51-Elle

- Dohän, commencé-je, éhontée par la situation que je ne cesse de rendre compliquée, je ne te demande pas de te justifier, je n'insinue pas non plus que je ne te crois pas, car en réalité, c'est de moi-même que je doute. Il faut être objectif, Dohän, quand je suis arrivée dans cette salle de danse le premier jour, quand j'ai vu toutes ces filles s'exercer et danser avant moi, je me suis martelée dans la tête que je n'avais rien à faire à ce casting, que ce n'était pas ma place, que j'allais me ridiculiser devant tout le monde et surtout devant le jury. Sans parler du fait que je ne connaissais pas du tout ta popularité, et donc je suis sûre que j'aurais eu beaucoup plus de pression ce jour-là. Au fil du temps, je me suis demandée ce que tu attendais de moi, je me posais tout un tas de question, car tu agissais étrangement avec moi, pas d'une manière professionnelle, alors j'avais peur. J'ai nié pendant quelques jours, même si la réalité se présentait à moi, j'avais conscience et je sentais aussi qu'au fil des jours, j'étais attirée par toi. Mais je me le refusais parce que tu m'avais offert une place et que cela devait rester strictement professionnelle pour moi, comme pour toi. Et puis il y a eu cette escapade ici, à Nordby et là, j'ai l'impression d'être dans un monde parallèle et de pouvoir me sentir libre au point d'accepter mes sentiments.

- Voici votre entrée, messieurs, dames.

- Merci, répondons-nous en cœur, gratifiant chacun la serveuse d'un sourire courtois.

- Eh bien ! Cette attente m'a ouvert l'appétit ! S'exclame Dohän, balayant cette discussion plus ou moins maussade.

- Au fait, pourquoi as-tu choisi ce restaurant en particulier ?

- La vue est magnifique, je pense que c'est de loin la meilleure jonchant la côte, mais le patron est aussi un ami de la famille. Ceci dit, ça ne veut pas dire qu'il me fait des ristournes, pouffe-t-il en attrapant sa fourchette, il tient trop à son business pour ça.

- Tu as raison, c'est jolie ici, et le repas est délicieux.

Malgré notre conversation, le malaise est toujours présent entre nous, à croire qu'il ne nous quitte jamais.

L'entrée que Dohän a commandé est une Salade de pommes de terre froide, appelée « kartoffelsalat ». Le repas qui suit me met tout aussi l'eau à la bouche.

– Le Sol over Gudhjem, m'annonce mon partenaire lorsqu'on nous sert, avec son accent Danois qu'il sait très bien cacher au quotidien.

Celui-ci se présente sous forme de sandwich ouvert avec du pain de seigle, du hareng fumé, de la ciboulette et du jaune d’œuf. Une vraie tuerie !
Quant au dessert que j'ai choisi, le drømmekage, c'est un gâteau à la noix de coco étrangement succulent, tandis que Dohän à été tenté par l’æblekage, un dessert aux pommes qui se présente en trois couches dans une petite verrine, avec de la crême chantilly, de la cannelle et des concassées d'amarettini.

- Riva ?

- Oui ?

- Peu importe la décision finale, ne me laisse pas tomber.

Son air sérieux me remet dans le bain de la compétition. Un léger stress m'envahit tandis que je déglutis avec difficulté en fuyant son regard.

- Riva, nous pouvons aller très loin tous les deux, et non pas seulement en tant que professionnels.

- Dohän...

- Accorde-moi cette faveur.

Ne sachant quoi répondre, je baisse les yeux sur son dessert que je contemple sans vraiment le voir.

- Ce sera le choix de Delly.

- Mais bon sang, Riva ! Je me fiche royalement de son opinion ! Elle est à mille lieux de savoir que son avis m'est indifférent ! J'irais contre vents et marées, Riva, pour que tu restes à mes côtés. Alors, s'il te plaît, arrête d'en douter ! Crois en moi s'il te plaît !

De le voir si infaillible et passionné me donne envie d'y croire, tout comme lui y croit.

- Je n'en doute pas, c'est juste que j'ai la sensation que cela n'arrivera jamais, même si nous touchons au bout, tout peut nous échapper sans crier gare.

- Tu es bien trop pessimiste ce soir, souffle-t-il, exaspéré.

- Et ton traitement alors ? Comment tu te sens ? Lancé-je afin de changer de sujet, peu envieuse de parler d'un sujet qui nous terrorise depuis des jours.

- Bien mieux. J'ai parfois quelques vertiges ou maux de tête, mais ça va, je gère. Je m'en sort grâce à toi.

- Dohän, arrête de tout rapporter à moi.

- C'est la réalité. Tu me rends plus fort, bien plus fort, Riva ! Est-ce que tu comprends à quel point tu es devenu essentielle pour moi ? Je n'ai jamais autant désiré une femme de ma vie comme je te désire !

Ses mots me font l'effet d'une bombe. Ce n'est pas la première fois que je l'entends me parler de cette manière, mais les mots sont fort et lourd de sens.

Moi aussi, je le désire.
Moi aussi, je veux me projeter dans l'avenir avec lui.
Moi aussi, j'ai envie de lui.

S'il savait comme je suis tiraillée seulement et à cause de cette compétition et des regards qui vont se poser sur nous...

- On va marcher un peu ? Me propose mon partenaire, déjà debout la main tendue vers moi, telle une princesse.

- Bonne idée.

Et si je me laissais voguer dans son monde ? Si je laissais mes sentiments prendre le dessus ? J'ai toujours gardé le contrôle par crainte d'être déçue, mais qu'ai-je à perdre en définitive ?

- Est-ce que je peux te poser une question ?

- Bien sûr !

- Est-ce qu'à l'écran, tu tiens à ce que nous soyons de simples partenaires, ou assumerais-tu le fait que nous soyons ensemble ?

- C'est important pour toi de le savoir ?

J'acquiesce, curieuse de connaître sa réponse.

- Si je disais que je voudrais garder notre relation secrète, tu prendrais cela pour de la lâcheté ?

- Peut-être bien, oui.

- Moi, je l'aurais fait pour garder notre amour plus pur sans subir les critiques diverses et des paroles déplacées qu'on pourrait lire ou entendre un peu partout sur notre couple.

- Cela a du sens...

- Cependant, si tu y tiens tant, cela m'est complètement égal. Tant que tu es heureuse, je le serais aussi.

Plutôt satisfaite de son retour, je souris avec timidité, convaincu par ses nombreuses démarches et réponses.

- À mon tour.

J'opine, intrigué par sa demande.

- Dors avec moi cette nuit.

Je m'attendais à tout sauf à ça ! Éberluée, je le fixe comme si j'avais mal entendu, désarçonnée par la situation qui prend un tournant que je n'avais pas prévu.

Or, après tout, n'est-ce pas là le bon moment pour lancer le top départ de mon lâcher prise ?

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