48-Lui
C'est la première fois que je maudis ma mère intérieurement d'avoir mis un terme à mon rapprochement avec Riva. J'étais à deux doigts de passer un cap et tout s'est écroulé comme un château de cartes. Cela fait longtemps que je n'ai pas ressenti cette sensation, mais à cet instant, je me sens idiot.
Alors que je discute avec ma mère, du coin de l'œil je ne perds pas une miette des faits et gestes de Riva. Quand celle-ci s'éclipse de la terrasse pour se réfugier dans la maison, je suis déçue.
Déçue qu'elle n'attende pas que je revienne pour reprendre notre discussion, mais aussi déçue de constater qu'elle semble se sentir mise de côté.
C'est vrai après tout, mes parents n'ont pas fait grand-chose pour la mettre à l'aise, bien au contraire. Ma mère est du genre sur-protectrice et mon père se méfie de tout le monde en règle générale. Un vent froid ne fait que s'abattre sur elle depuis que nous sommes arrivés à Nordby. Alors il faut à tout prix que je rattrape le coup.
Je décline donc l'invitation de mes parents à manger avec eux pour ma dernière soirée parmi eux, cela s'avère difficile, mais j'y arrive au bout d'une belle et longue demi-heure qui me fait suer. Quand ma mère lève le drapeau blanc, je ne perds pas de temps et rejoins ma danseuse.
Cette dernière ne se trouve pas dans le salon, ni même dans la cuisine. Intrigué, je me demande si elle n'a pas pris la poudre d'escampette sans que je ne l'ai aperçu, quand j'entends enfin la douche bruisser dans la salle d'eau.
Rassuré, je m'appuie contre le mur à côté de la porte. Pourquoi je prends les choses trop à cœur avec cette fille ?
Sans m'en être rendu compte avant, l'eau à cesser de couler et c'est le cliquetis de la serrure qui me tire de mes pensées. Pris de court, je me retrouve nez à nez avec une Riva dépossédée de tous ses vêtements, avec pour seul bout de tissu, la serviette enroulée autour d'elle.
– Qu'est-ce que... commence-t-elle décontenancée.
Surprise, elle me lorgne aussi. Or, au lieu de tourner les talons pour me fuir, elle reste enracinée, ses yeux agrippés aux miens.
Je ne peux pas expliquer ce que je ressens, mais jamais je n'avais imaginé être enlacé par de telles sensations.
Mon cœur pulse de façon déraisonnable, alors que mon corps est assailli d'une pulsion encore méconnue pour moi.
Il faut que je cesse ce qui est en train de se produire !
Avec difficulté, je déglutis et détourne mon regard de son corps. Celle-ci en profite pour s'extraire elle aussi de ce guêpier que nous avons créer sans le vouloir. Ses bruits de pieds encore mouillés m'aident à comprendre qu'elle s'éloigne jusqu'à entendre la porte de sa chambre se refermer derrière elle.
Enfin libérer, mon corps se détend et j'arrive petit à petit à reprendre une respiration plus ou moins normale.
Ô grand jamais je n'ai souhaité plus qu'une relation professionnelle avec une femme, mais avec Riva, toutes mes certitudes quant à la gente féminine s'effondrent. Si elle le désirait, je ne pourrais pas lui résister, c'est un fait.
Avant qu'elle ne revienne, je décide à mon tour de prendre une douche bien froide afin de me rafraîchir les idées. Il faut à tout prix que j'arrête de penser à autre chose que la danse avec ma partenaire.
Bien que nous nous sommes avoué se plaire mutuellement et potentiellement essayer quelque chose entre nous, Riva veut aussi prendre son temps. Si je commence à me comporter comme un animal sauvage affamé, je cours tout droit dans le mur.
Parce que oui, je dois bien l'admettre, je ferais tout pour la garder auprès de moi. Je le fais depuis le début, mais ce n'était que purement professionnel, du moins officieusement. À présent, je suis décidé à la garder auprès de moi, mais de façon plus privée. Alors si je fais le moindre faux pas, c'en est finis de moi et des projets que je m'imagine créer avec elle à mes côtés.
Je reste je ne sais combien de minutes sous le jet glacial du pommeau de douche. Ce qui est sûr, c'est que cela refrène mes ardeurs et réussi à me calmer.
J'ai l'impression d'être un débile de jeunot qui découvre une femme pour la première fois. Flancher de cette manière ne me ressemble pas. J'ai l'habitude de tout diriger, d'avoir le contrôle sur tout hormis avec Delly. Néanmoins, qu'une femme de la trempe de Riva puisse me mettre dans un tel état me rend perplexe. Je ne sais pas quoi en penser.
Quand je sors enfin de la salle d'eau, j'accélère le pas pour m'engouffrer dans ma chambre. Même si je tente de la fuir, je ne pourrais pas le faire éternellement, mais au moins, cela me permet de me focaliser sur une chose essentielle à mes yeux : la danse et l'objectif d'après-demain. Concrétiser avec Riva en tant que partenaire de danse officielle.
Je croise les doigts. Je suis certain que le destin l'a mise en travers de ma route pour une chose bien précise et j'espère que ce sera le cas. J'espère que Delly ne détruira pas ce fameux château de cartes que j'essaye jusqu'ici de construire inlassablement avec difficulté.
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