36-Lui
Étant arrivé assez tard dans la journée, je partage le repas du soir rien qu'avec Riva, mes parents étant indisponibles.
L'ambiance n'est pas la même que dans ma villa de New-York. Ici, dans cette maison, nous sommes dans un espace plus restreint et donc plus intime.
Malgré les efforts que je mets en œuvre afin de maintenir une distance, le simple fait de me retrouver aussi proche d'elle, fait vaciller toute ma rationalité. La meilleure façon de réussir à m'en éloigner est d'entretenir mon arrogance excessive qui l'exaspère au plus haut point, ainsi, elle me rend la tâche plus aisée lorsqu'elle m'ignore. Du moins, en théorie, car la réalité est tout autre. Plus elle m'évite, plus elle m'attire.
Le dîner en tête-à-tête est plus une mise à l'épreuve qu'autre chose. L'observant en catimini, celle-ci ne semble pas prêter attention à ma présence, trop concentrée sur son assiette.
– Alors ? Ce n'est pas trop fastidieux à ton goût ? lancé-je afin d'entendre le son de sa voix.
– Au contraire, tu t'es surpassé !
À l'entendre, je suis ravi de dire qu'elle commence à se comporter de la même manière que moi. Son ironie me fait rire.
– Tu veux faire quoi demain ?
– Je n'en sais rien, je te rappelle que je t'ai suivi sans savoir où nous allions.
– Ce sont les meilleurs des surprises, n'es-tu pas d'accord ?
– Tu parles ! Si j'avais su, j'aurais pris des vêtements plus appropriés.
– Alors c'est validé. Demain, ce sera journée shopping.
– Hors de question !
– Et pourquoi pas ?
– Je me débrouillerais avec les habits que j'ai pris. Je ne débourserais aucun centime de plus. Je m'en achète déjà assez comme ça.
– Qui t'a dit que tu allais payer ? Je t'ai embarqué de force ici, laisse-moi faire ça pour toi.
– Je te le répète Dohän, c'est hors de question et encore moins que tu dépenses ton argent pour moi.
– Tu es étrange. N'importe quelle fille aurait sauté sur l'occasion.
– Je ne suis pas n'importe quelle fille, réplique tout d'un coup ma partenaire.
– C'est vrai. Tu es la seule et l'unique. Je suis honoré de partager mon repas avec toi, Riva !
– C'est ça ! Moque-toi.
Si elle savait que derrière mes rires, je suis plus que sérieux. Que cette fille me fait perdre toute rationalité au point d'entrevoir de tout lâcher pour elle, quitte à abandonner ma compétition de danse à venir, et même de renvoyer Delly. Néanmoins, cela n'arrivera pas de sitôt, car je tiens trop à ma carrière. Celle-ci est beaucoup plus sûre qu'une relation amoureuse qui est pour moi synonyme d'inconnu.
Quand je dis que je donnerais tout pour elle, je ne rigole pas.
– Parlons sérieusement, relance-t-elle interrompant mes pensées, tu as prévu des entraînements pour notre danse.
– Oui, je n'ai pas oublié le travail, loin de là.
Reparler boulot me chiffonne, ça remet en avant les problèmes du quotidien que je rencontre tous les jours depuis quelque temps. Parfois, j'aimerais ne jamais être connu.
– Dohän ? Tu vas bien ?
Je ne peux m'empêcher de la regarder. J'admire sa grâce, chacun de ses mouvements capture mon attention. Son sourire éclaire ma journée, même quand elle ne sait pas que je suis là. Chaque fois que nos regards se croisent, mon cœur bat un peu plus fort, mais je garde mes sentiments secrets, espérant qu'un jour, peut-être, je ne sois plus le seul à ressentir ces émotions qui me sont tombées dessus du jour au lendemain.
– Ce n'est rien, ça doit être la fatigue qui me tenaille.
– Laisse-moi faire le reste dans ce cas. Tu as cuisiné, je peux bien faire la vaisselle et ranger un peu. Toi aussi, tu devrais aller te rafraîchir.
– Tu veux déjà te débarrasser de moi ?
– Possible, répond-elle en me souriant alors que nos yeux ne se lâchent pas.
Un long silence s'installe durant lequel nous nous dévisageons sans gêne. Il faut que je fuie cette situation, sinon je vais vite défaillir.
Comme un voleur, je me lève brusquement et file dans la salle de bain sans me retourner. Appuyé contre la porte, je tente de reprendre mes esprits, perdu entre l'envie d'aller plus loin avec elle et l'envie de ne pas tout gâcher.
Je n'ai pas le droit de me lancer dans une relation amoureuse, je n'en ai pas le temps ni même assez de confiance en moi pour me jeter corps et âme. Riva ne rêve que d'une chose : grimper les échelons. Moi, je ne rêve que d'elle. Il y a un monde entre nous deux, jamais elle ne voudra d'un homme aussi prétentieux que moi, alors que je ne veux qu'elle. Mon professionnalisme s'effrite chaque jour à chaque seconde que je passe à ses côtés. C'est compliqué de vivre avec un tel poids, mais je suis Dohän Van Rein, rien ne devrait m'atteindre en temps normal !
Je dois me ressaisir, ne penser qu'à la danse, à mon travail, à mon avenir, mais à chaque fois ce joli visage intimité, mais ô combien intègre s'immisce parmi mes pensées.
Ai-je commis une énième erreur en l'amenant chez mes parents ? Je suis persuadé que non, mais je sais que je n'aurais tout de même pas dû le faire. J'aurais dû en profiter pour prendre de la distance avec elle, de la laisser à New-York et partir de mon côté afin de revenir plus fort.
Mais j'ai compris dernièrement que cela m'était impossible. Cela m'étonne et m'irrite de l'admettre, mais j'ai besoin de l'avoir près de moi en toute circonstance.
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