Chapitre 11 - Xan


La salle d'entraînement était vide à l'exception d'Orion et moi. Nous essayions de reprendre un peu de forces ; pour qu'Orion ne perde pas la main, et moi car c'était ma manière de me détendre. Cette première journée de reprise m'avait épuisé.e. Il s'était passé tellement de choses, que j'avais l'impression que je n'ai pas eu le droit à une seconde de répit. Je faisais toujours des cauchemars de l'enlèvement, et dire que cela m'était arrivé lorsque j'ai voulu partir loin, m'éloigner de tout ça... Quelle ironie. J'étais très reconnaissant.e envers le trio de nous avoir libéré.e.s, qui sait combien de temps nous aurions pu rester coincé.e.s dans cette grotte ?

Cependant, malgré la gentillesse d'Orion pour m'avoir accueilli.e, j'aurais aimé quelques jours de solitude... J'aurais aimé pouvoir me recentrer, me retrouver, j'aurais aimé avoir du temps pour moi et ne plus avoir la pression d'autrui. J'avais apprécié la soirée de la veille, même si j'aurais besoin de plusieurs semaines de solitude entières.

— T'as l'air préoccupé, tu veux en parler ? me demanda Orion en me tendant une dague.

— Combat à la dague, aujourd'hui ?

Il acquiesça, et je lui pris l'arme. Je savourai le plaisir de tenir la poignée dans la main, son contact rassurant, protecteur, et me dis que si même les armes faillaient à leur quête de protection, j'étais voué.e à ma perte. Je relevai les yeux son mon ami et repris :

— Je n'ai pas besoin de parler, tu peux lire dans mes pensées.

— Mais je ne le ferais pas, par respect.

J'opinais du visage en tentant de le toucher aux côtes, mais il esquiva. J'esquissais un sourire en remarquant son évolution, même après plusieurs jours sans entraînement. En alternant esquives et attaques, je continuai :

— Comment penses-tu que ça va continuer... la vie ici ?

— Comme l'année dernière, je dirais. Même si je sens qu'il y a beaucoup de méfiance.

— Ce qui est fort compréhensible. J'ai vu ce dont il était capable.

— Ça a dû être horrible... Je suis tellement désolé que tu aies dû subir ça si longtemps.

Je parvins à le déséquilibrer avec une attaque surprise, mais il se rattrapa assez aisément avec un sourire victorieux.

— Je pensais que tu ne voudrais plus jamais me parler, reprit-il, et que c'était pour cela que tu étais parti.e.

— De base, c'était le plan, avouai-je dans un petit rire.

Ses lèvres s'étirèrent en un sourire triste, et je haussai les épaules. C'était du passé de toute façon. L'enlèvement serait sûrement arrivé dans tous les cas, et j'ai au moins pu être présent pour guérir Lucille. Peut-être que ce n'était pas totalement une mauvaise chose.

— Est-ce que toi aussi tu as l'impression d'être une personne entièrement différente ? demandai-je.

— Oui. Tout change trop vite, je suis complètement perdu.

Je me demandais ce qu'il avait pu découvrir dans les pensées du meurtrier, les horreurs qu'il a pu y trouver... Orion devait cacher tellement de choses au monde, il devait connaître tant de secrets inavouables...

— Oui, confirma-t-il. Je connais beaucoup de choses, trop. C'est à la fois assez amusant voire utile, mais aussi pesant.

— J'imagine. Tu viens de lire dans mes pensées, tu m'as menti, ajoutai-je avec un sourire amusé.

— Ça m'arrive de perdre le contrôle quand je suis fatigué, se justifia-t-il avec le même air sur le visage.

— Tu devrais te reposer alors, allons dormir.

— Pas avant de te battre au combat de dague, me menaça-t-il avec enthousiasme.

Je n'avais pas autant d'énergie qu'un mois auparavant, mais j'essayais de garder la tête hors de l'eau, et parvins à ne pas perdre trop vite. Orion était plus rapide, moi plus agile, mais la fatigue me ralentissait encore plus et il me toucha à plusieurs reprises. Il en sortit avec un sourire victorieux, et me tendit son bras quand je lui demandai s'il avait des blessures à guérir.

Nous finissions par ranger tout le matériel et nous diriger vers la sortie, et pour animer le trajet jusqu'aux dortoirs, je demandai :

— Tu sais ce qu'il se passe entre Pandore et Hëna ? Je pensais qu'elles ne s'aimaient pas mais...

— Eh bien c'est assez drôle, ça a changé du jour au lendemain. Un peu grâce à moi.

— Excuse-nous Cupidon ! m'exclamai-je en levant les bras et riant.

— Oui, enfin c'est grâce à toi aussi si nous les avons laissées seules sur le toit de ma maison.

— C'est donc là que tout s'est fait.

Orion rit, et acquiesça plusieurs fois, l'air fier de lui. N'ayant jamais connu l'amour, je me demandai à quoi ça pouvait ressembler... Et je me souviens maintenant seulement qu'Orion était en couple avec Amélia auparavant. Perdre la personne qu'on aime doit briser le cœur...

— Comment tu t'es senti par rapport à la mort d'Amélia ? demandai-je, prudemment. Tu n'es pas obligé de répondre.

Il resta silencieux quelques instants, le temps que nous quittions la salle pour rejoindre l'obscurité de l'extérieur où la nuit s'abattait lentement sur l'atmosphère automnale.

— C'était vraiment bizarre. Elle était là, morte... Alors que je l'avais aimé. Cela faisait quelque temps que nous ne ressentions plus rien l'un pour l'autre, mais de là à ne rien ressentir en la voyant allongée par terre, inerte... Je pense que c'est l'effet que ça provoque à un peu tout le monde, réaliser que la mort peut arriver n'importe quand, à n'importe qui...

— Oui je vois... Ça me donne le vertige rien qu'en y pensant.

Il me tint la porte de l'internat et me demanda lorsque je passai :

— Qui est la personne à qui tu tiens le plus ?

— Oh... Je ne sais pas trop, je dirais ma petite sœur, Camila.

— Trop mignon, quel âge a-t-elle ?

— Dix-sept ans. On s'est toujours soutenu.e.s, c'est ma meilleure amie.

— La chance. Et dire que je n'ai aucune idée d'où est la mienne, de sœur. Ni même si elle est encore en vie...

— J'espère qu'elle est quelque part en sécurité... Je te le souhaite sincèrement.

Orion marmonna un « merci » un peu triste, et nous étions dans les couloirs des chambres. Je m'en voulais un peu de terminer sur une note aussi macabre, mais Orion balaya tout ça d'un revers de main, comme si ce n'était rien, feignit un sourire et me souhaita bonne nuit.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top