47-Elle

Que dire de plus face à cette réponse inespérée ? Je n'aurais pas cru que Dohän puisse se résigner aussi vite. Je suis plus que bouche bée, or, au fond de moi, c'est le feu d'artifice. Il ne sait pas à quel point j'ai hâte de l'entendre chanter de nouveau, de découvrir son univers et qu'il me révèle une autre identité de lui-même.

Ici, à Nordby, tout semble plus facile qu'à New-York. Dohän est différente, plus enclin à la discussion et surtout plus humain. En fin de compte, cet homme a bien une âme et un cœur qui bat, alors que jusqu'à maintenant, il y avait un mur qui bloquait toutes ses émotions positives.

Autant l'admettre, mais je crains notre retour sur le sol américain. Ce qui m'angoisse, c'est qu'il change pour redevenir l'homme froid et prétentieux qu'il était au quotidien. Je sais que ce n'est qu'une facette pour obtenir le respect et ainsi se montrer plus fort face au gens. Néanmoins, avec la carrière qu'il a à présent derrière lui, plus rien ne sert à jouer au gros dur. Du moins, c'est mon avis.

Aujourd'hui, le temps est magnifique, il fait beau et les rayons du soleil réchauffent la peau nue de mes bras.

Sur la petite terrasse, je sirote mon diabolo fraise maison fait par les petits soins de mon hôte, tandis que celui-ci s'active en cuisine.

Quoi de plus sexy qu'un homme qui sache cuisiner, en plus de savoir danser et chanter, mais aussi d'avoir un physique qui me plaît plus que de raison ? J'espère ne pas être au bout de mes surprises. Je lui accorde ma confiance, comme lui m'accorde la sienne. Nous sommes tous les deux des âmes brisées par l'amour en plus d'être pudiques sur nos sentiments, alors que va-t-il en être de notre relation qui semble bancale et peu certaine de finir sur un happy-end ?

Pour une fois, je ne me pose pas la question, car j'ai envie d'y croire.

Dohän interrompt mes pensées en faisant irruption à mes côtés, tenant dans ses mains un plateau avec deux assiettes.

Intriguée, je scrute méticuleusement celle qu'il pose sous mon nez, l'odeur alléchante aiguisant un peu plus mon appétit.

- Ça a l'air bon ! m'extasié-je, l'eau à la bouche.

- C'est un plat typique d'ici. Tu n'es pas venu au Danemark pour repartir sans rien avoir appris du pays tout de même !

- qu'est-ce que c'est au juste ?

- Du Smorrebrod. C'est une tranche de pain de seigle beurré, garni de hareng, de viande fumée, de fromage, avec aussi des crevettes, des légumes et des œufs.

- En-tout-cas, ça sent très bon !

- C'était le plus rapide à préparer, mais je compte bien te traîner derrière les fourneaux pour le reste.

- Comment ça ?

- Tu verras, Riva. Laisse-moi te surprendre.

- Tu le fais déjà bien assez.

- Mange donc, j'entendais ton ventre crier famine depuis la cuisine, rétorque-t-il visiblement mal à l'aise.

Ce style de sandwich est délicieux ! À la fin du premier, je m'en lèche les doigts, prête à attaque le deuxième qui attend dans mon assiette. Alors que je m'apprête à le croquer, j'entends Dohän ricaner sur le point de s'étouffer à cause du morceau qu'il mâche.

- Ça va aller ?

- Oui ! Bafouille celui-ci les larmes aux yeux. J'essaie de reprendre mon souffle, deux secondes !

De le voir aussi vivant me réchauffe le cœur. Le visage rouge, il essuie ses yeux avant de poser son regard sur moi.

- Je suis ravi de voir que tu te régales.

- C'est vrai, tu t'es surpassé !

- Cela signifie que d'ordinaire, je suis mauvais cuisinier ?

- Pas du tout ! Ce qui est grisant, c'est que tout ce que tu entreprends est parfait.

- Quand on l'est, quoi de plus naturel ?

- Le vantard est de retour ?

- Je le suis toujours, Riva. Je ne peux que l'être quand on me flatte tel que tu le fais. Mais dis-moi, ajoute-t-il en rapprochant sa chaise de la mienne, que n'aimes-tu pas chez moi ?

Sa question semble anodine, mais en réalité, je ne sais pas quoi répondre. Si je réfléchis bien, même les défauts de Dohän finissent par me plaire.

Alors au fond, a-t-il raison ? Peut-être que oui, mon partenaire de danse est parfait à mes yeux.

- Riva...

À quelques centimètres de lui, nous nous lorgnons sans vergogne, sans gêne, éprit d'une envie irascible d'éterniser ce moment.

J'arrive de moins en moins à cacher mon attirance physique envers lui. Quand est-ce qu'il compte franchir la limite ? C'est la question que je me pose, alors que je voulais entretenir cette fameuse limite pour un temps.

- Dohän...

Mon cœur bat à ton rompre, ses yeux m'observe en même temps qu'ils font des va-et-vient pour fixer mes lèvres.

Sa main vient se nicher dans ma nuque, ses doigts caressant avec délicatesse ma peau. Le moment est magique, son visage entame les derniers centimètres qui le séparent du mien. Son autre main sur ma cuisse, je ferme les yeux appréciant cet instant que, malgré moi, j'avais hâte de découvrir.

Nos souffles se mélangeant l'un à l'autre, nos lèvres sont sur le point de se frôler quand une voix abrège avec brutalité notre rapprochement tant espéré.

La tête tournée vers ce cri soudain, nous nous rendons compte que sa mère est non loin de nous, et s'approche d'un pas décidé.

Dohän se racle la gorge en éloignant sa chaise de la mienne. Cette distance me fait l'effet d'un coup de poignard en plein cœur.

Je me flagelle de l'intérieur. Pourquoi j'en attends autant alors que j'ai demandé à Dohän que je voulais qu'on prenne notre temps ? Ce que je lui demande et ce que je veux sont aux antipodes.

Heureusement, sa mère ne nous a pas vus derrière la moustiquaire qui protège la terrasse de la maison.

Dépitée et seule, je les regarde discuter une bonne demi-heure sans rien comprendre de leur échange.

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