○Chapitre 69○

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PDV Charlotte

Je me réveillai en sursaut. Un cauchemar. Dans lequel les Anciens - ou Ancêtres, je ne savais pas vraiment comment je pouvais les appeler - m'avaient attribué l'affreuse mission de mettre fin à la vie de ma mère. Comme devenue leur pantin, mon corps leur obéissait, mais mon esprit m'appartenait toujours. Et je ne pouvais rien faire d'autre qu'assister à mes actes, impuissante.

Je me tenais sur le perron de mon ancien chez moi, où ma mère continuait sa vie sans se soucier du fait que j'étais partie du jour au lendemain, sans crier gare. Il m'arrivait parfois de regretter de l'avoir hypnotisée, j'aurais peut-être préféré tout lui expliquer, quitte à lui faire peur en lui révélant la vérité sur l'existence du paranormal.

J'entrai dans la maison. Ma mère faisait la vaisselle en écoutant Madonna sur son vieux lecteur CD. Emplie d'un soudain sentiment de nostalgie, je voulus la prendre dans mes bras, pleurer, et l'entendre me rassurer, la sentir me caresser le dos, me murmurant que ce n'était pas grave. Je voulus tout lui raconter, que j'avais tué des innocents, que j'étais constamment en danger, que j'avais frôlé plusieurs fois la mort, que j'étais soumise aux lois du paranormal et qu'elle me manquait terriblement. Elle m'aurait écoutée sans broncher, m'aurait grondée pour ne pas avoir été la voir plus tôt, m'aurait dit que finalement elle ne m'en voulait pas parce qu'elle était heureuse que je sois là. 

«Oh, maman, je t'aime.» je pensai.

Tout cela, je ne pus le faire, les Ancêtres, les maîtres de mes pouvoirs, me l'interdisaient. Je vis mes mains se lever machinalement vers ma mère, ma magie s'en échapper, et la mort frapper.

J'en avais encore des sueurs froides. J'éclatai en sanglots. Je pouvais prétendre ce que je voulais, que j'allais bien, que j'étais forte, au fond je n'en restais pas moins une petite fille. Et je regrettais la présence de ma mère.

Je sentis un vide dans ma poitrine, un vide qui était là depuis longtemps, sans que je ne m'en sois aperçue. Mes larmes, chaudes, humidifiaient les draps. Une main vint m'essuyer les joues. Stefan. Il me prit dans ses bras, me berça. Il ne me demanda même pas la raison de mes pleurs, il savait que je ne voudrais pas en parler, que j'avais simplement besoin de sa présence. Un faible sourire étira mes lèvres.

Je n'étais pas seule. J'avais une chance inouïe.

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PDV Kathleen

Je sentis une inhabituelle gaieté soulever mon cœur en ouvrant mes rideaux. La journée s'annonçait belle, le soleil brillait. Et nous allions enterrer la vie de jeune fille de Charlotte ! Il était huit heures ; Caroline, Bonnie et Rebekah arriveraient deux heures plus tard. J'avais largement le temps de me préparer et d'aller voir les photos dont Damon m'avait parlé la veille. Hors de question de ne pas y jeter un œil !

Après avoir enfilé une légère robe couleur crème et avoir rassemblé mes cheveux en un chignon rapide, je descendis à la cuisine. Damon y était, apparemment déjà debout, avec un appétissant verre de sang à la main.

_ Salut ! fis-je d'un ton enjoué.

Le brun haussa les sourcils avec un sourire étonné.

_ Depuis quand tu débordes autant d'entrain ? Et tu ne portes pas ce genre de tenue, d'habitude.

_ Quoi, tu n'aimes pas ? Elle s'ajuste parfaitement à mon humeur, je trouve.

_ C'est pourtant ce que je dis, tu n'es pas aussi joyeuse d'ordinaire.

Je haussai les épaules avec désinvolture.

_ Il m'arrive de ne pas être cynique et de tirer une tronche de six pieds de long de temps en temps, j'admets, dis-je en ouvrant une poche de sang en guise de petit déjeuner.

_ Ça te va bien, avoua le vampire, mais n'en fais pas une coutume s'il te plaît.

Je répondis par un hochement de tête vigoureux.

_ Dis, tu ne voulais pas me montrer les photos compromettantes de ton frère ?

_ Si !

Il sortit son téléphone de sa poche et m'expliqua qu'il avait préparé toute une projection avec un diaporama et tout le tintouin.

_ Il y en a de quand il était petit ?

_ Il y en a de toutes les époques ! Pour la plupart, j'ai eu du mal à les obtenir, mais le résultat paye, et j'ai hâte de voir sa tête quand il découvrira… ça.

Il y avait une cinquantaine de clichés. J'avais ri devant chaque photo, manquant plusieurs fois de recracher le précieux nectar de vie que je sirotais. Les plus marquantes étaient celles où Stefan était ivre. Parmi elles se trouvait celle où il avait descendu toute la réserve de Damon peu de temps après notre arrivée à Charlotte et moi. Mais l'œuvre de Damon ne s'arrêtait pas là, il y avait des photos bien pires. Et prises par ses ex-copines. Je plaignais Stefan, il allait souffrir. Pour le plus grand plaisir de son frère.

_ Tu ne lui fais pas de cadeau, dit donc, dis-je entre deux fous rires. Qui est-ce qui les verra, à part lui ?

_ Enzo sera là, Klaus aussi. Il m'a promis d'être sage, et puis au fond mon frère l'aime bien… si on oublie certains épisodes, répondit Damon avec son habituel sourire en coin.

_ J'aurais pensé que tu inviterais Elijah.

Le vampire rit jaune.

_ Tu rigoles ? Ils se détestent ! Crois-moi, si on veut éviter un massacre, vaut mieux ne pas le faire venir.

J'étais étonnée, je ne voyais pas pourquoi Stefan pouvait le haïr.

_ Il s'est passé quelque chose entre eux ? demandai-je au brun.

_ Tu veux dire que tu n'as rien remarqué ?

Je fis non de la tête.

_ Remarqué quoi ?

_ Il se trouve que notre cher petit Mikaelson en pince pour Princesse Charlotte, et mon cadet n'est pas très ravi qu'il fasse la cour à sa fiancée.

Ma bouche s'ouvrit en un O majuscule parfait. Mon Dieu ! Dire que je n'avais rien vu… mais maintenant que Damon en parlait…

_ Sérieusement ?! Et elle le sait ?

_ Qui est-ce qui sait quoi ? résonna la voix de ma meilleure amie depuis le bas des escaliers.

Je vins la rejoindre.

_ Rien d'important. Oh, mais dis-moi, tu es splendide !

Elle portait une petite robe dorée qui scintillait tel un soleil. Ce ne fut qu'après l'examen de sa toilette que j'aperçus son air fatigué.

_ Merci, murmura-t-elle. Tu n'es pas mal non plus, ajouta mon amie avec un sourire.

J'ignorai son compliment.

_ Bien dormi ? fis-je avec un haussement de sourcils inquiet.

_ Moyennement, j'avoue. Mais pas d'inquiétude, je suis en forme pour la journée qui nous attend !

_ C'est surtout toi que cette journée attend !

Elle me sourit plus franchement puis alla se servir un verre de sang bien frais. Le liquide sembla lui redonner l'énergie qui lui manquait.

Oh que oui, cette journée s'annonçait merveilleuse.

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PDV Rebekah

_ Où est cette fichue pince à cheveux ?! m'énervai-je en retournant ma chambre.

Je détestais être en retard. Cela me stressait et me rendait invivable. Et j'attrapais une fâcheuse tendance à perdre et oublier les choses.

L'accessoire étant introuvable dans ma chambre, j'en conclus qu'il se cachait dans une autre pièce. Mais où ? La salle de bain ? Le dressing ? Je commençai mes fouilles dans la salle d'eau, et eus un hoquet de frayeur en voyant l'heure sur l'horloge murale. Neuf heures cinquante-deux. J'avais huit minutes pour finir de me préparer, me nourrir, aller chercher Caroline et Bonnie chez elles, et rejoindre Kathleen et Charlotte chez les Salvatore. Le timing était serré.

J'envoyai un SMS à la sorcière pour la prévenir de mon retard, suggérant qu'elle y aille sans moi pour qu'elle soit à l'heure.

«OK, alors je vais chercher Caroline ;) Ne sois pas TROP en retard.» me texta-t-elle.

_ Bekah ?

Elijah entra dans la salle de bain et un sourire amusé éclaira son visage en me voyant retourner tous les tiroirs de la pièce.

_ Tu ne devrais pas déjà être en route ? me questionna-t-il. Klaus est parti il y a dix minutes.

_ Et moi je me suis réveillée il y a dix minutes ! dis-je avec affolement.

Je détestais être vue ainsi, en plein désarroi, en situation de détresse. D'ordinaire j'étais ponctuelle.

_ Eh, calme-toi, y a pas mort d'homme si tu arrives avec du retard ! temporisa mon frère.

_ Elijah, tu m'as vue ? Je dois finir de m'habiller, me maquiller, me coiffer, me…

_ Stop Bekah ! Détend-toi, d'accord ?

_ Et toi arrête de me parler, tu me retardes encore plus !

Je me remis en quête de ma pince à cheveux, mais, comprenant que je n'avais plus le temps pour la trouver, j'abandonnai l'idée de rassembler ma tignasse. Je me préparai en vitesse, avalai un peu de sang, dis au revoir à Elijah, et sautai dans ma voiture. J'arrivai à dix heures six. Caroline m'accueillit avec des applaudissements.

_ Tu n'es pas tant à la bourre que ça, rit-elle devant ma mine soulagée d'être arrivée.

_ Oh, chut, râlai-je avant de lui tirer la langue. Où est la femme à qui nous devons enterrer la vie de jeune fille ?

_ La voici ! annonça théâtralement Kathleen avant l'apparition de Charlotte.

Je la saluai chaleureusement, et nous continuâmes à bavarder tout en nous installant dans la voiture de Kathleen. Cette dernière alluma la radio tandis que nous roulions vers notre première destination. Charlotte fut la première à chanter en cœur avec Avril Lavigne qui interprétait «Innocence», bientôt suivie par nous toutes. Nous finîmes par hurler plus que chanter au bout de quarante-cinq minutes de trajet, ruinant les magnifiques chansons de Michael Jackson, Lady Gaga, et d'autres artistes.

_ Où est-ce que vous m'emmenez, au fait ? demanda Charlotte lorsqu'elle se rendit compte du temps passé sur la route.

_ Tu aimerais bien le savoir, hein ? la titilla Caroline. Tu vas adorer !

_ Mais je veux savoir ! s'impatienta l'hérétique, faisant mine de bouder devant notre silence.

_ Ta demande sera bientôt satisfaite, la rassura Kathleen.

Pendant les quelques minutes qui précédèrent notre arrivée à destination, Charlotte tenta de glaner tous les indices bons à prendre. Sans succès. Sa déception nous amusait toutes. Mais le plus drôle fut son expression quand elle vit où nous la conduisions.

_ Oh mon Dieu ! s'écria-t-elle. Mais…!!

Sa mâchoire semblait s'être décrochée tellement sa surprise était grande.

Nous nous trouvions sur le parking du plus grand centre commercial de l'État, l'équivalent de Scottsdale Fashion Square, qui regroupait le plus grand nombre de marques ; Dior, Gucci, Lacoste, Louis Vuitton, American Eagle, H&M, Levis, et beaucoup d'autres. Le parking était à moitié vide, pour notre plus grande satisfaction. La foule rendait toujours tout moins agréable.

Charlotte était aussi excitée qu'un enfant à Disneyland, elle sautait partout, laissait s'échapper des exclamations de joie. Et nous n'étions même pas encore à l'intérieur. La folie dépensière nous gagnait déjà.

_ Vous êtes incroyables, les filles !

_ On sait, dis-je avec un franc sourire.

_ Nos porte-monnaies vont souffrir, fit remarquer Kathleen.

_ Ne t'en fait pas, répondit Bonnie. Pour aujourd'hui je pense qu'on peut profiter de nos avantages surnaturels…

_ Bonnie, c'est toi qui nous demande d'être malhonnête ? s'étonna Caroline.

Elle acquiesça et partit dans un fou rire euphorique qui nous gagna toutes.

_ C'est parti pour tout dévaliser !

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PDV Stefan

J'avais eu raison de m'inquiéter. Damon était en train de montrer les pires dossiers sur moi à Enzo et Klaus, les dernières personnes que je voulais savoir en connaissance de ces photos.

Nous étions dans le salon du manoir, Damon avait installé un drap pour la projection. Il avait vraiment pensé à tout ! St John et l'originel étaient à la limite de pleurer de rire. Me concernant, j'avouais être partagé entre me vexer et éclater de rire moi aussi. Mon frère semblait si fier de sa connerie…

_ Un verre, Steffy ? me demanda-t-il en souriant. Ça te détendra.

J'acceptai. J'espérais que Charlotte ne vivait pas la même chose de son côté.

_ Bon, eh bien désormais je n'ai plus de secret pour vous, fis-je aux trois vampires une fois la projection terminée.

_ Ma photo préférée reste celle où tu tombes de cheval à neuf ans, confia Enzo.

_ Tu peux toujours en rire, mais je me suis cassé le poignet, alors ce…

_ Il a passé la semaine suivante à gémir «Seigneur, je vais mourir, j'ai maaaal !», se moqua Damon.

Je soupirai.

_ Quant à moi, je regrette de ne pas avoir assisté à ton état d'ivresse après l'arrivée de Charlotte, fit Klaus, les yeux encore embués de larmes tellement il avait ri.

Le moment était certes embarrassant au possible, mais je finis par rire de bon cœur avec eux. Après tout, un enterrement de vie de garçon était justement fait pour se remémorer les différents moments de sa vie, pour se tenir prêt à en commencer une nouvelle.

Nous allâmes par la suite faire la tournée des bars, et je crois n'avoir jamais vu Damon aussi saoul. Il tenta de nous emmener tous les quatre dans un club de strip-tease, ce dont je parvins à le dissuader.

Je pouvais dire ce que je voulais, j'avais aimé cette journée. Ce fut Enzo qui conduisit pour nous ramener, car il était plus sobre que nous. Qui l'eût cru ?

Il était près de deux heures du matin lorsque je regagnai ma chambre. Ma fiancée ne rentra qu'une heure plus tard, légèrement pompette. Elle me fit le récit de ses aventures, je lui fis le mien. Puis nous tombâmes dans les bras de Morphée, lessivés de notre journée.

Je dormis bien. Le mariage était plus proche que jamais.

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PDV Elijah

J'étais planté devant mon armoire grande ouverte, me demandant quel costume porter le lendemain.

_ Oh Seigneur, pourquoi ?!

Je refermai le meuble avec plus de hargne que voulu. Je m'en voulais d'agir de la sorte. J'avais l'impression d'avoir seize ans et de vivre ma première peine de cœur. Je voulais taper dans quelque chose, extérioriser tout… ça. Ce fut le mur le plus proche qui prit. Que ressentais-je, au juste ? Une immense frustration ? Une jalousie sans nom ? Une tristesse accablante ? Un désespoir sans fin ? Ou un désir qui brûlerait le plus amer des cœurs ? Je me voyais tomber, tournoyer dans un malheur infini. Je me voyais me noyer dans un océan de chagrin. Mais surtout, je la voyais, elle. Quelle était donc la nature de ce maléfice ? Que m'avait-elle fait ?

_ Putain, je délire complètement, je dois arrêter mes conneries, soufflai-je en appuyant une main sur mon front.

Il m'était rare de jurer, aussi cela étonna Rebekah qui passa à ce moment.

_ Ben dit donc, Elijah ! Peut-on savoir ce qui t'arrive ?

Elle entra dans ma chambre et s'assit sur mon lit.

_ Rien, tout va bien, grommelai-je.

_ Tu mens très mal aujourd'hui, frangin.

_ Tout va bien, répétai-je.

Rebekah haussa les sourcils avec un air dubitatif.

_ Est-ce que tu veux en parler ? insista-t-elle.

_ Va-t-en, ordonnai-je d'un ton sec.

Son regard se fit plus dur.

_ S'il te plaît, ajoutai-je inaudiblement.

_ Donc tu veux en parler, du moins tu en as besoin, mais ta fierté à la con t'en empêche ? Très bien.

Elle se leva et se planta devant moi. Je me sentis inhabituellement faible, ma sœur semblait avoir grandi. Ses yeux cherchaient les miens, fuyants.

_ Je peux parler pour deux, tu sais.

Je soupirai devant une telle obstination. L'exaspération me gagnait, mais Rebekah avait raison, c'était aussi pour cela que je m'abstins de céder. Cette conversation, je la sentais venir depuis un moment. Pourquoi retarder l'inévitable ? On ne peut rien cacher à sa famille.

_ Alors parle. Dis-moi ce que tu penses savoir.

Ce fut à mon tour de m'asseoir, la laissant debout face à moi. Elle avait le dessus. J'étais trop fatigué, et de nous deux elle était actuellement la plus saine d'esprit.

_ Elijah Mikaelson est amoureux, commença Rebekah en imitant la voix d'une fillette qui scanderait un secret. Mais ta dulcinée n'est qu'un rêve, tu sais tes sentiments interdits, car elle se marie demain. Tu penses nous tromper, mais on t'a tous démasqué. Tous, sauf elle.

Elle guetta un quelconque signe de ma part, mais ne voyant aucune réaction, elle poursuivit.

_ Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi. Je veux dire, bien sûr que Charlotte est adorable, mais justement parce qu'elle l'est, je ne saisis pas. Pourquoi l'aimes-tu ? Tu n'es pas attiré par les mignonnes petites filles, d'habitude. D'habitude, tu n'es pas si attiré que ça. Je sais que tu ne comprends pas toi-même, alors je ne te demande pas de répondre.

Ma sœur marqua une pause. Elle cherchait mon regard, un acquiescement, un mouvement. Je n'en fis rien. Tout ce qu'elle disait… De profondes images imprimées dans un recoin de mon esprit, secrètement gardées depuis des mois, chéries par mon naïf cœur empli d'un espoir vain. Elle dévoilait tout, formulait à voix haute mes désirs, m'enlevait ces images péchées. Je me croyais maintenant vide, inerte. Je n'écoutais que d'une oreille, l'autre s'assurait que mon cœur battait encore.

Ainsi donc j'étais percé à jour.

J'éprouvai soudain une haine sans précédent pour cette mise à nu. Ils m'épiaient tous, me jugeaient, étaient à l'affût du moindre faux pas. Ils jasaient sur mon péché. Ils s'efforçaient discrètement de laisser Charlotte hors de ma portée, pour éviter un drame. Je voyais clair dans leur jeu, désormais.

Non, je perdais la tête. Pourquoi se seraient-ils alliés contre moi, comme je venais de l'envisager à l'instant ? C'était moi qui déraillais, mes pensées n'étaient plus qu'un fil brumeux qui s'évaporait sous mes doigts, insaisissable.

_ Elijah ? Tu m'écoutes ?

Je revins à la réalité.

_ Excuse-moi… Tu disais ?

Rebekah s'assit à mes côtés et posa une main sur mon épaule.

_ Ne fais pas de bêtise, s'il te plaît. Ne ruine pas son mariage. Elle est heureuse avec Stefan, accepte-le. Arrête d'espérer.

_ J'ai accepté depuis longtemps.

_ Mais bien sûr. Je vois comment tu la regardes, comment tu évites ses yeux quand elle est avec Salvatore. La manière dont tu souris au moindre de ses mots. Et tes tics nerveux. Quand elle te parle, tu inclines légèrement la tête vers elle et tu cherches appui sur n'importe quoi, un mur, une porte, pour maintenir ton équilibre. Et ton timbre devient plus grave.

_ C'est bon, arrête ! Qu'est-ce que tu veux, au juste ? Me montrer à quel point je suis faible ? Ridicule ? Si tu penses que je ne m'en rends pas compte, tu te trompes ! Je le sais que je me comporte en ado dépassé par ses hormones. Et ça ne me plaît pas, je déteste me sentir si ramolli. Je m'en veux chaque fois que je pense à elle. Je sais que c'est mal ! Je le sais, putain ! Je n'arrête pas de me dire que si j'avais pu la rencontrer avant cet abruti…

J'avais explosé, et Rebekah me couvrait avec un regard ému. À croire qu'elle me voyait comme son petit garçon qui découvrait l'amour. Pathétique. Pourtant, pour une raison inconnue, je continuai ma tirade.

_ Depuis qu'elle est venue ici pour demander de l'aide pour se débarrasser de Klaus - mon Dieu, j'ai l'impression que c'était il y a mille ans - je n'arrête pas de voir son visage, c'est comme si…

_ Elijah. Tu peux t'arrêter là, je ne veux pas tout savoir, me coupa Rebekah. Je voudrais simplement que tu me promettes de ne pas faire n'importe quoi demain. Par n'importe quoi, j'entends empêcher le bon déroulement du mariage en déclarant ta flamme à la future madame Salvatore. Ils sont âmes-sœurs. Tu me le promets ?

_ Je te le promets.

_ Et n'oublie pas que si tu tues Stefan, Charlotte meurt.

J'acquiesçai. Elle sourit, et quitta la pièce.

Je voulais plus que jamais briser cette promesse, une première je crois.

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PDV Damon

_ Stefan, détend-toi nom de Dieu !

Nous étions à deux heures de la cérémonie, et mon petit frère était nerveux comme il ne l'avait jamais été auparavant. Il inspectait chaque détail, vérifiait sa tenue inlassablement, faisait les cent pas, vérifiait sans cesse ses cheveux, imaginait les pires scénarios, criait sur tout le monde.

_ Mais il manque une chaise, Damon. Il manque une chaise !

_ C'est pas un drame, on n'a qu'à virer quelqu'un, dis-je en espérant le calmer.

Inutile de nier que ma tentative fut vaine.

_ Virer un invité ?! Non mais tu t'entends parler ?!

_ Ça va, j'ai compris, je vais voir où on peut trouver une chaise supplémentaire.

Je laissai Stefan et ses crises de nerfs pour chercher un siège.

Quelqu'un manqua de me rentrer dedans.

_ Eh, vous, regardez où vous mettez les pieds !

_ Ça va, je ferai atten… Oh, salut Damon.

C'était Sebastian.

_ Salut, répondis-je froidement. Peut-on savoir ce que tu fais là ? Tu n'as pas été invité par les mariés, me semble-t-il.

_ Kathleen m'a dit que cela ne poserait pas de problème.

Voici donc l'explication du nombre de places assises insuffisant.

_ Bah écoute, il n'y a aucun souci si tu acceptes de rester debout. Tu n'as pas de chaise.

_ Oh.

Il semblait mal à l'aise. Ses sourcils se froncèrent. Je m'apprêtai à tourner les talons, mais il me retint par le bras.

_ Damon.

_ Quoi ? répliquai-je sèchement.

_ Je sais ce que tu fais. Et je n'aime pas ça. Du tout.

_ Ah, et peut-on savoir ce que je fais, au juste ?

Je me dégageai de sa prise et sentis la tension monter. Nos poings se serrèrent.

_ Kathleen, lâcha Sebastian. Tu lui tournes autour, tu l'éloignes de moi. Et elle te suit. Je vois bien que tu l'intéresses plus que moi. Tu ruines toute notre relation avec tes conneries, cracha-t-il.

Je ris jaune.

_ Tu es complètement perché, ma parole ! Tu me reproches ta distance avec Kathleen ? Mais mon vieux, tu l'as dit toi-même, elle ne ressent plus rien pour toi. On n'y peut rien, c'est comme ça, «c'est la vie» ! Si tu veux avoir ce genre de discussion, c'est avec Kathleen qu'il faut en parler, pas avec moi.

_ C'est pas avec toi dans ses pattes que ça va changer grand chose ! s'exclama-t-il, exagérément furieux.

_ Dans ses pattes ? Elle est assez grande pour savoir ce qu'elle veut. Je pense plutôt que tu voulais dire dans tes pattes à toi, rétorquai-je.

_ Mmh, oui, peut-être. Parce qu'aux dernières nouvelles, elle sort encore avec moi, et parce que je tiens à elle.

_ Oh, mais regardez ce mâle alpha qui fait sa loi !

Je m'avançai d'un pas menaçant vers mon interlocuteur.

_ Contrôle ta jalousie, mon gars. Je ne te ferai rien par égard pour Kathleen, mais je te préviens. Si jamais tu me provoques encore pour une bêtise pareille, je te ferai bouffer tes yeux en friture. C'est clair ?

_ Le grand Damon Salvatore qui a peur de frapper quelqu'un ? Je ne comprends pas ce qui te retient, peut-être la peur de décevoir ton frère, qui se marie aujourd'hui ? Oh, mais tu sais, ça ne changerait pas les bonnes vieilles habit…

Il ne finit jamais sa phrase. La faute au crochet que je venais de lui mettre dans la mâchoire.

_ Il arrive de mauvaises choses aux personnes stupides et orgueilleuses dans ton genre. En particulier quand elles m'approchent, lui soufflai-je, plus sur le ton d'une menace que d'une mise en garde.

Sebastian s'apprêtait à me rendre mon coup, mais Kathleen apparut et s'immisça entre nous.

Elle portait la robe des demoiselles d'honneur et avait coiffé ses cheveux en une tresse élaborée. Sa beauté fut telle que j'en eus le souffle coupé l'espace d'un instant.

Ses yeux lançaient des éclairs.

_ Arrêtez ça tout de suite, cingla-t-elle. Comportez-vous en adultes. Vous êtes à un mariage, bordel !

Elle retenait ses larmes. Elle refoulait sa colère en ébullition. De toute évidence, elle avait écouté en grande partie notre altercation.

_ On en discutera plus tard, ajouta-t-elle avant de tourner les talons, sûrement pour rejoindre Charlotte qui achevait de se préparer.

J'acquiesçai sèchement en direction de Sebastian, et celui-ci s'éloigna de mon champ de vision.

_ Pauvre con, sifflai-je entre mes dents.

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PDV Charlotte

C'était le moment. Dans quelques minutes, je m'avancerais sur l'allée menant à l'autel. Mes joues étaient rosies par l'excitation. Ils m'attendaient tous. Je baissai les yeux sur ma robe immaculée. Ma peur de m'empêtrer dedans était toujours présente, mais se taisait petit à petit. Quoiqu'il se passerait, je savais que tout irait bien, que ce serait parfait.

Non, me repris-je mentalement. Rien n'est irréprochable, mais c'est ce qui fait la beauté des choses. Tout se déroulerait donc dans une parfaite imperfection.

Les premières notes de la marche nuptiale atteignirent mes oreilles. J'inspirai un grand coup, et souris.

Je m'avançai.

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69ème chapitre achevé ! Il a été plus long que tous les précédents, plus de 4 100 mots !

Vos avis, impressions ?

Vous l'aurez compris, le dernier chapitre arrive à la suite de celui-ci. Mais attention, le dernier chapitre du tome ;)

Encore bien des surprises attendent les protagonistes…

N'hésitez pas à commenter et à voter, si cela vous a plu ^^



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