Chapitre 9

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PDV Elijah

Une nouvelle journée commençait dans ce monde qui me redevenait un peu trop familier à mon goût, et personne dans le manoir n'était encore levé excepté les domestiques. Ma tête tournait un peu à cause de mon sommeil troublé, si bien que je n'avais la force de penser à rien lorsque je me dirigeais vers le premier être humain croisé, à savoir une servante qui apportait de la farine en cuisine. Machinalement, je m'approchai d'elle sans bruit et l'immobilisai avant de lui ordonner de ne pas faire un bruit. J'enfouis mon visage dans son cou, mes lèvres rencontrèrent sa peau et mes crocs s'allongèrent pour percer une veine. Je bus goulument, hypnotisai ma victime, puis repartis dans ma chambre me changer. Ce n'était vraiment pas bon si je me réhabituais à cet endroit. Après tout, le sang et la mort étaient quelque chose de banal ici et si on s'y familiarisait trop, en étant vampire, on pouvait céder aux pulsions meurtrières. Et je ne tenais pas à ce qu'elle me vît comme ça. Cependant, je ne m'étais pas nourri depuis un certain temps, et j'avouais avoir encore soif. Depuis ma transformation j'avais eu tout le loisir d'apprendre à me contrôler et à réfréner mes envies. J'étais capable de conserver mon sang froid, de garder la tête sur les épaules. Enfin... Je savais aussi mieux que personne quel effet cet enfer avait sur moi, et une chose était sûre ; être gourmand ne m'allait pas du tout. Je devais résister à ma soif, au risque de commettre l'irréparable et de nous apporter un problème supplémentaire. Mes veines étaient en feu, mes canines me faisaient souffrir le martyr, mais je devais faire face et me maîtriser.

Je m'autorisai un coup d'œil dans le miroir avant de sortir prendre l'air. Je n'avais pas changé mes habitudes vestimentaires ; chemise, costume, chaussures parfaitement cirées. Cependant les vêtements que me fournissait Maxence étaient encore plus luxueux que ce à quoi j'étais habitué, aussi mon reflet dans la glace me faisait songer à un membre de la royauté. Mon visage était grave, à l'image de mes pensées dues à mon conflit intérieur. Je repensai soudain à ce que Niklaus m'avait dit un jour. «Souris un peu de temps en temps, mon frère. Faire la tête sans arrêt te donnera des rides, et alors le vampirisme ne pourra pas te venir en aide.» Même si lui et moi étions très souvent en conflit, je ne pouvais nier le fait qu'il me manquait. Il était hors de question qu'il mourût ou qu'il restât dans cet état.

Je pris une profonde inspiration et me décidai à quitter mes appartements. Je m'apprêtais à sortir dans les magnifiques jardins fleuris qui bordaient la demeure quand une main saisit mon poignet. Bien entendu j'avais deviné avant tout contact de qui il s'agissait, et j'aurais voulu fuir, mais j'en étais incapable. Mes jambes étaient devenues comme soudées au sol de marbre blanc. J'allais être confronté aux faits, à la vérité, j'allais devoir supporter ce regard inquiet et pourtant chaleureux, j'allais devoir me forcer à nier en bloc... J'étais lassé de tout cela, de ce petit jeu, je voulais assumer et l'assumer devant elle. Mais ça aussi, j'en étais incapable. Parce que je pouvais être certain qu'elle ne m'adresserait plus jamais la parole pour éviter toute confusion avec Stefan. Son mari. Alors, je pris mon courage à deux mains, inspirai longuement et sans même me retourner pour voir son visage je mêlai mes doigts aux siens pour l'entraîner entre les roses et les saules de la cour. Étrangement, elle me suivit sans un mot pendant quelques minutes. Ce laps de temps calme me fit vraiment du bien, même si je redoutais affreusement le moment où elle voudrait des réponses. Parce que je ne voulais pas lui mentir, mais je n'avais pas le choix. C'était le seul moyen de l'avoir près de moi encore un peu. Je ne l'avais pas une seule fois regardée, sentant ses regards furtifs en ma direction, cherchant à capter mon attention. J'étais bien trop occupé à compter ses battements de cœur pour tenter de calmer le mien qui commençait sérieusement à s'affoler. Puis les mots s'échappèrent de sa bouche sans prévenir.

Charlotte : Elijah, est-ce que tu as toujours été honnête avec moi ?

Moi : À quel sujet ?

Charlotte : Tout. M'as-tu une seule fois menti ? As-tu, parfois, déformé la réalité, ou omis certains détails ?

J'ouvris la bouche pour lui répondre, mais elle poursuivit :

Charlotte : Avant que tu ne dises quoique ce soit, sache que me concernant, je t'ai toujours dit ce que je pensais, je ne t'ai jamais servi de ridicules balivernes sur les sujets qu'on a pu aborder.

Moi : Pourquoi tu penses que je t'ai déjà menti ?

Charlotte : Parce que c'est ce qu'on m'a dit et je veux savoir si c'est vrai ou non.

Je soupirai et fermai les yeux pour me préparer mentalement. Voilà, on y était. C'était le moment. Passer aux aveux ou garder le secret si mal caché ?

Moi : Je ne t'ai jamais menti, sois-en certaine. Mais il y a peut-être des détails que je t'ai caché, et dans ton intérêt, crois moi. Si c'est la question que tu te poses, oui tu peux avoir confiance en moi.

Charlotte : Et tu... Quoi ? Tu m'as caché des choses ?

Elle ne me rendait vraiment pas la tâche facile.

Moi : Écoute, si je m'évertue à garder le silence ce n'est pas pour tout te révéler maintenant, ça ne rimerait à rien, dis-je un peu plus durement que voulu.

Charlotte : Comme tu voudras. Mais ne viens pas te plaindre ensuite si je ne veux pas te parler. Parce que j'ai pas vraiment envie de devoir déceler le vrai du faux, vois-tu ?

Moi : Ce n'est pas ce que je voulais dire ! Je t'ai caché des choses, certes, mais ça n'est rien de capital ! C'est simplement pour l'intérêt général.

Charlotte : On croirait entendre un speech de Big Brother dans 1984. Si ce n'est pas capital, alors tu peux me le dire. J'ai du mal à te comprendre, franchement. Et j'aimerais bien que tu daignes me regarder quand je te parle !

Je tournai la tête vers elle à contrecœur et affrontai les éclairs que me lançaient ses yeux.

Moi : Charlotte, sérieusement, on n'a pas de temps à perdre avec ça.

Charlotte : Je ne vois pas ce qu'on a de mieux à faire, on a deux semaines devant nous ! Sérieusement, tu vas te taire jusqu'à la fin des temps ou tu vas enfin parler ?

Un dilemme s'offrait à moi, le même qui revenait à la charge depuis des mois. Avouer ou ne pas avouer ? Une partie de moi était tentée de le faire, et me disait qu'au pire je pouvais toujours lui effacer la mémoire ensuite. Mais je ne voulais surtout pas faire une telle chose, encore moins pour me soulager, moi. Je n'allais pas risquer de perdre à tout jamais et pour de bon sa confiance. Pas pour une bêtise pareille. Une bêtise qui me rongeait matin, midi et soir depuis trop longtemps...

Moi : Tu veux que je te dise tout ce que je t'ai caché ? C'est vraiment ça que tu veux ? Je te préviens, ça ne va pas te plaire. Tu vas regretter de m'avoir demandé de lever le voile. Mais tu sais quoi, moi aussi j'en ai ras le bol de tous ces secrets. Secrets qui, au passage, ont été découverts par tout le monde sauf toi. Ou peut-être que si, toi aussi tu m'as percé à jour, mais tu refuses de l'admettre parce que la réalité est trop dure à affronter. Parce que tu tiens à notre amitié et parce que tu tiens à Stefan. Beaucoup plus que tu ne tiendras jamais à moi. Voilà le problème, ce que je t'ai dissimulé pendant tout ce temps. Tu me rends fou, Charlotte. J'éprouve tellement de sentiments à ton égard que j'ai longtemps cherché à savoir ce que c'était, mais finalement la réponse est toute simple. Et encore une fois, tout le monde était au courant avant que je ne m'en rende compte moi-même. À ton avis, pourquoi Stefan me déteste autant ? Je suis un obstacle pour lui, un concurrent, un ennemi ! Écoute, dès l'instant où j'ai posé mes yeux sur toi quand tu es venue me demander de l'aide pour te sauver de Klaus, il y a un an de ça, j'ai su que tu allais me changer. Une personnalité comme la tienne, si douce, vibrante, sincère, loyale, empathique, drôle et courageuse, ça ne laisse personne totalement indifférent. Je ne suis peut-être pas suffisamment explicite, je me perds sûrement dans mes propos, alors pour y aller franchement : je t'aime, Charlotte. Depuis le premier jour. Et un peu plus chaque seconde. Imagine-toi le bonheur qui m'a envahi quand tu m'as ramené à la vie au prix de ta santé. J'ai osé espérer avoir une chance avec toi, que cet acte signifiait que tu m'aimais plus que ce que tu laissais paraître. Mais j'ai compris plus tard que c'est un trait de caractère typique de toi de sauver les gens au détriment de ta vie. C'est Stefan que tu as épousé, pas moi. C'est avec lui que tu es partie en lune de miel. Et je vais t'avouer autre chose d'impardonnable : je vous ai suivis en Italie. Puis je me suis rendu malade à vous regarder vous aimer, alors je suis rentré en faisant croire à tout le monde que j'allais bien. Tu te souviens de la fois où toute une congrégation de sorcières voulait ta peau pour que l'une des leurs ait un enfant ? Je suis monté dans ta chambre te voir le premier. Stefan est venu ensuite. Mais j'étais là avant lui. Tu ne voyais pas d'issue à la situation, mais je t'ai réconfortée et offert mon aide. Je t'ai convaincue d'essayer de les faire changer d'avis. Et tu l'as fait ! Je n'oublierai jamais ça. Enfin, je parle beaucoup trop. Excuse moi... Ça fait tellement de choses que j'avais à te dire, et ça fait tellement longtemps que je voulais passer aux aveux ! Ne retiens qu'une chose de cette tirade. Je n'ai jamais aimé une femme comme je t'aime toi, Charlotte.

Suite à mes paroles, elle ne répondit pas tout de suite et resta comme figée. À quoi je m'attendais ? À ce qu'elle me tombe dans les bras ? À ce qu'elle s'enfuie en courant ? À ce qu'elle me gifle ? Me hurle dessus ? Finalement, rien de tout cela n'arriva. Après avoir pâli, rougi, puis pâli à nouveau, elle m'adressa un regard à faire pleurer une pierre. Elle était surprise, triste, émue, désolée, bref rien de positif. J'aurais peut-être préféré un excès de colère, en fin de compte.

Moi : C'est à ce moment précis que tu es censée dire quelque chose, faire quelque chose... dis-je nerveusement.

"Pitié, aies une réaction, ne me laisse pas planté là comme ça comme un imbécile !" étaient les paroles qui me brûlaient la langue. Quand elle se décida enfin à parler, mon cœur se serra sous l'effet de la pression.

Charlotte : El... Elijah, je... Je...

Comme si elle se réveillait d'une torpeur, elle écarquilla les yeux et plaça une main horrifiée devant sa bouche.

Charlotte : Je me rends compte que je t'ai caché une chose, moi aussi. L'autre nuit, quand tu es venu me voir dans ma chambre et que je me suis endormie... J'ai rêvé... J'ai rêvé... Oh mon dieu, non, je ne peux pas, je suis désolée, désolée !

Elle commençait à faire demi-tour mais je la retins par le poignet. Je la tirai vers moi et son regard s'ancra dans le mien automatiquement.

Moi : Je t'ai parlé. Fais de même.

Elle était en proie à une crise de nerfs, elle ne savait plus quoi penser, l'effarement était clairement lisible dans ses yeux. Quant à moi j'étais aussi tendu que la corde d'un arc prêt à décocher une flèche. Charlotte ferma les yeux comme je l'avais fait quelques minutes plus tôt, pour se donner du courage, et parla.

Charlotte : J'ai rêvé de toi. On était au bord d'un lac, il faisait nuit. Ta famille était réunie au manoir, mais je t'avais emmené loin d'eux pour... Pour t'avoir près de moi. J'ai rêvé... Que nous étions ensemble. Que nous étions heureux, et... Fous l'un de l'autre. Quand je me suis réveillée je t'ai demandé si tu étais entré dans ma tête, voilà pourquoi. Je me suis immédiatement sentie coupable, coupable d'une trahison plus grosse que la lune, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ce rêve et ça me terrifie ! Et que tu me sortes que tu m'aimes alors que depuis le début de la mission tu te conduis en parfait imbécile, franchement ça me sidère ! Je... Je ne sais pas quoi faire, comment réagir, je ne sais même pas ce que je ressens ! Est-ce que je suis en colère ? Ou soulagée d'avoir entendu la vérité ? Est-ce que je suis désolée ? Non, en fait tu sais quoi ? Ce que je pense n'a aucun sens, alors je n'ai aucune réponse cohérente à te donner. Je suis désolée pour toi que je sois mariée à mon âme sœur. Je suis aussi désolée d'avoir fait ce rêve, désolée d'être fâchée contre toi... Mais là je ne sais plus où j'en suis, d'accord ?

La voir dans cet état m'anéantissait, surtout en sachant que j'avais assisté à ce rêve qu'elle croyait m'avoir caché. Est-ce que je devais lui dire que je savais pour le rêve ? Ou je faisais mieux de me taire ? Mais au point où on en était...

Moi : Je... Tu me l'as montré quand tu dormais.

Charlotte : Quoi ? Comment ça ?

Moi : Tu t'es endormie, je te regardais... J'ai peut-être caressé tes cheveux, je ne sais plus... Et puis soudain je me suis retrouvé au bord de ce lac, avec toi. Je ne contrôlais rien, je t'assure, mais j'avoue que ce n'était pas pour me déplaire. C'était si... Magique ! J'ai pris ça comme un aperçu de ce qu'aurait pu être notre vie si Stefan n'était pas ton âme sœur, si tu m'avais rencontré le premier.

Un tourbillon d'émotions déferla sur son faciès. L'espoir gonfla en moi, me rendit plus léger... Puis me quitta aussitôt que Charlotte fronça les sourcils.

Charlotte : J'ai vraiment fait ça ? J'ai projeté mon rêve ? C'était... Moi ? Oh, bon sang...

Moi : Arrête de te blâmer pour ça.

Je voulus m'approcher d'elle davantage mais elle recula en dressant une main entre nous. Elle manqua de trébucher dans les plants de fleurs derrière elle, et je la retins de justesse. Son corps était si près de moi que je pouvais sentir le parfum de sa peau, entendre son souffle. Les secondes s'étirèrent pour devenir des siècles, l'éternité. Je la tenais dans mes bras, nos yeux ne se lâchaient pas, nous respirions le même air. Seulement il fallut qu'elle se dégageât de mon étreinte pour me regarder avec effroi et tristesse. Mon cœur se brisait en mille morceaux.

Charlotte : Tu n'avais pas le droit de me dire que tu m'aimes ! s'écria-t-elle au bord des larmes. Tu sais bien que j'aime Stefan, seulement Stefan, pour toujours et à jamais !

J'eus un petit rictus à l'entente de ce serment. "Pour toujours et à jamais." Elle savait pertinemment quel effet ces mots avaient sur moi. Alors je n'eus plus aucun doute. Elle était aussi amoureuse de moi. En plus de Stefan. J'avais juste besoin de l'entendre dire...

Moi : Ton rêve le prouve vachement, déclarai-je de but en blanc.

Charlotte : Tu n'as pas le droit... Répéta-t-elle.

Moi : Tu voulais entendre la vérité, Charlotte. Alors je l'ai fait. Maintenant je veux que tu sois honnête à ton tour. Honnête envers moi, mais surtout envers toi-même.

Elle secoua la tête et recommença à s'éclipser, et je la retins encore une fois. C'était le moment des aveux, de la vérité qui éclate. Après ça, ce serait fini, je le savais. Je voulais l'entendre le dire. Les larmes lui piquaient le coin des yeux.

Moi : Dis-moi... Si Stefan n'avait pas été là, s'il n'était pas entré dans ta vie. S'il n'y avait que toi et moi. Est-ce que tu t'autoriserais à éprouver ce que tu éprouves, en dépit de ta loyauté envers ton mari ? Est-ce que tu avouerais m'aimer ? Est-ce que tu nous laisserais une chance ?

Charlotte : Mais ce n'est pas le cas Elijah. Tu ne peux pas me poser cette question. T'as pas le droit de me demander ça.

Moi : Imagine ma souffrance. Imagine ce que j'ai été forcé d'endurer en te regardant t'épanouir avec lui. En te regardant l'embrasser, le caresser, le réconforter, et même te sacrifier volontiers pour lui ! Des mois. Une année entière. Ça m'a semblé durer aussi longtemps que le temps que j'ai passé sur Terre. Ton mariage a été la torture finale. Sans compter qu'il y a quelques semaines, tu as dormi dans le même lit que moi ! Je ne te demande qu'une chose, c'est d'être honnête.

Charlotte : Bravo, tu veux me faire culpabiliser encore plus, c'est franchement fair-play. Lâche moi, laisse moi partir. S'il te plaît.

Moi : Je veux que tu me répondes, et seulement là je te lâcherai.

Ses yeux me lançaient des éclairs.

Charlotte : Je me souviendrai de ce chantage toute ma vie, note-le bien, dit-elle avec hargne. Tu veux que je sois honnête ? Je te l'ai déjà dit, je ne sais pas ce que je ressens.

Moi : Faux, tu as peur des faits. Tu sais très bien ce que tu ressens, c'est d'ailleurs pour ça que tu es si nerveuse. Je te connais, Charlotte...

Sans crier gare, elle explosa :

Charlotte : D'accord, parfait ! Oui, j'éprouve quelque chose pour toi, et peut-être qu'effectivement je pourrais nous accorder une chance si Stefan n'avait pas existé. Seulement voilà, il existe, je suis tombée amoureuse de lui, je l'ai épousé et maintenant je dois le sauver des griffes des Sentinelles ! Je suis sincèrement navrée, Elijah. Mais désormais tu peux être sûr que ça ne sera plus jamais pareil entre nous. Je ne sais même pas si notre amitié tient encore.

Moi : Notre amitié a arrêté d'exister depuis un moment déjà.

Charlotte : Lâche-moi, maintenant. Je ne peux pas t'aimer, c'est comme ça.

Sonné, je lâchai son poignet sans un mot et la regardai courir en direction du manoir de Maxence. Je la regardai m'échapper pour de bon. Au fond, c'était peut-être mieux ainsi. J'aurais dû abandonner tout espoir depuis longtemps, comme Rebekah et Niklaus me l'avaient conseillé. Mais si j'avais écouté mon frère, j'aurais aussi pris ce que je voulais sans demander la permission et me serais contenté de mon bonheur unique. Or ce n'était aucunement ce que je voulais. Je souhaitais certes être heureux, mais avec elle, et qu'elle le soit aussi. Mais comme elle l'avait si bien dit, c'était voué à l'échec depuis qu'elle avait posé les yeux sur Stefan. Je n'avais plus qu'à aller me faire voir avec mes sentiments. Dieu que j'avais été bête !

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PDV Bonnie

Mon reflet dans la glace de l'immense salle de bain attenante à ma chambre me renvoyait l'image d'une jeune fille qui hésitait entre désespoir et excitation. J'étais fin prête pour le bal, et j'avais enfin terminé de préparer le poison après deux semaines de dure labeur. Le plan était prêt à être exécuté. Mais je n'avais aucune, absolument aucune envie de m'afficher au bras de Maxence, cet horrible énergumène misogyne, narcissique, obsédé, orgueilleux et pourri gâté. Malheureusement je n'avais pas le choix. C'était le seul moyen pour qu'il accepte de nous faire entrer, même si je ne voyais pas pourquoi il me voulait à son bras.

Les filles me rejoignirent dans la chambre et s'émerveillèrent devant ma tenue.

Charlotte : Ce doré, c'est vraiment ta couleur !

J'avouais me sentir belle dans cette toilette. C'était une robe longue et fendue sur le côté droit pour plus de mouvement, dont la coupe s'ajustait parfaitement à mon corps. Sur le bustier brillaient quelques minuscules véritables diamants qui réfléchissaient la lumière qui les traversait. Les tissus étaient à la fois légers, souples et raffinés, une pure merveille. Les escarpins que je portais étaient les premiers que je chaussais à ne pas me faire mal, ce qui était un plus non négligeable. Mes cheveux étaient lâchés et retombaient en cascade sur mes épaules. Quant au maquillage et aux bijoux, il s'agissait d'un tout discret mais là encore qui faisait toute la différence. Maxence avait tenu à ce que je sois exceptionnellement sublime ce soir, et il m'avait tout donné pour.

Moi : Merci, j'avoue que j'adore cette tenue, souris-je. Vous n'êtes pas encore prêtes ?

Kathleen : On part après toi. Donc on a le temps.

Moi : J'imagine que ce sera cramé si j'amène le poison avec moi, étant donné que Maxence ne va pas immédiatement me lâcher... Vous voudrez bien vous en charger ? Il est dans cette bouteille, il suffira de verser quelques centilitres dans chaque pichet à disposition. Je me suis débrouillée pour qu'il ait la couleur du vin, pour éviter les questions.

Je leur désignai le contenant d'un signe de tête. Elle acquiescèrent.

Moi : Il s'agit peut-être de notre seule opportunité, on ne doit rien rater.

Charlotte : Ne t'en fais pas, on sait ce qu'on doit faire, me rassura-t-elle.

Kathleen : Ça ira avec Maxence ?

Moi : Je n'ai pas vraiment le choix de toute façon. Je ne pense pas qu'il soit assez bête pour tenter de me faire du mal.

Mes amies affichèrent le même air dubitatif. Elles n'avaient clairement aucune confiance en ce type.

Kathleen : Ce gars est prêt à profiter de n'importe quelle femme, Bonnie. Et tu es sa cavalière ce soir. Je sais que tu sais te défendre, mais on te demande d'être encore plus vigilante... On a peur pour toi. On le surveillera à distance respectable pour être là en cas de besoin. Et si jamais il te touche... Je lui ferai avaler son propre cœur après l'avoir bien assaisonné de verveine.

Moi : On va essayer de ne pas mettre tes menaces à exécution. Mais ça va aller, ne vous inquiétez pas autant.

Elles hochèrent la tête. Des coups furent portés à la porte de la pièce, qui s'ouvrit sur Maxence, vêtu d'un élégant costume rétro et de fins gants blancs. On aurait dit qu'il sortait d'un film dont l'histoire se déroule au début du XXe siècle. Il s'avança vers moi et m'offrit une révérence avant de me faire un baise-main. Il intima mes amies de sortir et me conduisit hors du manoir, où une voiture nous attendait. Et par voiture, j'entendais évidemment calèche. La haute société de ce monde était très particulière. Même si je détestais cet endroit, je devais bien avouer que cette facette-là était particulièrement impressionnante. Un laquais m'aida à grimper dans le véhicule, et Maxence s'installa à mes côtés. Il tenta de faire la conversation tout le long du trajet, mais je m'obstinais à rester muette. J'avais accepté de l'accompagner, pas de le divertir. Le palais où le gala avait lieu n'était plus très loin.

Maxence : Tu vas m'ignorer pendant toute la soirée ?

Moi : J'ai accepté de vous accompagner. Pas de faire amis-amis.

Maxence : Tu imagines bien que les gens se poseront des questions si ma cavalière m'envoie valser, sans mauvais jeu de mots, alors qu'elle est esclave.

Moi : Tu n'es pas mon maître. Je ne te dois pas obéissance.

Maxence : Elijah t'a confiée à moi. Alors ça revient au même.

Moi : Aucunement, répliquai-je en tournant la tête.

Il soupira bruyamment et ordonna au cochet d'accélérer. Nous arrivâmes dans une large allée de graviers parfaitement rectiligne, bordée d'arbustes joliment taillés. Une fois que la calèche s'arrêta, un esclave vint nous ouvrir la porte et nous laissa sortir. Maxence m'escorta jusqu'à l'entrée, qui se révéla sans surprise être gigantesque et brillante de mille feux, tout comme le reste du palais. La somptuosité était de rigueur. On comprenait aisément pourquoi cette dimension s'appelait Royaume des Ombres. Tout était basé sur un système de classes sociales allant de la richesse suprême ouvrant les portes du pouvoir au rang des esclaves maltraités et affaiblis. Les invités à la réception étaient déjà nombreux et semblaient tous rivaliser de style et d'éclat. Les tenues étaient sublimes, les bijoux scintillaient gaiement et les rires faux de l'aristocratie résonnaient. Un bal d'hypocrisie, voilà ce que c'était. Il s'agissait là d'une opportunité en or pour jouer les m'as-tu vu et pour s'attirer les bonnes grâces des plus haut placés. Cela me donnait la nausée. Plusieurs personnes lancèrent des regards furtifs à l'homme m'accompagnant. Il était peut-être connu par ici ?

Maxence : Comme tu as dû t'en douter, je suis quelqu'un d'influent ici. C'est pour ça que je dois être bien accompagné.

Moi : Et c'est bien vu d'être accompagné par une esclave ? Ce serait pas mieux de l'être par quelqu'un de ton "rang" ?

Maxence : T'avoir à mes côtés démontre mon pouvoir et, comme tu es incroyablement jolie, cela prouve que je m'entoure d'esclaves peu ordinaires.

Je levai les yeux au ciel, pratiquement dégoûtée par ses paroles à mon égard.

Maxence : Et ne fais pas ça. Crois-moi joli cœur, tu n'as pas envie que ces gens me forcent à te faire payer ton irrespect.

Moi : Je suis devenue comme spécialiste en matière de châtiments ces dernières années. Je me fiche de ce que tu penses. Mes amies arrivent-elles bientôt ?

Maxence : Normalement.

J'acquiesçai silencieusement et le suivis sans dire un mot à travers la foule. Il tenta de me présenter à ses amis, de faire des mondanités, mais je me montrai têtue et réticente. Je ne voulais rien avoir affaire avec ces gens, pas même en faisant semblant pour la mission. De toute manière, ils seraient bientôt tous morts grâce au poison préparé par mes soins. Alors à quoi bon ?

Un orchestre fit son entrée sous les applaudissements. Une femme les suivait, vêtue d'une robe faite de... De fleurs ? C'était de vraies fleurs ! Ce devait être la cantatrice dont c'était l'anniversaire, l'organisatrice de cette soirée. La musique commença. Les cordes s'ajustaient aux vents, et à la fin du discours de bienvenue de la cantatrice, l'ouverture du bal se fit. Elle promit de chanter pour la dernière valse, qui aurait lieu dans quatre à cinq heures. Maxence voulut m'entraîner sur la piste, mais là encore je refusai. Je voulais savoir quand les autres arriveraient. Ce qu'ils étaient longs !

Maxence : Tu peux être moins désagréable deux minutes le temps d'une danse ? Ce serait génial.

Je voulus protester, mais il m'attrapa le poignet et me traîna jusqu'au milieu de la piste de danse. Je me fis un plaisir de lui marcher sur les pieds au sens littéral du terme.

Moi : Vraiment désolée, quelle pitoyable danseuse je fais ! Il me fusille du regard et me fait tourner avant de me réceptionner de nouveau.

Maxence : Aurais-tu la décence de me dire pourquoi tu me détestes à ce point ?

Moi : Mais volontiers. Tu aimes maltraiter les gens, les esclaves et les femmes en particulier. La richesse ne te donne pas tous les droits. Les lois sont peut-être inexistantes ici, mais moralement c'est dégueulasse ce que tu fais. Et que tu restes impuni pour toutes les fois où tu as souillé d'innocentes âmes, ça me froisse un peu, tu vois ?

Maxence : Fais-toi à l'idée que toi et moi, on ne vient pas du même monde, joli cœur. Ici c'est normal tout ça.

Moi : J'en n'ai rien à faire, tes agissements ne concordent pas avec mes principes et croyances. Désolée.

Il me fit tourner une énième fois, et je choisis ce moment-là pour fuir. Ce type me dégoûtait plus que n'importe qui. Je me réfugiai près du buffet où on me servit une flûte de champagne. L'impatience me gagnait. Que faisaient mes amis ?! Je commençais à boire ma coupe pour faire passer le temps lorsque deux silhouettes m'interpellèrent. Enfin ! Elles me rejoignirent, accompagnées d'Elijah.

Moi : Vous en avez mis, du temps ! Pourquoi vous avez été si longs ?! J'ai dû danser avec Maxence ! Et me retenir de l'étrangler...

Kathleen : On a eu un souci avec miss Charlotte ici présente qui refusait soudain d'aller à une fête et de potentiellement s'amuser alors que Stefan est retenu prisonnier.

Moi : Pfff, c'est pas ici qu'on va s'amuser, croyez-moi ! Vous avez la bouteille de poison ?

Elijah : On devrait peut-être en parler plus discrètement, les lieux sont bondés de vampires. Et nous avons donné la bouteille à un serveur. Je l'ai hypnotisé pour qu'il en serve dans toutes les carafes.

Charlotte : Comment ça s'est passé ? Me demanda-t-elle.

Moi : C'était très long, très chiant, très très compliqué de rester calme.

Kathleen : T'en fais pas, ils seront bientôt tous... Couic ! dit-elle en mimant une tête tranchée. Tiens, regarde, le serveur commence déjà à verser le contenu de la bouteille !

Charlotte : Il faudra attendre un moment pour que tout le monde en boive, mais on sera patients. Il faut attendre combien de temps pour que ça fasse effet après que quelqu'un en ait bu ?

Moi : Une demi-heure environ. Ça devrait le faire pour que personne ne remarque rien.

Elijah : En parlant de faire profil bas, on devrait davantage se mêler à la foule.

Charlotte : Génial, soupira-t-elle à mi-voix.

Kathleen : On doit se séparer ou rester ensemble ?

Elijah : Ne restez pas seules au milieu de ces gens, c'est tout ce que je vous demande.

Kathleen : Je crois que Bonnie a besoin qu'on lui remonte le moral, je peux arranger ça !

Elle m'attrapa la main, je pris des flûtes de champagne et lui en tendis une en avançant à travers la foule.

Kathleen : Il faut qu'on trouve des gens avec qui discuter pour faire croire qu'on est normales.

Moi : Ou alors on va danser toutes les deux ? J'ai franchement pas envie de me mêler à ces personnes...

Kathleen : Je ne dis pas non ! Sourit-elle avant d'avancer vers la piste.

Nous nous retrouvâmes à devoir faire un slow toutes les deux, ce qui était vraiment très drôle. Les autres invités nous dévisagèrent, d'abord incrédules, puis moqueurs, et enfin nous ignorèrent. Visiblement personne n'était habitué à ce que deux femmes dansent en toute amitié dans ce type de soirée.

Me retrouver ici, sur la piste à tournoyer, me faisait atrocement penser à Enzo qui était loin de moi et de cette folle aventure. J'aurais donné n'importe quoi pour qu'il soit à mes côtés en ce moment...

Kathleen : Tiens, il y en a un qui se sert à boire par là, me chuchota-t-elle. On touche au but...

Je souris légèrement. Plus vite ils seraient morts, plus vite on rentrerait chez nous.

Kathleen : Au fait, pourquoi t'es pas avec ton cher cavalier ? M'interrogea-t-elle.

Moi : Je l'ai abandonné en plein milieu d'une danse pour aller boire, et ensuite vous êtes arrivés. Je ne sais pas où il est, mais je m'en contrefiche !

Kathleen : Tellement de gentillesse. En parlant de lui, il arrive. Souffla-t-elle.

Kathleen et moi stoppâmes notre danse. Maxence fit comprendre d'un simple regard à mon amie qu'elle devait partir, ce qu'elle fit pour mon plus grand désespoir. Lorsque l'orchestre débuta une nouvelle danse, le vampire plaça un bras autour de ma taille et commença à bouger au rythme de la musique. Je voulais m'enfuir en courant. La soirée s'annonçait vraiment longue...

Maxence : Tu m'évites beaucoup pour quelqu'un qui est censé passer la soirée avec moi.

Moi : Je fais déjà d'énormes sacrifices, dis-je d'un air pincé. Je voulais m'amuser un minimum à ce gala, mais c'est pas encore ça.

Maxence : Tu aurais pu avoir pire comme compagnie. Crois-moi.

Malheureusement, ce qu'il avançait était vrai. Les hommes présents à la réception donnée par la cantatrice imposaient leur pouvoir par tous les moyens possibles. Ils se pensaient permis de tout, et quand bien même il n'y avait pas de loi dans ce monde leur comportement était des plus déplacés. Ils s'exprimaient peut-être avec un registre soutenu allant de paire avec l'occasion, ils n'en restaient pas moins irrespectueux. Regards et pensées non dissimulés, alcool et sang consommés sans modération, provocation, mauvais traitement des domestiques... Maxence n'était effectivement pas des pires. Mais cela ne m'était pas d'une grande importance, je ne l'aimais pas plus pour autant. Il s'évertua une énième fois de faire la conversation, et, fatiguée de faire semblant d'écouter ou d'essayer de le rembarrer, je promenai mon regard sur le décor et ce qui s'y jouait. Des couples dansaient, d'autres bavardaient, riaient... Des amis étaient adossés au buffet, verre à la main. Des négociations avaient lieu quelques mètres plus loin, près du petit salon attenant. Des demoiselles se faisaient courtiser vers l'entrée de la salle de bal. Kathleen en faisait partie, et cela semblait l'amuser d'ignorer ses prétendants qui imploraient une danse. La cantatrice, reine de la soirée, était en grande conversation avec une femme longeline et vêtue d'une somptueuse robe sirène bordeaux en soie. Mes yeux se baladèrent encore un peu, puis Maxence me fit tourner sans prévenir, ce qui m'offrit un nouvel angle de vue. Et là, mon cœur cessa de battre un instant. Elijah était en train de demander à Charlotte de danser, et elle ne savait manifestement pas quoi faire. J'étais certaine qu'il s'était passé quelque chose entre eux. Ils s'ignoraient presque. Ce n'était pas normal. Finalement, elle céda et se fit entraîner par l'originel au milieu de la piste.

oO0Oo

PDV Kathleen

Ils n'étaient plus que deux à me supplier d'aller danser. J'avais réussi à décourager les quatre autres. C'était exaltant d'envoyer valser ces ignobles individus ! Cela les remettait à leur place, leur prouvait que tout ne leur était pas dû ou offert sur un plateau d'argent.

Moi : Pour la troisième fois, il est hors de question que je danse avec l'un de vous.

Ils persistèrent, puis s'en allèrent finalement après dix minutes de supplications supplémentaires, l'air penaud. Un sourire satisfait aux lèvres, je les regardai s'éloigner. Je constatai également que le poison avait été consommé par environ la moitié des invités, ce qui était déjà la moitié d'un succès. Mon humeur s'allégea quelques minutes, mais je vis ensuite Bonnie danser malgré elle avec Maxence. Elle semblait vraiment malheureuse. J'allai pour lui porter secours, et en m'approchant de la piste de danse j'aperçus la robe bleu nuit de Charlotte. Tiens, elle avait trouvé un cavalier ! Je regardai plus attentivement en sa direction, et compris rapidement qu'elle se trouvait en fait en compagnie d'Elijah. Mon cerveau se mit à hurler "alerte rouge". Mes yeux s'écarquillèrent et je me posai contre le buffet en les fixant. Ça allait très mal finir, cette histoire.

? : Cette fête a l'air de vous ennuyer.

Je ne pris pas la peine de tourner la tête en direction de l'inconnu et continuai de regarder ma meilleure amie et l'originel.

? : Voulez-vous danser, mademoiselle...?

Moi : Vous perdez votre temps, dégagez s'il vous plaît.

? : Ça n'est pas convenable de-

Moi : J'ai été polie jusque-là, je vous conseille de déguerpir très vite.

Il lâcha l'affaire après avoir pris un verre. Et une personne de plus !

La musique prit fin, les danseurs se saluèrent, et un nouvel air commença. Je vis Charlotte tourner les talons, puis faire demi-tour après qu'Elijah l'eût interpellée. Ils recommencèrent à danser. Le tempo était plus lent que la musique précédente. Je percevais le malaise de ma meilleure amie d'ici, mais Elijah semblait déterminé à réparer le mal qu'il avait causé quelques jours plus tôt. Charlotte ne nous avait rien raconté par rapport à sa balade dans le jardin de Maxence, mais avec Bonnie nous avions émis des hypothèses. Depuis, ils ne s'étaient pas adressé une seule parole, et leurs regards étaient fuyants ou défiants. Je croisais les doigts pour qu'aucun impair ne fût commis ce soir. J'attrapai un verre d'eau et le bus cul-sec en admirant ce qu'on pouvait appeler un "spectacle". Jamais nos vies n'avaient été aussi chaotiques. C'était l'enfer. Maxence lâcha enfin Bonnie, voyant qu'il n'avait aucune chance. Je pus la rejoindre sur la piste et danser de nouveau avec elle, et ainsi discuter.

Moi : Tu as vu qui est-ce qui essaie de se faire bien voir de madame Salvatore à gauche ?

Bonnie : Crois-moi, j'ai très bien vu. Je me demande lequel fera une connerie en premier.

Moi : Je parie que ce sera Elijah. Charlotte aime trop Stefan et se déteste déjà d'être devenue aussi proche de son rival. Sans compter qu'Elijah a le champ libre.

Bonnie : Du moment que ça ne dérape "pas trop", ça va, on pourra cacher les détails une fois tout le monde sauvé.

Nous jetâmes un autre coup d'œil à nos deux amis. Elijah tenait Charlotte par la taille tandis qu'elle avait ses bras à son cou. Elle gardait obstinément la tête baissée, ne voulant pas croiser les yeux de son cavalier. Il essayait de lui parler, mais elle restait muette.

Bonnie : Qu'est-ce que tu entends ? Il se passe des choses intéressantes ?

Moi : Ouais, il essaie de faire la conversation mais échoue lamentablement.

Bonnie : C'est bien la première fois que je vois Elijah perdre ses moyens.

Je fis tourner mon amie et la rattrapai. La musique changeait encore de rythme. Du coin de l'œil, j'observais Charlotte et son cavalier. Elle essayait une nouvelle fois de partir, prétextant quelque chose de ridicule.

Moi : Je sais pas s'il faut les pousser dans les bras l'un de l'autre ou non. Ça devient vraiment chiant.

Bonnie : Arrête, tu sais bien qu'il ne doit rien se passer entre eux. Mais l'amour... C'est compliqué à gérer. Ils doivent s'en occuper eux-mêmes.

Moi : Je suis plutôt d'avis qu'ils devraient s'embrasser et que Charlotte voit ensuite ce qu'elle veut vraiment.

Bonnie : Dans tous les cas Stefan ou Elijah ne sera vraiment pas bien après sa décision.

Je haussai les épaules.

Moi : La vie n'est pas simple, il y a des perdants et des gagnants. Même si je pense que Stefan sera toujours le choix numéro un de Charlotte, c'est son âme sœur après tout, Elijah ne sera jamais éclipsé. Ça va être très intéressant à suivre, comme histoire...

Bonnie : T'es diabolique.

Moi : Me dis pas que tu ne trouves pas ça un peu divertissant !

Bonnie : J'avoue que ça ressemble à une série télé, mais là il s'agit de nos amis.

Moi : Mmh. Mouais bah actuellement j'ai pas Damon pour l'emmerder alors il faut bien que je trouve autre chose. Dans tous les cas, le choix qu'elle fera va l'impacter.

Bonnie acquiesça lentement, l'air rêveur. Nous regardâmes toutes les deux Elijah et Charlotte danser, sans même chercher à nous en cacher. Elle avait cessé de se débattre, de fuir, et osait enfin sourire. Elijah avait cessé de faire conversation inutile et dévorait sa cavalière des yeux. L'orchestre commença une valse. Fatiguée de tanguer au milieu des couples sur la piste, Bonnie et moi allâmes nous asseoir nous reposer. Nous constatâmes avec soulagement que quasiment la totalité des invités avaient consommé le poison.

La sorcière me donna un coup de coude et m'ordonna d'un signe de tête d'observer la piste de danse. Seules quelques personnes s'y trouvaient, dont Charlotte et Elijah. Je tendis l'oreille pour épier leur conversation, mais je n'entendais rien. Ils ne parlaient pas. Ils se regardaient dans le blanc des yeux. Ils exécutaient les pas avec légèreté, sans se soucier de ceux qui les entouraient. Les remarquaient-ils seulement ? Ils agissaient comme s'ils étaient les deux seules âmes dans l'Univers. Leur simple contact visuel faisait toute la communication, ça et leur danse. Elijah tenait fermement la main droite de Charlotte, craignant peut-être qu'elle fût tentée de se sauver une fois encore. Son autre main était placée sur sa taille, à l'endroit où sa robe s'évasait en un magnifique jupon de tissu bleu. La main gauche de Charlotte était délicatement posée sur l'épaule de l'originel, terrifiée de cet insignifiant contact. Leurs corps étaient plus proches que jamais, ils n'osaient plus respirer. Dans cette bulle qui n'appartenait qu'à eux, le monde extérieur n'existait pas, pas plus que leurs problèmes. Ils semblaient avoir occulté de leur mémoire la raison de leur présence ici, à ce gala, dans le Royaume des Ombres. L'inévitable allait se produire. Les sentiments ne pouvaient être éternellement refoulés, il y avait toujours un moment où ils revenaient au galop pour s'exprimer haut et fort. Des choix devraient se faire. Mais pour l'heure, ils ne pensaient à rien d'autre qu'à leur danse, leur proximité. Leur intimité. Je vis Charlotte rougir soudainement alors qu'elle baissait le regard vers les lèvres d'Elijah. Elle déglutit avec difficulté. Les yeux d'Elijah brillaient d'espoir et d'encouragement. Ils souhaitaient tous les deux que cela se produise, mais ils n'osaient rien. C'était frustrant à regarder. Elijah fit tournoyer une ultime fois Charlotte, puis la rattrapa d'un geste expert en la serrant contre lui. La musique prit fin. Les autres couples quittèrent la piste. Il ne restait qu'eux. Ils ne bougeaient pas, ils ne cillaient pas. Charlotte esquissa finalement un mouvement pour se défaire de l'étreinte d'Elijah et nous rejoindre Bonnie et moi. Elle marcha quelques pas, puis s'arrêta. Elijah l'avait retenue. Il réduit à néant l'espace qui les séparait, et, pris d'un élan de détermination, attrapa le visage de Charlotte pour poser ses lèvres sur les siennes. 

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