14-Elle

J'attends qu'il daigne parler, mais aucun son ne sort de sa bouche. Il est là, assis, à éviter mon regard, s'essuyant les cheveux. Alors je décide de m'asseoir face à lui, sur mon petit pouffe blanc.

Le silence qui dure une éternité ne me dérange pas, il n'est pas gênant, quoique je me pose des questions sur sa présence.

Pour avoir des réponses, je ne le lâche pas des yeux, lui intimant de me répondre.

C'est marrant, car j'ai l'impression qu'il est mal à l'aise et pourtant, il n'est pas connu pour l'être.

– Est-ce que vous voulez un café ?

– Non, merci, je ne bois pas de caféine.

Enfin ! J'ai attiré son attention. Quand il pose enfin ses yeux sur moi, j'en profite donc pour ne pas repartir dans un second moment silencieux.

– C'est horrible ce temps, n'est-ce pas ?

– Mmh.

Nous dirigeons notre regard au même endroit, vers la fenêtre, mais cela ne fait pas avancer les choses. J'aimerais bien regarder mon film, moi !

– Bon, eh bien...

– Je suis venu vous parler, me coupe Dohän, prenant enfin les devants.

Depuis quand il me vouvoie ?

– Je vous écoute.

Le danseur me fixe longuement, ce qui devient très gênant.

– Je vous avoue ne pas trop savoir ce que je fais ici, en réalité.

– Oh...

C'est un Dohän déstabilisé qui me fait face ? Impossible ! Connaissant le personnage, rien ne peut l'atteindre. Qu'a-t-il derrière la tête ?

– Je tiens à te proposer un marché.

Un sourire satisfait s'affiche sur son visage fin, mais terriblement attirant. Il a tout pour lui, il a un charme unique, il est à la fois viril avec un brin de féminité. C'est dingue d'être aussi singulier sous toutes les coutures.

– Je ne me suis jamais plié en quatre pour une danseuse, encore moins pour une fille. Cependant, je tiens à faire une exception.

Qu'est-ce qu'il raconte ? Et maintenant il me tutoie ? C'est quoi ce changement d'attitude soudain ? Je suis larguée...

– Je vous écoute, répété-je, toujours dans le flou.

Dohän pousse un soupir las en quittant mon regard, une moue nerveuse ne lâchant pas sa bouche un brin pulpeuse. Celui-ci se gratte le menton, et se mort la lèvre inférieure, les yeux froncés, tout en tapant du pied sur le sol. Ce dernier semble nerveux, même s'il essaye maladroitement de le dissimuler.

– Dohän ? l'encouragé-je, un peu inquiète. Je n'arrive pas bien à saisir où vous voulez en venir.

– Très bien ! Dit-il d'un ton clair en se levant instantanément.

Au fond, je commence à paniquer lorsqu'il fait le tour de ma table basse et se rapproche de moi d'un pas décidé.

– Ce n'est pas un souhait, j'exige que vous reveniez participer au casting.

Hagard, je fronce des yeux ne sachant quoi dire.

– C'est infaisable, vous le savez aussi bien que moi. Je ne fais plus parti de l'audition.

– Je ne te parle pas en tant que participante, Riva. Je veux que tu sois celle qui sera à mes côtés durant les entraînements. Une partenaire de danse quand j'imposerai des chorégraphies. De la même façon que nous avons partagé ce tango ce matin.

C'est purement improbable. Je suis en train de rêver, c'est certain. J'ai dû m'endormir devant mon film, en espérant que cette scène soit réelle. Dohän Van Rein ne viendrait jamais frapper à ma porte, trempé jusqu'aux os et diablement sexy avec ses cheveux dégoulinant le long de son visage...

Il faut que je me réveille !

– Qu'est-ce que vous faites ? m'interroge le danseur, surpris par mon geste.

– Je me pince, je dois sûrement être en train de rêver.

Ce dernier part dans un fou rire aussi mélodieux que lorsqu'il chante. Qu'est-ce qu'il me prend ? Serait-ce la fatigue qui me fait cet effet-la ?

– Je t'assure que je suis bel et bien devant toi et non en train de hanter tes pensées, Riva, murmure-t-il à mon oreille, mais je suis d'accord sur une chose, ma presence serait sûrement plus un rêve qu'un cauchemar.

Il est beaucoup trop proche de moi, alors je me recule de quelques pas afin de retrouver mon espace vital.

– Tu n'étais pas si farouche quand nous avons dansé ensemble.

– Ce n'était pas pareil...

– J'attends ta réponse, me coupe d'un coup le danseur, ayant retrouvé son sérieux.

– Je vais y réfléchir.

– Alors fais-le vite, parce que l'offre est limitée à ce soir.

Les bras croisés, il me toise d'un air supérieur, le visage fermé.

– Pourquoi moi ?

– Pourquoi pas ?

– Je ne me contenterai pas de cette explication peu profonde.

– Décidément, tu es surprenante, ricane-t-il en laissant tomber ses bras, très bien, je vais te le dire avec honnêteté.

Le danseur fait comme chez lui, il s'assoit sur ma table basse et m'incite à en faire de même.

– J'ai pensé que... Non, en fait, je suis venu parce qu'il me semblait judicieux de ne pas te laisser partir.

Il ne sait plus s'exprimer ou je me trompe ?

– Attends ! Je reprends. Pour être franc, tu devais être prise, mais Delly en a décidé autrement. Elle m'a fait un sale coup...

– Alors tu veux lui rendre l'appareil ?

– Oui, confirme Dohän avant de se reprendre en voyant ma mine déconfite, non ! Je voulais dire non. Désolé, ça ne doit pas être très claire.

– Non, en effet.

– Tu as du talent, Riva.

Entre raillerie et sérieux, je ne sais plus sur quel pied danser, mais de nouveau l'air grave, il semble enfin être capable de me donner des explications.

– Je l'ai su dès que je t'ai vu danser ce contemporain le premier jour. Tu ne m'as pas charmé parce que j'aime cette danse, tu m'as seulement épaté. Je suis certain au fond de moi que tu ferais une brillante danseuse et une bonne partenaire. Je l'ai souligné à Delly, tu as un truc en plus. Je ne sais pas quoi, mais quand tu as dansé, j'étais happé par ta prestation. Je fonde peut-être de faux espoirs en toi, quoiqu'il en soit, je suis mon instinct et celui-ci me dit que tu es celle qu'il me faut.

Je suis terrassée par ses mots. De nature cynique et imbue de sa personne, je ne m'attendais pas à recevoir de tels compliments venant de sa part et surtout pas aussi tôt.

– Je n'ai fait que deux danses, comment tu peux croire en moi ?

– Je ne sais pas, répond-il en haussant des épaules, c'est une intuition. Je te veux toi et aucune autre fille.

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