Chapitre 16 - Orion
L'hiver arrivait, métamorphosant les feuilles flamboyantes de l'automne en arbres vides, et des teintes grises et blanches. Le vent soufflait des températures bien plus fraiches et tous les étudiants ressortaient leurs manteaux. Nous nous préparâmes lentement à la saison froide, et on nous servait de la soupe à la cantine. Nous attendions avec impatience les premières chutes de neige, se demandant si elles arriveraient vraiment un jour.
La forêt de l'université se dressait désormais comme plusieurs silhouettes dénudées contre le ciel pâle et humide, les branches semblaient tendre leurs doigts vers les nuages, désirant retrouver quelques gouttes d'espoir et de vie. Nos nez rougissaient lorsque nous passions dans la cour pour passer de l'internat aux salles de classes, notre souffle faisait s'échapper de nos lèvres une fumée blanche, et les murs en pierre des couloirs étaient encore plus frais qu'habituellement. Mais les cheminées et bougies des salles communes, du hall et de la bibliothèque réchauffaient tendrement nos corps en nous enveloppant de réconfort.
Et au matin nous avions des chocolats chauds, que Xan adorait, ivre de ce goût doux et consolant, il en commandait même aux distributeurs pour les déguster pendant les cours comme devant un bon film. Cela me faisait du bien d'observer le temps ralentir et la légèreté renaître sur les visages et dans les pensées. Je dormais mieux, il faisait nuit longtemps. Tout semblait aller mieux, comme si l'automne avait balayé les tracas.
Je me réchauffais près d'une cheminée en discutant avec Xan, nous parlions d'un projet de groupe, fouillant dans des livres pour trouver des articles d'auteurs connus. Je profitais de cet instant de calme avant le dîner. Xan était en train de lire un extrait lorsque nous entendîmes les premières exclamations « il neige ! », qui nous valurent quelques coups d'œil par les grandes fenêtres, et effectivement de gros flocons tombaient, attirés par la terre. Xan et moi échangeâmes un regard amusé, mi-surpris pour moi, et iel se leva et remit son pull qu'il avait posé sur le dossier de son fauteuil avant de se précipiter vers l'extérieur. Je le.a suivis après avoir enfilé mon manteau en vitesse, et vis de nombreux étudiants qui partageaient la même joie. Tous levaient le visage ou les bras vers le ciel, riant, souriant.
Même certains de mes professeurs étaient sortis et déguisaient leur sourire derrière un visage de marbre et des bras croisés. Cela me rappela mes parents qui nous regardaient avec ma sœur descendre les pistes de ski à toute vitesse. Je songeai alors à la sensation que j'avais en jouant de la neige avec Camila, lors de notre enfance, à courir partout, comme des fous, la bouche ouverte en riant. Ici l'euphorie était aussi partagée par tous. Xan sautilla et me cria dessus en m'attrapant les épaules :
— C'est incroyable, ça fait super longtemps !
— Oui, un an quoi, dis-je de manière taquine.
— Peut-être, mais regarde ! ajouta-t-iel en montrant un flocon sur le dos de sa main. Il est énorme !
Je lui souris et observai les flocons qui parsemaient ses cheveux ébènes, je me sentais réellement bien, apaisé, avec tous ces rires autour de moi, même si les autres étaient bruyants et me rentraient dedans, vivre cet instant me libéra d'un poids. Sans que je le comprenne réellement. C'était comme si un changement était en train de s'effectuer dans ma vie. Et je regardais cela se faire, loin de moi-même. Soudain je ressentis un coup froid, et compris que je fus frappé par une boule de neige au dos, et en me retournant, je vis Pandore, les mains plaquées sur sa bouche, et Liv qui explosait de rire. J'eus la soudaine envie de lui rendre la pareille.
— Pardon ! s'écria-t-elle. Promis ce n'est pas toi que je visais !
— Si, si, mentit son amie en explosant de rire. Tu devrais te venger !
Je me pliais au jeu et tentai de récupérer un maximum de neige au sol et la visais, elle essaya d'esquiver, mais elle ne fut pas assez rapide et poussa un cri quand la boule la toucha. Liv rit de plus belle. Xan s'empressa à son tour de réunir de la neige pour la lancer sur Pandore, et nous nous retrouvâmes à trois contre elle qui se hâta de partir en courant et criant à l'aide. Liv, dans une trahison révoltante, changea subitement de clan et se mit à nous attaquer, mais Xan réagit rapidement et elle se prit de la neige entre le cou et l'épaule. Elle poussa un cri aigu qui me poussa à me boucher une oreille en grimaçant et mon regard croisa l'air coupable de Xan.
— C'est pas cool ça ! s'écria-t-elle.
— Désolé, j'ai mal visé, s'excusa Xan avec une moue dépitée.
— Sérieusement, t'aurais pu faire attent...
Elle ne finit pas sa phrase qu'elle lança une autre boule de neige en plein dans le torse de Xan, et j'éclatai de rire en voyant sa surprise. Aucun d'entre nous ne s'y attendait. Je sursautai d'ailleurs en recevant de la neige au derrière de ma tête, et me retournai en voyant une Pandore espiègle qui riai. Xan courait dans tous les sens, et Pandore et Liv riaient aux éclats. La bataille dura quelques minutes encore jusqu'à ce que nous décidions de faire une pause, essoufflés, les mains posées sur nos genoux pour se reposer.
Xan poussa un long soupir en faisant remarquer que c'était incroyable. La neige continuait de tomber sur le bout de nos nez, le froid commença à se faire sentir pendant que l'adrénaline redescendait.
— Mince ! s'exclama Pandore. J'étais à la bibliothèque quand j'ai accouru ici, mais j'ai laissé toutes mes affaires, je devrais les récupérer.
Nous acquiesçâmes et la laissâmes partir en direction de là où elle venait, les sourires toujours aux lèvres et les cœurs battants. Liv nous raccompagna à l'intérieur, où nos affaires n'avaient pas bougé. En avançant pour aller m'asseoir, mon épaule cogna celle d'une personne que je n'eus pas le temps de reconnaître avant d'entendre sa voix :
- Eh tu pourrais faire gaffe.
Je me retournai, prêt à lever les yeux au ciel, sur le visage mécontent de Jess. Il me fixait en croisant les bras et esquissa un faux sourire. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas parlé, je lui mimai donc un grand sourire.
- Oh excuse-moi, Jess, je ne t'avais pas vu. Comment tu vas ?
- Fais pas semblant de m'apprécier.
- Non, en fait, je m'inquiète pour toi.
Il cilla, s'approcha de moi, les mains dans les poches.
- C'est quoi ton problème ?
- En fait, commençai-je en portant une main à mes lèvres pour prétendre réfléchir. J'ai bien remarqué que tu devenais fou, t'as même pensé que j'aurais pu être le... meurtrier d'Amélia. Alors je me demandais si tu t'étais remis.
- Tu cherches des ennemis, c'est cela ?
Une main dans le creux de mon coude, Xan me tira en arrière pour que je m'éloigne de Jess, mais son regard provocateur ne me donnait qu'envie de répondre. Je n'avais rien à me reprocher, c'était bien lui qui m'avait menacé sans aucune preuve.
- Peut-être que moi je tenais à elle, lâcha-t-il d'une voix froide. Peut-être que moi j'étais prêt à lui rendre justice.
- Parce que tu penses vraiment que ça ne m'a rien fait ? Que je n'ai pas essayé de comprendre ?
Il n'avait aucune idée de quoi il avançait, et cela me rendait fou. Un frisson me parcourut en me souvenant des messages qui me prévenaient de la mort d'Amélia, de l'écriture sans personnalité que remplissait les papiers abîmés glissés sous ma porte. Je repensai à l'idée à laquelle je croyais, je pensais qu'il s'agissait d'une blague, d'une menace ridicule pour faire rire ceux qui le faisaient. Pourquoi m'avoir torturé ainsi ? Pourquoi moi ? Je relevai le regard sur Jess qui avait visiblement parlé tandis que je ne l'écoutais pas, il plissa les yeux et s'en alla. Le cœur toujours un peu retourné, je rejoins Xan qui avait également fini par me laisser pour reprendre sa place au coin du feu.
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