29-Elle
Quelques jours se sont écoulés depuis l'annonce d'une compétition entre Claire et moi. Je ne me suis pas encore mise au boulot avec Dohän, je m'entraîne souvent seule, tout en ne sachant pas où se trouve ce dernier.
Dès le matin, je me demande où il est. Il disparaît jusqu'au soir comme s'il fuyait. Seulement, s'il continue comme ça, nous ne gagnerons jamais ce duel. C'est inévitable. Pour ce troisième jour, je suis une fois de plus seule dans la salle de danse.
Il n'est même pas dix-neuf heures, lorsque j'entends la porte d'entrée claquer. Je me presse alors au rez-de-chaussée quand j'aperçois enfin la silhouette de Dohän.
Après plusieurs jours sans l'avoir vu, j'aimerais le harceler de questions autant que de le laisser tranquille. Alors je reste pantelante face à sa présence soudaine.
Celui-ci me remarque enfin au moment où il se dirige vers les escaliers menant à la salle de danse.
Dans un silence pesant, nous nous regardons longuement. Je n'ai aucun droit pour interférer dans sa vie. Il fait déjà d'énormes sacrifices pour moi alors que nous ne nous connaissons même pas.
- Riva...
Je perçois un léger tremblement dans sa voix qu'il tente de maîtriser et quelque chose d'étrange se reflète dans ses yeux. Je ne sais pas si c'est juste de la fatigue, ou plus que cela. Cependant, il est certain qu'il est dans un état second.
Que faire ?
Bien que je sois inquiète, je lui souris avec sincérité, contente de le revoir enfin à la maison. D'abord hésitante, je m'approche de lui et l'étreins. Aussi fou que cela puisse paraître, je me sens soulagée par sa présence, et cette proximité m'apaise un peu plus.
Je me suis engouffré dans un sale guêpier en vivant sous son toit, car à présent, j'ai la nette impression que son absence me manque. Or, peut-être est-ce l'habitude qui s'installe.
Plongeant mon regard dans le sien, j'essaye de comprendre ce qui a bien pu le mettre dans cet état. Une image me revient à la seconde à l'esprit, il faisait la même tête lorsqu'il était en présence de Claire l'autre jour.
- Dohän...
Ses pupilles brumeuses ne cessent de me fixer avec une intensité déconcertante. À quoi peut-il bien penser ?
Je n'avais jamais prêté autant d'attention avant aujourd'hui, mais le visage de Dohän évoque la fragilité et la délicatesse, avec des traits définis comme ceux d'une magnifique poupée de porcelaine. Sa peau est pâle et lisse, ses cheveux soigneusement coiffés en arrière encadrent un visage aux traits fins et symétriques. Ses yeux sont d'un vert clair et translucide, semblables à des billes de verre, et ses lèvres rosées ont une forme parfaitement dessinée, presque pulpeuses. Sa posture est gracieuse et ses mouvements sont fluides, presque irréels, comme s'il était animé par des fils invisibles.
Si j'avais à choisir la figure parfaite de l'homme de Vitruve, ce serait lui.
- Est-ce que tu vas bien ?
- À vrai dire, je n'en suis pas si sûr.
- Comment ça ?
J'essaye d'en savoir plus, mais celui-ci reste muet, tout en continuant à me fixer droit dans les yeux.
À cet instant, une variété d'émotions naissent dans cet échange de regards prolongé.
Mon cœur bat la chamade, il s'emballe de plus en plus alors qu'une sensation nouvelle m'envahit. Une tension vole dans l'air alors qu'un léger rapprochement s'est effectué entre moi et lui sans m'en être rendu compte.
Ses doigts frôlent ma joue dans un geste tendre, alors que son visage s'avance un peu plus à chaque seconde.
Devrais-je le laisser faire ? Est-ce que j'ai réellement envie que notre relation professionnelle vacille à ce point ?
Certes, plus j'apprends à le connaître, plus Dohän me plaît. Néanmoins, je n'oublie pas que je suis seulement sa danseuse le temps de ce casting abrégé. Quand tout cela sera fini, nous nous séparerons et ferons notre vie chacun de notre côté.
Cependant, je ne peux pas nier ce moment chargé de désir et de nervosité. J'aurais tellement envie de l'embrasser, là, maintenant. D'enfouir mes mains dans ses cheveux, de sentir son corps contre le mien, mais je préfère me l'interdire.
On m'a toujours dit qu'il ne fallait pas mélanger la vie privée et professionnelle. Cela n'apporte rien de bon en général. Et puis quoi ? Pour se séparer dans quelques jours ? Ce n'est pas ce que je souhaite. Je pense tout d'abord à ma carrière de danseuse avant ma vie privée, j'ai travaillé si dur pour y parvenir que je ne peux pas tirer un trait sur mes projets.
- Dohän, soufflé-je, la voix chevrotante, arrête.
Malgré moi, je pose mes mains sur son torse et le repousse légèrement afin de lui faire comprendre que je ne veux pas aller plus loin. Je pense qu'il l'a compris, car celui-ci soupire et quitte mon regard.
Au lieu de ça, il m'enlace et ce si doux visage vient se nicher dans le creux de mon cou.
Je ne sais pas ce qui lui arrive, mais il faut qu'il se reprenne très vite, que le Dohän du premier jour du casting revienne. Celui qui se fichait de l'opinion des autres, et qui était fière de sa personne.
Il vaudrait mieux que cette personnalité réapparaisse, car face à ce nouveau Dohän, je ne vais pas avoir le courage de le repousser encore longtemps.
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