La nuit du gala arriva plus vite que Lucy ne l'avait imaginé. La journée avait été longue, remplie d'une anticipation qui la rongeait de l'intérieur. Elle n'avait pas revu Natsu depuis leur dernière conversation, et ses pensées étaient constamment partagées entre les préparatifs du gala et l'étrange conversation qu'elle avait eue avec son père.

Elle s'était préparée minutieusement, comme une routine qu'elle connaissait bien. Cependant, ce soir-là, tout semblait différent. La robe qu'elle avait choisie, une création délicate de satin blanc avec des détails dorés, épousait parfaitement sa silhouette sans être trop ostentatoire. C'était une robe qui lui permettait de se fondre dans le décor tout en restant au centre de l'attention. Mais c'était aussi une robe qui cachait, de manière subtile, son véritable tourment.

Dans son miroir, Lucy fixa son reflet, ses yeux marron semblant plus sombres que d'habitude. Le visage maquillé, les cheveux élégamment coiffés, elle ressemblait à la parfaite héritière Heartfilia. Mais sous cette façade impeccable, elle ne se reconnaissait plus.

"Lucy, tu es splendide."

La voix de son père, soudainement présente, la fit sursauter. Elle se retourna pour le voir dans l'embrasure de la porte. Son regard était indéchiffrable, mais elle ne pouvait ignorer l'air satisfait qu'il arborait. Il approuvait ce qu'il voyait. Il approuvait l'image qu'elle renvoyait.

"Merci, père," répondit-elle poliment, sans oser croiser son regard.

Il s'approcha d'un pas, les yeux fixés sur elle, comme s'il l'évaluait. "Ce soir, tu ne dois pas oublier à qui tu appartiens, Lucy."

Elle baissa les yeux, cherchant à garder son calme. "Je ne l'oublie pas."

"Bien," dit-il, son ton devenant plus froid, presque autoritaire. "Il est temps de partir. Nous devons descendre."

Il se tourna pour partir, et Lucy, après un dernier coup d'œil dans le miroir, suivit son père. Un frisson la parcourut, et un sentiment d'angoisse l'envahit. La soirée allait être plus difficile qu'elle ne l'avait imaginé.

Lucy descendit du petit étage privé de ses appartements, une partie isolée du manoir, où elle vivait loin des regards des autres membres de la maison. En bas, dans le hall imposant, la grandeur du manoir se révélait sous une lumière dorée, accentuée par le lustre suspendu au plafond. Le sol marbré reflétait les pas de Lucy, tandis que son père la précédait sans un mot.

Les invités étaient déjà arrivés, les conversations animées remplissaient l'air, mais tout semblait irréel pour Lucy. À chaque pas, elle ressentait l'inconfort d'une jeune fille enfermée dans un rôle qu'elle n'avait jamais choisi. Les regards curieux des invités se tournaient vers elle, mais aucun d'eux ne semblait voir la véritable Lucy – celle qui se cachait derrière la façade brillante de l'héritière Heartfilia.

Son père la conduisit au centre de la salle, où les invités se regroupaient pour écouter un discours. Les invités se tenaient droit, saluant respectueusement l'arrivée de la famille, mais Lucy sentait une lourde pression s'abattre sur elle à chaque mouvement.

Lucy s'éloigna discrètement de la grande salle du gala, son cœur battant fort dans sa poitrine. L'agitation de la soirée, les regards insistant sur elle, et le poids des attentes de son père la suffoquaient. Elle n'était qu'une marionnette, une figure imposée dans un monde qui ne lui appartenait pas. Le seul endroit où elle se sentait encore un peu elle-même était ici, sur ce balcon, loin des regards indiscrets.

Le vent léger de la nuit soufflait doucement, et Lucy se laissa aller contre la balustrade, fermant les yeux un instant, espérant calmer les tumultes dans sa tête. Elle ne savait pas combien de temps elle serait capable de jouer ce rôle. Chaque sourire qu'elle offrait était une mascarade. Chaque mot qu'elle prononçait, une réplique apprise par cœur.

Elle soupira profondément, une main pressée contre son cœur comme si cela pouvait apaiser la douleur intérieure qui la dévorait.

"C'est difficile, n'est-ce pas ?"

La voix familière de Natsu fit écho dans la nuit. Lucy ouvrit les yeux, surprise, et se retourna lentement. Il était là, appuyé contre la porte, l'air légèrement inquiet, mais il y avait aussi cette lueur de compréhension dans son regard.

"Tu m'as trouvée..." murmura Lucy, essayant de cacher la fragilité de sa voix.

"Je t'ai vu passer par cette porte," répondit-il en s'approchant doucement d'elle. "Tu semblais... un peu perdue. Je me suis dit que tu avais peut-être besoin d'air."

Elle lui lança un petit sourire, mais il n'échappa pas à Natsu que ce sourire semblait plus forcé qu'autre chose. "C'est juste... tout ça," commença-t-elle, en désignant le manoir, les invités, tout ce monde qui tournait autour d'elle. "Ce rôle, cette façade. Je me sens... perdue."

Natsu s'arrêta un instant, comme s'il pesait ses mots. Puis il se rapprocha un peu plus. "Tu n'es pas seule à ressentir ça, tu sais."

Lucy tourna lentement la tête vers lui, ses yeux brillants d'une lueur de curiosité mêlée à de l'inquiétude. "Je me demande parfois si je vais un jour réussir à trouver ma place. Si je serai jamais à la hauteur des attentes de mon père, ou même des autres. J'ai l'impression d'être un imposteur. Tout ça m'écrase, Natsu."

Son regard s'adoucit. "Tu sais, il n'y a pas de place à laquelle tu dois absolument appartenir, Lucy. Tu as le droit de ne pas être ce qu'on attend de toi. Tu as le droit de trouver ta propre voie."

Lucy baissa les yeux, son cœur lourd. "Je n'ai jamais eu le choix, Natsu. Mon père... il a toujours voulu me forcer à être ce qu'il imaginait. Mais je ne sais pas si je peux continuer à jouer ce rôle. Je suis perdue."

Elle soupira, profondément, et Natsu se tendit, voyant la détresse qu'elle cachait derrière son masque de sérénité. Puis, après un moment de silence, il parla avec une sincérité qui frappait Lucy en plein cœur.

"Je crois que je comprends un peu ce que tu ressens," dit-il, les yeux fixant le sol comme si ses pensées étaient ailleurs. "J'ai grandi dans un milieu pas facile... J'étais... enfin, je ne viens pas d'une famille facile. Ma mère était... je n'ai pas vraiment de mère enfaite, et mon père... il a toujours fait de son mieux, mais la vie ne nous a pas épargnés. Les gens me regardaient souvent comme si je devais être... quelque chose de spécial, comme si ma vie devait ressembler à un modèle parfait. Mais ce n'était pas le cas. Je suis loin d'être parfait. J'aimerai faire plus pour aider ma famille et ceux que j'aime"

Lucy le regarda, surprise, écoutant attentivement ses mots. Elle n'avait jamais imaginé que Natsu ait vécu une enfance difficile. Il avait toujours eu cette énergie contagieuse, cette attitude positive, et cette confiance en lui qui semblaient faire partie de son caractère naturel.

"Je... je n'avais pas vraiment de repères," continua-t-il. "J'ai dû me battre tout seul pendant longtemps. Et même maintenant, parfois, je me sens... perdu. Comme toi, je me demande si j'aurai un jour ma place dans ce monde."

Les mots de Natsu résonnèrent profondément dans le cœur de Lucy. Elle n'avait jamais imaginé qu'il puisse avoir un passé aussi lourd, une histoire aussi marquée par la solitude. Elle ne s'était jamais doutée que derrière son sourire et sa bravoure se cachait une telle souffrance.

"Alors, tu vois," ajouta Natsu en levant les yeux, "je crois qu'on se ressemble plus que ce qu'on pense. On a tous les deux des blessures qu'on cache. Mais c'est aussi ce qui fait qu'on peut se comprendre, n'est-ce pas ?"

Lucy sentit une chaleur douce l'envahir. Il avait raison. Peut-être qu'ils n'étaient pas si différents après tout. Peut-être que, dans ce monde où tout semblait tellement figé, ils étaient les deux seuls à se chercher.

Elle prit une profonde inspiration, se redressant un peu, et fixa Natsu avec un léger sourire, une touche de complicité dans ses yeux.

"Merci, Natsu," dit-elle doucement. "Vraiment."

Il lui rendit son sourire, mais cette fois, il y avait une touche de malice dans ses yeux. "Alors, tu te souviens de ce que tu m'as promis ?" dit-il en tendant la main vers elle. "Tu m'avais promis une danse."

Lucy le regarda, surprise par sa proposition, mais un rire discret échappa à ses lèvres. "Sur le balcon, vraiment ?"

"Pourquoi pas ?" répondit-il en haussant les épaules, son sourire s'élargissant. "C'est notre soirée, après tout."

Elle hésita un instant, puis prit sa main, son cœur battant un peu plus vite. Il avait raison. Après tout, pourquoi ne pas profiter de ce moment ? Pourquoi ne pas s'échapper de ce monde figé, même juste pour un instant, et danser, loin des regards ?

Les deux jeunes se laissèrent emporter par la musique qui s'échappait de la salle, s'étant retrouvés dans cette bulle hors du temps, sur un balcon sous la lumière de la lune, loin de l'agitation du gala. Pour un instant, Lucy oublia les attentes, les pressions et les rôles imposés. Elle se sentait enfin libre.