Chapitre 7 - Xan
Ce soir-là, je m'endormis dans le lit d'Orion, dans la sécurité de sa chambre et le confort de son matelas, dans la chaleur de sa couette, et le bonheur d'être libéré.e. C'était dur de continuer à voir de l'espoir après tout ça, impossible en fait, j'avais tellement pensé à la mort que j'en tremblais encore, dans les draps d'Orion. Ma sœur me revint à l'esprit... Elle qui avait toujours été là pour moi, quand nos parents me rejetaient. Habituellement, à l'université, je n'avais pas le temps de penser à ma famille, j'étais toujours occupé.e ou entouré.e, je pensais à eux certains week-end ou rentrais à la maison pour les voir, mais sinon la plupart du temps j'avais la tête ailleurs.
Ma sœur, Camila, se mit à me manquer, j'avais besoin d'elle, nous passions habituellement les nuits compliquées ensemble, à parler de tout et se raconter nos secrets... J'avais pris l'habitude d'aller dans sa chambre quand j'allais mal, qu'elle aille dans la mienne quand c'était son cas. Mais cette fois j'étais seul.e. Enfin pas totalement, mais je me sentais si isolé.e, loin de tout... C'était comme quand mes parents se disputaient, fort, qu'ils allaient jusqu'à casser des assiettes et hurler à faire trembler les murs, quand nous étions petits. Et que je devais prendre soin de Camila, la tenir dans mes bras et la rassurer, lui mentir en disant que tout irait bien. Je la câlinais comme si je lui promettais la sécurité absolue, alors que je n'avais que trois ans de plus qu'elle, et que nous étions tous les deux très jeunes.
J'avais la même douleur dans mon cœur, le même pincement, la même frustration, cette impression d'être dans une cage qui ne me laisserait jamais partir. J'essayais de me rassurer en me répétant que c'était normal, et qu'avec le temps ça passerait... Mais comment se dire qu'un futur sera mieux si à chaque seconde qui passe on rêve un peu plus de disparaître ?
La nuit fut compliquée, plusieurs fois je me réveillai en sursaut, éveillant au passage Orion, qui venait me rassurer en une seconde. J'étais malgré tout reconnaissant.e. J'observai tout autour de moi pour m'assurer de toujours être chez Orion, et qu'il ne m'arriverait rien. Orion m'enlaçait doucement et calmement, Pandore et Hëna dormaient sur le matelas au sol, la fenêtre laissait passer quelques rayons de la Lune, et je me rallongeais pour essayer encore une fois de plonger dans le sommeil. J'étais enfin dans un lieu confortable, avec des personnes appréciables, et pourtant je n'arrivais pas à en profiter. J'étais tellement plein.e de culpabilité. J'avais un toit sur la tête, un matelas sous mon corps, accès à de la nourriture, qui en plus me plaisait, et je continuais d'avoir mal et de vouloir mourir...
Mon problème était que physiquement j'avais le pouvoir de me réparer, mais mentalement... J'en étais incapable. Et je n'avais jamais appris à guérir auparavant.
Dans la nuit, mes rêves furent remplis de torture, solitude, épuisement... Je me voyais courir, essayer d'échapper à mon ravisseur qui menaçait de me tuer si je lui étais inutile. Je me voyais coincé.e, entre deux murs, prêt.e à mourir... Je me voyais me faire attraper, me faire arracher les membres un à un, qu'on me plante des lames dans la peau. Je me voyais mourir lentement et dans la douleur. La douleur, partout, je la ressentais alors que j'avais toujours eu le pouvoir de l'annuler. C'était si ironique. Horriblement ironique.
J'enrageais un peu contre le monde entier qui continuait de tourner comme si rien ne s'était passé. Comme si toute ma douleur n'existait pas, et je réalisai que c'était en fait probablement le cas de beaucoup de monde. Combien de personnes se retrouvaient forcées à cacher leur souffrance ? Combien de personnes étaient coincées dans des situations si dures, et devaient observer le monde vivre, inconscient de tout ? Et moi, au milieu, je continuais de m'apitoyer sur un sort dont j'étais libéré.e... Et moi je continuais de me plaindre et ressasser mes traumatismes alors que je devrais juste avancer...
Je décidai de me lever lorsque le soleil pointa ses premiers rayons, et sortis dans le jardin encore dans le pyjama qu'Orion m'avait prêté. Le froid fut ce qui me frappa d'abord. L'air était si frais, et mes vêtements si fins, mon corps se mit à trembler immédiatement. L'espace n'était pas très grand, mais j'entrepris instantanément de faire des tours en courant pour me vider l'esprit. La course n'était pas un sport que j'appréciais énormément, mais était une bonne solution pour me défouler quand mes pensées prenaient trop de place. Alors je m'efforçai de me concentrer sur ma respiration et sur ma rapidité. Le soleil se levait au-dessus de moi, et mon corps se réchauffait au fur et à mesure des mouvements. Je me défoulais complétement en m'épuisant. Une fois essouflé.e, je décidai de m'étirer. Je fis alors plusieurs positions, sentant que ce court entraînement m'aidait réellement à me sentir un peu mieux.
C'est un Orion tout endormi qui arriva et bafouilla :
— J'ai eu peur, je me suis réveillé et t'étais plus là ! Tu fais quoi ?
— Je fais tout pour pas avoir de pensées.
— Et t'y arrives ?
— Non. Pas trop.
— Envie de regarder un film ?
Je haussai les épaules en me disant que cela pourrait être une bonne solution, alors nous rejoignîmes le salon, et nous installâmes dans le canapé. Après plusieurs échanges pour tenter de se mettre d'accord sur le film à regarder, je pus enfin me vider totalement l'esprit en me laissant porter par l'histoire. Les parents d'Orion se réveillèrent et se préparèrent pour aller travailler, amusés par le film d'animation qui passait à la télé et qui nous captivait. Nous échangeâmes quelques mots, et je fus surpris de la facilité avec laquelle ils m'accueillaient alors qu'ils ne me connaissaient pas.
- Ils sont heureux de voir que j'ai des amis, dit Orion lorsqu'ils eurent tous les deux quitté la maison. Ça leur fait plaisir aussi de voir la maison être un peu animée.
- Oui, j'imagine. Je comprends, mes parents aussi aimeraient que je sois plus sociable, ils disent que ça m'aiderait à me « décoincer ».
- Pff, problème d'introvertis, ça.
Nous rîmes avant de nous reconcentrer sur les images qui passaient à l'écran.
Petit à petit, Pandore, puis Hëna, nous rejoignirent, et nous finîmes nous quatre collés dans le canapé, à rire aux blagues enfantines. Et je parvins à obtenir exactement ce que j'avais recherché : le silence de mes angoisses. Et leurs rires étaient contagieux, le monde s'allégea le temps d'un instant.
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