22-Lui
Je préfère me plonger dans un mutisme profond pour ne pas m'en prendre injustement à Riva.
Après tout, elle n'y est pour rien dans cette histoire, et elle ne doit surtout pas comprendre pourquoi j'ai réagi de manière aussi agressive.
Je me suis replié dans ma chambre en espérant de ne pas l'avoir blessé, et tente d'oublier ce qui vient de se passer.
Quand j'ai entendu cette musique en rentrant du jardin, c'est comme si j'avais été poignardé en plein cœur. Ça m'a fait revivre des moments que j'aimerais effacer de ma mémoire à jamais.
Quasiment remit de cet incident, je m'installe sur le canapé du salon et entreprends d'enlever le peu de vernis qu'il me reste sur les ongles avec le dissolvant pour m'occuper la tête.
Je l'entends aisément arriver dans mon dos, à pas feutré comme si elle n'osait pas m'interrompre, mais celle-ci finie par s'installer face à moi, la table basse comme seul rempart.
Ne sachant pas trop comment me rattraper, je décide de ne pas prêter attention à sa présence et je garde les yeux rivés sur ma tache. Toutefois, elle me surprend en faisant le premier pas en me tendant sa main.
Intrigué, je la détaille avant de lui faire face. Aucun son ne traverse mes lèvres, nous nous jaugeons dans un long silence.
Comment elle fait pour toujours me tenir tête d'une façon ou d'une autre ?
Mes doigts effleurent les siens avec délicatesse et hésitation. Lentement, je prends sa main, ma paume contre la sienne. Riva semble tout aussi nerveuse que moi, sa main tremblant légèrement.
Nous restons sous ce silence sépulcral tout le temps que j'étale le vernis sur ses ongles. C'est un moment étrange, mais ça me distrait de mes pensées maussades. Quant à Riva, elle respecte ce silence important pour moi. Ni elle ni moi ne nous regardons une seule fois et ça me convient.
Je dois absolument me reprendre. Montrer ses faiblesses, c'est se perdre soi-même. C'est donner la possibilité aux autres de vous atteindre. C'est impossible de me laisser tirer vers le bas avec autant de facilité.
Ce satané album... J'aurais aimé qu'il ne voie jamais le jour.
La soirée arrive vite, je suis aux fourneaux depuis bientôt une heure quand Riva me rejoint.
– Tu as encore cuisiné ? S'étonne-t-elle avec gaieté tandis que je continue de l'ignorer.
Je m'assieds une fois les plats sur la table, je pense pouvoir manger avec tranquillité, mais c'est sans compter la détermination de cette fille.
– Tu vas bouder jusqu'à quand ?
Ne craque pas...
– Dohän ?
– Laisse-moi manger en paix.
– Très bien. Dans ce cas, bon appétit, réplique celle-ci en se levant, me laissant seul à table.
Hébété, je la regarde s'éloigner vers les chambres, ma fourchette suspendue entre mon assiette et moi.
Qu'est-ce que je suis con parfois !
En voulant bien faire, j'agis comme un crétin prétentieux. Bon sang, pourquoi je me sens aussi mal de la traiter de cette manière ? Je m'en moque pas mal normalement !
Ma tête va finir par exploser !
Ce n'est pas dans sa chambre que je la retrouve, mais dans la salle d'entraînement. Même si elle m'aperçoit au fond de la pièce à l'observer, elle ne s'arrête pas de danser.
Si je n'avais pas fait attention à son parcours, jamais je ne me serais imaginé qu'elle débutait en danse de salon. Le contemporain qu'elle effectue sous mes yeux est bluffant de talent et hypnotique. Cette fille à un don hors du commun.
J'essaye de faire abstraction de la musique et m'approche d'elle, qui me tourne le dos, mais ne me lâche pas du regard dans le miroir. D'abord hésitant, je l'enlace et enfouis ma tête dans le creux de son cou. Ce n'est pas la danse qui est hypnotique. C'est elle.
Celle-ci se retourne, nous retrouvant front contre front.
Qu'est-ce qu'il m'arrive ?
Je me laisse happé par cet instant unique et magique. Je pense que ni elle ni moi ne réfléchissons à ce que nous faisons, à nos pas, à la danse que nous effectuons.
Elle est emplie sensation que je ne connais pas, voguant entre une réelle sensualité et un désespoir profond.
C'est comme si je tentais de me faire pardonner, mais que je luttais, Riva me rejetant et moi insistant.
Jamais cette musique qu'elle a mise en fond n'avait eu autant de sens pour moi.
Nos mouvements expriment un mélange complexe d'émotions. Nos corps se tordent et se déforment, traduisant la lutte intérieure de chacun. Les gestes sont à la fois fluides et saccadés, reflétant la dualité de l'attraction et de la douleur. Nos expressions faciales sont intenses, témoignant de la profondeur des sentiments qui nous habitent. Au fur et à mesure que cette maudite musique évolue, les émotions se déversent sur ce parquet peu utilisé, me transportant dans un voyage tumultueux contre le vrai et le faux moi.
Même si le son n'est plus, nous continuons de nous toiser, Riva étant à l'opposé de la pièce.
– Je l'avais pourtant jeté.
– Tu n'as pas le droit de détester ce que tu as accompli. Ces chansons t'appartiennent, même si elles te rappellent une mauvaise période de ta vie, sache qu'elles t'ont forgés.
Pour une fois, elle ne me demande pas plus amples explications, et ça me rassure.
Ses bras s'enroulent autour de mon cou, son corps contre le mien, je ferme les yeux pour savourer le moment. Ma crispation retombe, je me laisse défaillir dans ses bras, gêné, mais soulagé.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top