Chapitre 6 - Hëna


Je sentais bien que l'atmosphère avait changé entre nous depuis qu'Orion et Xan étaient partis, c'était comme si le temps avait ralenti, et que le monde brillait un peu plus, que tout paraissait plus beau... Et pourtant je n'osais pas la regarder. J'avais peur encore une fois de tout ce que j'aurais pu ressentir, en ne posant ne serait-ce qu'une seconde mes yeux sur elle. Rien qu'en l'imaginant me détailler, mon cœur battait la chamade. Pourquoi ressentions-nous tout ça ? Après tant de temps à se détester...

Je repensai au tout début, quand nous ne nous connaissions pas assez pour savoir tout ce qu'on pourrait faire pour se détruire l'une et l'autre, à ma rentrée en première année, quand j'étais encore perdue et pas prête à ce qui pourrait m'arriver.

— Pourquoi est-ce que tu n'en as jamais parlé, à personne ? demandai-je.

— De quoi ?

Elle avait remis du parfum en rentrant en fin d'après-midi, elle sentait la cerise et la pêche, des goûts fruités et doux qui la caractérisaient bien... Je repris une gorgée avant de répondre :

— Quand tu m'as vue pleurer aux toilettes, l'année dernière. Combien de fois tu aurais pu utiliser cette anecdote contre moi, et tu ne l'as pas fait ?

C'était deux ou trois semaines après la rentrée, j'étais débordée de travail, après avoir été habituée toute ma vie à travailler peu, à réussir sans effort. On commençait déjà à avoir des examens, et des devoirs à rendre, des exposés à faire, et je n'y avais pas été préparée... A la fin d'un contrôle, que j'avais complètement raté, j'étais allée me réfugier dans les toilettes pour que personne ne voie mes larmes. J'avais honte, si honte, parce que je n'avais jamais été si incompétente.

— Je m'en souviens comme si c'était hier, murmurai-je à moitié dans le vide.

— Je sais... Moi aussi. Je voulais juste aller aux toilettes quand je t'ai entendue sangloter le plus doucement possible, et je n'avais aucune idée de qui c'était...

Je rougis, en réalisant qu'elle s'en souvenait bien, et en parlant de cette vulnérabilité que j'ai tenté de fuir toute ma vie. Elle continua de parler comme si personne l'écoutait :

— Je me demande si ça avait pu t'aider, ce que je t'ai dit. En tout cas à aucun moment j'aurais essayé de retourner ta sensibilité contre toi.

En prononçant ses derniers mots elle me regarda un peu avant de relever le visage vers le ciel. Je ne me souvenais pas exactement de ses paroles, mais, à ma porte, elle m'avait demandé ce qui n'allait pas, et j'avais répondu la vérité. Elle avait essayé de me réconforter, elle avait séché mes larmes à l'aide de ses mots, elle avait apaisé mes peines. Et c'est à ce moment-là que je l'ai détestée, car quoi qu'il arriverait, elle serait toujours supérieure à moi, elle aurait été témoin de ma vulnérabilité. Et puis tout le monde se mettait à la placer sur un piédestal, et je n'existais presque plus. Alors j'ai voulu échanger les rôles, et la guerre a commencé...

— Ça m'a aidé, avouai-je. J'y repense parfois quand l'anxiété est trop forte. Mais je déteste ça.

— Pourquoi ?

— Parce que ça te donne une emprise sur moi, tu es supérieure, car tu es celle qui sait consoler, rassurer.

— Ça ne fait pas de moi quelqu'un de supérieur. A aucun moment je n'ai pensé faire ça pour moi, faire ça pour me surélever. Tu étais là, tu avais besoin d'aide, et j'étais là, alors je t'ai aidée.

— C'est bien le problème ! Je n'ai pas besoin d'aide.

Nous échangeâmes un regard, elle semblait confuse, comme si elle était incapable de croire que je pouvais me débrouiller seule, ce qui m'énerva encore plus. Elle est si parfaite, que c'est impossible pour elle de se mettre à la place de quelqu'un qui ne l'est pas. Je lui en voulais tellement, pour tout. Cela m'énervait, tout chez elle provoquait de la colère en moi.

— Mais peu importe, Hëna, que tu aies besoin d'aide ou non.

— C'est comme si tu avais pris mon cœur et ma dignité dans tes mains, et que tu les avais emportés avec toi, c'est comme si tu tenais une épée au-dessus de ma tête et que tu menaçais de la lâcher à chaque instant.

— Parce que je t'ai consolée quand tu avais besoin d'être rassurée ?

En voyant que je n'allais pas répondre, Pandore capitula :

— Désolée alors, je te rends tout, je te rends ton cœur et ta dignité si c'est ce que tu souhaites.

Je me sentais bête. Toujours, avec elle. Parce qu'elle n'avait aucune peur, aucun tracas, parce qu'elle réussissait tout le temps, et que moi j'étais tellement inférieure à elle. Je n'étais rien quand elle était tout. Mais elle reprit :

— On n'est pas si différentes, on se ressemble, même, mais ça t'énerve parce que tu me vois différemment. Tu me vois meilleure que ce que je suis.

— Je ne pense pas qu'on soit similaires.

— Oh, crois-moi, Hëna. C'est justement parce qu'on se ressemble que je t'énerve. Et tu n'es pas capable de te l'avouer.

— Non, je ne sais même plus qui je suis.

Je fronçai les sourcils, et Pandore se pencha vers moi, son regard brun faisait frissonner ma peau. J'avais l'impression que j'étais sur le point de m'enflammer. Des mèches de ses cheveux désormais emmêlés légèrement voletaient derrière son dos, et ses lèvres esquissaient un sourire bienveillant. Je voulus fermer les yeux pour ne pas avoir à faire face à elle. Cela m'énervait de la voir belle comme une déesse, cela me tuait de l'admettre, mais elle n'avait qu'à s'approcher de moi pour que mon cœur s'emballe et qu'un désir de joindre nos lèvres m'envahisse. L'atmosphère était tendue, et une brise fraiche, nocturne, vint caresser nos joues, chacun de nos souffles était empreint d'une tension indéniable. J'avais l'impression que l'univers retenait son souffle lorsque la main de Pandore rencontra le côté de mon cou, décalant mes cheveux :

— Pourquoi est-ce que tu ne laisses pas ton égo de côté, et n'avoues pas tout ce que tu ressens ? Pourquoi as-tu tant besoin de cacher tes sentiments ?

— Qu'est-ce que tu veux de moi ?

Elle ne répondit pas, le temps se suspendit un instant, avant qu'elle dépose délicatement ses lèvres sur les miennes, et d'un coup le monde entier se peint en rouge passion. Ecarlate. Et mon cœur s'embrasa, mon corps entier réagit à son contact. C'était comme si Pandore faisait fleurir des fleurs en moi, mon ventre fut secoué du désir de l'embrasser encore et encore, comme si j'en avais toujours rêvé.

— Ça, souffla-t-elle entre deux baisers.

Je me rapprochai d'elle, plaçant ma main dans ses cheveux, et l'autre sur sa taille, intensifiant notre baiser. J'avais l'impression de mourir entre ses doigts, qui parcouraient ma peau, et je ne pus m'empêcher de penser que si elle avait l'intention de me tuer, ça marcherait. L'embrasser était ma nouvelle manière d'exprimer ma colère. Je la détestais, et je me détestais de la désirer. Mais au moins, ce sentiment était réciproque.

Au-dessus de nous, le ciel étincelait, les étoiles veillaient sur nous, et je ne m'étais jamais sentie aussi bien. Nos lèvres se frôlèrent dans un léger contact, comme une promesse longtemps retenue, nos souffles se mêlèrent, et Pandore eut un petit rire qui fit s'emballer mon cœur encore plus.

— Jamais je n'aurais cru autant aimer ça, murmura-t-elle.

Je ne savais pas si je devais me vexer ou en être ravie, alors je ne répondis que par un sourire avant de joindre nos lèvres à nouveau. Ma tête tournait tant j'étais euphorique, j'avais l'impression que mon cœur était sur le point de tomber, je soufflai :

— Comment ai-je pu te résister si longtemps ?

Je sentis Pandore sourire contre mes lèvres, et j'avais l'impression d'être sur le point d'imploser. Est-ce qu'elle ressentait la même chose ? Est-ce qu'elle pourrait être en train de se moquer de moi ? Non, c'était sincère, Pandore était incapable de faire ce genre de chose. Elle aussi avait souhaité ce moment, sinon elle l'aurait pas commencé à m'embrasser. Mon cœur battait la chamade, et le monde autour s'effaçait complétement d'une manière que j'avais rarement connue.

Pandore s'approcha encore de moi, me forçant à reculer mes mains derrière moi et m'appuyer sur mes coudes. Au-dessus de moi, je devais lever le regard pour rencontrer la puissance de ses yeux. Ses mouvements étaient si lents que j'avais envie de la tirer à moi pour la forcer à m'embrasser de nouveau, mais je la laissais faire, observant avec bonheur son sourire satisfait et son regard pétillant. Elle était si loin de la Pandore avec qui je passais mon temps à me disputer, et pourtant c'était comme si j'avais toujours voulu rencontrer cette nouvelle Pandore.



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Argggh j'aime trop ce moment, si vous saviez comme j'adore Pandore et Hëna !!! 

J'espère que l'histoire vous plaît toujours ! ;) pour l'instant tout devient calme mais ce n'est pas pour bien longtemps, eheh.... 

Bisousss ! 

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