13 | L'arabesque d'un sentiment
Point de vue Avery
❝ Lorsque je danse, les mots semblent se noyer dans ma passion, mon arabesque sentimentale. ❞
Il m'arrive de penser à cette personne que j'étais avant, celle qui n'avait pas peur du regard des autres, cette fille qui vivait pleinement son existence sans se préoccuper du reste. Au fil des jours, une réelle admiration de la fille que j'étais est née en moi. Seulement elle n'est pas seule, une tout autre sensation a fait son apparition. Alors que les jours passent, elle grandit. Et maintenant, elle a un nom. Elle est ma timidité. Elle se faufile dans ma vie, libre comme l'air et elle m'emprunte le peu de courage qu'il me reste.
— Avery, attends !
La porte d'entrée de l'université des arts qui claque et les pas rapides de Cayden me sortent de mes pensées. Sans réfléchir, je m'élance à grande enjambée dans les couloirs vides et étrangers à mon égard.
Quand j'étais sur mon vélo, l'air frais s'abattait sur mon visage. Les joues rosies par le froid et les membres engourdis, je m'étais égarée. J'avais laissé échappé mon attention le temps d'un souvenir. Subitement le visage de ma sœur était apparut dans mon imagination. Sa fine silhouette s'était faufilée entre les passants du lundi en fin d'après midi. Tel une ombre, elle marchait sans que jamais personne ne tourne la tête vers elle. C'est à ce moment là que des cheveux aussi noirs que la cendre sont apparus devant moi. Avant que je ne puisse avoir le temps de réagir, une voiture s'est engagée sur la voie en reculant et j'ai brutalement changé de direction, fonçant en plein dans le trottoir. Quand des mains m'ont agrippées pour me remettre sur pieds, j'ai enfin aperçu ce visage. Lorsque j'ai reconnu Cayden, j'ai cru que j'allais m'évanouir de honte. Durant ces premiers mois passés à Seattle, je n'ai jamais croisé ce garçon. En fréquentant tous ces endroits publiques, jamais son regard n'a croisé le mien, pourtant élève en deuxième année, il ne doit pas être nouveau en ville. Et le voilà qui débarque beaucoup trop de fois dans ma vie depuis plus d'une semaine.
— Bon sang, arrête-toi !
Sa voix suave résonne une nouvelle fois mais je l'ignore. C'est plus fort que moi, aucun son ne veut sortir de mes entrailles. J'accélère une dernière fois avant d'ouvrir une porte qui me semble être des toilettes par le logo inscrit dessus. Rapidement, je prends la première cabine venue et m'enferme à clé. Alors que je pense sortie d'affaire, le bruit d'une porte qui s'ouvre me fait sursauter. Je suis pathétique, Cayden n'est pas un criminel. Il ne viendra certainement pas m'égorger des ces toilettes mais je n'aime pas les réactions que j'ai à chaque fois que je lui fais face. L'autre fois au parc c'était facile, j'avais des moyens de distraction mais ici, dans ces couloirs vides, nous ne serons que tous les deux. Et j'ai bien trop honte de mon comportement pour l'affronter les yeux dans les yeux.
— Pourquoi t'es comme ça ?
Grâce à l'espace entre le sol et la porte, je peux apercevoir son ombre se profiler devant la cabine, la seule qui doit être fermée.
— Pourquoi t'es fuyante comme ça ? Tu sais, je ne vais pas te tuer. Même si actuellement j'en ai très envie pour m'avoir fait courir comme un idiot.
Sans me contenir, je lâche un rire nerveux et plaque instinctivement ma main sur ma bouche pour étouffer le bruit.
— Au moins t'es vivante, dit-il en faisant allusion au bruit.
Je souris franchement et une sensation étrange se faufile en moi, je l'élimine aussitôt. Alors que mon regard se pose sur mes mains rougies et squelettiques, il est vite attiré par le bas d'un blouson noir qui dépasse de dessous la porte. Il s'est assis.
— Je veux te parler alors j'attendrai. J'ai encore du temps devant moi.
Je profite du fait qu'il ne puisse pas me voir pour me lancer. D'une voix presque inaudible et tremblotante :
—C'est les toilettes des filles, tu n'es pas censé y rentrer.
Cayden rigole alors que je tente de trouver pertinemment ce qui lui vaut ce ricanement.
— C'est plutôt toi, tu es dans les chiottes des mecs.
La honte m'envahit à nouveau et je m'empresse d'ouvrir la porte pour sortir de cet endroit. J'en oublie Cayden qui est assit devant moi et le fait basculer en arrière. Je l'évite de peu et m'arrête net. Mes yeux épient la salle du regard et à ce moment là, je comprends tout.
Seulement avant que je ne puisse réagir, deux mains viennent s'emparer de mes épaules. Je sursaute et observe mon reflet horrifié dans le miroir. Mes yeux sont creusés par des cernes et mon visage est beaucoup trop anguleux. Pourtant, ce n'est pas ça qui me dérange le plus. C'est plutôt le visage sadique de Cayden à ma droite. Depuis le miroir, je l'observe qui se rapproche avant de murmurer :
— Je t'ai eue.
Je frissonne à la sensation de son souffle sur mon lobe et tente de me dégager de son emprise mais ses bras me retiennent. Il efface cette expression monstrueuse de son visage et me sourit avec gentillesse. Malgré ça, ses mains sur mon blouson me paralysent et j'abandonne tout échappatoire.
— Cayden, lâche-moi, bégayé-je.
Il retire brusquement ses mains comme si il s'en rendait compte pour la première fois.
— Je voulais juste te demander si tu allais bien, tu boitais en rentrant. Et...
— Oui, lâché-je honteuse d'avoir imaginé tant de choses pour une seule question.
Mais Cayden ne me laisse pas le temps de filer puisqu'il souffle en murmurant :
— Et je t'ai pas donné mon adresse tu sais... Pour venir chez moi.
Embarrassée, je hoche la tête et laisse Cayden mener la conversation lorsqu'il me détaille rapidement comment venir chez lui.
— Pas besoin d'horaires, tu peux venir mercredi dans l'aprèm à n'importe quelle heure, je serai là.
Malgré la gêne que j'éprouve à débarquer chez lui à tout moment, j'approuve d'un hochement de tête. Rien que de m'imaginer chez lui me tord le ventre à m'en faire souffrir. Seulement, j'en suis contrainte. Cayden ne m'invite pas pour le plaisir, il veut avant tout gagner ce concours comme la plupart des concourants. Et je crois que moi aussi.
☆★☆
Assise au fond de la classe, j'observe ce qui m'entoure. Avant que je ne quitte les toilettes, Cayden m'a indiqué le chemin jusque la salle où se passerait les cours préparatoires, je le remercie intérieurement. La salle n'est pas encore remplie mais quelques élèves y sont déjà installés. Seulement, je me sens comme oppressée. Les mûrs d'un gris trop sombre semblent se refermer sur moi et les instruments qui trônent de chaque côté de la pièce rectangulaire me déconcentrent. Du coin de l'œil, j'observe leur forme, qu'elle soit arrondie ou anguleuse, elle m'impressionne. La musique est un domaine dans lequel je n'ai jamais mis un pied, elle est bien trop vague à mon goût. En tant que danseuse, je me dois de la perfection et de l'amélioration. A force, elles font parties de moi.
— Elle est cool cette salle ! Ca change des salles vides.
Encore perdue dans mon admiration, je ne remarque pas tout de suite Cole qui s'installe sur la chaise à côté de la mienne. J'aimerai lui dire de se décaler d'un rang ou de tout simplement disparaître mais je n'ose pas. Je n'aime pas cette assurance que je retrouve dans le regard de Cole, comme celle de Beryl. Cette assurance est beaucoup trop hypocrite à mon goût, trop dérangeante. Mais bien évidemment, c'est quelque chose que je ne pourrai jamais leur avouer, même si l'envie ne manque pas.
— C'est qui ton partenaire ?
Bien évidemment, je laisse la question de Cole en suspend. Je décroche mon regard du sien et tremblotante, je me tourne vers la fenêtre. Malheureusement, il ne comprend pas le sous-entendu que je lui envoie et reste assit.
— Mec, je ne crois pas que ce soit ta place.
Stupéfaite, je me retourne vers la source de cette voix et ce que je vois ne me plaît absolument pas.
— Pourquoi ? répond bêtement Cole.
Hunter lui lance un regard noir.
— Parce qu'elle n'est pas avec toi. Et puis je te rappelle qu'on est ensemble donc bouge-toi avant que je ne le fasse moi-même.
Cole lève les yeux aux ciel en marmonnant. Pendant qu'il se lève pour se déplacer, j'en profite pour faire mine de chercher quelque chose dans mon sac afin d'éviter le regard terrifiant d'Hunter. C'est à ce moment là que je remarque, en me baissant, un jean qui m'est bien trop familier.
— Il se passe quoi Hunter ? marmonne Cayden.
— Il voulait juste ta place, déclare Hunter en pointant du doigt Cole.
Celui-ci ignore les propos lancés en soufflant d'exaspération.
— Oh, il peut la garder s'il le souhaite.
Vexée, je reporte une fois de plus mon attention sur l'extérieur et ferme les yeux sur le fait que le comportement de mon partenaire soit complètement différent. Quand je sens le bras de Cayden frôler le mien encore habillé de son manteau, je me crispe. Je n'aime pas cette proximité qu'il installe entre nous deux mais ce sourire collé sur ses lèvres me décourage.
— Faut croire que tu ne peux pas te passer de moi. Même pas cinq minutes et...
— C'est plutôt toi, je réponds directement.
Malgré ma voix tremblante, je garde espoir et redresse un peu plus mes épaules. Cayden se tait quelque secondes avant de reprendre d'une voix encore plus grave :
— J'aime quand tu me réponds, je me sens un peu moins seul.
Je ne peux m'empêcher de sourire à sa réflexion. Seulement, je ne passe pas inaperçue puisqu'Hunter s'amuse à siffler derrière nous. Rapidement je jette un regard en arrière mais je déplore vite ma décision en croisant les deux regards insistants de Cole et Hunter. Heureusement, l'arrivée de Paul efface tout signe de discussion.
— Bien le bonjour à tout le monde ! hurle-t-il à travers la salle.
Ce fameux Paul s'installe sur le bureau vide de la classe et nous jauge tous du regard. De longues minutes passant sans que jamais personne ne prenne la parole. Du coin de l'œil je remarque Beryl assise à une table avec une fille au cheveux blonds vénitiens, heureusement elle ne s'avère pas être Wren.
— Aujourd'hui pour la première fois, vous allez travailler en binôme dans l'école de musique. Pas besoin de discours, vous savez tout.
A partir de ce moment-là, Paul entame l'appel des élèves. Quand vient mon tour, je réponds d'une voix aiguë et certains élèves se retournent vers moi en souriant aimablement. Les cheveux devant les yeux de façon à caché mon visage sûrement rougis, je fuis. Cependant, un détail attire mon attention. Derrière les mèches brunes qui tombent sur son front, le regard de Cayden, quant à lui, ne semble pas décider à se détacher de mon visage.
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