Chapitre 8 - Orion
Dans l'après-midi, nous avions décidé de travailler nos pouvoirs pour y découvrir de potentielles évolutions. Hëna était celle qui avait insisté pour faire ça. Elle prétendait avoir toujours eu des difficultés pour utiliser son pouvoir de manière naturelle. Alors elle souhaitait s'entraîner un maximum pour pouvoir rendre cela plus instinctif. Je nous ai donc conduits dans une ancienne déchetterie désormais abandonnée, ici, nous pouvions nous entraîner autant que nous le souhaitions, sans avoir peur de détruire du matériel.
Une fois au bon endroit, nous prîmes d'abord un instant pour contempler ces montagnes de déchets, ferrailles, et voitures cassées. Sous le ciel gris s'éparpillaient ces allées et bennes à ordures pleines de graffitis, mon regard visitait les lieux, déconcerté. Pandore fit se déplacer sous nos yeux trois planches en bois de taille moyenne et demanda à Hëna de les enflammer.
— Facile, lança Hëna, en plissant légèrement les yeux pour se concentrer.
Sa posture changea, elle avança son pied et leva sa main. En peu de temps, nous pûmes observer quelques flammes prendre sur le matériau, avant de se multiplier rapidement, laissant une fumée noire s'envoler dans les airs.
— Eteins-les maintenant, souffla Pandore.
Hëna fut rapide, ce qui était impressionnant, car en une seconde à peine, il n'y avait sur les planches que les traces brunes de la brûlure. Elle se tourna vers nous, un air fier collé au visage, et nous défia :
— Plus dur, maintenant.
Pandore lui approcha des plaques de métal, et des morceaux de voitures détruites, et Hëna montra de nouveau des signes de concentration, et cette fois prit plus de temps. Elle se concentrait sur sa respiration, et parvint au bout d'un moment à entourer les objets de flammes orangées. Le métal commençait à se tordre comme torturé par la chaleur pendant que les flammes dansaient près de lui, voraces, animées d'un désir de dévorer tout objet. La lumière était intense, et scintillait dans nos yeux comme si nous voyions le monde s'écrouler. Je sentais que mes amis aussi vivaient la chose comme moi, nous nous sentions puissants, forts. Non sans une pointe de culpabilité du fait de s'imaginer être la raison de la destruction.
Le métal avait finalement fondu, et Hëna marqua un pas en arrière. Puis nous fit face :
— Est-ce que faire ça peut réellement m'aider ?
— Je sais ce qu'il faut, avançai-je, devançant Pandore qui voulait répondre. On va faire un exercice. Tu restes debout, on place un objet derrière toi, tu te retournes et tu dois le faire brûler le plus rapidement possible. On va faire travailler tes reflexes.
L'étudiante acquiesça puis ferma les yeux. Xan pointa du doigt un sac poubelle empli de déchets, et Pandore le mit derrière Hëna. Nous lui dîmes qu'elle pouvait se retourner, et elle le fit, et trébucha légèrement sous la pression avant de faire s'enflammer les ordures.
Nous continuâmes ainsi, jusqu'à ce qu'épuisée, Hëna, décide qu'elle devait faire une pause. Nous trouvâmes donc un espace confortable pour s'installer quelques temps, j'allumai une cigarette, et Xan prit la parole :
— Alors, Hëna, t'as l'impression d'avoir évolué ?
— Franchement, ça m'a fait du bien de m'entraîner un peu, je sens que si je faisais ça plus souvent, j'évoluerais vite, effectivement.
J'esquissai un sourire, remarquant le regard fier de Pandore. Je ne saurais expliquer en détails ce qu'il s'est passé entre elles, mais la nuit dernière semblait les avoir adoucies. Je fis abstraction et répondis :
— C'est dommage que tu aies un pouvoir aussi dangereux, tu ne peux pas t'entraîner n'importe où. Tu pourrais être tellement forte !
Hëna sembla réfléchir un instant, elle s'imagina un instant être si forte qu'on lui donnerait des médailles, et qu'elle ferait partie des plus grands magiciens sur Terre, elle s'imagina le cœur rempli de fierté, et regretta un instant de ne pas être déjà comme ça. Puis elle murmura :
— Ce n'est pas grave, ce n'est pas mon pouvoir qui fait ma valeur.
— Dans une école comme la nôtre, si... laissa échapper Pandore.
Je vis Hëna se renfrogner, et me levai ; il était temps de changer de sujet :
— Pourquoi on n'irait pas explorer un peu les lieux, tant qu'on est là ?
— Oui ! Je parie qu'on pourrait y dénicher des trésors ! s'exclama Xan dont le visage s'illumina.
— Pourquoi pas, se leva Pandore.
Lorsque les filles se levèrent, l'électricité qui les parcourut lorsque leurs doigts se frôlèrent était si intense que je pouvais moi-même la ressentir, je m'efforçai alors de bloquer mon pouvoir et de ne plus lire dans aucune pensée. Xan était déjà devant nous, le regard s'éparpillant à travers les piles de vieux meubles entassés sous des déchets aléatoires.
— Je ne toucherai pas à ces poubelles, déclara Hëna d'un ton hautain, m'arrachant un sourire.
— Ne t'en fais pas, lui répondit Pandore. Je fouille pour toi avec ma magie...
— Eh, venez voir ça !
Nous nous approchâmes de Xan qui brandissait un petit coffre en bois décoré de morceaux de métal.
— J'ai trouvé mon trésor, ajouta-t-il fièrement. Bon, c'est fermé à clé, mais...
— Je me demande ce qu'il peut contenir, dit Hëna.
En un instant, l'intérieur du coffre fit un déclic, et Xan put soulever le couvercle. Nous tournâmes notre regard vers Pandore qui souriait comme une enfant qui venait de faire une bêtise. A l'intérieur, nous découvrîmes quelques lettres anciennes, vieillies, et des photographies sépia. Nous nous étions assis directement au sol, concentrant toute notre attention sur cette découverte, le souffle court comme si un geste de travers ferait tout partir en fumée. Délicatement, Xan prit le papier des lettres, puis passa son doigt sur l'écriture manuscrite, des lettres écrites à la plume, d'une écriture si jolie. Nous étions émerveillés. Hëna prit une des photographies et l'observa avec attention.
— C'est des lettres d'amour ! s'exclama Xan. C'est si beau.
— Laisse-moi lire ! demanda Pandore qui était curieuse du contenu.
Xan donna une des feuilles jaunies à Pandore, et moi j'attrapai une des photographies, en murmurant :
— Ces gens ont vécu il y a si longtemps, c'est fascinant de pouvoir découvrir une partie de leur histoire.
— Et leur amour semblait si sincère...
Pandore réajusta sa position, et tenait entre ses doigts le papier teinté d'une écriture magnifique à la plume, elle commença à lire :
— « J'aimerais pouvoir te dire qu'il m'était difficile de t'écrire cette lettre, mais cela serait mentir. En réalité, cela m'est si simple que c'est comme si les mots jaillissaient de mon cœur pour rejoindre le tien en un clin d'œil. C'est comme si nous nous étions toujours connus, que nos âmes s'étaient déjà rencontrées auparavant. Ce n'est qu'une théorie spirituelle, mais cela me plaît de songer que nous nous connaissions dans d'anciennes vies, et que nous nous retrouvons dans celle-ci pour pouvoir pleinement vivre notre amour. »
— Oh attends, l'interrompit Hëna, une autre lettre à la main. « Il me serait impossible d'éviter la réalité qui est que mon cœur ne connaît que toi, la douceur de tes paroles et le bonheur de ta présence. »
— Et écoutez ça : « Il s'agissait de la toute première fois que je désirais tant me brûler les ailes. Brûle-moi autant de fois que tu le souhaites, je me jetterais volontiers dans tes bras si c'est pour m'y consumer avec tant d'amour et de passion ».
— C'est magnifique, affirma Xan.
— Je suis bien d'accord.
Les deux filles continuèrent de se perdre dans les mots poétiques de ces lettres, et Xan vint s'approcher de moi pour que nous puissions observer les photographies.
— Vous pensez qu'ils sont encore en vie ? demanda-iel.
— Honnêtement, répondis-je, je ne pense pas. Les photos ont l'air assez anciennes, et si cette boîte s'est retrouvée ici, c'est soit de la famille qui s'en est débarrassé, soit quelqu'un qui a emménagé dans leur ancienne maison et trouvé ça quelque part...
— Je suis d'accord, acquiesça Pandore. Mais leurs âmes se sont sûrement retrouvées de nouveau dans une nouvelle vie.
— C'est ce que je leur souhaite, ajouta Xan.
— Vous pensez que cette histoire s'est bien terminée ? Pas de cœur brisé, pas de séparation, ni rien ?
— Aucune idée, murmurai-je après un temps de silence.
— Je pense que seule la mort sépare un amour si fort...
Personne ne parla après les paroles de Pandore. L'ambiance était retombée, et nous nous retrouvâmes dans une réflexion sur l'amour, et la mort. Si ces personnes ne sont pas mortes ensemble, l'une a dû subir le tragique de la perte. Et réaliser ceci nous faisait du mal, car comment vivre après ça ?
Xan fut le.a premier.e à cesser de penser à ça, et iel proposa de retourner à la maison, ce à quoi nous acquiesçâmes, les cœurs lourds. Une fois dans la voiture, cependant, la conversation reprit sur des sujets plus joyeux et insouciants.
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