.

Lafarge le surpasse. Et pourtant, pas un instant d'Artagnan ne cède le pas. Il porte en lui les couleurs de sa Gascogne et cela lui donne une vigueur qui surprend l'intendant. Une erreur de Lafarge. Elle lui est fatale. D'Artagnan s'en est saisi.

Lafarge est mort. Le Roi déclare les mousquetaires victorieux.

Epuisé, d'Artagnan voit le Roi s'approcher et lui parler. Il ne semble pas comprendre les mots. Sans doute est-il trop éreinté pour entendre. Mais son frère de toujours, Athos, lui donne ordre d'obéir. Il agit, mécaniquement et ne comprenant pas ce qu'il lui arrive.

Le Roi l'adoube. Il est mousquetaire et c'est Athos qui lui remet son épaulière, marquée de la fleur de lys, symbole des mousquetaires.

Tréville, visiblement, avait tout prévu. Sans doute pas sa blessure, mais l'accession de son cadet au plaisir suprême de devenir celui qu'il rêve d'être depuis toujours.

D'Artagnan revit. Il remercie ses amis, salue Athos qui l'observe longuement, salue Tréville. Il est au comble du bonheur. Il est accompli.

Le stratagème du cardinal a échoué. Milady lui offre une issue possible, car elle considère que d'Artagnan est un moyen pour elle de faire tomber les quatre hommes.

Porthos s'est rendu auprès d'Alice, qui n'a pas été séduite par le sang versé et la violence dont les hommes ont fait preuve. Elle le rejette. Ce dernier reste philosophe. Il a peut-être, un temps, imaginé une vie loin des mousquetaires, mais au final, il n'abandonnera jamais ses frères d'armes.

D'Artagnan passe chez Constance, récupère ses affaires au plus vite et s'empresse de filer. Il est mousquetaire, elle ne l'aime plus ou pas. Qu'importe, sa place est avec ses compagnons. A l'hôtel des mousquetaires.

Milady tente sa chance, mais d'Artagnan est tout à son plaisir de se sentir à sa place. Il est à l'aboutissement de son rêve.

Et puis il veut réfléchir. Il doit parler à Athos. Car cette phrase, dite à l'entraînement, est restée dans un coin de sa mémoire. Ne cessant de revenir. Il se rappelle qu'elle a déjà été prononcée, par le passé. C'est encore un peu vague, mais les choses se précisent. Il doit en avoir le cœur net. Et tout sera alors clair. Enfin.

Marcher à travers Paris pour rejoindre la garnison où désormais il a ses quartiers, est la meilleure façon de penser et de trouver une idée.

Le soir venu, les quatre amis se retrouvent ensemble au Roitelet, leur auberge. Ils vont fêter la victoire de d'Artagnan et son entrée officielle, si belle, dans la compagnie. Tréville est avec eux. Ils célèbrent dignement les choses.

Mais Athos retient la main de Charles, lui évitant de boire plus que de raison. Ne pas finir ivre ce soir.

Que lui prend-il ? Lui-même boit raisonnablement, ce n'est pas dans ses habitudes.

Il n'en va pas de même pour Aramis et Porthos qui profitent largement de la soirée pour s'adonner aux plaisirs de l'alcool. Tréville est vite fatigué, sa blessure le ramène vite à la réalité, et il finit par rentrer dans son logis.

Avant que la mi-nuit ne sonne, Aramis et Porthos se lèvent, il est temps pour eux de partir. Et ils ne seront pas trop de deux pour se soutenir.

Olivier reste auprès de Charles. Il a bien senti que son ami veut parler mais ne sait comment amener le sujet. Il va lui faciliter les choses, enfin si cela est possible.

- « Qu'as-tu sur le cœur d'Artagnan ? Ou devrais-je dire Charles ? » demande Athos.

- « Ainsi donc, tu sais ! Mais d'où cela te vient-il ? Comment as-tu appris mon prénom ? »

- « Cela fait longtemps. Ne te souviens-tu pas ? »

Charles cherche, il force sa mémoire à retrouver les traces de ce passé. Il se plonge dans ses souvenirs. Les lieux qu'ils occupent tous deux à cet instant s'effacent et laissent place au manoir de ses parents, à Lupiac. D'Artagnan est redevenu Charles, ce petit garçon de 5 ans, un jour d'été. Un jour qui aurait pu être funeste mais qui au bout du compte s'était avéré riche en émotions et sentiments divers.

C'était un après-midi, il avait enfin réussi à échapper aux leçons de son précepteur. L'homme était fatigué par la chaleur. Plus le temps passait et moins il la supportait. Pour le plus grand plaisir de Charles, qui évitait ainsi des heures à rester assis devant ses livres. Il préférait nettement aller courir au milieu des chevaux, ou gambader dans les près. Il aimait être dehors, il aimait la nature et il aimait les odeurs que celle-ci offrait, surtout l'été quand la rosée du matin avait laissé place à la chaleur humide des terres.

Son père était sorti depuis l'aube. Il pourchassait des brigands avec quelques hommes, ces derniers écumant la région, à la recherche de quelques pièces ou bijoux. Ils volaient et rendaient la région peu sûre. Ce n'était pas dans les habitudes de son père d'abandonner leurs gens. Il veillait sur eux, comme il veillait sur sa famille. Avec justesse et amour.

Sa mère était dans le salon, elle devait broder. Sûrement. Elle passait beaucoup de choses à son fils, pour qui elle manifestait un amour infini et déployait des trésors de patience. Lui en manquait temps. Il voulait tout, tout de suite. Mais à 5 ans, c'est ordinaire. Il aurait le temps d'apprendre.

Caché dans les herbes hautes de la landes, Charles avait entendu crier des hommes. Puis plus rien. Il se demandait qui avait bien pu crier. Et pourquoi.

Mais son esprit était déjà occupé par autre chose, une abeille le distrayant rapidement.

Il entendit alors le galop de quelques chevaux. Combien étaient-ils ? Le bruit était fort, deux chevaux peut-être mais accompagné d'un bruit plus sourd, qu'il ne reconnaissait pas. Il se dit qu'il serait plus sûr de rentrer au manoir. Il y serait en sécurité en attendant d'en savoir plus.

Il se précipita donc pour rentrer et retrouva sa mère qui avait, elle aussi, entendu les chevaux. Elle s'était levée, d'un bond, laissant tomber sa broderie au sol.

Des cavaliers sont arrivés. 2 hommes, 1 jeune homme et une calèche d'où sorti une femme. Charles voit les deux hommes attraper un autre homme, inconscient semble-t-il puisqu'ils le portent. Il n'est autre que son père.

Suivant sa mère, d'un pas pressé, il sort sur le perron.

- « Papa ? Qu'est-ce que vous lui avez fait ? »

Mais sa mère l'arrête d'un geste. Elle accueille les deux hommes tout en criant des ordres à ses domestiques. Il faut aider Alexandre.

A la suite de sa mère, tous montent le perron et se rendent au salon. Charles veut savoir, mais il sent bien qu'il est de trop. Il s'écarte et observe.

Le garçon qui accompagnait le groupe n'est pas ici. Où est-il passé ? Il le cherche près de l'entrée et le voit, soudain, près des chevaux qu'il guide d'une main assurée. Il n'en mène qu'un, les rênes lâches, mais les autres suivent sans hésiter. Comment fait-il cela ?

Impressionné par l'adresse et la force de ce jeune homme, il le regarde. La question lui brûle les lèvres, mais est-il bien séant de la poser ? Son père lui a toujours dit de laisser les autres parler en premier. Mais le garçon ne dit rien. Il n'aura donc jamais la réponse, s'il attend que ce jeune homme s'adresse à lui. D'ailleurs il ne semble même pas l'avoir remarqué.

- « euh, bonjour, dis-moi, ils te suivent tous ? Ils sont à toi ces chevaux ? »

Voilà, c'était sorti tout seul. Il en rougit d'avoir osé parler, réalisant que la question n'était pas seulement dans sa tête.

Le garçon pris le temps de lui répondre. Il écoutait attentivement. Le jeune homme lui demande où installer les chevaux pour la nuit. Fier de pouvoir répondre, Charles s'empresse. Pour une fois qu'il n'est pas rejeté d'un « tu es trop jeune, tais-toi et apprend » comme il entend trop souvent le dire les adultes autour de lui, en particulier le palefrenier qui est un homme bourru.

Il se souvient alors qu'il ne s'est pas présenté et qu'il ignore même le nom de son interlocuteur.

- « Au fait, moi, c'est Charles, et toi ? »

- « Je m'appelle Olivier. »

Tout à sa joie, l'enfant n'écoute pas la suite. Pas vraiment. Il a été entendu, le garçon lui a répondu. C'est bien la première fois qu'il a l'impression d'être quelqu'un d'autre que le fils du propriétaire. Et d'être pris en compte en tant que personne. Le jeune homme lui a posé une question, mais il ne l'a pas écoutée. Cependant il lui tend les rênes de son cheval. Sans réfléchir, il les prend dans ses petites mains d'enfant. Il voit le garçon s'éloigner un peu et attraper les rênes d'un autre cheval, une belle monture, plus fine que celui qu'il tient lui-même. Très fier, redressant le torse, il guide le cheval et son nouvel ami, car il le considère comme tel, vers les écuries.

Les deux garçons s'occupent des chevaux et le temps file à la vitesse d'un éclair. Les chevaux sont à l'abri mais sa mère va bien finir par le chercher. Il faut rentrer. Le pas traînant, peu pressé, Il a un peu peur de découvrir que son père ne va pas bien. Cela l'inquiète mais ne pas savoir lui permet d'éviter une mauvaise nouvelle. Il sait que les hommes après lesquels sont père était partis n'étaient pas de simples brigands, mais des détrousseurs qui n'hésitent pas à tuer. Charles conduit Olivier vers le manoir. Son jeune ami ne semble pas plus enclin que lui de retrouver tout le monde. Il avait pris un sac avec lui. Charles se demandait ce qu'il pouvait contenir.

A leur arrivée, Charles est soulagé de constater que son père est vivant et qu'il semble reprendre des couleurs. Mais la blessure est trop grave pour être juste soignée au manoir. Les adultes décident donc d'aller ailleurs, il n'a pas bien entendu où, qu'importe. Ce qu'il a entendu, c'est la voix rassurante de son père qui lui a demandé de s'approcher et il a senti le baiser que son père lui a posé sur le front, avec tendresse, pour le rassurer. Il a aussi entendu qu'Oliver allait rester au manoir. Avec sa mère et lui.

Il ne se tient plus de joie. Il va avoir un ami pendant quelques temps. Autant dire que pour lui, cela signifie toute la vie.

Tandis que les adultes se préparent, Olivier et Charles sont envoyés aux cuisines. Charles voudrait rester davantage mais la faim le tenaille après ces émotions et le choix ne lui est pas laissé. En bon fils, il obéit après un dernier regard vers son père.

Il aime la chaleur des cuisines, même en été et surtout il aime les bons plats préparés par celle qui gère ce domaine de la maisonnée. C'est un garçon gourmand et gourmet. Et puis s'il envisage de devenir un jour soldat, il doit grandir et se renforcer.

Il mange donc de bon appétit tout en surveillant celui qui l'accompagne et se montre plus discret.

Le lendemain, à l'aube, alors que le jour pointe à peine son nez et que le brouillard, annonciateur de chaleur, a envahi les près, Charles se lève et s'habille en toute hâte. Il porte dans ses mains sa paire de bottes et une petite rapière en bois, cadeau de son père.

Il veut aller se cacher dès les herbes hautes du prairial un peu plus loin, à l'abri des regards indiscrets. Il va combattre ceux qui ont attaqué son père. S'il avait été plus grand, s'il avait pu l'accompagner, il était certain que jamais son père n'aurait été blessé. Il était enragé et bien vite commença à entrer dans un combat forcené, pour autant qu'il puisse l'être étant donné son âge. Il y mettait tout son cœur, toute son énergie. Désordonné, mais volontaire. Dans sa tête, il touchait chaque adversaire, qui au cœur, qui au flanc. Il était le héros qui sauvait son père, son manoir, ses gens.

Appliqué au point d'oublier le monde qui l'entourait, Charles n'avait pas entendu arriver Olivier, jusqu'à ce que le jeune homme lui demande :

- « Charles, veux-tu que je te montre ? Je peux t'apprendre à peux tenir ton épée, qu'elle soit solide à ton bras, un prolongement de toi. Tu n'en seras que plus adroit et tes coups porteront efficacement. »

Ces mots avaient été prononcés posément, et Charles prit le temps d'écouter, coupé dans son élan, surpris. Agréablement surpris d'être non rabroué mais compris. Il avait cette impression que pour la première fois quelqu'un le prenait au sérieux. Il n'en revenait pas.

Peu après, Charles et Olivier étaient côte à côté, Charles observait attentivement les gestes de son aîné et tentait de l'imiter de son mieux. Il mettait tout son cœur à suivre les mouvements, quand bien même l'épée de bois pesait trop lourd. Il voulait rendre fier celui qui l'avait encouragé et s'ingéniait à faire tout son possible pour cela.

Mais le jour se levait enfin, libérant les près de ces brumes matinales. Il fallait rentrer et faire son travail d'enfant, il devait aller retrouver son précepteur, même si les études n'étaient pas ce qu'il préférait dans ses journées. Cependant, Charles avait à cœur de rendre sa mère fière de lui, il l'aimait de tout son cœur et elle le lui rendait tant.

Olivier s'éloigna, vers les écuries, car son cheval avait besoin de lui.

Mais la promesse du lendemain, d'un nouvel entraînement avec Olivier avait mis des étoiles dans ses yeux et l'encourageait à passer une excellente journée dans l'espoir du lendemain. Il se montra le plus discipliné des élèves ce jour-là.

Il en fut de même les jours suivants, et chaque matin, à l'aube, toujours masqués par les brumes estivales, Olivier et Charles s'entraînaient. Avec assiduité et sérieux. Charles progressait vite car il était très concentré et assidu. Il répétait les gestes avec toute la précision de son jeune âge et malgré le poids de son épée.

C'est ainsi qu'il fut tout étonné quand Olivier lui proposa un autre exercice, rien d'autre qu'un duel. Mais une épée de bois serait une bien mauvaise arme alors. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir dans sa main une petite rapière, une vraie cette fois.

Avant le duel, même d'entraînement, Olivier donne un dernier conseil à Charles, qui 'en retînt que peu de mots, mais sans nul doute les plus essentiels :

- « ... n'oublies jamais, la tête avant le cœur ! »

Il répéta ces mots, comme pour mieux les faire siens.

Heureux, jubilant face à ces attentions d'Olivier, Encore une fois il se montra fort discipliné et studieux. Ses coups étaient encore malhabiles parfois, mais il mémorisait les gestes de on professeur et tirait les leçons de ses erreurs. Dans sa tête, ces quelques mots résonnaient comme si sa vie en dépendait. Jamais il n'oublierait, bien que trop souvent son cœur parlât avant sa tête. Ce qui expliquait certainement pourquoi les passes et feintes d'Olivier faisaient plus souvent mouche que les siennes.

Trop tôt à son goût, malgré la fatigue et la sueur qui les recouvrait, les garçons furent arrêtés par Françoise, la mère de Charles.

Commençant à sortir de son rêve éveillé, Charles se souvenait de cette question, prononcée avec toute la ferveur d'un enfant trop jeune, à celui qu'il admirait tant alors et continuait d'admirer encore aujourd'hui alors qu'ils étaient tous deux adultes

- « Maintenant, nous sommes frères, Olivier ? »

Et surtout il se souvenait de la réponse d'Olivier :

- « Frères d'armes, oui, Charles, je veillerai sur toi, je t'en fais le serment ».

Un bruit de verre brisé, une bouteille qui venait de choir d'une table, rappela Charles à la réalité. Son souvenir était prégnant, l'emplissant. Mais il n'était qu'un souvenir. Il souriait largement, heureux, et surtout tout au bonheur d'avoir retrouvé enfin celui qu'il avait perdu car le temps avait fait son œuvre, les éloignant tous deux. Mais jamais il n'avait vraiment oublié ces jours passés et ces leçons. Bien qu'il n'ait jamais réellement réussi à faire passer la tête avant le cœur lorsqu'il s'enthousiasmait pour un duel.

C'était plus fort que lui, il n'était à son paroxysme que lorsqu'il laissait parler son cœur. Il devenait dangereux dans ces moments-là, car tout son être parlait avec son épée. Mais il gardait toujours, dans un coin, ces quelques mots qui lui permettait de garder, par moment, un semblant de lucidité dans le combat.

Olivier l'avait compris, ce jeune homme était un bretteur de grande qualité et il savait écouter. Pourtant, il avait noté que le temps avait laissé toujours le cœur de Charles aux commandes, c'était dans sa nature profonde. Ce garçon était passionné, ne lui en déplaise.

- « Tu n'as jamais vraiment réussi à maîtriser cette fougue que tu manifestais déjà à l'époque, Charles. »

- « Cela t'agace, je le sais, mais je suis pourtant doué. Avoue-le ! »

- « C'est juste. Je ne me l'explique pas, mais peut-être un jour, aurais-je le fin mot de cette histoire ! »

Ainsi donc, chacun des deux hommes savait à présent. Tout était clair, le passé et le présent se retrouvaient unis. Le destin avait réuni ces hommes fait pour être ensemble face aux ennemis qui menaçaient sans cesse le pouvoir royal. Face à ces temps troublés. Pour leur plus grand plaisir, les mousquetaires étaient un quatuor efficace, mortel pour leurs adversaires. Par-dessus tout, ces deux-là, étaient impitoyables, bretteurs hors pair, parfaitement complémentaires, ils se couvraient mutuellement en formant un duo parfait, faisant mouche à chaque estocade. Ils veillaient mutuellement l'un sur l'autre, sans même y penser, sachant toujours où l'autre était et se complétant pour vaincre dans des tours mortels.

Et leurs compagnons complétaient parfaitement le tout, l'un par son habileté au tir et l'autre par la justesse de ses coups.

Mais bientôt, il fallut se séparer, la nuit était déjà bien avancée. Et il ne manquerait sûrement pas une mission nouvelle pour occuper les mousquetaires.

Avant qu'ils ne se séparent, Charles s'interroge sur leurs amis.

- « En parlerons-nous à Aramis et Porthos ? »

- « Ils savent, je le leur ai dit. Ne te fâche pas ! Ils avaient le droit de savoir. Quant au capitaine, tu t'en doutes, il était le premier à se rappeler même s'il ne sait pas tout de ces journées, il connaît l'essentiel. »

Songeur, d'Artagnan laisse Athos au bas des marches de l'hôtel des mousquetaires. Chacun se rend dans ses quartiers. Demain viendra bien assez tôt pour achever de faire la lumière sur ces révélations.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top