Chapitre 12 - Orion


Il leur était impossible de dormir. Xan, Hëna et Orion, avaient passé la nuit enfermés dans la chambre d'Orion, à la lueur de la bougie, à se murmurer des histoires, et s'efforcer d'oublier tout ce qui avait bien pu se passer. Orion avait la sensation d'être coincé dans un cauchemar qui ne s'arrêterait jamais. Et il comprit rapidement que c'était aussi ce que ressentaient ses amis.

Il observait du coin de l'œil la fenêtre, où la nuit persistait, froide et angoissante. Où l'obscurité sombre le menaçait. Ils avaient réussi tout de même, grâce à Hëna. Elle avait tué le meurtrier, et pourtant aucun d'entre eux trois ne parvenait à se réjouir. Le désespoir était toujours là. Et rien ne pouvait l'abattre, rien ne pouvait les satisfaire.

Orion songea à qui ils étaient des mois auparavant, quand ils ne se connaissaient qu'à peine, quand personne n'était mort, quand personne n'avait peur, quand aucune ombre ne les menaçait. Et dans les méandres tortueux du temps, le bien s'est transformé en mal, et ils ne savaient plus qui ils étaient.

Dehors, le vent faisait frissonner les arbres et s'éteindre les étoiles. Le monde semblait se replier sur lui-même de douleur. Orion scruta Hëna, et eut mal en observant la douleur de la folie sur son visage. Elle n'avait pas perdu de sa beauté, de ses cheveux rouges comme les flammes dansant près de sa peau brune, et ses yeux noirs toujours emplis de détermination. Elle n'avait pas changé, physiquement. Pourtant, il s'était passé tant de choses, qui l'avaient entièrement transformée.

— Comment tu te sens ? souffla Orion, la voix entrecoupée d'amertume.

— Je pensais que tout irait mieux à l'instant où il mourrait. Mais au final je ne sais plus...

— Dis-toi qu'au moins, en faisant cela, tu as protégé tout le reste de notre université, lui assura Xan en posant une main réconfortante sur son épaule.

Qu'on lui dise qu'elle était une héroïne, cela ne changerait rien, et Orion le savait. Car malgré tout, elle devrait vivre avec ce secret. Elle avait tué. Elle avait tué alors qu'elle pensait être une bonne personne. Elle pensait faire le bien, et voilà qu'elle éteignait des vies.

— Il le méritait, tenta-t-elle de se rassurer.

La pièce semblait rétrécir, engloutie par la pénombre qui faisait écho à la confusion qui régnait dans leurs esprits tourmentés. Les flammes des bougies vacillaient, leur lueur chancelante projetait des ombres dansantes sur leurs visages. La chambre semblait résonner les murmures de leurs remords. Ils étaient tous les trois complices, et meurtriers, alors qu'ils se pensaient incapables d'aller si loin. Et pourtant ils étaient mordus par la facilité avec laquelle l'avait fait Hëna, et c'est ce qui les terrifiait le plus.

— Dites-moi que ça ne fait pas de moi un monstre, que je ne tuerais pas plus, que je ne deviendrai par comme lui, trembla Hëna en laissant une larme solitaire couler le long de sa joue.

— Non, murmura Xan. Tu voulais simplement rendre justice à Pandore, et tu l'as fait. Tu n'as pas besoin de plus.

Orion glissa son regard vers Hëna, et comprit. Elle ne sera jamais satisfaite. Cette vengeance n'était pas suffisante, ce n'était pas assez pour combler le manque de Pandore.

— Et si... Et si effectivement j'avais besoin de plus ? lâcha-t-elle.

— De tuer plus ? demanda Xan, inquièt.e.

En acquiesçant, Hëna baissa les yeux vers ses pieds. Elle tentait désespérément de cacher la haine et la colère qu'elle ressentait, elle tentait de résister à la folie qui menaçait de la renverser.

— Alors on sera là, assura Orion en lui attrapant les mains. On t'aidera à aller mieux, tu ne seras plus jamais seule. On se soutiendra et tu n'auras pas à te laisser surpasser par ce désir. Tu es quelqu'un de bien, Hëna, tu peux faire le bien.

Timidement, elle acquiesça en ancrant ses yeux à ceux d'Orion. Leurs cœurs battaient à l'unisson, et une peur fine naquit chez Xan et Orion. Il sentait le vide qui emplissait Hëna, il comprenait le désespoir qu'elle ressentait. Et il savait que cette histoire les avait plus que transformés. Cela prendrait le temps qu'il faut, mais ils sauront réparer leurs blessures.

Orion songea que durant tous ses mois, ils avaient été observés, surveillés par le meurtrier, comme si leur histoire avait été contrôlée par lui. Comme si au final, ils n'avaient jamais eu d'emprise sur leur propre vie. Ils n'avaient même pas réussi à raconter eux-mêmes leur propre histoire.

Lentement, ils avaient sombré dans une inquiétante folie. Chaque choix, chaque compromis, avait laissé une empreinte indélébile sur leur âme. Le temps des éclats de rire, des sourires, du bonheur, leur semblait si loin, et avait laissé place à des murmures sinistres. Orion, Hëna et Xan se regardèrent mutuellement, les ombres de leurs propres démons jouant sur leurs visages épuisés. Ils faisaient face au chaos ; c'était cela leur nouvelle réalité. Le destin avait scellé leurs chemins. Ils étaient coincés ici, dans la douleur et la réalité brutale. Mais au moins, ils étaient ensemble, et se soutiendraient dans cette nouvelle quête, celle de remonter le chemin de l'enfer, celle de retrouver la lumière.

Ainsi, dans le silence déchirant de leur nouvelle réalité, ils fermèrent les yeux, laissant l'ombre persistante d'une folie irréversible retomber sur leurs épaules. 

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