64-Elle

Dohän n'a pas tort sur toute la ligne. Je ne suis pas la danseuse qui méritait la place à ses côtés. :

D'une, je n'ai aucune expérience en danse de salon et je n'ai toujours pas acquis toutes les bases, même si je m'attele à apprendre au plus vite.

De deux, je comprends qu'il puisse douter de ma personne. Je ne gère pas encore bien mon stress, ce qui pourrait poser problème pour la suite.

Pour finir, Dohän recherche l'excellence.

Je suis donc loin d'être la danseuse idéale et capable de tenir une extrême cadence à ses côtés.

En conclusion, j'ai la sensation d'avoir usurpé cette opportunité à Claire.

Dans la voiture qui nous ramène chez Dohän, le silence est pesant. Tout comme moi, Dohän ne cesse de fixer à travers la vitre le paysage qui défile, tandis que Wade nous lorgne mal à l'aise, dans son rétroviseur.

J'aimerais expliquer à mon partenaire pourquoi je me sens si coupable et non-prompt à fêter l'annonce.

S'il savait à quel point je suis heureuse de rester auprès de lui malgré mes propres doutes. Les mots me manquent pour le lui manifester, mais je suis aussi gênée de le lui avouer.

– Félicitations, mademoiselle, lance le chauffeur, rompant ce calme morose, j'ai appris que vous étiez dorénavant la danseuse officielle de Monsieur.

– Oui, en effet. Merci à vous, Wade.

– Vous avez fait le bon choix, Monsieur.

L'intervention de ce dernier à le don de nous sortir de cette torpeur malsaine qui nous enveloppe.

– Je sais.

La réponse de Dohän est incisive et hautaine. Surprise, je l'observe sans vraiment m'en rendre compte dans un premier temps. Son comportement à le don de me désarçonner. Pourquoi est-il si étrange depuis ce matin ? 

Tout d'abord, il est froid avec moi, puis il me balance en plein visage des paroles insensibles qui me font croire que je n'ai aucune chance face à Claire, ensuite, il décide de garder cette dernière, avant de faire marche arrière et de se comporter comme s'il ne comprenait pas ma réaction.

Bon sang ! Qu'est-ce qu'il se passe dans sa tête ? Pourquoi n'est-il plus aussi loquace qu'à l'accoutumée ? J'ai comme une sensation de déjà vu, c'est l'image d'un Dohän des premiers jours du casting.

– Dohän ? Dis-je à voix basse, comme si le son ne voulait pas passer la limite de mes lèvres.

Celui-ci ne réagit pas, il se contente de scruter le siège de Wade devant lui, la mâchoire crispée ainsi que ses doigts pianotant nerveusement sur sa cuisse.

– Dohän...

Que devrais-je faire ? Que devrais-je dire ? N'est-ce pas à moi de me sentir blessée par son changement d'opinion ? Pourquoi est-ce qu'il m'ignore ?

Ne sachant plus comment agir, ma main gauche se pose sur sa main droite, cessant net ses mouvements agités.

Je n'ai jamais fait le premier pas envers lui, je l'ai rarement touché en dehors de nos danses. Mon geste semble donc l'intriguer, car il daigne enfin poser son regard sur moi après avoir longuement examiné ma main.

Nos yeux implantés les uns dans les autres, nous nous toisons sans mot dire. C'est étrange, mais le simple fait de le regarder m'embrouille l'esprit, la seule idée qui émerge me semble folle, mais est quand bien même tentante. Je ne sais pas à quoi Dohän pense, je souhaiterais tellement le savoir !

Même s'il m'a amplement aidé au fil de ces derniers jours, même si nous nous sommes grandement rapproché à un niveau qui atteint l'ambiguïté, je ne sais toujours pas ce qui lui trotte réellement dans la tête. Cet homme reste énigmatique à mes yeux.

– Nous sommes arrivés, s'interpose Wade, nous dévisageant à travers le miroir de son rétroviseur.

Ses paroles ont brisé ce moment unique et intense que Dohän et moi commencions à partage. Pendant une minute, j'ai eu l'impression de l'avoir retrouvé, d'avoir compris quelque chose. Or, à présent, c'est comme un rêve duquel je me serais réveillée. Je ne me souviens de rien, seulement de notre échange non-verbal.

Mais alors que je reprends mes esprits, affublé par cette apparente transe, je remarque que Dohän s'est déjà exfiltré du véhicule, alors que Wade attend que j'en fasse de même.

Décidément, la journée ne va pas en s'arrangeant.

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