16-Elle
Il est pile huit heures, la porte du bâtiment est fermée et il n'y a aucun interphone. Sans parler du fait que je n'ai pas le numéro de Dohän pour le prévenir de mon arrivé.
Je ne sais pas ce qui m'a pris d'accepter de continuer à ses côtés et le pire, de déménager chez lui. Je dois vraiment me sentir au fond du gouffre pour faire confiance aussi rapidement à quelqu'un.
Mon téléphone dans la main, je regarde les minutes s'égrainer en faisant les cent pas. Ça commence bien !
– Qu'est-ce que tu fiches planté là ? Intervient Dohän face à moi.
Les bras croisés, les sourcils relevés rappelant son côté hautain, il me fixe comme si j'étais à la ramasse.
– Monsieur ? l'interpelle un homme en costume cravate. N'oubliez pas votre sac.
– Merci Wade.
Ce dernier attrape son sac et le dénommé Wade remonte dans la voiture noire rutilante qui vient de le déposer.
– Ne perdons pas une minute de plus.
Il s'avance et passe devant moi, tel un courant d'air.
– Sur ce coup, j'étais à l'heure, objecté-je, voulant lui faire remarquer son propre retard d'un quart d'heure.
– J'ai eu un imprévu, rétorque -t-il avant de se retourner vers moi, me fusillant du regard, tu connais ça, n'est-ce pas ?
Il fait allusion à mon premier jour d'audition ?
– Vous êtes du genre rancunier ?
– Pas un brin, mais je tiens à remettre les pendules à l'heure. N'oublie pas que je suis dorénavant ton patron. En route !
La salle est amplement plus spacieuse que l'ancienne.
Cette pièce est un vaste espace baigné de lumière tamisée, où les miroirs couvrent une grande partie des murs pour permettre aux danseurs de surveiller leurs mouvements avec précision. Le sol, recouvert d'un parquet lisse et résistant, résonne sous mon pas léger. Des barres sont fixées le long des murs pour les exercices d'échauffement et de stretching, les mêmes que j'avais lorsque je m'entraînais à faire les mouvements de danse classique. Au centre de la salle, un système audio diffuse une musique entraînante, créant une atmosphère propice à la danse. Les rideaux peuvent être tirés pour moduler l'intensité de la lumière, créant ainsi différentes ambiances selon les besoins. Des sièges sont disposés le long des murs pour les spectateurs ou les moments de repos des danseurs.
Tout est parfait !
– Ferme ta bouche, tu vas finir par gober une mouche, se moque Dohän en passant devant moi, change-toi, il faut qu'on commence avant que les autres n'arrivent.
– Elles seront là pour quelle heure ?
– Dix heures.
Le Dohän de la veille est parti aux oubliettes. Celui que se tient devant moi est le même que lors de mon audition : cynique, puérile et arrogant.
– Prête ?
Ce gars à le don pour intervenir quand je ne m'y attends pas.
J'acquiesce et me lève, j'ai hâte d'apprendre la chorégraphie d'aujourd'hui, mais en même temps, je vais devoir la partager avec Dohän.
Ce qui veut dire que je nous allons être proche, que nous allons nous toucher, et ça, j'appréhende.
– J'ai décidé de débuter par un Foxtrot. Ce sera l'occasion de commencer en douceur pour toi.
– En douceur ? Vraiment ?
Ce dernier me regarde comme s'il me défiait, un sourire espiègle aux lèvres.
– Tu préfères une rumba peut-être ?
Très bien, j'ai compris, il vaut mieux que je ne discute pas ses choix, sinon je vais devoir supporter son humeur maussade.
– Le Foxtrot est un bon choix.
– Je savais qu'on serait d'accord.
Quand est-ce qu'il met son arrogance en pause ? Jamais il n'a besoin de se retrouver lui-même en laissant de côté ce mec le plus insupportable au monde qu'il est au quotidien ?
Nous démarrons avec quelques pas, pour le moment tout semble bien se passer, puisque nous ne dansons pas collé l'un à l'autre, mais lorsque ce tour arrive, je me fige, peu envieuse de lui tenir la main ou la taille.
– Tu te positionnes mal, il faut que tu cambres plus, balance mon partenaire en posant ses deux mains sur mes épaules.
Je n'ai pas envie qu'il me touche ! Ça me fait une sensation bizarre, du dégoût mélangé à autre chose de bien plus agréable.
– Et ici aussi, ajoute celui-ci en appuyant dans le bas de mon dos, tes épaules doivent être tirées le plus possible en arrière, et le bas de ton dos en avant, comme si tu voulais qu'on remarque à tout prix toutes tes formes, Riva.
Ce dernier chuchote avec sensualité mon prénom à mon oreille, me tenant toujours par les hanches.
– Je pensais qu'on allait danser un Foxtrot ?
Prit de court, il s'écarte en se raclant la gorge.
– Montre-moi les pas que je viens de t'apprendre.
Monsieur veut une danseuse parfaite ? Eh bien, il ne sait pas sur qui il est tombé. Ayant une mémoire photographique, j'ai une facilité déconcertante à reproduire et à retenir ce que je vois. Alors quand je me mets à faire mes pas sous son nez, je jubile en le voyant outré de mon apprentissage expresse.
– Mmh. En fin de compte, il y a du potentiel.
– Dixit le danseur qui est venu me supplier d'être sa partenaire, répliqué-je, en le défiant à mon tour.
J'ai compris comment il fallait se comporter. Il faut se mettre sur le même pied d'égalité, être aussi orgueilleux et sardonique que lui.
En faisant cela, j'ai devant moi un homme plus déstabilisé que jamais.
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