Izuku se réveille calmement, encore engourdi par la journée de la veille mais assez reposé. C'est samedi, ce qui veut dire que son réveil n'a pas sonné, qu'il n'a pas à aller en classe et que Marcus est très certainement au travail.

Il s'extirpe du lit sans réveiller l'adolescent aux yeux rouges qui dort encore profondément et descend les escaliers sans avoir trop mal.

Il a toujours un peu mal. Aux reins, à l'anus, au ventre ou dans le dos, les endroits dépendent mais la question maintenant n'est plus s'il a mal mais à quel point.

Aujourd'hui, il n'a pas trop mal. Une légère courbature, un picotement entre les fesses.
C'est une bonne journée.

Il se prépare une tartine devant un dessin-animé, les épaules relâchées.
Il met beaucoup de confiture et il s'installe pour le canapé pour la manger.

Sa mère n'est pas encore réveillée et Marcus n'est définitivement pas là.
La télé n'est pas très bruyante et il ne connaît pas ce dessin-animé mais ce n'est pas important parce que pour la première fois depuis un bon moment: il est en week-end.

Alors forcément quelqu'un vient tout gâcher en sonnant à la porte comme un forcené.

Il avale le reste de sa tartine d'une trop grosse bouchée et quand le fou-furieux n'arrête pas, son expression se tend et il se dépêche d'aller ouvrir cette porte qui ne risque plus de tenir bien longtemps.

Il n'a pas le temps de se demander ce qui peut être si urgent un samedi à neuf heures et demi du matin pour que quelqu'un décide de venir entamer ses phalanges sur la porte d'entrée des gens parce qu'il ouvre la dite porte et qu'un cri aigüe retentit devant lui.

- Mme Bakugo?

- Je t'ai déjà dit de m'appeler Mitsuki! Comme tu as grandis! Tu t'es musclé! T'as une fille en vue? Tu vas bien? Ça va l'école? Les amours? Les notes?

- Euh...

Il pensait être bien réveillé mais en voyant la tornade d'énergie qu'est cette femme, il n'en est plus très sûr. Heureusement, une voix rauque derrière lui vient à son secours.

- Laisse-le la vielle!

Il se retourne promptement et voit Kacchan dans l'escalier en train de se frotter les yeux, toujours en pyjama.

- Oh ça va! Je voulais voir ta mère pour lui dire qu'on venait de rentrer et que la marmotte qui me sert de fils peux rentrer ce soir.

- Ce soir?

- Bah oui! Vous allez passer la journée ensemble non? dit la femme qui prend son incompréhension pour du regret.

Le vert jette un coup d'oeil à Kacchan mais il est sur le canapé, les yeux rivés sur la télé.

- Bon je vous laisse! Je sais que tu es en train de nous écouter donc je t'informe qu'on a reçut un mail du collège pour votre voyage scolaire dans deux semaines! Tu commence ta valise en rentrant!

Izuku se retient de se frapper le front. Avec la venue du blond, il avait totalement oublié le voyage en Italie auquel sa mère l'a inscrit.

Il a beau essayer, il ne retient pas le frisson qui le parcourt quand il s'imagine passer une semaine avec ses camarades de classe sans interruption.

Il reprend son assiette bien plus tristement que voulu et se pose sur le canapé à côté de Kacchan qui a un bol de chocolat chaud dans les mains et qui regarde le dessin-animé qu'il avait abandonné plus tôt.

- Désolé de t'avoir réveillé...

- C'est pas toi c'est la vieille.

Il le regarde, un peu surpris d'avoir eu une réponse.  Il l'entend marmonner dans sa barbe, jurant contre sa mère et sa manie de toquer chez les gens si tôt le matin.

Izuku est d'accord avec lui mais il se garde bien de le mentionner.

Peu de temps après, la mère du vert descend les marches et l'informe que Marcus est en service toute la journée mais qu'il a oublié un document à la maison et il ne lui en faut pas plus pour savoir qu'il va devoir jouer les facteurs.

- Pas de problèmes, j'y vais tout à l'heure, dit le garçon qui n'a aucune envie de passer son samedi sur le lieu de travail de son beau-père.

- Je viens.
Izuku se tourne vers l'adolescent qui n'a pas lâché l'écran du regard.

- Pourquoi?

- ' rien à faire.

Il n'insiste pas et accepte son sort. Kacchan est encore moins bavard que d'habitude ce matin.

Après s'être préparés, les garçons se mettent en marche, descendant la rue où ils prennent habituellement le bus pour continuer plus loin et se diriger en direction du bourg.

Izuku tient étroitement le dossier dans ses bras pour ne pas le renverser et il jette régulièrement des coups d'œil dans la direction du blond qui continue de l'ignorer superbement.

Là encore, il se tourne pour voir s'il a changé d'avis mais non, Kacchan ne décroche pas un mot. Le vert commence vraiment à se demander pourquoi il voulait l'accompagner.

Ils arrivent bientôt au niveau du commissariat et Izuku a à peine fait trois pas après la porte qu'il se fait interpeller par la réceptionniste.

- Excusez-moi!

- Oui? dit Izuku, s'arrêtant dans sa route jusqu'au bureau de son beau-père pour se mettre à son niveau.

- Vous êtes pas tout seul! Allez dans la salle d'attente!

- Mais-

- C'est non négociable. On vous appellera.

Le vert se mord la lèvre, ne sachant pas s'il doit insister ou abandonner face à son attitude. Heureusement une voix forte d'un accent hispanique vient à son secours.

- Hey! Izuku? T'as grandis depuis le temps!

Il se retourne et tombe sur un officier au crane rasé qui lui fait un sourire.

- Alors mon grand! Qu'es ce que tu fait là? dit Carls avec un air sincèrement joyeux.

- Marcus a oublié ça... dit-il en montrant le dossier après s'être remis de la claque que l'homme lui met au bras.

Kacchan le regarde. La secrétaire le regarde.
Il veut disparaître.

- Suivez moi, dit simplement l'homme avant de les guider dans les couloirs gris.

Dans ces derniers, il croise plusieurs personnes qui le saluent, lui racontent en deux mots des anecdotes et lui demandent de ses nouvelles.

Kacchan se met à côté de lui et dit ses premiers mots depuis leur départ.

- Tu m'expliques?

- Bah... Marcus est flic et quand j'étais petit il m'amenait souvent avec lui. Donc tous ceux qui ont au minimum 5 ans de services ici me connaissent.

Au bout d'un couloir, une porte sur laquelle est accroché un petit écriteau. On peut y lire:

MARCUS IBRANOVZKI

INSPECTEUR DE LA BRIGADE DE PROTECTION DES MINEURS

- Il a été muté inspecteur y'a deux ans! dit l'homme fièrement.

- Je sais, répond Izuku qui se souvient encore de ce qu'il lui avait fait ce soir là.

Izuku toque et rentre dans le bureau, suivit de Kacchan.

- Izuku! Je me suis dit que tu pouvais me l'amener... en plus ça faisait longtemps que tu n'étais pas venu!

Il n'est pas dupe et son air jovial ne le met que mal à l'aise.

Il sait pourquoi il l'a fait venir ici de tous les lieux, dans cet endroit où il a tant d'amis et d'alliés.

- Oui, père.

Ils savent tous les deux qu'il a compris.

Les deux collégiens sortent du commissariat et Kacchan lui demande presque aussitôt:

- C'est quoi son métier exactement?

- C'est beaucoup d'affaires qui touchent aux mineurs. Ça va de l'harcèlement jusqu'aux meurtres. C'est pas souvent qu'il m'en parle, dit-il pressé de changer de sujet.

Ils rentrent à la maison, mangent puis font leurs devoirs. Kacchan l'aide à corriger son contrôle de math -il lui fait quelques réflexions qu'il ignore-.

Il a eu 15, il est content.

Un peu plus tard, il écrit dans un carnet des informations sur les nouveaux super-héros du moment, laissant l'ordinateur au blond.

Ce dernier essaie bien de trouver quelques informations compromettantes sur le vert mais à part pour écouter de la musique, chercher des informations sur des héros ou faire ses devoirs, c'est comme s'il ne l'utilisait pas.

Et comme Deku ne sait pas mettre la navigation privée -il lui a demandé, l'autre l'a regardé avec des yeux ronds- il se lasse vite.

Quand Kacchan rentre chez lui, il lui fait bien comprendre que c'est terminé.
La trêve est terminée.

Il ne lui dit pas. Un simple regard dans sa direction alors qu'il passe la porte d'entrée lui suffit.

Izuku sent son cœur se serrer de regrets. Dans le fond, il ne sait pas ce qui est pire: qu'il l'ait vu être plus doux ou qu'il ait ignoré qu'il pouvait l'être.

Mais Izuku n'a pas vraiment le choix et maintenant il n'a plus que ses espoirs écrasés à digérer comme il le peut.