Chapitre 18 - Hëna
Les bras ballants, je me retrouvai seule dans le grand théâtre. Cette salle que j'associais toujours à Pandore, pour sa grandeur, sa grâce et sa beauté... Et elle venait de partir, s'enfuir entre mes doigts, après avoir lâché une bombe qui n'attendait que son départ avant d'exploser. Pourquoi lui avais-je menti ? Pourquoi est-ce que j'étais comme ça ? J'aurais pu juste lui dire que moi aussi je désespérais de retrouver ces doux jours chez Orion, j'aurais pu juste lui dire que je rêvais d'une nuit dans ses bras, et de baisers volés. Mais je ne l'ai pas fait, et je regrettais. Je ne pouvais en vouloir qu'à moi-même...
Je m'assis, adossée aux pieds du piano et pris ma tête dans ma main. Quand elle m'a dit de la rejoindre pour parler avec elle, j'ai pensé qu'il s'agirait d'un piège, d'une tentative de me faire chuter encore et me ridiculiser. Je pensais qu'elle réutiliserait mes mots contre moi, qu'elle enregistrait ou je ne sais quoi, mais Pandore n'était pas moi. Pandore n'était pas un monstre. Pandore attendait une discussion à cœur ouvert. Et elle m'a ouvert son cœur, et je lui ai menti, et je l'ai vu saigner sans pouvoir rien faire.
Elle ne me croirait plus jamais, j'avais perdu ma chance. Et je m'en voulais tellement. Comment ai-je pu être si stupide ? J'avais envie de me frapper. Elle m'avait aimée. Elle m'avait aimée... Et moi j'ai joué avec elle, je me suis servie d'elle. J'étais la pire personne. J'avais tout perdu.
Le lendemain était une torture, je me levai et me souvins. Je n'avais plus d'appétit, je n'avais plus envie de parler, je n'avais plus envie d'aller en cours... Elle était là, devant moi, elle non plus n'avait pas fait d'effort vestimentaire, elle aussi semblait avoir mal dormi, et je compatissais. Et j'avais envie de la prendre dans mes bras, la consoler, lui dire que ce n'était rien, que ce n'était pas réel, que ce n'était qu'un cauchemar. Mais c'était bel et bien la réalité. Et j'étais le monstre. J'étais celle dont il fallait la protéger...
Et elle ne me laisserait plus jamais la toucher, elle ne me laisserait plus jamais lui parler, et c'était limite si nos disputes de rivales me manquaient. Chacune de nos interactions me manquait en fait, juste le souvenir d'une discussion avec elle, le souvenir d'un sourire taquin ou narquois... La beauté de son visage qui s'illuminait quand elle me battait... Et que je me surprenais à vouloir la laisser me vaincre juste pour pouvoir l'observer encore quand elle gagnait. Elle était magnifique. Et elle ne m'accorderait plus jamais ce regard...
Je n'avais plus ce désir charnel et dévorant, j'avais envie de douceur, j'avais envie d'être vulnérable près d'elle, de brosser ses cheveux quand ils étaient emmêlés, j'avais envie de frôler sa main de mes doigts pour lui rappeler que quoi qu'il arrive je serais là, et je veillerais sur elle. Mais je ne pouvais pas, je ne pouvais rien, parce qu'elle me haïssait, parce que je lui ai envoyé des mots tranchants comme des poignards, et qu'elle les a pris en plein cœur.
J'étais folle d'elle, et je n'avais jamais pu me l'avouer, j'étais loin de le lui avouer à elle. Mon cœur était brisé, et j'en étais l'unique coupable. Je détruisais tout sur mon chemin, et je voulais espérer être la meilleure en tout. Qu'est-ce que j'étais ridicule.
J'avais envie de lui courir après, lui dire que j'étais désolée, que je n'aurais pas dû dire ça, et que j'aurais dû être réellement honnête. Mais elle partait toujours avant que je puisse lui accorder un regard, et disparaissait là où je ne pouvais plus la trouver. Je désespérais. Kellan et Mélodie le voyaient et ne comprenaient pas, mais ils avaient peur de me blesser en demandant. Alors ils m'observaient me flageller.
Kellan me rejoignait dans ma chambre pour que je me sente moins seule quand Mélodie était avec Jess. Et il m'enlaçait, me répétait que peu importe ce qu'il se passait, ça irait. Et je laissais couler mes larmes en murmurant que j'étais la pire personne. Il ne disait rien, il me serrait plus fort, et je sentais mon cœur tomber en morceaux sur les draps.
Je savais que je devais me reprendre, peut-être lui laisser moi aussi des mots pour qu'on puisse en reparler. Mais je ne voulais plus faire face à son regard déchiré et déchirant, je ne voulais plus penser au dégoût sur son visage, et son désir de partir à chaque fois que je m'approchais d'elle. Alors je laissais couler... Je me dis que peut-être un jour elle aurait plus de douceur à me réserver, et alors je n'aurais plus peur de l'affronter...
Je me reconcentrais sur mes études, continuais d'apprendre, de réviser, de me préparer pour mes examens. J'avais même envie de l'aider à réussir, je ne voulais plus la dépasser injustement, je voulais nous laisser jouer à la loyale. C'était elle qui méritait tout, finalement.
Je me plongeais dans mes livres, secouais le visage à chaque fois qu'elle réapparaissait dans mes pensées. Et reprenais ma lecture. Je me mis à fond dans le travail, pour la première fois. Et je m'isolais de plus en plus. Peu importe, tant que j'oubliais que Pandore pouvait me détester à ce point. Les professeurs peut-être s'inquiétaient. Ce n'était pas habituel de me voir assise au fond, ne pas parler de l'heure. Pandore non plus ne parlait plus.
Je me demandais si elle travaillait beaucoup aussi, je me demandais à quoi elle pensait. Je n'avais jamais eu l'envie si forte d'apprendre à la connaître, savoir ce qu'elle faisait dans les instants les plus insignifiants de sa vie, savoir ce qui lui traversait l'esprit. Je me demandais si le soir elle levait les yeux vers les étoiles, observait la Lune ou si elle regardait droit devant elle. J'étais du genre à regarder droit devant moi avant, mais il fallait croire que j'avais changé. J'avais désormais envie d'admirer la Lune. Comment avions-nous pu dériver autant ? Pourquoi en mal ? Comment ai-je pu laisser notre relation se dégrader ainsi ?
Chaque fois que j'essayais de me reconcentrer sur moi je pensais à elle, c'était impossible de m'en débarrasser, j'étais vouée à être hantée par son souvenir... Peut-être que j'avais juste besoin de temps. Non, j'avais besoin de parler à Orion, j'avais besoin qu'il me dise quoi faire selon les pensées de Pandore. A la fin d'un cours, je l'attendis dans le couloir, et quand il me vit, il fronça les sourcils, sceptique.
— J'ai besoin qu'on parle, déclarai-je.
— Oulah !
Je fis une moue, et lui proposai de porter son sac, et d'aller dans une salle où il n'y aurait personne.
— Allez, s'il te plaît, j'ai besoin de toi.
— D'accord, mais allons dehors.
— Il fait froid...
Il prétendit s'en aller, ou peut-être le faisait-il vraiment, alors je levai les yeux au ciel, me fis violence pour affronter la fraicheur, et acquiesçai rapidement avant de le suivre :
— Ok, dehors si tu veux.
Orion me jeta son sac dans les mains, et je fus surprise de sa lourdeur. Je le suivis alors dans la cour. Il s'arrêta contre une arche et s'y adossa les bras croisés. Dehors un brouillard épais tombait sur les bâtiments de l'école, la nuit était tombée, et de la fumée se créait de notre respiration. Les cheveux noirs d'Orion venaient s'éparpiller sur son visage, mais il ne fit rien pour les décaler. Je posai son sac au sol et lui demandai en papillonnant :
— Est-ce que tu peux lire dans les pensées de Pandore pour moi ? S'il te plaît !
— Tu es folle ? Non.
— Sérieusement ? J'en ai besoin.
— Et pourquoi ? Pour mieux la manipuler encore ?
Je fronçai les sourcils et mimait la surprise. Je comprenais qu'il pense cela si elle lui avait parlé de son point de vue, mais il ne connaissait pas la vraie histoire. Il fallait qu'il sache la vérité et en soit persuadé, alors il accepterait de m'aider.
— Lis dans mes pensées, je lui veux que du bien.
— Non, même dans ta tête tu peux me mentir.
Il ne me croyait pas, lui non plus, et je ne pouvais rien faire.
— C'est une blague, pourquoi personne me croit ici ! m'écriai-je.
— Peut-être parce que t'es une menteuse, manipulatrice ? demande-t-il en décalant sa tête pour ne pas se prendre mon souffle au visage.
Je l'ignorai, donnai un coup de pied dans son sac et parti, en disant :
— De rien en tout cas, hein, de t'avoir aidé à retrouver ton ami.e Xan !
— Merci, c'était très gentil.
Je les détestais tous. Je repartis en colère, j'étais dans une impasse, je ne pouvais rien faire pour retrouver Pandore... J'avais envie de hurler, de mettre le feu aux arbres dénudés, de faire n'importe quoi qui m'aiderait à exprimer ma colère. Je demandais juste une solution, j'avais besoin de régler ce problème avec Pandore.
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