– Alors si je comprends bien, tu me proposes d'être à tes côtés pour entraîner les filles du casting ?

– C'est cela.

Petit à petit, je retrouve le Dohän que je suis tous les jours de l'année, celui qui est sûr de lui et qui se trouve parfait en tout point. Le fait d'avoir semblé mal à l'aise face à elle me frustre, mais ce sera la dernière fois que je me montre aussi atteint par une situation que je ne peux pas maîtriser.

– Alors ? Tu acceptes ?

Elle met trop de temps à réfléchir et ça commence à me faire perdre patience, mais je la veux coûte que coûte, alors je prends sur moi. Je me défoulerai plus tard sur les danseuses.

– C'est d'accord, mais j'ai une condition.

Ça, je ne m'y attendais pas, que compte-t-elle me demander en échange ?

– Je t'écoute, mais ne sois pas trop exigeante non plus, soupiré-je, mais tout de même ravi de sa réponse.

– Je tiens à ce que tu ne me jettes pas comme une chaussette à la moindre occasion.

– Ça ne risque pas...

– Et je veux être payée, me coupe Riva, m'en bouchant un coin.

Sur le point de riposter, je referme ma bouche. Comment je vais faire ? Je vais déjà l'imposer demain à Delly qui ne va pas être très contente de la revoir, mais en plus de ça, je vais devoir lui demander de la rémunérer. Ça va être coton...

– Je vais voir ce que je peux faire.

– Vraiment ?

– Je t'assure, je ne lance jamais de paroles en l'air.

– Permet moi d'en douter.

Qu'est-ce que je disais d'elle déjà ? Qu'elle était naïve ? Bordel ! En réalité, elle est loin de l'être.

Je considère sa demande avec intérêt, je serais prêt à tout pour qu'elle reste à mes côtés.

– Tu sais quoi ? Je vais te préparer un contrat sur mesure, je vais me débrouiller pour te donner ce que tu demandes, fais-moi confiance.

– Une dernière chose.

– Décidément, tu es téméraire, Riva.

– J'ai un loyer à payer et des factures, c'est normal que le temps que je vais te consacrer me soit bénéfique.

– Je le comprends tout à fait, mais...

– Mais ?

– Payer un loyer pour un appartement aussi minable...

– C'est tout ce que j'ai trouvé avec les moyens que j'avais ! Rétorque Riva, d'un ton sardonique.

– Peu importe !

– Je parie que toi, tu as un immense loft et qu'il est toujours vide !

Je ne retiens pas le sourire qui s'étale sur mon visage, elle ne se laisse pas faire la petite, et j'aime ça. Je sens que nos danses vont être sacrément intenses.

– Dans le mille ! D'ailleurs, en y pensant, je pourrais peut-être d'ici peu te proposer un nouveau marché.

Les yeux froncés, dans l'incompréhension totale, elle me fixe se demandant sûrement ce que j'ai encore derrière la tête.

– Pourquoi pas me le faire savoir maintenant ?

– Tu es pressée ? murmuré-je en me penchant vers elle.

– Je tiens à être au courant de ce qu'il va m'arriver dans les jours à suivre.

– Tu fais bien.

– Alors ? Qu'en est-il ?

– Il faudra travailler, Riva. Ardemment. Pour que tu élèves ton niveau, pour apprendre les chorégraphies qui seront ensuite montrées et apprises aux danseuses.

– Quel est le rapport avec mon logement, dans ce cas ?

– Nous serons amenés à passer beaucoup de temps ensemble, et ton domicile est assez éloigné de la salle de danse.

– Tu ne veux pas en venir au fait ?

Bon sang ! Elle le fait exprès ? Je n'ai pas envie de le lui dire de but en blanc ! Ce serait tellement simple si elle devinait d'elle-même... Mais puisqu'il faut tout expliquer, je n'ai plus qu'à me jeter à l'eau.

– Tu devras quitter ton appartement.

– Hors de question ! Ça ne me dérange pas de marcher ou de prendre les transports.

– Je m'en fiche de ça. Je me fiche que ça te dérange ou pas. Tu devras être disponible dès que je te le demanderais.

Pourquoi elle m'oblige à être désagréable avec elle ? N'importe quelles filles auraient sauté sur l'occasion sans même négocier.

– C'est quel genre de boulot ça ?

– Le tien. Si tout se passe bien...

Je m'égare dans mes songes, je suis en train de lui proposer plus que ce que je pensais, mais c'est plus fort que moi...

– Dohän ? m'interpelle Riva, attendant la suite.

– Il faudra que tu viennes t'installer chez moi. J'ai de la place, comme tu dis.

– Hors de question ! Réitère-t-elle, d'un ton sec.

– Je ne t'en donne pas le choix.

– Alors je refuse ta proposition.

– Tu ne peux pas passer à côté d'un tel contrat.

– Je ne t'ai pas attendu pour m'en sortir toute seule.

– Riva, s'il te plaît.

Elle est têtue ! Je suis à bout, j'essaye par tous les moyens de la ramener, mais elle refuse tout ce que je lui offre. Elle est dure en affaire.

– Ce sera comme si ce logement t'appartenait, parce que je n'y serais jamais. Je ne te demande rien en retour. Aucun loyer, rien du tout ! Juste ta disponibilité.

Cette dernière souffle, déroutée, le regard incertain. Je m'interroge sur la finalité de cette discussion lorsqu'elle me tend sa main.

– Affaire conclue.

Bordel ! J'ai enfin réussi ! Je souris comme un idiot en attrapant sa main. Celle-ci est douce au toucher, ses doigts sont fins et élégants et ses ongles vernis de noir. Je n'avais pas eu le temps de faire attention à ça ce matin.

– Parfait ! Je te donne rendez-vous demain matin à huit heures à cette adresse. On débutera l'entraînement avant que les autres n'arrivent.

Je lui note le lieu où se retrouver et glisse le post-it vers elle.

– Ce n'est plus à la salle de danse ?

– Non. D'où mon projet de te loger chez moi.

– Je vois, dit-elle, l'air pensive, merci, Dohän.

Interloqué, je l'observe. Jamais personne ne m'avait remercié jusqu'ici.

– C'est pour le travail, objecté-je avec arrogance en me levant, alors conditionne-toi vite.

Je n'ai pas envie de partir, mais il vaut mieux, car je suis complètement à la ramasse ce soir. Demain, ce sera un autre jour et j'aurais retrouvé la personne que je suis au quotidien.

– Tu ne veux vraiment pas une boisson chaude avant ? Il pleut encore dehors.

Mince ! Elle ne m'aide pas du tout. Dos à elle, je pèse le pour et le contre. J'ai envie de dire oui, je serais même capable de boire un café rien que pour rester, mais non. Il ne faut pas !

– Demain, à huit heures pétente. Ne sois pas en retard, sinon je te le ferais regretter durant l'entraînement.

Je fuis son domicile sans me retourner. Cette fille est une sorcière, en infiniment plus jolie.

Je me demande si l'invitation chez moi est une bonne idée finalement...