33 | Valse Émotionnelle
Point de vue Avery
❝ Autour de nos émois, nos sentiments se sont agités. Endiablés, nous les avons évincés. ❞
Lorsque la porte s'ouvre à la volée, dévoilant ces cheveux de jais et ce regard destructeur, mon souffle se coupe. D'un revers de la main, j'efface les larmes échouées sur mes joues. Les yeux de Cayden se posent sur ma silhouette, avachie contre le lit. Je ne pourrai déterminer s'il hésite à mettre un pied dans ma chambre ou rebrousser chemin, effrayé par ce qu'il se trouve devant lui.
— Tessa m'a laissé rentrer.
Sa voix tremble, comme s'il était indécis. Ses sombres yeux s'accrochent à mon corps alors que je me lève, honteuse de la situation. Rien ne pouvait être plus embarrassant. Le chignon à moitié défait et le regard encore perdu dans l'immensité d'un chagrin jusque là oublié, je pose ma main sur la porte, prête à la fermer à tout moment. Seulement, Cayden reste là et les souvenirs de cette après-midi désastreuse refont face.
Quand Nora est apparue devant moi, ce sourire mesquin s'échappant des lèvres, la peur a pris possession de mon corps, ordonnant à toute confiance de disparaître. Et sans courage, je ne pouvais la vaincre. Comment en étais-je arrivée là ? Cette amie qui, à plusieurs reprises, avait effacé quelques minces regrets s'autorisait maintenant à provoquer leur réapparition. Je n'étais même plus sûre de pouvoir nommer ce lien qui nous reliait, elle et moi.
Jusqu'à ce jour, celui où j'ai pris conscience des choses. Nora n'est plus la personne avec qui je peux m'ouvrir et à qui j'ose confier ma triste vérité, elle est devenue celle qui se réjouit d'enlever chaque morceau de ma confiance. En elle, l'amertume a grandit. Et ce soir-là, ce sentiment corrupteur s'est échappé, rythmé par les regards indiscrets. Devant Hunter, Nora s'est sentie supérieure, prête à laisser sa peine bouleverser ses non-dits. La seule solution face à cet écueil était de s'enfuir, laisser sa colère m'envahir et noyer mon âme sous ses paroles assassines.
Cadencé par mes coups de pédales, l'air s'est engouffré dans mes cheveux, les soulevant dans un murmure rassurant. Mes pensées m'ont menée d'elles-même à l'appartement, c'est là que j'y ai trouvé refuge. Pourtant, ce n'est que quand Cayden est apparu, après un grand nombre de minutes à tenter de ravaler les larmes, que la voix de Nora s'est enfin tu, vaincue.
— Je peux entrer ?
En relevant les yeux, je retrouve ce visage tant rassurant. Un mince sourire s'étend sur ses lèvres tandis que ses yeux luisent à nouveau de son éternelle détermination. Mes mains alors crispées contre le bois de la porte se détendent et je m'écarte pour le laisser passer. Son bras frôle le mien et je maudis ma peau d'en faire de siennes à ce simple contact. Avant de refermer derrière lui, je m'autorise un regard dans le couloir, sachant pertinemment que Tessa n'est pas bien loin. C'est sans étonnement que je l'aperçois, au bout du couloir. Ses mains miment des gestes vifs tandis que son visage démontre une expression amusée, presque nerveuse.
Dans la chambre, Cayden semble soucieux. Assis sur mon lit et les avants bras posés sur ses genoux, je sens son regard préoccupé. La porte enfin fermée j'ose me retourner, l'affrontant une bonne fois pour toute. Déstabilisé, il souffle en baissant les yeux. Je mentirais si j'affirmais l'avoir déjà vu comme ça, aussi abattu.
Prenant mon courage à deux mains, je m'installe à ses côtés. Le sourire réconfortant qu'il me lance suffit à réchauffer mon cœur.
— Avery.
La façon dont il a soufflé mon prénom hérisse mes poils et je retiens mon souffle.
— Tu peux te détendre, murmure-t-il. Nora n'est pas dans cette chambre.
La seule chose qui pourrait me détendre est qu'il cesse de me regarder de cette façon, comme s'il cherchait au plus profond de moi-même.
— Pourquoi tu es venu ?
— Je me suis dis que tu avais peut être besoin de compagnie.
Les mots semblent s'être échappés de sa bouche, avant qu'il n'ait le temps de réagir.
— Je sais que ce concours te tracasse, je suis un piètre danseur et nous sommes bien loin d'avoir finis d'apprendre la chanson mais...
Il lève la tête, ses yeux perçants rentrent en contact avec les miens.
— On peut y arriver, terminé-je.
Le sourire qui apparaît sur son visage me cloue sur place, son visage s'adoucit tendrement. Les choses sont différentes avec Cayden, un simple sourire est suffisant pour raviver ne serait-ce qu'une étincelle. Lorsque la joie prend possession de son corps et que l'ardeur papillonne dans ses yeux, mon âme s'émeut. Nous nous exprimons par le biais de ces regards singuliers. Lentement, les fragments de verre brisés se recollent. Peut être même qu'un jour, ils formeront quelque chose d'attrayant.
— On doit encore se voir en dehors des cours préparatoire, comme la semaine dernière.
Je hoche la tête. Depuis que ce concours a débuté, j'ai appris à mettre cette éternelle timidité de côté. Et s'il le faut, je tenterai tout pour l'évincer de mon être. Maladroitement, j'ose me tourner vers mon partenaire pour lui faire face. La gène tente de dominer le peu de courage qu'il me reste. À mon plus grand étonnement, les mots sortent avant que celle-ci n'atteigne son but :
— C'est certain, je ne suis pas la meilleure coéquipière qui soit. Je ne parle pas beaucoup mais s'il y a bien quelque chose dont je suis certaine c'est que je suis heureuse d'avoir pu participer avec toi.
Je suis sur le point de me raviser mais ses terribles yeux suffisent à me faire continuer.
— Même après les avertissements de Nora, tu es encore là pour me réconforter. Si je pouvais en faire autant pour toi, je n'hésiterai pas.
Plus le temps passe, moins je reconnais la nouvelle Avery qui s'aventure en moi. Cette fille est capable d'enlever les pierres échouées sur le chemin, elle repousse mes plus grandes peurs et par dessus tout, se permet de ne plus fuir un regard. Même si celui-ci semble sur le point de l'achever.
— Par pitié, viens-là, grogne Cayden en me montrant son torse.
Je n'hésite pas une seule seconde de plus. Comme les dernières fois, je retrouve au creux des ses bras ce sentiment si réconfortant. Cayden pose sa tête contre la mienne et la chaleur qui émane de son corps me rassasie. À cet instant-là, rien ne m'empêche de profiter de ces longues minutes où nos corps se rencontrent.
— Tu m'apaises bien plus que tu ne le penses, bafouille-t-il contre mon oreille.
Incapable d'ouvrir la bouche, je me contente de laisser mes doigts glisser dans son dos. À mon contact, Cayden frémit. Prisonnière de mes pensées, mes mains entreprennent une valse par dessus son tee-shirt. Les gestes se succèdent, d'abord lentement avant de trouver un rythme, celui des battements irréguliers qui vibrent sous mes doigts. La danse n'est pas que sur sa peau, elle est aussi en moi. À l'intérieur, les questions se multiplient tandis que les sentiments tournoient autour de ma raison. Dans mon cou, le souffle de Cayden caresse ma peau avec délicatesse.
Alors que j'allais, une fois de plus, jouer avec mes doigts, Cayden me stoppe en se laissant tomber sur le lit. Ses mains m'empêchent de me dégager de son emprise tandis qu'il s'allonge sur le côté. Collée contre sa poitrine, je retiens mon souffle autant que je le peux.
— Détends-toi.
Et c'est ce que je fais, bercée par sa voix. Doucement, mes mains imitent les siennes en rejoignant son dos pendant que nos jambes s'entremêlement gracieusement.
— Merci.
Ce mot de nature si simple et ordinaire glisse sur ma langue maintenant avec facilité. Comme réponse, il presse ses lèvres contre mon front et un sourire béat triomphe des miennes.
☆★☆
Au moment même où je ferme la porte d'entrée, laissant Cayden quitter l'appartement, Tessa jubile derrière moi. Ses cris résonnent à travers la pièce et je me retourne vers elle, guérie de la tristesse qui m'accablait il y a plusieurs heures de cela.
— C'était quoi ça ? s'écrit-elle .
Je l'observe, perplexe.
— Pourquoi il te regardait comme ça, comme s'il allait te dévorer ?
Hâtivement, Tessa me tire par le bras et me fait asseoir sur le canapé. Sans me quitter des yeux, elle prend place en face de moi.
— Comment Cayden arrive à te faire sourire aussi facilement ? Il faudrait que je lui demande quelle recette magique il utilise, marmonne-t-elle.
— Crois-moi, tu y arrives tout aussi aisément.
Son regard s'adoucit et elle semble enfin retrouver son calme. Délicatement, elle me sourit.
— Je l'aime bien.
— Cayden ?
— Oui, crétine.
En cette période, je redécouvre ma colocataire. Nous partageons des moments complices et propices à notre amitié. Grâce à elle, j'ai pu apprendre que les jours langoureux sont comme des nuages légers et étroits, les rayons du soleil y passent toujours à travers. Chose à laquelle je ne cesserai jamais de penser. Et c'est certainement pour cela que je craque :
— Je ne bois plus.
Tessa relève la tête, alertée par mes propos.
— Depuis quand ?
Mes joues rosissent rien qu'à l'idée de répondre à ma colocataire, c'en est beaucoup trop embarrassant.
— Ne te moques pas, d'accord ?
— Laisse-moi deviner, depuis que tu traînes avec Cayden ?
Je hoche la tête et un coussin s'écrase contre ma figure.
— Tu es un cliché, Avery Millers, mais je suis fière de toi.
Soulagée, je relâche tout l'air que j'avais jusque là gardé dans ma cage thoracique. Tessa m'offre le plus beau des sourires, celui qui vous montre à la fois de la joie et de l'amour. Elle se lève pour me prendre tendrement dans ses bras et je ne peux que me réjouir.
— Tu sais que c'est bientôt mon anniversaire, n'est-ce pas ? s'écrie-t-elle.
— Comment pourrai-je l'oublier ?
Elle me fait face, la mine joyeuse.
— Je vais organiser la fête la plus spectaculaire de tout Seattle, ici, à l'appartement. Et je t'en supplie, ne me tue pas.
— Tessa je vais te...
Avant que je ne puisse l'attraper, elle a déjà filé à l'autre bout du salon.
— Allez, tu pourras montrer à tous tes talents de danseuse, même à Cayden !
— Quoi ?
Armée d'un coussin que j'ai récupéré à la va vite sur le canapé, je m'avance dangereusement vers elle.
— Cayden est sur la liste des invités, même son pote, le grand tatoué qui a critiqué ma musique. Félicite-moi pour cet humble geste.
Il ne manquait plus que ça.
— Viens-ici, Tessa. Je vais te tuer très lentement pour que tu aies le temps de prendre conscience de l'horrible chose que tu viens de faire.
Ignorant considérablement mes ordres, elle ne se retient pas pour pouffer. Avant de disparaître dans le couloir, elle se retourne une dernière fois, les yeux luisants d'un étrange sentiment.
— Au fait, j'ai annulé l'annonce pour la coloc', je préfère de loin n'avoir qu'une enfant à emmerder, Tessa prend un air peiné. Et puis, j'ai encore tant à t'apprendre en ce qui concerne les garçons, c'est lamentable.
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