20: Au fond du gouffre

PDV IZUKU:

J'étais au fond du trou.

Enfin, celui du puit pour être tout à fait exact. Le soleil se levait à peine et je ne comprenais toujours pas comment ça avait pu dégénérer aussi vite.

Il était venu me réveiller à l'aube et je n'avais qu'eu le temps de prendre de quoi m'habiller que la voiture démarrait. Peu de temps après elle s'arrêtait de nouveau dans un sous bois près d'un puit condamné. Plus personne ne venait ici officiellement même si quelques bouteilles de bière jonchaient le sol.

Je me suis mis à greloter et j'ai commencé à maudire le plâtre à mon bras qui m'empêchait de mettre autre chose qu'un t-shirt manches courtes. Je lève les yeux pour observer les arbres sombres dans le reste de nuit et la brume humide qui refroidie ma peau.

Le coffre de la voiture se ferme dans un bruit mat, la puissante main de Marcus me tire de mes pensées et me tire jusqu'au bord du trou, une corde dans une main, mon bras toujours dans l'autre.

Fatigué par mes nuits courtes mais terrorisé par l'homme en face de moi, j'obéis sagement quand il attache la corde et me fait descendre dans le trou.

Le sol glissant, l'obscurité et la fraîcheur ambiante, le tout assaisonné d'une odeur d'eau croupit ne me rassurait pas durant ma descente périlleuse.

Au bout du compte, mes pieds se posent dans le sol pâteux et trempé de la cavité. Mes baskets prennent immédiatement l'eau et je grimace.
Je vois ma panique augmenter à la même vitesse que la corde qui remonte. Je lève la tête mais n'aperçois qu'une vague forme sombre dans l'obscurité.

Marcus: Je viendrais au couché du soleil.

Sa silhouette se détache de mon champs de vision et je regarde autour de moi pour prendre connaissance de mon lieu de vie pour les prochaines et longues heures. Je m'étonne de garder aussi bien mon calme mais en profite pour rester rationnel et enfin comprendre ce qui m'arrive.

Le trou doit faire deux mètres et demi de diamètre mais des saletées et déchets emplissent le sol.
Un vieux paquet de clopes détrempé, une bouteille brisée, une capote usagée flottante à la surface de l'eau...

J'aurais pourtant dû me douter de quelques chose. Ça fait une semaine que les médias rapportent des températures jamais vu en Septembre au point que de la neige ne serait -presque- pas surprenante.

Pourtant je pensais que mon plâtre l'arrêterait...

Tu parles! Kacchan à eu beau me mettre une raclée à l'entraînement, ce n'est rien à ses yeux.

La fatigue encore présente, je m'accroupi pour soulager momentanément mes jambes.

Kacchan...
Je met la tête dans mes genoux, de gêne.

Pourquoi je lui ai dit pour mon alter?! Il pleurait et ma seule réaction a été de tout lui dire... Bravo Izuku... Sans parler du savon que m'a passé All Might.

Il pleurait... Kacchan, LE grand Katsuki Bakugo pleurait...

J'ai beau chercher, je n'ai aucun autre souvenir de lui en larmes. Ou du moins pas avec cet air de souffrance mal dissimulé.

Mais quelque chose me fait peur. Très peur.

Et ce n'est pas pour rien que mes cauchemars redoublent d'intensité.

Izuku: Tu lui ressembles. De plus en plus. Pourquoi tu lui ressembles...

Depuis le début d'année il change, je le vois.

Il est comme une boule de nerf, une bombe.
Il garde tous pour lui. Les remarques, les moqueries, les blagues mal placées...

On sait tout les deux qu'il n'est plus au collège et qu'il ne peut pas les envoyer se faire voir.
Alors il garde tous... Et il va craquer. Ça va s'accumuler. Et ça va retomber sur quelqu'un.

Comme. Avec. Marcus.

...Une fois dans un rêve, j'étais en classe derrière lui. Le temps d'une respiration et je m'étais téléporté. Dans le grenier, face à l'homme.

Ce n'étais plus Kacchan. Il était devenu plus grand, musclé. Ses cheveux n'étaient plus blond mais presque gris et tellement courts qu'ils en sont piquants. Son visage était plus carré et entouré d'une barbe noirâtre et broussailleuse. Mais le pire ce sont ses yeux.

Les yeux de Marcus. Des yeux noirs, si noirs qu'on dirait des billes. Ou un gouffre sans fond.

Oui c'est ça, un gouffre. Un gouffre où son âme aurait pourrit pour rester morte et putride au fond de ses yeux. Vous n'y croiserez jamais de compassion ou d'humanité.
Juste de la manipulation et du sadisme en bonnes doses.

Les yeux sont les fenêtres de l'âme.
Izuku: Alors bienvenue en enfer...

Enfermé dans mes pensées morbides dans un endroit qui l'est tout autant, je ne me rend pas compte que le soleil s'est levé et que le vent devient violent à l'extérieur.
Je n'entend que ses gémissements et ses hurlements entre les branches. De gros nuages couvrent un peu plus mon champs de vision et je me relève pour faire partir les fourmis dans mes jambes.
Ma vessie et mes reins me font mal mais il faut que je me retienne.
Je renifle pour la énième fois et change de pied d'appui constamment. Je pose la tête contre la parois humide et pleine de mousse et ferme les yeux.

Izuku: Bon, réfléchi. Tu ne peux pas sortir d'ici et ce n'est de toute façon pas une option... donc tu vais devoir attendre.

Bon, j'ai envie de pisser mais je vais aussi avoir sommeil, faim, soif voir même mal au bras.

Que de bonnes choses en perspective. Je m'étonnerais toujours de mon talent pour l'optimisme.

Je devrais plutôt penser à autre chose...

***

Non, rien à faire. Je suis tout bonnement incapable de penser à autre chose qu'à Marcus. Et si je n'y pense pas, c'est mon bassin qui accapare toute mon attention. Je commence à avoir très froid mais plus les heures passent et moins je suis sûr de le voir revenir.
Avant, j'aurais sûr ce qu'il m'attendait. Mais, je le sais. J'ai contrecarré ses plans en allant à Yuei. J'ai été con.

Très con.

Je savais que je devrais faire attention à cacher mes plaies aux héros. Mais comment j'ai fais pour oublier qu'il continuerait?

J'y ai cru. J'ai espéré qu'il se stopperait... Mais ce n'est pas n'importe qui...
Parfois, une lueur étrange passe dans ses yeux.

Par la lueur folle qui promet milles tortures et plus. Pas la lueur si perverse que j'ai profondément envie de vomir et que je me sens sale et pourri jusque dans mes entrailles.

Non. C'est une lueur que je pensais impossible à voir chez lui et, d'ailleurs, je me sens ridicule de penser que ce puisse être vrai.

Parfois, il semble qu'il y ait une fraction de seconde où le loup devienne l'agneau, le prédateur la proie. Ça ne dure jamais plus d'une seconde durant laquelle ses muscles se tendent, et ses yeux s'écarquillent. Après, je suis souvent embarqué dans ses pièges incompréhensibles et dangereux. Avant c'était si rare que je n'y avait pas fait attention. Mais depuis Yuei, il me fait de plus en plus peur.
Car je l'ai bien vu.

Si, si.

Il devient fou. Totalement fou. Frapadingue, taré, aliéné, choisir un mot est tellement simple à ce niveau.

Amuse toi Izuku, mais tu sais que s'il ne se calme pas tu vas y passer. Et c'est loin de s'arranger.

Je ferme mes yeux qui étaient perdus dans le vague et me recroqueville en mettant mes mains sur mes oreilles. Pour faire taire la voix vicieuse de mon instinct de survie. Cette voix nasillarde qui n'arrange jamais rien. Celle-là même qui me dit de fuir au bout du monde mais qui n'hésite jamais à creuser les joues quand il m'étoufferait presque avec sa bite. Je me met à fredonner de plus en plus fort, espérant stopper le cours alarmant de mes pensées.

On me prendrais pour un psychotique, seul au fond d'un puit à fredonner une mélodie les mains sur les oreilles en me balançant d'avant en arrière.

Pour en rajouter, la douleur de mon bras se réveille et je me relève, ne maîtrisant plus rien. Je pose ma tête contre le mur de mousse et pleure en laissant la voix dans ma tête hurler et courir partout. Tout ce qui passe mes lèvres n'est plus qu'un son, répétitif à en crever et réglé comme une montre suisse. Je ne sais combien de temps je reste comme ça avant que cette crise ne se calme. Quand je bouge enfin, la douleur de ma vessie a disparu pour laisser place à une sensation humiliante d'un pantalon détrempé qui me colle à la peau.

Tu voudrais devenir un héros mais Izuku, t'es même pas capable de te retenir de te faire dessus! Espèce de gosse inutile.

Un vrai souriceau. Un deku.

Un rire incontrôlé passe entre mes lèvres alors que je renifle pitoyablement.
Je lève les yeux pour ne voir que de gros nuages noirs. Mon bras me semble aussi lourd que du plomb et le simple fait de le bouger me fait mal.

J'ai un goût ignoble dans la bouche et celui de mon dernier repas me laisse une sensation amère et humiliante. Un léger vertige se fait sentir et je ferme les yeux pour me concentrer sur des choses positives.

Maman. Elle veut qu'on aille au ciné quand elle revient le week-end prochain. Euh... Il y a deux jours Kacchan a bien voulu me prêter un stylo en classe. All Might m'a fait un compliment pendant un entraînement.

Je sens un bref truc froid sur ma joue qui me fait ouvrir les yeux. Rapidement je me rend compte qu'il pleut violemment à l'extérieur. Une pluie drue me tombe dessus et je frissonne sous cette douche improvisée. Alors que je pensais que le pire était arrivé, j'entend plus que je ne vois quelque chose tomber à mes côté dans un bruit désagréable et m'envoie un mélange de boue et d'urine sur les chaussures. Je grimace mais entend d'autres bruits semblables au sommet de ma prison. Je constate avec effroi qu'il s'agit de gros grêlons et comprend mieux les motivations de Marcus à m'emmener ici aujourd'hui. Je met par réflexe mon bras valide sur ma tête et m'accroupis alors que ça devient dangereux à l'extérieur.

***

La chute de grêlons passée, je reste dans cette même position alors que je tremble comme un téléphone sur vibreur. Je claque des dents et j'ai peur de tomber malade. Tout à coup je réalise quelque chose: comment vais-je remonter de ce puit avec la douleur de mon bras? Je me lève pour tâter les pierres mais en plus d'être glissantes elles n'ont aucunes prises.
Je soupire et passe mes doigts engourdis sur mon front pour dégager une mèche trempée. Je suis brûlant de fièvre.
Plusieurs fois j'entends des voitures passer sur les sentiers et à chaque fois mon cœur se crispe. L'obscurité de l'endroit est tellement dense que je ne peux pas savoir quelle heure il est. Je décroche la mousse du bout des doigts pour m'occuper mais je n'y vois bientôt plus rien et me résous à fixer le mur en face de moi. Je lève un peu les yeux pour voir le ciel sombre et soupire nerveusement.
Je sais que je ne suis pas sa priorité et que ça l'amuse de me voir paniquer. Mon ventre grogne douloureusement et de petites taches s'impriment dans mes rétines quand je me relève.

***

J'entend le moteur d'une voiture qui s'approche. Mon cœur s'affole quand je l'entend ralentir et je me sens presque plus rassuré dans cet endroit quand j'entends une portière qui claque. Je lève pourtant les yeux pour me prendre la lumière aveuglante d'une lampe torche en pleine figure. La corde tombe et je m'y accroche de toute mes forces en ignorant la douleur du frottement de cette dernière contre mes mains.
Dès que je suis à sa portée, il m'attrape par le col de mon t-shirt et me hisse sur le rebord du puit. Je sens l'air me frigorifier un peu plus mais me dépêche de me mettre debout en face de lui. Je baisse les yeux face à son sourire mesquin. Il n'a qu'une seule signification bien humiliante, pas de doutes possibles.
Je le suis jusqu'à sa voiture de service en ignorant l'odeur nauséabonde que je dégage et m'installe à l'arrière où il a mis une bâche sur les sièges pour ne pas les salir.

Le trajet est silencieux, comme toujours. J'ai une forte envie de dormir et les ballottements de la voiture sont une vraie berceuse à mes oreilles. Notre rue se fait bientôt voir et réveille en moi un vigilance absolue. Il s'arrête dans le jardin et je sors de la voiture. Sous son regard attentif, je rentre dans la maison et me dirige directement dans la salle de bain après avoir lâchement abandonné mes baskets sur le paillasson.
Une fois dans la pièce carrelée, je me débarrasse rapidement de mes habits qui empestent encore l'urine et les mets dans le sac poubelle qu'il a mit en prévision. Je rentre dans la cabine de douche et tire le rideau opaque. Instantanément, je me relaxe et allume l'eau pour me réchauffer. Je suis heureux de constater que l'infirmière disait vrai au moment où je passe le plâtre sous l'eau et que tout va bien. Malgré cette gêne, j'arrive à me détendre et me sentir presque propre sous l'eau chaude. J'y reste un long moment, profitant simplement des clapotis de l'eau sur ma peau et des effluves du shampoing. Je me décide à sortir en voyant toute cette buée et tourne le robinet.
Je tire le rideau et cri de terreur quand je me retrouve face à l'homme à moins d'un mètre de moi. La peur me fait mal au torse et je le vois sourire lentement sans me quitter des yeux.

Prédateur. C'est la seule chose qui me vient à l'esprit et elle se grave dans ma mémoire. Il se penche lentement alors que je retiens mon souffle et quitte la pièce avec le sac qu'il vient de ramasser. Je m'effondre sur le tapis de bain en pleurs. Je ne peux m'en empêcher. Il ne m'a rien fait et pourtant, j'ai l'impression de manquer une information capitale. Je pleure sans pouvoir me calmer et j'ai le sentiment qu'il s'est passé bien plus qu'un regard durant ces dernières minutes.

Je sèche finalement mes larmes et entreprend de m'habiller après un séchage rapide, voulant juste quitter cette pièce au plus vite.
J'ouvre l'armoire à pharmacie grinçante et prend un cachet pour ma fièvre. J'hésite un instant et prend un calmant avant de refermer précipitamment la boîte et de la mettre au fond du placard.
Je quitte la pièce en me sentant plus vulnérable que dans le puit. Je descend et vois une assiette sur la table du salon, seulement éclairée par la télé qui retransmet une émission policière. Je mange rapidement mais avec peu d'entrain, lançant fréquemment des regards à l'homme dans le fauteuil. Une fois fini je monte dans ma chambre et me glisse rapidement sous les draps, sentant encore plus que jamais son regard. Ses deux pupilles vides et malicieuses me hantent tout au long de la nuit, comme une clé qui forcerait un vieux cadenas rouillé par le temps.

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