Sous un cerisier en fleurs

La brise légère de ce début de printemps se leva et s'engouffra dans sa veste, le faisant frissonner. Alors, les mains dans les poches, il la resserra contre lui, continuant son chemin sur l'avenue de Konoha. Le soleil était encore haut dans le ciel et ses rayons réchauffaient les habitants qui vaquaient à leurs occupations s'arrêtant parfois pour le saluer, lui, le héros du village.

Mais il n'avait pas la tête à ça. Non, plutôt, il n'avait pas le cœur à ça. Enfermé dans ses pensées, qui n'était pas des plus joyeuses, il frappa dans un caillou qui traînait là avant de pousser un soupir à fendre l'âme. Sa bonne humeur habituelle avait foutu le camp depuis qu'il l'avait vu s'afficher avec cette bimbo. Oh, devant les autres, il était toujours le même, le clown de service, prêt à foncer dans le tas sans réfléchir et toujours partant pour faire des conneries. Il savait bien jouer la comédie apparemment, personne n'avait remarqué sa peine de cœur.

Néanmoins, dans les tréfonds de son organe vital, c'était la douleur qui prenait place, la source de tous ses maux. Elle s'insinuait dans ses artères, dans ses veines, et rampait sous sa peau comme un parasite. Et ça faisait mal. Son cœur était en miette, brisé en mille morceaux. Pourquoi devait-il aimer un crétin pareil ? Le cœur a ses raisons que la raison ignore, c'est ça le dicton non ? Ouais...il ne comprenait pas comment il avait fait pour tomber amoureux de lui, et ça, depuis quelques années maintenant.

- Hey, Naruto !

L'intéressé sortit brutalement de ses pensées et releva la tête vers la voix qui venait de l'interpeller. Sans s'en apercevoir, il était arrivé devant la porte Sud, l'entrée principale menant au village, et les deux ninjas supérieurs qui la gardaient lui faisant de grands signes de la main. Reprenant son masque de fausse joie, il s'approcha d'eux tout en répondant à leurs salutations.

- Salut les gars !

- Salut ! Où est-ce que tu vas comme ça ?

- Oh, je..., répondit-il embarrassé, se frottant l'arrière du crâne. J'avais l'intention de...me rendre dans la forêt. Pour m'entrainer. Oui voilà ! Un bon entrainement pour me défouler un peu !

Intérieurement, Naruto pria que les deux gardes le croient. Il avait sorti ça comme ça. Ses pieds l'avaient mené à la porte principale, il y avait peut-être une raison à ça. Mais ce qui était sûr, c'est que ce n'était pas sa meilleure performance de mensonge.

Les deux ninjas se jetèrent un regard. Même si, à présent, tous les pays étaient en paix, il n'en restait pas moins que la sécurité primait avant tout. Qu'une personne entre ou sorte, elle devait passer devant ces deux là afin de s'enregistrer. Et même le héros du village devait se plier à cette règle.

- Ok, vas-y, déclara l'un des deux, notant son nom dans un cahier.

- Super ! Merci les gars, sourit Naruto.

Il leur adressa un nouveau signe de la main et reprit son chemin, perdant son sourire une fois les portes passées. Il prit une grande inspiration, comme pour se donner du courage, et, enfonçant de nouveau les mains dans les poches, se dirigea vers la gauche, direction l'orée de la forêt entourant le village. Maintenant qu'il avait dit qu'il s'y rendait, il devait donner le change et y aller pour de vrai, même s'il était à mille lieues de vouloir s'entraîner. Tant pis, il se poserait bien quelque part pour réfléchir et noyer sa peine.

Contournant un rocher, il passa les sous-bois et s'enfonça au cœur des arbres, suivant le petit chemin de terre qui se dressait là. Les pieds traînants, soulevant de la poussière au passage, il replongea dans ses pensées moroses et laissa libre cours à toute son imagination dans le choix d'insultes envers son imbécile de meilleur ami.

Là où il posait les yeux, les souvenirs remontaient à la surface de sa mémoire, l'engloutissant toujours plus loin dans son chagrin. Il ne comptait plus le nombre de fois où il avait emprunté ce chemin avec l'équipe 7 afin de se rendre à l'entraînement. Tout le ramenait à lui. Et il n'en pouvait plus. Alors, voulant chasser les ombres de son passé, il décida brusquement de quitter le sentier et enjamba les herbes hautes, s'enfonçant au cœur de la forêt.

Il ne sait combien de temps il marcha, complètement perdu dans ses souvenirs, mais quand il reprit conscience de son environnement, ses pieds l'avaient mené à une clairière, lui étant encore inconnue. Un carré d'herbe entouré d'arbres, comme si cela avait été fait exprès. De forme ovale et assez petite, la seule chose qui attirait l'œil était ce grand cerisier planté en plein milieu. Il trônait en son centre, tel un roi majestueux entouré de sa cour. Et comme pour couronner sa magnificence, quelques rayons de soleil perçaient la canopée et le baignaient de leur lumière. Le silence, qui régnait ici, complétait ce tableau, rendant l'atmosphère presque mystique.

Doucement, de peur de briser la quiétude du lieu, il s'avança vers le centre de la clairière, hypnotisé par cet arbre sortit de nulle part. Que faisait-il là ? Ce n'était pas vraiment l'endroit pour rencontrer cette espèce. Quelqu'un avait forcément dû le planter il y a quelques années, il ne voyait pas d'autres explications.

Ses pieds foulèrent l'herbe grasse, lui chatouillant les chevilles. En y jetant un coup d'œil, il s'aperçut que quelques jeunes pousses de fleurs commençaient à apparaître. Bientôt, toute la clairière serait un parterre de fleurs aux couleurs chatoyantes et s'embaumerait de douces senteurs.

Il ne savait pas pourquoi, mais plus il avançait plus son cœur accélérait la cadence, son rythme cardiaque frisant presque celui d'après marathon. Il arriva bien vite sous les premières branches du cerisier où il avisa les bourgeons naissants. Pour lui aussi, la floraison ne saurait tarder. Au vu de sa taille et de son large tronc, il devait avoisiner la centaine d'années, voire plus. Pourquoi n'avait-il jamais entendu parler de cet endroit ? Les autres au village étaient-ils seulement au courant ? Il devait bien y avoir quelqu'un ayant déjà foulé ce sol, non ?

Délicatement, les doigts tremblants, il déposa la main sur le tronc sinueux et bloqua sa respiration, comme si le simple fait de respirer allait perturber et offenser le maître des lieux. Il ne saurait dire avec exactitude ce qu'il ressentit à cet instant précis, mais ce qu'il put dire, c'est qu'il éprouva un apaisement soudain. Comme si toutes ses émotions et sentiments négatifs s'étaient envolés, ne laissant qu'une sensation de tranquillité, d'esprit et de corps.

Oh bien sûr, son amour pour le brun n'avait pas disparu, loin de là, ni la peine engendrait par la vue de cette rouquine à son bras, mais tout cela se faisait lointain, relégué en second plan. Il avait l'impression que son cœur s'était enroulé dans du coton comme on s'enroule dans une couette, prêt à passer une bonne nuit. C'était...étrange, mais pas déplaisant. Il pouvait se mettre sur "pause".

Il resta plusieurs minutes ainsi, les mains à plat sur le tronc, le front également, et les yeux fermés, appréciant le silence autour de lui. Si quelqu'un était passé par là à ce moment-là, il aurait pensé que Naruto était bien bizarre d'enlacer un arbre. Mais il s'en fichait royalement. Il était enfin serein après des jours de chagrin, il n'allait certainement pas se priver, même si pour cela, il devait câliner un cerisier.

Pris d'un élan soudain, il sortit son kunaï et l'approcha du tronc avant de commencer à le graver avec délicatesse. C'était niais ce qu'il voulait faire, il le savait bien, mais c'était plus fort que lui, il en ressentait comme un besoin. De la pointe de son arme, il entailla l'écorce, d'abord doucement puis avec plus de force. Les secondes s'engrenèrent, ainsi que les minutes, et ce qu'il avait en tête prit forme. Un tracé arrondi avec, en son centre, la première lettre de son prénom suivi d'un "+", mais, quand le moment de graver la deuxième lettre arriva, il se stoppa net. A quoi cela servait-il de compléter la gravure si son amour était à sens unique ?

Déprimé, il recula et observa le tronc d'un œil morne. Le demi-cœur était plutôt réussi et le "N" de bonne taille, ni trop grand, ni trop petit. Il trouvait ça un peu con de laisser le cœur inachevé, mais il ne voyait pas l'intérêt de le terminer, ses sentiments n'étaient pas partagés.

Dans un soupir, il rangea son arme, puis s'assit à même le sol, le dos contre le tronc, et ferma les yeux. A part les bruits de la nature et des animaux environnants, rien ne venait perturber le calme de la clairière. C'est pourquoi, sans s'en apercevoir, il s'endormit sous les branches protectrices du cerisier qui veilla sur son sommeil.

Quand il émergea de sa sieste improvisée, le soleil avait presque disparu derrière la cime des arbres et les ombres de la nuit commençaient à s'étirer sur le carré de verdure. La nuit ne tarderait pas à tomber. L'obscurité déjà bien présente, il devait se dépêcher s'il ne voulait pas rentrer dans le noir complet et se perdre. Même s'il ne savait pas où il se trouvait exactement, la semi-luminosité qui persistait lui permettrait de s'orienter quelque peu. Du moins, il l'espérait.

Il se releva d'un bond avant de grimacer de douleur. Son dos était tout endolori de s'être assoupi contre cette surface dure et des fourmis envahirent ses jambes, l'engourdissant brusquement. Il les secoua vivement et s'étira de tout son long, les bras tendus vers le ciel. Il avait étrangement bien dormi. Alors que depuis quelques jours, il ne fermait presque pas l'œil de la nuit, son petit somme avait été dénué de réveils brutaux, de sueurs froides ou de songes angoissants. Il avait dormi d'une traite et il se sentait reposé, serein.

Se tournant vers le vieil arbre, il y déposa de nouveau la main, effleurant sa noble écorce, et lui promit intérieurement de revenir le voir très bientôt. Maintenant qu'il avait trouvé cet endroit coupé de tout et connu cette sensation que lui faisait ressentir ce lieu, il n'allait pas passer à côté.

Il ne se reconnaissait plus. Ce n'était pas son genre de se prendre la tête pour de telles choses. L'amitié, il connaissait bien. Mais l'amour...c'était une autre paire de manches. Pourquoi ne pourrait-il pas être un peu fleur bleue de temps en temps ? Au village, les sentiments et émotions le submergeaient, alors pourquoi se priverait-il d'un endroit où tout ça était étouffé le temps d'un instant ?

.

Il tint parole. Le lendemain, il retourna voir le cerisier après s'être enregistré auprès des ninjas de l'entrée. Il retrouva le chemin non sans difficulté, mais quand il aperçut la petite clairière et son hôte, un soupir de soulagement lui échappa et le même sentiment d'apaisement l'enveloppa instantanément. Il traversa l'espace qui le séparait de l'arbre, ses pieds foulant précieusement le sol comme la veille, et salua le centenaire de la pulpe de ses doigts. Imitant les mêmes gestes qu'hier, il finit par déposer sa main à plat sur le tronc, colla également son front, et ferma les yeux, se recueillant en silence.

Puis, une fois fait, il s'en éloigna légèrement et décida de méditer en mode ermite. Le lieu y était propice en tout point de vue. Il s'installa en tailleur sur l'herbe et débuta son entraînement. Et c'est ainsi que se déroula sa journée ainsi que les jours qui suivirent.

Tous les jours, vers le début de l'après-midi, il se rendait dans ce havre de paix, saluait le centenaire de la même manière, effleurant sa gravure du bout des doigts, et reprenait son entraînement. Au fil du temps, les bourgeons du cerisier se développèrent et devinrent de gros boutons prêts à éclore. Quelques-uns s'étaient même déjà ouverts, laissant place à de belles fleurs blanches. Lorsqu'elles seront toutes épanouies, le maître des lieux n'en sera que resplendissant.

Et il fallut attendre la fin de la semaine pour assister à ce spectacle. Comme à son habitude, à présent, Naruto traversa la forêt en direction de la clairière mais se stoppa net à l'orée du bois, ébahis. Là, devant lui, toute la nature avait fleuri. Dans le vert de l'herbe, des centaines et centaines de fleurs de toutes les couleurs se mélangeaient, donnant une allure d'arc-en-ciel au sol. Mais le plus beau restait le cerisier dont tous les boutons avaient éclos en une matinée seulement. En plein milieu de ce champ multicolore, le blanc des fleurs parsemant ses branches ressortait vivement. Le paysage lui coupa littéralement le souffle quelques instants avant qu'il ne se reprenne et, dans la plus grande des délicatesses, ne s'avance vers lui.

Soudainement, alors qu'il n'était qu'à un mètre du centenaire, le vent frais se leva, soulevant quelques fleurs et pétales dans un tourbillon de couleurs. Quelques-unes effleurèrent son visage alors que d'autres se firent une place dans ses cheveux. Amusé et sous le charme, il les ébouriffa de ses mains avant de reprendre son chemin.

Mais, au moment de laisser ses doigts saluer l'arbre et sa gravure, il stoppa son geste à quelques centimètres du tronc sinueux, les yeux grands ouverts sous la surprise. Le cœur avait été complété et un beau "S" majuscule figurait à côté du "+".

Sous cette vision, Naruto se crut défaillir. Son organe vital rata un battement puis fit une embardée. Quelqu'un l'avait suivi. Cette personne avait trouvé son petit coin de paradis et s'était amusé à achever son œuvre. Mais qui ?

Il y a avait quatre personnes dans son entourage qui correspondait. La première, Sakura. Mais elle était raide dingue de Sasuke depuis sa plus tendre enfance, il ne voyait donc pas pourquoi elle ferait une chose pareille. La deuxième, Shikamaru. Mais c'était impossible. Avec Temari, ils se tournaient trop autour pour que ça soit lui. La troisième, Saï. Hum, non. Il ne le voyait pas non plus faire ça. Il était trop direct et surtout, ne comprenait pas encore tout aux sentiments pour qu'il se déclare de cette façon à lui. Et la dernière....Sasuke.

Son cœur s'emballa de nouveau. Non, impossible ! Même si son meilleur ami était maître dans l'art de cacher ses sentiments et du tirage de gueule, pourquoi se serait-il affiché avec cette fille s'il était amoureux de lui ? Ça devait certainement être une autre personne ! Il y avait forcément quelqu'un d'autre au village avec un prénom commençant par la lettre S...

- Tu sais que t'es niais comme mec ?

Surpris, Naruto sursauta et se tendit. Il ne l'avait pas entendu arriver, tellement plongé dans ses pensées. Ses doigts se crispèrent sur l'écorce et sa respiration se saccada quelques instants avant qu'il ne réussisse à parler.

- Qu'est-ce que tu fais là ? T'es pas avec ta copine ?

De l'autre côté de l'arbre, il l'entendit clairement souffler par le nez, moqueur, comme si ce qu'il venait de dire était d'un ridicule sans nom. Pourquoi il était là ? Venait-il encore se foutre de sa gueule comme il savait si bien le faire ? C'était désespérant de voir à quel point il avait pu tomber amoureux d'un gars comme lui.

Soudain, celui qui hantait ses jours et ses nuits fut à ses côtés. Comme une apparition mystique, ses cheveux bruns, parsemés de quelques pétales, volaient délicatement au gré de la brise printanière. Sa main albâtre, aux longs doigts fins, vint s'appuyer sur le tronc près de la sienne et il se pencha vers lui, un sourcil relevé.

- Quoi ? Tu es jaloux ?

- Hein ?! s'exclama-t-il, les joues légèrement rougissantes. Pa-pas du tout !

Un sourire en coin apparut sur les lèvres de Sasuke.

- J'ai pas de copine.

Ce fut à Naruto de froncer des sourcils. Qu'est-ce que c'était que cette histoire encore ? Il allait répondre mais le brun continua.

- J'ai payé Megumi. Afin d'être tranquille avec Sakura et Ino.

- Pourquoi ? Tu as deux belles fem....

- Le sexe opposé, c'est pas mon truc, le coupa-t-il en lui jetant un étrange regard.

Le pauvre Naruto était complètement perdu. La conversation prenait une tournure inattendue et surtout, il avait peur de se méprendre sur les intentions du brun. La dernière phrase voulait bien dire que les femmes ne l'attiraient pas, n'est-ce pas ?

La main de Sasuke se décala légèrement et le bout de ses doigts effleurèrent la gravure, suivant le contour du cœur puis les lettres.

- Et je me dis que je dois être aussi niais que toi pour avoir complété ce stupide truc.

Les pensées du blond vrillèrent littéralement. Avait-il bien compris ? C'était Sasuke qui avait achevé la gravure ? Donc, cela voulait dire que...

- Attends, t'es en train de te déclarer là ?

Le regard du brun se reposa sur lui et il hocha des épaules avant de s'approcher plus qu'il ne l'était déjà. Ainsi, ils pouvaient sentir le souffle chaud de l'autre s'écraser sur leurs peaux et des frissons dégringolèrent le long de la colonne vertébrale de Naruto.

- Je ne sais pas. Tu vas me faire la tienne ?

Il ne rêvait pas ? Sasuke venait de sous-entendre que ses sentiments étaient réciproques, n'est-ce pas ? Hypnotisé par le regard du brun devant lui mais tétanisé par la situation, il ne savait plus comment réagir. Il avait peur de se fourvoyer et de se faire encore avoir par son meilleur ami.

- Si c'est encore pour te foutre de ma gueule Sasuke, tu...

- Tais-toi imbécile. Et embrasse-moi.

Ses yeux s'agrandirent sous la surprise. Non, il ne rêvait définitivement pas. Même si le brun savait parfaitement mentir, Naruto pouvait lire dans ses yeux d'encre que cette demande était des plus sérieuses.

Timidement, sa main effleura la joue de son meilleur ami avant de se frayer un chemin jusqu'à sa nuque et leurs visages se rapprochèrent.

Le vent se leva de nouveau, emportant avec lui un tourbillon de pétales et de fleurs multicolores. Comme si la nature elle-même approuvait ce qui allait se passer.

Alors, d'un baiser, ils scellèrent leur amour, sous un cerisier en fleurs.

FIN.

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