19.Lui
Le reste de la journée d'hier a été un vrai fiasco, mais je ne lâche pas prise aussi aisément. Je compte tout faire pour prouver à Delly qu'elle n'aura pas le dernier mot.
Après notre discussion en fin de matinée, j'ai décidé de renvoyer Riva à son domicile. D'une parce que je n'avais plus besoin de sa présence, de deux parce que je ne tenais pas à ce qu'on s'acharne davantage sur elle.
Lorsque que je la retrouve ce matin, je suis content de la voir comme si elle s'était absentée des jours durant.
– Tu t'es bien reposée ? lui lancé-je tel un boss qui parle à son employé, gardant une certaine distance.
– Très bien, oui ! s'exclame celle-ci, de bonne humeur. Tu as choisi qu'elle danse pour aujourd'hui ?
– Tu as deux heures pour apprendre un paso doble. Ça ne devrait pas être trop problématique, tu retrouveras quasiment les mêmes mouvements que lors de notre tango.
– Ça ne change pas qu'il faut s'entraîner à fond en seulement deux heures pour passer deux minutes devant les filles qui regarderont à moitié ce que nous faisons.
Elle n'a pas tout à fait tord...
– Je suis d'accord avec toi, je les trouve un peu trop dissipées pour des danseuses prêtes à tout pour obtenir la place.
Notre discussion s'arrête-là, je lui montre et apprend les différents mouvements et nous faisons une pause une heure après.
Alors que je m'étais éclipsé pour aller fumer et boire un coup, je suis surpris de constater en revenant que les danseurs sont déjà tous présent et que Riva échange avec l'un d'entre eux.
D'abord observateur, je la vois rigoler avec entrain accompagnée d'un type, dos à moi, qui en fait de même.
– Ce n'est pas bientôt fini ce boucan ? braillé-je, agacé par cette indiscipline soudaine.
Attirant tous les regards, les deux principaux protagonistes me regardent, prit de court.
– Nous étions juste en train de parler, Dohän, s'explique le danseur.
Je m'en contrefiche de son excuse bidon, s'il savait !
– Rappelle-moi pourquoi je t'ai embauché David ?
– Euh, pour danser avec...
– Parfait ! Je pensais que tu l'avais déjà oublié, le coupé-je avec ironie, ça me rassure. Alors remets-toi vite au boulot, sans perdre une seconde de plus. Sinon je serais obligé de déduire tes temps de badinage de ton salaire.
– Je n'étais pas en train de drag...
– Au boulot ! m'écrié-je plus fort pour le faire taire en claquant des mains.
Ça m'agace ! J'ai l'impression de diriger une colonie de vacances. J'en ai ras la casquette de ce désordre ambiant.
– Ça t'arrive d'être sympa de temps en temps ? Intervient Riva, en s'approchant de moi.
Je lui jette un bref regard, trop préoccupé par ces maudites fiches en désordre que Delly a laissé la veille sur les tables.
– On reprend l'entraînement ?
Elle insiste et j'aime ça, mais mon orgueil en a pris un coup.
– Va plutôt faire mumuse avec ton nouveau danseur.
– Pardon ?
– Tu peux demander à ton nouveau copain de t'exercer si tu veux. Comme ça, vous ferez d'une pierre deux coups.
– À quoi tu joues ? lâche ma danseuse avec une froideur insoupçonnée. Tu le recadres comme à l'armée et après, tu m'envoies balader ?
Tiens le coup, Dohän, ne te plie pas devant une femme !
– Depuis quand tu parles à ces types ?
– Ces types ? répète-t-elle en rigolant. Ce sont tes amis, Dohän ! Qu'est-ce qui te prend ?
– Tu n'es pas ici pour bavarder ni même entretenir une quelconque relation. Tu es là grâce à moi et pour travailler. Seulement travailler.
– On a pris une pause, Dohän. Qu'est-ce qu'il y a de méchant à bien s'entendre avec les autres ?
– Puisque tu abordes ce sujet, tu ne te comportes pas comme ça avec les filles.
D'abord hébétée, elle se perd dans la contemplation de mon visage avant de reprendre d'un ton toujours aussi calme, mais ferme :
– Je vois. Je comprends.
De quoi elle parle ? Je suis complétement largué !
– Comment ça ? Je ne te suis plus.
– Moi non plus en réalité. C'est soit tout blanc, soit tout noir avec toi. Tu ne sais pas gérer tes émotions, ça devient pesant, Dohän. Pourtant, ce ne sont que nos premiers jours ensemble. Je ne tiendrais pas longtemps comme ça.
Bordel ! Elle m'irrite au plus au point, cette fille. J'attrape son bras avant qu'elle ne s'éloigne de trop, tentant de la garder près de moi.
– Attends.
– Lâche-moi.
C'est sans compter ma ténacité que je la ramène vers moi, la coinçant entre mon corps et les tables.
– À quoi tu joues ? réitère Riva une fois de plus.
– Figure-toi que je me pose la même question.
Je me fiche pas mal de ce qui se trame dans mon dos, l'important, c'est de rassurer Riva. Elle ne doit pas tout laisser tomber. Elle ne doit pas me laisser tomber...
– Excuse-moi.
Ces mots m'égratignent la gorge, mais je dois le faire, sinon je risque de tout perdre à jouer avec le feu.
– Qu'est-ce que tu viens de dire ?
– Ne m'oblige pas à répéter.
– C'est difficile, hein ? De se remettre en question quand on a l'habitude de tout vouloir diriger d'une main de fer.
Comment fait-elle pour toujours piquer là où ça fait mal ? Je deviendrais presque maso tellement que ça me plaît de la savoir aussi cinglante que moi.
Sans que je ne sache pourquoi un sourire narquois se fend sur mon visage, en même temps qu'elle.
Tous les deux, nous commençons un jeu très dangereux, mais diablement amusant.
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