Chapitre 2

Pour @clairobscoeur , 2021 13'1221919 4920, "1913518 4'2114 113152118 451920182132052118", 22159121 81181825, 105 31815919 1621'912 205 18519195132125. Merci. 💕

« En deux heures, je connus tout de son âme, pour le corps j'attendis encore un peu. »
-Céline, Voyage au bout de la nuit


Je reste au lit pendant trois jours. J'appelle mon travail pour me faire porter pâle et je redeviens un gamin de cinq ans. Ma mère me fait boire du bouillon de légumes et des compotes de pomme. Je reprends des forces.
Au milieu des draps, je sens mon corps s'adoucir et épouser la forme des couvertures.

Je crois que je délire totalement.

Je passe mon temps à lire, à regarder par la fenêtre en inventant des formes d'animaux aux nuages et à dormir.
Louis ne vient pas me voir, et si je pense à lui et le premier jour, je finis par oublier.

Le temps s'étire.

Je ferme les yeux, et je m'entends respirer. Le bruit me rassure. Quelque fois le souvenir du râle assourdissant de mes poumons cherchant l'air sous l'eau de la baignoire fait comme un écho dans ma tête, et je pleure un peu, des larmes qui coulent de mes yeux en rigoles silencieuses.

Mon carnet et mon livre préférés sont sur ma table de nuit, délavés, les mots illisibles, la couverture et les pages gondolées et molles. En les regardant, j'ai l'impression que ce sont mes propres vestiges que je contemple.

Le troisième jour, je me lève et je prends une douche. Le contact de l'eau me gêne alors je me dépêche. C'est bizarre, mais je crois que je suis terrifié de recommencer à présent. Pourtant je n'ai pas plus envie de vivre qu'avant. Juste peur de la douleur du corps qui se meurt.

Je regarde la télé toute l'après midi. A 17 heures, mon père rentre du garage. Je quitte le canapé pour le laisser regarder son émission et je me traîne dans la cuisine. Je grignote des chips, du chocolat et des gâteaux à la fraise, que des trucs gras qui me laissent les mains huileuses et sucrées, mélange dégueulasse qui me donne encore plus faim. Du coup, j'enchaîne en me faisant des tartines de fromage et j'emporte les restes d'une salade de riz dans ma chambre. Je mange devant une série, et quand mon épisode est terminé je me recouche, la main sur mon ventre barbouillé.

Je me gave par intermittence. Je peux être un mois à ne grignoter que des légumes et des fruits, écœuré par le reste, et brusquement j'ai une crise qui me force à dévaliser le frigo et à avaler tout ce que je trouve. Du coup, mon corps oscille sans arrêt entre minceur extrême et poids à peu près normal. Et ça me rend triste, parce que dans un coin de ma tête je sais que je suis malade, bien que tout le monde ferme les yeux là-dessus. Ma mère par exemple, dit que je suis un moineau qui fait quelques réserves pour tenir l'hiver. Moi je me dis juste que c'est mon truc, que parfois la nourriture m'écœure et que j'ai envie de me sentir très léger et que d'autres j'ai besoin de me remplir l'estomac jusqu'à avoir envie de vomir.

Je sais que ce n'est pas ça, bien sûr, en réalité. C'est beaucoup plus profond.

           

Je ne pourrais pas dire depuis quand je suis comme ça. Peut-être que je l'ai toujours été. Quand j'étais gamin, je m'amusais à marcher exprès sur mes Lego pour avoir des marques rouges sous les pieds. Parfois je courais dans la rue et je me laissais tomber sur le bitume pour que mon genou saigne et que maman me mette un pansement. Quand j'ai grandi, j'ai trouvé d'autres moyens de me faire du mal, des moyens passant inaperçu. Se couper entre les cuisses, là où personne ne pose jamais les yeux, jusqu'à ce que la douleur devienne trop insupportable, porter en permanence des élastiques autour mes poignets, pour les faire claquer sur ma peau jusqu'à en avoir des marques rouges. De la douleur par intermittence. Se ronger les ongles jusqu'au sang. Prendre des douches à l'eau froide. Boire jusqu'à se faire vomir. Courir dans le parc jusqu'à l'épuisement. Et ne plus manger. 

C'est arrivé par hasard. Un jour où le repas du midi à la cantine était dégoûtant, que mes parents n'étaient pas là le soir et où j'ai eu la flemme de me faire cuire des pâtes. Juste un jour où je n'ai rien avalé, et qui en a entraîné trois autres. Trois autres à se tenir au bord du précipice de l'évanouissement. Trois jours où j'ai aimé le tiraillement dans mon estomac, la sensation de déséquilibre dans mes mouvements et l'impression de de devenir de plus en plus léger, de flotter au-dessus du monde. Trois jours ce n'est rien du tout dans une vie. Sauf quand ils se multiplient et deviennent récurrents. Les jours sans faim. C'est le titre d'un bouquin, je crois.

Je me sens monstrueusement coupable et incapable à la fois d'arrêter de m'affamer. Alors quelque fois, comme aujourd'hui, je me mets à avaler beaucoup plus de nourriture que mon estomac ne me le permet. Pour me donner bonne conscience. Et puis aussi parce que je ne veux pas devenir maigre à en mourir. Ça c'est une maladie. Moi, je ne suis pas malade. Ce n'est pas comme ça. Ou alors, j'ai juste cette maladie étrange qui me force à repousser sans cesse mes limites, qui me force à m'infliger des douleurs absurdes pour que je puisse enfin entendre mon cœur battre trop fort et me dire « je suis vivant ».

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La pluie dehors et dans le garage l'odeur acre de la fumée des cigarettes, la lumière électrique qui prend les corps et les jettent sur la piste, le canapé défoncé, l'alcool sur les lèvres et les lèvres qui se collent, les mains qui se tiennent, les regards qui rient, les ventres qui meurent de faim, d'une faim de vie et d'amour et de quelque chose d'autre que de la lumière sourde et du cœur de la musique qui bat.


23h.

Je suis assis contre le mur froid, entre Elsie et Ikam qui ne savent pas quoi dire, qui sont là par hasard, parce qu'ils ont vu de la lumière sous la porte. Moi pas tellement, on m'a invité. Hier soir, Alix qui passait sous ma fenêtre et qui m'a crié de venir, en promettant des pizzas et de la vodka. Je déteste les deux mais je suis venu, juste pour ça, être immobile et sentir la musique battre sous mes veines comme une vie silencieuse et inébranlable. Je ne sais même pas qui a organisé cette fête.
Ikam enfonce son coude dans mes côtes.

-C'est un anniversaire ?

Je ne comprends pas. Il pointe du doigt un gros gâteau au chocolat qu'une fille aux cheveux rouges vient de déposer sur une table dans un coin de la pièce, avec des bougies. Je hausse les épaules. On se relève. La musique s'atténue un peu et ça me met mal à l'aise, parce qu'on amène un mec jusqu'à la table et ses amis commencent à chanter, un peu maladroitement, mais en riant beaucoup. Il souffle trois fois jusqu'à ce que tout s'éteigne, et la fumée des bougies de ses dix-neuf ans se mêle à l'odeur des clopes. On applaudit. Puis la musique reprend, plus forte encore, et tout le monde se sert du gâteau. Je suis Ikam et Elsie qui veulent une part. Je ne connais pas grand monde, mais le garçon qui fête son anniversaire, c'est Louis. Je m'approche de lui. Il a l'air heureux, ses yeux plissés, comme recouverts de la chaleur trouble de l'alcool. Il rit avec tout le monde, et j'ai l'impression de faire face à une personne différente que celle qui m'a tiré hors de l'eau du bain puis pris ma main dans la sienne. Dans ce garage où il semble si heureux, nous sommes à des années lumières l'un de l'autre mais j'ai quand même envie de le toucher, au moins son bras, de prendre dans le creux de ma main son coude ou son épaule. Pour voir si je ressens la même chose que ce soir-là. Pour voir si je pense encore : tu es le seul qui a su me sauver de moi-même.

Il finit par me voir, et se détourne tout de suite de ses amis pour me prendre dans ses bras. Spontanément. Je suis empli d'un seul coup de son odeur, un mélange de tabac, de sueur et de parfum pour homme. Il dit contre mon oreille :

-Ça me fait plaisir que tu sois là !

Je souris. On se recule, et je suis un peu gêné, ne sachant pas s'il attend que je parle ou s'il va s'en aller. Mais il patiente, n'ayant toujours pas lâché la manche de mon sweat. Je murmure :

-Désolé, je n'ai pas de cadeau. Je ne savais pas que c'était... toi.

En vérité, même si j'avais su, je ne lui aurais pas acheté de cadeau parce qu'on ne se connaît pas. En vérité, je ne serais juste pas venu. Il balaye ce que je viens de dire d'un geste de la main, et m'entraîne avec lui jusqu'au gâteau. Il ne reste presque plus rien, et tout le monde s'est évaporé pour aller danser sur une playlist de Just Dance. Louis me coupe une part et me la donne dans une assiette en carton rouge avec des petits ballons. Il sourit encore.

-C'est ma mère qui l'a fait. Je suis sûr que tu vas aimer !

Je n'ose pas dire non. J'ai l'impression d'être à l'anniversaire d'un gosse de cinq ans mais l'instant d'après, Louis ouvre une nouvelle bouteille et boit directement au goulot, en riant bizarrement. Ce n'est plus du tout un gosse de cinq ans quand il me regarde alors, les yeux brillants, le corps plus délié. On se fixe, d'une façon étrangement solennel. La lumière se reflète dans ses yeux, verte, bleu, rouge. Il passe sa langue sur ses lèvres, pour gouter le sucre qui colle, et je l'imagine contre les miennes. Comme s'il pensait à la même chose que moi, il s'approche, ses yeux fixés sur ma bouche. J'ai trop chaud. Je sens le battement de la musique enserrer ma cage thoracique, et la sueur dans le bas de mon dos. Je recule d'un pas. Je n'ai pas envie qu'il me touche maintenant. Je dis :

-Encore joyeux anniversaire.

Il s'arrête d'avancer. Il repose sa bouteille et puis me dit merci, avec un drôle de regard. Je ne sais pas s'il est déçu, triste ou s'il s'en fout totalement. Ensuite, il retourne danser.

Je reste tout seul, mon gâteau à la main, une drôle de sensation dans le ventre. Je vais à nouveau m'asseoir contre le mur froid. Elsie et Ikam sont dans un coin, en train de s'embrasser. Je grignote des bouts de chocolat et puis comme c'est bon je lèche aussi le glaçage avant de tout engloutir. Je repose l'assiette en carton à côté de moi. Je fixe le point aveuglant de la lumière. J'ai mal à la tête et je n'aime pas le goût du chocolat sur ma langue.

Je me relève et fais le tour du garage, en longeant les murs. J'aimerais bien partir mais quelque chose m'en empêche, quelque chose qui est le silence de ma chambre dans le noir et le froid au dehors, le trottoir mouillé de pluie. Ici je suis étouffé par la vie qui émane de chaque corps, une vie brûlante qui ne sait pas s'arrêter. Les gens qui sautent en riant, qui ne suivent aucun rythme mais qui se touchent et s'embrassent, dans le noir et l'éclat bleu de la lumière. Je finis par me fondre dans les corps. Je me heurte et glisse sur des peaux que je ne connais pas. On prend mes mains. Une fille rit contre mon oreille. Je me sens papillon de nuit, attiré par la cruauté du néon sur mes pupilles. Je suis immensément léger et lourd à la fois, entraîné par le cœur sourd de la musique qui résonne jusque dans mon ventre et ma poitrine. Je danse je danse je danse, je m'épuise, le sang qui bat dans les tempes et la vision qui devient flou, on saute, on s'entrechoque, et puis des mains s'agrippent à mes hanches et me tirent, alors je me retourne et c'est Louis, c'est Louis qui me tient et qui me regarde comme si j'étais le monde entier, et c'est con de penser ça mais j'ai la tête qui tourne et le souffle trop court.

On se serre l'un contre l'autre. Le tissu de son t-shirt colle à mes paumes. C'est dur, je sens l'os de son épaule sur mon torse, son souffle saccadé dans mon cou. Ses mains qui s'enfoncent dans mes côtes. Son corps, de plus en plus lourd. Je me laisse envahir en fermant les paupières. La musique n'est plus qu'un battement lent, qui résonne très loin en moi. Louis prend toute la place. Il m'enferme dans l'espace entre ses deux bras, il est monde à lui tout seul. Il ne laisse plus passer la lumière et les mains étrangères. Nous sommes immobiles, et nos bouches se touchent et se respirent à peine.

J'ouvre les yeux. Louis me fixe déjà. Je vois la sueur qui fait briller l'arête de son nez, et le blanc de ses yeux envahi de bleu. Je vois la guerre dans ses pupilles, les couleurs mélangées, la buée. Je vois tout ce qui me fait mal à l'intérieur de mon ventre, dans son regard à lui. Louis pose sa bouche sur la mienne. Très doucement. Sans appuyer.
Je ne sais pas ce que ça signifie, les baisers comme ça, presque invisibles et qui pourtant renversent le cœur tout entier. Les baisers qui ont la couleur de l'alcool mais qui n'en ont pas le goût. Les baisers noirs au milieu de la foule, que l'on offre à n'importe qui et qu'on reprend au petit matin. Les baisers silencieux qui empoisonnent les veines.

Je recule.

Louis tient toujours ma manche. Ses yeux ne me lâchent pas. Ils sont l'océan entier, une vague gigantesque qui m'englobe sans me mouiller. J'ai peur de lui à cet instant, au milieu de la lumière des néons tour à tour bleue et verte. J'ai peur de son calme triste et de sa façon particulière de me retenir sans que je ne lui oppose de résistance.
Il dit, sans hausser la voix par-dessus la musique :

-Suis-moi.

Je le suis. Il lâche ma manche mais ses doigts entourent les miens. On contourne les gens qui dansent et qui ne voient plus rien, et on sort du garage par la petite porte arrière. Dehors il fait nuit noire, une nuit de début d'été, avec les bruits étouffés des insectes qui ne dorment jamais, et la rumeur d'une télévision qui ronronne encore dans un appartement.
On marche un peu. Louis a l'air très triste, visage fermé et coupant. Ma main dans la sienne se refroidit. Ça me gêne, de marcher comme ça sans parler et le silence est trop brutal après la folie de la musique, alors je hasarde :

-Tu as quel âge au fait ?
-C'est important ?

Je hausse les épaules.

-Non, ça ne l'est pas.

Il lâche ma main et sort un paquet de cigarette de sa poche. Il m'en propose une et je refuse.

-L'odeur ne te gênes pas ?
-Non.

On va dans le petit parc, celui où les enfants jouent après les cours. Il y a deux balançoires et on s'assoit, faisant grincer les chaînes métalliques. Je ne sais pas quelle heure il est, mais le silence me donne l'impression que nous sommes seuls au monde.

-Je suis content que tu sois venu ce soir.
-C'était le hasard.

Il se balance lentement, du bout des pieds.

-J'ai vingt-et-un an. Et toi ?
-Dix-neuf.

Silence.
Je ne sais pas pourquoi je reste là, parce que j'ai froid et que je m'endors. Mais Louis se tourne à nouveau vers moi et dit :

-J'ai vingt-et-un an et j'ai l'impression que ce chiffre m'écrase à chaque fois que je le prononce.

Je penche un peu la tête vers lui. Il fixe le sol, en se balançant un peu plus vite.

-Je déteste vieillir. J'ai trop peur.
-De quoi ?
-De me rendre compte que je ne sais même pas pourquoi et comment je suis encore ici.

Je n'ai rien à lui répondre. Moi aussi, je me pose sans arrêt cette question. C'est douloureux. C'est douloureux d'être si jeune, comme lui et moi, et de ne pas avoir envie de vivre. De ne même pas y voir un intérêt. Si on me le demandait, je serais incapable de dire pourquoi je suis comme ça, pourquoi je me sens toujours si vide. Je serais incapable de me rappeler du moment où, pour la première fois, je me suis dit qu'il valait peut-être mieux mourir, et incapable aussi de savoir quand j'ai cessé d'avoir peur de ces pensées là, et que je me suis mis à les considérer comme des idées normales.
Mais ça me fait trop mal d'en parler, de lui dire que je ressens la même chose que lui, alors je change brusquement de sujet :

-Pourquoi est-ce que tu m'as embrassé ?
-Je ne t'ai pas embrassé. J'ai juste posé mes lèvres sur les tiennes. Ce n'est pas s'embrasser.
-Qu'est-ce que c'est alors ?
-C'est vérifier que tu respires toujours.

Je lui lance un regard amusé et il me sourit. On cesse de parler ensuite. On se balance encore un peu, en essayant d'être celui qui ira le plus haut, et puis j'ai un peu froid alors on se remet à marcher. On fait le tour du quartier en parlant de tout et de rien. On se rend compte qu'on était dans la même classe en sixième. Enfin, je m'en rends compte parce que Louis, lui, ne m'avait pas oublié. Je me sens un peu con pour le coup, mais il a l'air de s'en foutre. En sixième, j'étais le gamin bizarre avec des grosses lunettes loupes qui portait des pantalons moches et qu'on foutait au fond de la classe en ricanant. Ensuite je suis devenu absolument transparent, jusqu'à la fin du lycée où j'ai décidé qu'il fallait arrêter les dégâts, et que je suis sorti du système scolaire pour travailler. Pas de quoi marquer les esprits. Sauf celui de Louis, apparemment.

Il est quatre heures du matin. Le ciel devient un peu plus pâle, et je suis de plus en plus lasse de marcher. On s'assoit sur le bord du trottoir, pas très loin du garage où il y a la fête. Je m'allonge par terre, et je ferme les yeux. Louis s'allume une cigarette, et je ne peux pas m'empêcher de demander :

-Tu ne retournes pas avec tes amis ?
-Non.
-Pourquoi ?
-Ce ne sont pas vraiment mes amis. Juste des potes. Et je veux être avec toi.

Il s'allonge à côté de moi. Je ne comprends pas ce qu'il veut dire, ni pourquoi il recherche à ce point ma présence. Est-ce que c'est parce qu'il m'a sorti hors de l'eau ? Je me fous de sa pitié ou de sa... sollicitude ou je ne sais quoi. Je n'ai pas envie qu'il me surveille en permanence, ça m'énerve un peu. Je ne suis pas un gamin.

-Je vais rentrer je crois.

Je le dis, mais je ne me relève pas. Il prend ma main dans la sienne, machinalement. Son pouce caresse mes phalanges. Il ignore ce que je viens de murmurer, et comme s'il avait lu dans mes pensées, il souffle :

-Ce n'est pas parce que j'ai l'impression de devoir te surveiller. Ce que tu fais pour te détruire, ce n'est pas mon problème.

Ses caresses sont toujours égales sur ma peau.

-Quoi alors ?

Mais avant même qu'il ne me réponde, je sais déjà. Je l'ai su dès ce soir là, quand assis dans le grand fauteuil de cuir marron, sa clope à la bouche, il a mangé sa barre de chocolat alors que je venais d'ingurgiter tous ces médicaments. Je l'ai su dans sa façon de me regarder, de rester distant. Je l'ai su parce que lui a compris exactement de quoi j'avais besoin : son corps contre le mien et ses mains tenant les miennes.

Je l'ai su depuis l'instant où j'ai plongé mon regard dans la profondeur de ses pupilles et où j'y ai lu tout ce qui me fait mal et tout ce que je ne comprends pas en moi.

Il ne répond pas. Ce n'est pas grave de toute manière. On parle d'autre chose, un peu. Et puis la porte du garage s'ouvre et quelques personnes sortent. Ils vont acheter d'autres bouteilles à la supérette ouverte 24/24H. Il est cinq heures du matin, l'aube est grise. Louis se redresse un peu. Il se passe la main dans les cheveux, et sur le dos de la nuque. Je ne comprends pas sa lassitude, lui qui m'a semblé si joyeux tout à l'heure, papillon de nuit prêt à s'électriser. Il me regarde et me sourit à peine, avant de se relever.

-Je vais y retourner.

Je hoche la tête. Je le regarde se relever mais il reste au dessus de moi, et il rit un peu.

-Tu comptes rester par terre ?
-Je crois.
-Tu devrais rentrer si tu veux te reposer. Ce n'est pas confortable ici.
-Merci, je sais.

Il hausse les épaules et puis il ne dit plus rien. Il me regarde simplement, l'air de ne pas trop comprendre. Je tourne la tête et ferme les yeux.
Quand je les ouvre à nouveau, Louis a disparu. La porte du garage est refermée et le ciel devient blanc. Je me redresse en me frottant machinalement le dos et puis je regagne lentement mon immeuble.
Une fois dans mon lit, la fenêtre grand ouverte sur le ciel qui monte, je pose mes doigts sur ma bouche, là où Louis a posé ses lèvres.

Et je murmure :

Je respire.

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J'aime bien ce chapitre... C'est différent de Sensations ou de Et si l'océan parce que Harry et Louis se rencontrent immédiatement... Merci d'avoir lu ! <3

#SLPfic

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