Chapitre 24 - Xan


Le lendemain du deuxième meurtre, nous étions tous réunis dans le hall, dont les sols étaient encore recouverts de confettis. L'ambiance était agitée et l'on remarquait très facilement sur les visages que la nuit avait été courte. Très courte. Une terreur semblait avoir pris place dans les cœurs des étudiants. Le bruit semblait s'être répandu en un instant car tout le monde avait l'air de savoir ce qu'il s'était passé la veille. Je ne comprenais plus rien, l'université nous avait promis que nous serions en sécurité, et quelques semaines plus tard, un deuxième meurtre est commis. Etait-ce la même personne que pour Amélia ? Etait-ce autre chose ? Nous n'en savions rien... Cela me brisait le cœur de voir des innocents mourir, d'autant plus lors de fêtes joyeuses. Amélia, maintenant Pandore, et puis qui ? Le pire, était la confiance qu'on avait dans la sécurité de notre école... Et la destruction de l'espoir à chaque fois. Le malheur arrivait toujours lorsque l'on reprenait confiance en l'espoir.

Je ne parvenais toujours pas à y croire, à m'imaginer reprendre les cours sans Pandore dans la classe, reprendre nos vies avec encore une mort de plus sur notre conscience... Il nous était encore plus impossible de reprendre le rythme habituel de nos vies et faire comme si de rien n'était. D'autant plus que cette fois-ci, la victime était l'une de mes amis.

Nous étions tous en tas, certains groupes parlaient fort, d'autres se taisaient complètement. Puis moi au milieu, vite rejoint.e par Orion, l'air encore plus fatigué, et les mains dans les poches. Des cernes s'étaient formés sous ses yeux vides et épuisés, sa chevelure était ébouriffée et il n'avait pas pris le temps de changer sa tenue. En arrivant près de moi, il lâcha :

— C'est dur, ça l'est vraiment. Tu n'as aucune idée de l'état dans lequel est Hëna. Lire les pensées dans ces conditions, c'est réellement un enfer.

— Oui, j'imagine... Je ne sais plus comment garder espoir dans une vie comme ça...

— Moi non plus. Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça ? Qu'est-ce que Pandore et Amélia ont fait pour ça ?

— Faut croire que c'est la conséquence d'être dans l'école la plus prestigieuse du monde.

— Parce qu'il a soif de pouvoir et que nous pouvons l'abreuver ? Pourtant cette école devrait justement nous protéger vraiment.

— Malheureusement ce n'est pas le cas.

Sa frustration se laissa paraître à travers ses poings fermés qui coloraient ses doigts en blanc, il se peinait visiblement à contenir sa colère. Orion leva les yeux au ciel, et nous fûmes coupés par M. Briggs qui prit la parole au micro et demanda le silence. Celui-ci vint en à peine une seconde ; il avait toute notre attention, tours tournés vers lui qui prenait place sur une estrade en bois montée pour l'occasion.

— Bonjour à tous, chers élèves. Je prends la parole une nouvelle fois pour vous annoncer au regret une nouvelle fort attristante. Comme vous le savez très certainement, Pandore Everdritch est décédée cette nuit... Les conditions de sa mort nous sont encore trop inconnues pour que l'on en parle publiquement, mais sachez que nous travaillons jour et nuit pour rendre justice aux jeunes filles ayant trouvé la mort dans notre établissement, et pour vous assurer une sécurité maximale. Nous procéderons à des vérifications des sacs tous les matins, tout objet tranchant, dangereux, sera formellement interdit. Tout comportement suspicieux sera puni et l'élève risquera d'être exclu temporairement. La salle d'entraînement sera fermée, et aucune arme ne sera à votre disposition. Nous sommes très conscients de la difficulté que cette situation peut engendrer pour vous, c'est pour cela que nous tenons à vous rappeler que des psychologues sont là pour vous écouter et vous accompagner. De plus, nous repoussons les examens, pour vous permettre de vous remettre de vos émotions. Pour ce qui est de la comédie musicale de l'année, elle sera annulée.

Des soupirs se firent entendre dans le public, visiblement un grand nombre d'entre nous était déçu. Quant à moi, je songeais à l'absurdité de leurs mesures, car s'ils avaient pris en compte ce qu'ils savaient sur le meurtrier, ils n'auraient pas à suspecter les élèves. A moins qu'ils ne fassent cela que pour calmer la panique générale, dans tous les cas cette décision était ridicule. Je soupirai également et pris le temps d'observer chaque étudiant. Mon regard traversait leurs visages sans couleurs, les yeux vides, leurs lèvres plissées et leurs muscles crispés. Comment pouvions-nous continuer à vivre après tout ça ? Je sentais mon cœur sur le point de se renverser. Orion répétait que c'était ridicule, qu'ils étaient incompétents, et que l'on devrait tous partir d'ici. Je me reconcentrais sur le discours du proviseur :

— N'hésitez jamais à parler autour de vous, si vous vous sentez mal, si vous avez peur, si vous vous sentez seul. Vous n'êtes jamais seul, vous avez vos camarades, et vos professeurs sont ici également pour vous soutenir.

Après une courte pause, une main se leva dans la foule, c'était une jeune fille aux cheveux blonds :

— Qu'est-ce que vous allez faire cette fois ? Pouvez-vous nous assurer sécurité maintenant ? Et qu'est-ce qui nous dit que le meurtrier n'est pas un autre élève, ou un professeur ?

— Une enquête a été menée lors de la première mort, nous connaissons l'identité du tueur, il s'agissait de quelqu'un d'extérieur. Pour ce qui est de ce cas-là, nous ne sommes pas encore certains, mais il semblerait qu'il s'agisse de la même personne. Nous allons rouvrir une enquête et faire de notre mieux pour terminer cette affaire une bonne fois pour toute.

— Moi, j'ai vu Hëna suivre Pandore juste avant sa mort ! lança une voix masculine et accusative à travers le silence.

J'échangeai un regard avec Orion, ouvrant de grands yeux, et nos sourcils froncés. Tandis que j'étais confus.e, lui semblait plutôt énervé, il marmonna :

— Qu'il ne s'attire pas nos foudres, lui. Hëna doit être en train de bouillonner à cet instant.

J'acquiesçai, l'accusation était mal placée, j'imaginais déjà Hëna essayer d'étrangler ce garçon. Le proviseur calma les murmures qui se faisaient de plus en plus bruyants. Il reprit :

— Vous n'avez pas le droit de lancer de telles accusations. Nous exigeons que vous soyez tous respectueux et bienveillants. Nous menons l'enquête comme il se doit et n'avons pas besoin de faux enquêteurs qui risqueraient de fausser nos conclusions.

Comme s'ils auraient réussi à quoi que ce soit sans notre aide. Orion me parlait, visiblement révolté, M. Briggs parlait également, mais je n'entendais qu'un bourdonnement, mes oreilles m'avaient totalement lâché.e, et c'était maintenant au tour de mes yeux. Tout devint flou, comme si je n'étais plus réel.le, je n'étais plus là. J'eus l'impression de sentir ma tête tourner et pourtant je ne bougeais pas d'un pouce. Etait-ce cela la folie ? Etait-ce ce à quoi nous étions voués ? J'aurais imaginé la folie un peu plus belle, un peu plus envoûtante, riant de nous dans un coin, là où elle nous voyait tomber dans un gouffre sans fin. Ou peut-être qu'elle nous y aurait poussés, ou nous y aurait tirés. Je l'aurais imaginée plus vivante, avec plus d'énergie, et non en train de me forcer à m'accrocher à Orion pour ne pas tomber. Le monde se mit à virer, à tournoyer, et sous ma vision floutée se mélangea des images du regard perçant du meurtrier. Et j'avais la sensation que ces souvenirs seraient prêts à me hanter jusqu'à la mort. Et à me suivre longtemps encore. J'avais l'impression que j'étais condamné.e à une vie qui ne me donnerait aucun repos. Plus que la folie qui me poussait un peu plus sous le sol.

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