12: La goutte "d'eau" qui fait déborder le vase.
Izuku entend qu'on toque à la porte pour les réveiller puis un grognement près de lui suivit d'un léger mouvement.
Il ouvre péniblement les yeux et se rend compte qu'il est collé à Kacchan, ses bras autour de sa taille, se tenant à lui comme à une peluche.
Il s'écarte rapidement et s'assoit sur le lit en se frottant les yeux pour mieux se réveiller mais le mal est fait et quand il croise le regard de Max qui le fixe d'un air septique, il sent ses muscles se tendre par réflexe.
Il l'ignore et va dans la salle de bain mais alors qu'il s'apprête à se laver les dents, un bruit de verrou se fait entendre dans son dos.
Il se retourne pour faire face à l'adolescent qui le prend par le col de son haut de pyjama.
Il le pousse contre le lavabo et ses reins cognent violemment ce dernier, lui envoyant une douleur sourde dans les fesses jusqu'au-dessus des hanches. Il retient ses larmes avec beaucoup de mal tandis qu'il rapproche son visage du sien. Quelques minuscules centimètres séparent leurs visages quand il chuchote:
- J'y crois pas, après Mona, Katsuki? T'es vraiment qu'un gros porc obsédé... c'est pour ça que tu te changes jamais avec nous? T'as trop peur de bander, espèce de grosse tarlouse immonde? Ne nous approche plus si tu veux pas que je fasse de ta vie un enfer.
Il le lâche et quitte la pièce.
Izuku tombe à genoux, les mains devant son visage pour essuyer le molar qui vient d'y atterrir. Un sentiment ignoble lui tord le ventre et respire profondément pour ne pas pleurer.
Il est à bout. À bout...
Il veut une pause...
Il sèche ses joues et quitte la salle de bain.
Izuku Midoriya n'a pas faim.
Il regarde son sandwich sans grande conviction et le repose finalement dans son sac.
La matinée a été un terrible calvaire. Tout le monde le regarde avec dégoût depuis que Max leur a dit qu'il était un homo obsédé et les élèves lui font tellement de crasses que ça lui a coupé l'appétit alors qu'il n'avait pas pris de petit-déjeuner.
Alors qu'il range son repas intact dans son sac, sa main frôle la poche intérieure de ce dernier et il se rappelle soudainement ce qu'il a glissé dedans la veille.
Un bref sentiment de libération se rappelle à son corps avec ce souvenir et il ressent des picotements aux bout de ses doigts, d'anticipation.
Il prend son sac de ses mains tremblantes et va dans les toilettes du parc où ils sont installés sans regarder en arrière.
Il se place dans une des cabines libres et sort le petit objet qui peut le libérer temporairement de ses souffrances... du moins il l'espère.
Il tient la petite lame entre ses doigts et remonte sa manche doucement. Il pensait qu'il allait hésiter mais elle glisse comme dans du beurre sur le dos de son poignet.
Sans s'en rendre compte, il en fait une autre, puis une autre, et une dernière. Le même sentiment de libération qui l'a pris plus tôt revient et il reprend petit à petit pied avec la réalité qui est bien moins douce que l'illusion que lui donnait la cabine de toilette.
Il prend une poignée de papier et éponge le sang sur son avant-bras. Les coupures ne sont pas trop profondes et bientôt elles ne saignent plus. Il prend des pansements dans son sac et en colle deux sur son bras et c'est comme si ça n'était jamais arrivé.
Il rejoint ensuite son groupe qui termine juste de manger et ils partent pour les ruines, pour certains l'estomac plus plein et pour d'autres l'esprit un peu plus vide.
De retour à l'hôtel, les professeurs les préviennent que le couvre feu est plus tard que d'habitude car ils reprennent la route le lendemain soir. Le vert n'y fait pas trop attention et attend que l'annonce soit terminée pour aller se laver.
Une fois le verrou tourné, il fait malgré lui face au miroir et son reflet lui tire un sourire triste.
Il se détaille, il ne peut pas s'en empêcher...
Il a honte de chaque bleu sur son torse, et de ceux dans son dos.
Il sait que l'homme est trop intelligent pour lui, qu'il n'a aucune chances de survie...
Il regarde ses poignets.
Il détourne le regard.
Il allume l'eau, brulante.
Dans sa tête, il entend le bruit de la chaîne en métal quand elle s'abat sur sa peau. Il a toujours l'impression qu'il va s'écrabouiller comme un fruit trop mûr quand elle tombe sur lui, que le sang va gicler sur le parquet dans un bruit humide, qu'il va se faire écraser comme un moustique contre un mur.
Il sait pourtant qu'après coup quand il ouvrira les yeux, il ne verra que de grands bleus noirs sur son dos sans la moindre goutte de sang et il ne pourra pas s'empêcher de se demander s'il n'a pas tout imaginé.
Il sursaute sous le jet de la douche quand le son du fouet retentit dans son esprit.
Si fort qu'il en a mal aux oreilles.
Il ne sait pas s'il préfère le fouet, parce que ça n'a beau qu'être que pour ses reins, c'est une torture d'un autre genre.
D'un genre qu'il ne peut pas oublier, qui le fait pleurer la nuit parce qu'il ne peut pas se coucher sur le dos.
Mais il ne peut pas l'ignorer, ni le bruit, ni les traces sanglantes dans son dos qui lui font presque peur.
Il sait qu'il ne peut pas les inventer, elles sont trop ignobles sur son dos pour ça et s'il a un doute, il suffit qu'il bouge dans sa chemise pour avoir l'assurance qu'il ne déraille pas complètement.
Quand il sort encore dégoulinant d'eau, il les regarde.
Ses reins noirs à causes des viols, des coups et de ses doigts, parsemés de blessures aux croutes sanglantes à cause du fouet.
Il ne peut pas l'imaginer, c'est trop concret.
Pas comme les bleus qui disparaissent.
Il sait que c'est à cause de ça qu'il a souvent besoin d'aller aux toilettes. Que ce sont les coups de poings et d'autres objets qui les ont abîmés.
Il ne traîne pas plus longtemps devant le miroir et rejoint les autres pour le dîner.
À table le soir, l'ambiance n'est pas meilleure que celle du matin.
Les élèves le fixent méchamment, disent des mots qu'il ne veut pas entendre.
Il garde la tête basse.
Il s'imagine chez lui alors qu'il mange.
Assis, seul, sur la falaise.
Il y a le bruit du vent et le sel de la mer sur son visage.
Personne ne le frappe, Marcus ne peut pas le toucher.
Il ne sait pas où il est dans cette image. Probablement mort quelque part.
Mieux encore, il n'existe pas. S'il était mort, ça pourrait être un piège.
Rien ne peut lui arriver, il est invincible.
Les élèves finissent rapidement de manger pour profiter de leur soirée mais Izuku préfère monter se coucher.
Il remarque que son lit est déplacé de celui de Kacchan en rentrant dans la pièce et il sent un pincement au niveau de son coeur.
Il ne sait même pas pourquoi ça le touche autant.
D'un autre côté, il ne peut pas y faire grand chose et une fois qu'il est allongé, il ne lui faut pas longtemps pour s'endormir.
Izuku est dans un endroit sans lumière.
Il n'a que son sous-vêtement sur le dos et il n'y voit rien.
Pourtant il sait.
Il faut qu'il court. Il doit courir s'il veut survivre.
Il n'y voit rien mais il court, il ne s'arrête pas... non, s'il s'arrête, il va mourir.
Izuku le sait.
Et il le sait.
L'homme.
Il court toujours plus vite dans cette noirceur infinie et angoissante. Ses pas résonnent dans l'eau.
Cette eau froide, non, glaciale qui lui arrive aux mollets accompagne chacun de ses pas effrénés.
Ses pieds nus martèlent le sol bétonné et glissant. Il fait tout pour ne pas tomber alors que le vent le pousse dans tous les sens et que cette eau maudite le déséquilibre.
...Ce n'est pas de l'eau.
Une panique sans nom et sans limite le prend au corps quand il le réalise. Ce n'est pas de l'eau. Il le sait.
Comme ça.
Il ne peut pas voir ses jambes mais il sent le liquide qui reste collé à ses pieds et à ses chevilles, poisseux.
Il l'imagine.
Il le sent sécher contre sa peau.
Il sent l'odeur métallique lui froisser le nez.
Son coeur bat de plus en plus vite. Trop vite. Il accélère sans savoir s'il le peut encore, la phrase tournant comme une malédiction dans sa tête.
Ce n'est pas de l'eau, Ce n'est pas de l'eau, Ce n'est pas de l'eau, Ce n'est pas de l'eau, Ce n'est pas de l'eau, CE N'EST PAS DE L'EAU, CE N'EST PAS DE L'EAU, CE N'EST PAS DE L'EAU! C'EST DU SANG! C'EST DU SANG! C'EST DU SANG! C'EST DU SANG!C'EST SON SA-
Le garçon se réveille en criant, trempé.
Son coeur lui fait mal dans la poitrine et sa respiration est sifflante. Izuku reprend difficilement ses esprits alors qu'il est pris de sueurs froides et passe un main dans ses cheveux en regardant l'heure.
Il n'est que vingt-et-une heure.
Il est encore seul dans la chambre.
Il se lève sur des jambes tremblantes et va dans la salle de bain pour se passer un coup d'eau sur le visage.
Il a juste le temps de se calmer un peu et de changer de haut que des bruits parasites envahissent la chambre.
Heureusement, les autres rentrent et se couchent assez rapidement et deux heures plus tard, leurs respirations sont lentes et régulières.
Izuku ne se rendort pas.
La journée suivante est horrible.
Pire que celle de la veille et il ne pensait pas ça possible.
Il ne sait pas si c'est dû au fait qu'il n'ait pas dormi mais il se retrouve trois fois dans les toilettes pour se couper juste pour supporter de voir les minutes passer.
Ça le fait un peu rire. Il n'a plus besoin de personne pour saigner maintenant.
C'est une journée très longue et ses yeux se ferment tous seuls.
Il résiste une énième fois, et se replace dans le siège du bus pour fixer les lampadaires de ses yeux brûlants.
Normalement, il ne reste quelques heures à tenir.
Il sent que son corps est à bout.
Le bus s'arrête dans une aire d'autoroute pour qu'ils prennent le petit déjeuné.
Dans deux heures...deux petites heures...
Les autres élèves parlent gaiement et il en profite pour se faire discret et s'installer seul dans un coin en frottant le dos de ses poignets. C'est comme une piqûre de moustique.
Quand le bus s'arrête enfin devant le collège, que leurs professeurs leur rendent leurs valises et que la plupart des parents ont récupéré leurs enfants, Izuku comprend que personne n'est là pour lui et qu'il va devoir attendre un moment. Il va s'assoir sur le banc posé devant le collège et sort son téléphone de sa poche.
Il a un message de Marcus.
Le bond que fait son cœur a au moins le mérite de le tenir éveillé.
« Ta mère est parti en voyage pour le boulot, tu rentres à pied moi je bosse. Prépare l'appareil photo pour ce soir. »
Il grimace et range l'appareil comme s'il portait une maladie contagieuse.
Maman et son travail... elle part toujours trop loin et trop longtemps...
Il prend sa valise et la traîne jusqu'à chez lui.
Il a l'impression qu'il va s'écrouler d'un instant à l'autre s'il ne s'allonge pas mais il sait que ça ne serait pas très prudent alors il trouve la force de ranger ses affaires et de mettre son linge sale dans la panière.
L'adrénaline que lui a procuré le sms doit faire son travail puisqu'il sent un regain d'énergie le traverser et plutôt que de rester dans cette maison qui lui donne l'impression d'étouffer, il enfile ses chaussures et sort se balader.
Il ne sait pas où il va et il se laisse porter par ses pieds, laissant son cerveau se déconnecter jusqu'à ce qu'il se retrouve sans le vouloir devant le pont. Ce pont.
Ça le fait s'arrêter net.
Il n'arrive pas à décrocher les yeux de la rambarde et la rivière en dessous semble l'appeler.
Il a besoin d'une pause.
Ses affaires sont bien rangées à la maison.
Il enlève les bandages sur ses poignets et les mets dans sa poche, les yeux rivés au même endroit, clignant à peine ses paupières, l'esprit ailleurs.
Plus bas.
Il gratte la croute des plaies et se retrouve rapidement avec le bout des doigts plein de sang. Il baisse les yeux sur ses ongles rongés.
Le sang est un peu collant mais quand il porte sa main à son nez, l'odeur est si faible qu'il a l'impression de l'inventer.
Il monte sur la rambarde et regarde le sol en dessous de lui.
La rivière est peu profonde et il risque de s'éclater le crâne sur le sol s'il saute...
Mais après tout qui s'en préoccupe? Il a bien envie de faire un caprice.
Il se laisse tomber, comme une masse inerte. Las de tout.
Las, d'être en vie, las de souffrir, las d'être seul.
Il se retourne durant sa chute sans vraiment le vouloir et regarde le ciel.
Il vas pleuvoir.... un orage.
Il sourit et ce dernier reste en place sur ses lèvres, trop vite suivit d'une douleur violente à la tête et puis plus rien.
L'absence.
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