𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟏

★𝐌𝐮𝐬𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐫𝐞𝐜𝐨𝐦𝐦𝐚𝐧𝐝é𝐞 : Whisper (Slowed) de Able Heart★

❝ Une révérence provoquante ❞

𝐑 𝐀 𝐃 𝐇 𝐀 𝐍 𝐊 𝐇 𝐀 𝐓 𝐑 𝐈

Le cuir râpe contre mes gants, le bruit sourd des impacts résonne dans la salle d'entraînement. Je frappe encore, méthodiquement, alors que Ryker marche autour de moi comme un fauve en cage. Sa voix grave m'atteint malgré les battements lourds de mon cœur et l'essoufflement qui brûle mes poumons.

— Concentration, Radhan. Dans un tournoi, t'as pas le droit à l'erreur. Tu gagnes un combat, t'enchaînes direct. Garde ton souffle, économise ton énergie.

Il illustre ses mots d'un coup sec sur mes côtes, là où mon bras n'a pas protégé. Je grimace mais ne bronche pas. Mon torse est trempé de sueur, mes jambes pèsent une tonne. Trois heures que je me donne, que je fais hurler chaque muscle, et Ryker ne relâche rien. Il martèle des consignes, m'attrape pour corriger ma position, me pousse à frapper plus vite, plus fort.

— C'est ça, tiens ta garde ! Garde tes appuis solides ! 

Les derniers enchaînements sont brouillons, mon souffle court comme un moteur surchauffé. Finalement, Ryker lève une main et siffle.

— Ça suffit pour aujourd'hui. Bois un coup, récupère un peu.

Je m'accoude lourdement aux cordes du ring, attrapant une bouteille d'eau que je vide presque entièrement. L'adrénaline commence à retomber, et une fatigue presque anesthésiante m'envahit. Mais je n'ai pas le temps de savourer cette pause. La grande porte de la salle grince et s'ouvre. Instinctivement, je lève les yeux, et l'air semble se charger de tension.

Anastasia.

Elle avance d'un pas assuré, encadrée par son frère Alexei et ses deux chiens de garde, qui se nomment je crois Kian et Levi. Derrière elle, deux hommes en noir suivent comme des ombres. Ce qui m'interpelle, ce n'est pas tant sa présence — elle aime se montrer quand elle n'est pas la bienvenue — mais sa tenue. Ce n'est pas la robe moulante ou le maquillage impeccable auxquels je suis habitué. Non, ce soir, elle porte une tenue de combat entièrement noire, ajustée à son corps. Ses cheveux sont tirés en une longue tresse qui tombe dans son dos. Une image presque irréelle.

Son accent russe, glacial, fend l'air.

— Non, l'entraînement n'est pas terminé.

Elle se tourne vers Ryker et lui fait signe de partir. Ce dernier échange un regard avec moi, incrédule, mais obéit sans poser de questions. Je reste, appuyé contre les cordes, les bras croisés.

— Je veux voir de quoi tu es capable moi-même, annonce-t-elle en retroussant ses manches.

Je lâche un rire, un rire moqueur qui résonne dans le silence de la salle.

— Toi ? Sérieusement ?

Je m'attends à une réponse tranchante, mais avant qu'elle ne puisse parler, Alexei bouge. D'un geste sec, il l'arrête en lui barrant le chemin. Ses mains dansent dans l'air, signant des mots que je ne comprends pas, mais son regard fixe sa sœur avec une intensité presque menaçante. Anastasia s'arrête, surprise, puis soupire en levant les yeux au ciel.

Kian, lui, ne peut pas s'empêcher d'en rajouter.

— J'ai bien envie de voir ça, tiens. La reine des glaces contre le boxeur en cage.

Anastasia lui lance un regard qui pourrait faire flamber une forêt.

— Je t'en prie, vas-y toi, lâche-t-elle froidement.

Levi éclate de rire, tapant sur l'épaule de Kian.

— Allez, champion, montre-nous de quoi t'es capable, se moque-t-il.

Kian tente de ne pas perdre la face, mais son sourire forcé trahit sa nervosité. Alexei, lui, semble particulièrement satisfait de voir sa sœur changer de plan.

— Très bien, grogne Kian, en montant sur le ring.

Je me redresse, le fixant avec un sourire en coin. J'allais peut-être rater l'occasion de mettre Anastasia au tapis, mais cette alternative n'est pas déplaisante.

Le combat commence. Kian est hésitant, sa garde haute mais incertaine. Je le laisse approcher, me contentant d'esquiver ses coups maladroits. Il se crispe de plus en plus, et finalement, l'un de ses crochets frôle ma mâchoire. Mauvaise idée.

Je riposte immédiatement, un direct du droit qui le fait reculer de deux pas. Il vacille, mais revient à la charge, ses coups désordonnés trahissant son manque de technique. Un crochet lourd, que je bloque sans effort, puis j'enchaîne. Un uppercut puissant s'écrase contre son menton, le projetant au sol.

Il titube en se redressant, le visage rougi, la respiration haletante. Je l'attends, impassible, lui laissant une dernière chance. Mais lorsqu'il tente une nouvelle attaque, je l'intercepte d'un crochet du gauche, suivi d'un coup droit qui l'envoie valser.

Kian s'écrase au sol, groggy [1].

Je recule, satisfait, et mon regard croise celui d'Anastasia. Elle plisse les yeux, sa mâchoire serrée. Ce combat fut si rapide. J'attrape ma serviette et la passe autour de mon cou, mon torse luisant de sueur. En descendant du ring, je m'approche d'elle et d'Alexei, qui me surveille comme un fauve.

Je m'arrête devant eux, penche légèrement la tête et fais une révérence exagérée, un sourire arrogant étirant mes lèvres. Puis, sans attendre leur réaction, je passe entre eux, savourant leur silence. Je sais que ce geste va profondément agacer Anastasia. Une petite victoire dans cette guerre silencieuse.

Quelques heures plus tard

Je dors profondément, mon corps épuisé par l'entraînement acharné de la journée. Pourtant, l'obscurité ne m'apporte pas la paix. Elle s'infiltre, lourde et oppressante, et je me retrouve dans un autre lieu, une autre époque.

L'orphelinat.

Je suis petit, vulnérable, un gamin maigre assis dans un coin sombre, les genoux repliés contre ma poitrine. Elisabeth, la femme à la voix coupante et aux yeux vides, se tient au-dessus de moi, son ombre me dévorant. Je sens encore ses doigts durs m'attraper par le bras et me traîner hors de ma cachette. Je crie, je supplie, mais elle n'écoute jamais. Le premier coup vient, puis le deuxième, la ceinture sifflant dans l'air. Pourquoi moi ? Pourquoi seulement moi ? Elle ne frappe jamais les autres, seulement moi. 

— Ferme-la, petit morveux, ou je frappe encore plus fort.

Alors je me tais, j'étouffe mes pleurs et j'encaisse, le goût métallique du sang dans ma bouche. Je me débats dans mon sommeil, mon souffle court, la sueur collant ma peau. Les souvenirs se brouillent, mais le poids de leur vérité reste.

Je me réveille brutalement, un cri silencieux dans ma gorge. Ma poitrine se soulève et s'abaisse comme si j'avais couru un marathon. J'allume ma lampe de chevet, la lumière inondant la pièce, et je recule violemment.

Elle est là.

Anastasia.

Assise calmement au bord de mon lit, les mains croisées sur ses genoux, son regard fixe et perçant. Elle porte une tenue de nuit on dirait, toute en dentelle, ayant même une capuche posée sur sa tête. Elle est immobile, presque comme une ombre qui m'aurait suivi hors de mon cauchemar.

— De quoi tu rêvais ? demande-t-elle, sa voix basse et posée, mais son accent russe ajoute une touche glaciale à la question.

Mon cœur tambourine contre mes côtes.

— Putain ! T'es malade ou quoi ? je crache, ma voix rauque de colère et de panique mêlées.

Elle ne cille pas. Elle incline légèrement la tête, ses yeux gris rivés sur moi, presque curieux.

— Tu n'as pas répondu à ma question. De quoi tu rêvais ? répète-t-elle, imperturbable.

Je ne réponds pas. Mes poings se serrent sur les draps, encore humides de sueur. Mon esprit flotte encore entre le passé et le présent, entre la dame qui a torturé mon enfance et cette femme assise sur mon lit comme si elle en avait le droit.

Je détourne les yeux, mais son regard reste fixé sur moi, comme un poids. Elle est là, dans mon espace, dans ma tête, et je déteste ça. Pourtant, je ne bouge pas. Je ne sais pas pourquoi.

Le silence s'étire entre nous, lourd et chargé d'électricité. La lumière tamisée de la lampe éclaire son visage, et je suis frappé par l'étrangeté de la situation. Anastasia Tsvetkova, l'impitoyable reine de glace, est assise sur mon lit, une lueur presque... humaine dans les yeux. Pas de sarcasme, pas de provocation. Juste cette étrange douceur, complètement déplacée.

Je pourrais lui faire ce que je veux. Elle est seule, personne pour venir à sa rescousse. Pas Alexei. Pas Levi. Pas Kian. Personne. Mais pour une raison que je ne comprends pas, je reste figé, ma colère contrebalancée par une confusion sourde.

Et puis elle parle, d'une voix calme, presque hésitante :

— C'était un mauvais souvenir de l'orphelinat, n'est-ce pas ?

Mon souffle se coupe un instant. Comment... comment sait-elle ? Je serre les dents, mon regard se durcissant. Je ne réponds pas. Je refuse de lui donner ce pouvoir sur moi, mais elle continue, implacable :

— C'était un rêve où Elisabeth te frappait ?

Le prénom heurte mes pensées comme une lame aiguisée. Elisabeth. Ce seul mot ravive des flammes dans ma poitrine, un brasier que je croyais sous contrôle.

Avant même de réfléchir, mon corps agit. Je bondis, la saisissant violemment. Mon poids la fait basculer en arrière sur le lit, et je me retrouve au-dessus d'elle, ma main serrée autour de son cou. Sa tête heurte légèrement l'oreiller, ses cheveux sombres se déployant autour d'elle comme un halo contrastant avec la pâleur de son visage.

Ma prise est ferme, impitoyable. Je la tiens là, clouée sous moi, ma respiration lourde, mes cheveux humides tombant sur mon front, certaines mèches effleurant sa joue. Mon collier, celui avec le gant de boxe qu'Echo m'avait offert, pend au-dessus de son visage, oscillant légèrement.

Elle ne panique pas. Ce n'est pas une peur évidente que je vois dans ses yeux, mais une incompréhension pure. Comme si elle ne comprenait pas pourquoi je réagis ainsi, pourquoi je perds pied. Et ça me rend encore plus furieux.

— Et tu fais quoi maintenant ? je crache, ma voix grave et grondante.

Sa gorge se soulève légèrement sous ma main, tentant de respirer malgré ma poigne de fer. Ses yeux quittent les miens une fraction de seconde, cherchant quelque chose autour d'elle. De l'aide, peut-être ? Elle se rend vite compte qu'il n'y a personne. Elle a pris un risque insensé, et elle le sait.

Je serre davantage, mes muscles tendus. Ses lèvres s'entrouvrent pour aspirer l'air qui lui manque, et pourtant... elle ne bouge pas vraiment. Une part d'elle reste figée, presque docile, comme si elle acceptait la situation. Ou peut-être qu'elle attendait quelque chose de moi.

Un sourire presque imperceptible tente de naître sur mes lèvres, un mélange de satisfaction et de mépris. Elle voulait jouer avec ma tête ? Elle voulait fouiller dans mes souvenirs, me manipuler avec ses petits airs de compassion ? Et maintenant, elle est coincée, incapable de riposter.

Je la fixe, cherchant quelque chose dans ses yeux. Un signe de peur. Une supplique. Une preuve qu'elle est humaine, qu'elle est vulnérable, qu'elle peut être brisée. Mais ce que je trouve à la place... me perturbe. Ce n'est pas de la peur que je lis. C'est autre chose. Une tension, peut-être. Une forme de défi silencieux.

— Alors, Anastasia, je murmure, mon ton bas et tranchant. Qu'est-ce que tu fais maintenant ? Où est ton pouvoir, ta supériorité, ta langue bien pendue ?

Sa poitrine se soulève plus rapidement, non pas de panique, mais d'effort pour respirer. Pourtant, ses yeux ne quittent pas les miens. Ils restent ancrés, durs, comme si elle refusait de céder malgré la situation.

Le silence dans la pièce devient assourdissant, chaque seconde tendue comme une corde prête à rompre. Mon pouce effleure la peau délicate de son cou alors que je resserre un peu plus ma prise, juste assez pour tester ses limites.

Et pourtant, malgré ma colère, une étrange pensée me traverse. Pourquoi est-elle venue ici ? Pourquoi elle, seule, au beau milieu de la nuit ? Est-ce un piège ? Une tentative tordue de me sonder ? Ou... autre chose ?

Je secoue la tête, chassant cette idée. Mais l'atmosphère entre nous change imperceptiblement. La tension ne disparaît pas ; au contraire, elle semble devenir autre chose, plus sombre, plus complexe. Elle me regarde toujours, ses pupilles légèrement dilatées, et je n'arrive pas à lire ce qu'elle ressent réellement.

Elle inspire un peu plus difficilement, et pour une fraction de seconde, je me demande si je vais trop loin. Mais je n'enlève pas ma main. Pas encore.

[1] : Étourdi par les coups.

Hello ! Je suis contente de vous partager un nouveau chapitre ✨

Je tiens à vous remercier pour tout le soutien que vous apportez à cette histoire, cela me fait chaud au cœur 🥺

Le chapitre vous a t-il plu ? 🙏🏼🤍

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