38-Lui

Ce matin, j'ai beaucoup de mal à me lever. La nuit a été compliquée, même si la présence de Riva m'a apaisé. Je sais que cette dernière attend des explications, et elle a raison. Ce n'est pas qu'un simple coup de froid que j'ai eu, mais je ne me sens pas capable de lui avouer le réel motif de ma crise de la nuit passé.

J'aurais tellement honte.

Cependant, je suis surpris lorsque dans la cuisine, je découvre ma partenaire en pleine préparation du petit-déjeuner. Celle-ci n'a pas vraiment pu dormir convenablement par ma faute, mais elle ne se plaint pas, elle est d'aplomb et fait comme si de rien ne s'était déroulé.

- Bien dormie ? Me demande-t-elle d'un air jovial.

- Mieux que je ne l'aurais imaginé.

- Tant mieux, j'espère qu'aujourd'hui, nous pourrons enfin commencer l'entraînement. Tu en dis quoi ?

- Tu as raison. C'est une bonne idée. Il ne faut pas perdre de vue notre objectif.

- Exactement ! Alors pour ce faire, tu vas t'asseoir sur-le-champ et prendre des forces. Tu en as grandement besoin, Dohän.

Je n'ai pas signé pour avoir une deuxième mère, moi !

Malgré tout, je laisse échapper un rire que Riva capte. Ses yeux noisette me toisent avec douceur et affection. Un léger sourire sur mon visage, je l'observe aussi comme si une connexion non-verbale s'était installée entre nous.

Plus je passe du temps avec cette fille, plus j'ai la sensation de changer. Ça m'effraie, mais me rassure à la fois. C'est comme si je retrouvais mon âme que j'avais égaré depuis des années. Je me bats depuis des lustres pour ne pas me montrer faible aux yeux des autres, mais avec elle, c'est différent. Je n'y arrive pas, même si j'essaye.

Il y a dix ans, avant de me forger cette solide carapace qu'est la mienne aujourd'hui, j'étais un garçon qui faisait confiance à tout le monde, qui aimait les gens, la vie et qui prenait à cœur les critiques, bonnes ou mauvaises. Malheureusement, ces dernières étaient bien plus nombreuses, engloutissant le positif.

Riva, ne me juge pas. Elle ne l'a jamais fait. Je n'ai pourtant pas été tendre à certains moments, mais ma coéquipière n'a jamais attaqué ni même baissé les bras.

- Dohän ? Je sais que cela ne me regarde pas, mais je me suis inquiétée pour toi. J'aimerais juste comprendre.

Le moment fatidique est arrivé. Dois-je lui dire la vérité ou lui mentir comme je le fais à tout le monde ? Seuls mes parents et mon médecin sont au courant.

- Riva...

- Je ne te force pas, tu sais, m'interrompt ma danseuse, nous pouvons dire que nous sommes amis à présent, alors si tu en ressens le besoin, sache que je suis là.

Ai-je bien compris ? Pour moi, le mot amis sonne creux dans ma tête.

- Je ne tiens pas à ce que tu me juges.

Laissant tomber les couverts qu'elle tenait, elle me fixe plusieurs secondes comme si j'étais un abruti.

- Comment tu peux dire ça, Dohän ? Jamais je n'aurais l'indécence de te juger. Tu ne l'as pas fait pour moi, au contraire, tu m'as aidé. Si tu étais aussi abject que les gens le prétendent, alors tu ne m'aurais accordé aucune importance.

- Tu essayes de flatter mon ego ?

C'est plus fort que moi, les mauvaises habitudes refont systématiquement surface. Je tente de camoufler le réel sujet de la discussion en faisant le fanfaron à ma façon. Hélas, Riva n'est pas dupe et ne l'a jamais été.

- J'essaye de te comprendre, rétorque-t-elle, me faisant perdre ce sourire provocateur qui m'est d'une grande aide en temps normal.

- Ça ne sert à rien. Tu perds ton temps.

- Je ne crois pas.

Nous jaugeant l'un et l'autre, nos regards se défient et aucun de nous deux ne baissons les yeux.

Cette fille me tient tête et j'aime ça. Elle ne ressemble en rien à Claire qui a tenté d'en faire de même durant nos jours d'entraînement.

Riva reste elle-même, elle n'est ni provocante, ni vulgaire. Au contraire, elle me donne envie de rire même quand nos discussions sont sérieuses.

- Je prenais un traitement, avoué-je sans réfléchir, je suis censé le prendre tous les jours depuis un certain moment maintenant.

- Pourquoi tu dis censé ?

- Parce que je ne tiens pas à en devenir dépendant.

- C'est si grave que ça ?

- Oui, si je ne fais pas attention. J'essaye comme je peux de faire preuve de détermination et de volonté. Je suis tout à fait conscient des risques de dépendance associés à ces médicaments, mon médecin m'en a fait part et je me suis aussi renseigné. Celui-ci ne le sait pas, mais je ne prends pas toujours mon traitement, parce que je cherche des alternatives pour gérer mon problème. Parfois, ça marche, parfois non. C'est pour ça que j'évite de compter uniquement sur ces cachets pour y faire face. J'ai surtout peur de me laisser dépasser et de finir dans un état aussi pathétique que cette nuit.

- Qu'est-ce que ça signifie ?

- J'ai arrêté de prendre ce traitement du jour au lendemain, peu de temps après ton emménagement chez moi. Je me sentais tellement bien que j'avais l'impression de ne plus en avoir besoin. J'en paye les conséquences aujourd'hui, mais ça ira mieux de jour en jour. Ce n'est pas aussi grave que ça en a l'air.

- Dohän ? Tu ne veux vraiment pas me dire...

- Riva, la coupé-je avant qu'elle n'aille plus loin, je te promets que si jamais tu en parles à quelqu'un autre que mes parents, je serais extrêmement déçu, si ce n'est pire.

- Pourquoi j'irais crier sur tous les toits les soucis que tu as ?

- Il y a des vautours, Riva. Une telle info à se mettre sous la dent, pour détruire la réputation d'une personne est toujours bonne à prendre.

- Je te jure que tu peux me faire confiance, mais comme je te l'ai dit, je ne te force pas.

Cela pourrait être facile de ne rien lui avouer, mais je me sentirai allégé d'un poids, je le sais. N'en parler qu'avec mes parents ou avec mon médecin devient trop lourd. J'ai besoin d'une tierce personne, d'un soutien extérieure et je peux le trouver en Riva.

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