Chapitre 2 : Par où l'histoire se confirme
Le jeune garçon ne s’y tient plus. Cependant son épée de bois est bien peu utile dans ce cas. Il se renfrogne en observant celle qui jusqu’ici lui semblait son arme.
- « Je n’ai que cette épée. Je ne pourrais rien contre toi. Tu vas forcément gagner et moi je serais ridicule. »
Olivier s’éloigne légèrement et se penche, tandis que Charles ronchonne. La bouderie du petit l’amuse, mais il ne veut pas le lui laisser paraître. Il attrape alors un objet auquel Charles n’avait guère prêté attention jusque-là, ignorant tout de sa présence.
Une rapière, courte et fine apparaît dans ses mains. Le petit ouvre grand les yeux. Une épée, pour lui. Il ne se sent plus d’admiration pour Olivier. Définitivement il est son ami, plus même il est son frère.
- « Oh, une rapière ! Pour moi ? », Charles avance timidement la main vers l’arme, n’osant la toucher.
- « Oui, tu ne peux mener un duel avec une épée de bois, soyons sérieux ! Allons, dépêches-toi. Mets-toi en garde et n’oublie jamais, la tête avant le cœur ! »
Il s’étonna lui-même d’avoir prononcé ces mots. Ils étaient venus instinctivement. Entendus lors d’une leçon de son père, alors qu’il n’était pas si éloigné de l’âge de Charles, il n’y avait plus véritablement repensé. Lors de l’échauffourée avec les brigands, cette phrase avait raisonné dans sa tête, l’obligeant parfois à reprendre avec plus de fermeté telle prise ou dirigeant telle autre dans une autre direction. Elle avait alors pris sens en lui.
Réfléchir, parer et se fendre lors d’une passe d’arme était une chose, le faire en plein combat lorsque l’adversaire est supérieur en taille et en nombre obligeait à faire appel à ses sens mais surtout à une intelligence froide, calculatrice. Il fallait vaincre. Nulle place n’était accordée au cœur, trop tendre, pour gagner en pleine lutte. Et sachant les temps incertains, il voulait que Charles retienne ces mots comme une seule et unique leçon. S’il ne devait y en avoir qu’une, ce serait celle-ci. Elle lui avait sauvé la mise pendant qu’il combattait les brigands et elle avait, à en croire son père, souvent sauvé sa vie sur le champ de bataille.
Il avait pesé ses mots, les avait détachés les uns des autres pour que le petit s’en imprègne.
Charles le regardait, les yeux ronds, ne semblant pas comprendre alors Olivier lui répéta ces mots, lentement.
- « La tête avant le cœur ».
Et il se mit en garde, invitant le jeune garçon à en faire autant.
Le duel était inégal et contrairement à ce qu’Olivier avait promis, il retenait ses coups. Mais il n’en montrait rien. Pour ne pas vexer le garçon et surtout ne pas le décourager.
Au contraire, il voulait que le petit donne tout ce qu’il avait, qu’il se batte comme si sa vie en dépendait. Ce qui fut le cas.
Concentré, Charles se battait. Il était un preux chevalier et face à lui Olivier était l’image même de ces misérables qui menaçaient le royaume. Son imagination prenait le dessus au fil du combat. Et c’est ainsi qu’il laissa parler son cœur plus que sa tête. Mais le cœur était courageux. Il se jetait corps et âme dans son combat et impressionnait Olivier par son adresse et sa force.
Si petit et déjà si enthousiaste. Cela promettait. Il serait un bon bretteur, mais il devait mûrir. Ne restait à espérer qu’un maître d’armes saurait le guider d’une main habile et avec force énergie, car ce gamin était une sacrée tête de mule.
Ce n’est qu’une fois trempés de sueurs et rappelés à l’ordre par Françoise d’Artagnan d’une voix ferme mais enjouée que les deux garçons rompirent le combat qui les opposait. Ils n’avaient pas vu le temps passer et le brouillard se lever totalement. Elle les avait observés, de loin, puis se rapprochant. Elle voulait les arrêter mais ils y mettaient tellement d’ardeur. Son fils l’étonnait mais ce jeune homme était un bon compagnon. Il montrait une grande finesse d’esprit et de l’intelligence ; Une intelligence vive qui surprenait la jeune femme et qui la rendait songeuse. Où puisait-il cette sagesse alors qu’il n’était âgé que de 12 ans ?
Sur le trajet du retour, le petit, rouge d’avoir tant dépensé d’énergie, épuisé mais heureux, voulait marquer ce moment d’une phrase solennelle. N’y tenant plus, il prit la parole en regardant son ami :
- « Maintenant nous sommes frères, Olivier ? ».
Sa mère sourit. Son fils l’étonnait encore, il laissait toujours parler son cœur et la ferveur qui l’animait lui plaisait. C’était un bon garçon. Il lui revenait de poursuivre son œuvre et de d’en faire un jeune homme toujours aussi plein d’ardeur et de bonté.
Olivier ne répondait pas, il réfléchissait. Etre frère c’était une promesse, un devoir. Or le sens du devoir était bel et bien la plus grande leçon enseignée par son père. Il avait, profondément ancré en lui, ce sentiment qu’il se liait à ce garçon. Il ne savait pas comment encore, mais c’était assurément des jours particuliers qui se déroulaient là. Et cela l’engageait pour sa vie.
- « Frères d’armes, oui Charles, je veillerai sur toi, je t’en fais le serment ! »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top