Chapitre 12

" Par moments, j'avais tellement envie qu'on me touche que j'étais comme écorchée par le désir. " — The Girls, Emma Cline.




Ensuite, je panique.

Parce qu'une fois arrivés dans la chambre, ce n'est plus du tout la même lumière, la musique n'est plus là pour guider mes mouvements, j'ai toujours mal au ventre et j'ai cessé d'avoir envie que Louis me déteste.

Mais Luz me colle à la porte de la chambre et glisse ses mains dans mes cheveux, déterminée. Sa bouche embrasse la mienne.

J'étouffe immédiatement, et elle ne se rend pas compte. Sauf que... je ne bouge pas du tout, et je la laisse m'embrasser. J'ai le cœur qui bat si fort que c'est douloureux.

Je ne sais pas pourquoi je réagis comme ça. Je ne sais pourquoi je suis si... tordu. Luz est jolie, et elle me plaît. Il y a deux minutes j'avais profondément envie d'elle. Maintenant mon dos se couvre de sueur à l'idée qu'elle me touche.

-Ca va pas ?

Luz finit par se reculer. Elle fronce les sourcils, les joues un peu rouges. J'ai trop honte alors je la repousse un peu pour inspirer.

-Eh, Harry ?

Elle avance la main et me touche doucement le bras.

-Non. Attends.

Elle se recule, comme si je l'avais brûlé.

Je suis tellement... nul. Je me déteste viscéralement. Je respire longuement, pour m'empêcher de pleurer. Je sens le regard inquiet de Luz qui finit par murmurer :

-Tu te sens mal ? Je ne voulais pas...

-C'est pas toi.

Elle ne dit plus rien, et quand ma respiration est redevenue plus calme, on va s'allonger tous les deux sur le lit. Elle me prend la main, un peu timidement. Je soupire :

-Je suis désolé...

-Tu n'avais pas envie ?

Elle n'a pas l'air fâché, juste un peu curieuse. Alors je dis la vérité :

-Tout à l'heure si, et là plus du tout.

Je ne sais pas pourquoi mais ça la fait rire. Je me retourne vers elle pour pouvoir la regarder tout à fait et elle me sourit.

-C'est la première fois qu'un mec me dit ça.

-Je suis désolé.

-Tu viens de le dire. Et ce n'est rien. Tu as le droit de dire oui et puis de ne finalement plus vouloir. Tout le monde a le droit. Je peux fumer ?

Je hoche la tête. Elle se redresse et s'allume une cigarette, sans se soucier d'une potentielle alarme à incendie. J'en profite pour regarder autour de moi. On est allongé.e.s dans le grand lit doré d'une chambre tellement impersonnelle que j'ai l'impression d'être en plein milieu du magasin Ikea. Luz se rallonge contre les gros coussins.

-T'es puceau ?

Je me retourne vers elle, un peu surpris par la question. Maintenant que je la vois comme ça, en pleine lumière, si proche, je trouve que son inconvenance ressemble à celle de Louis. Elle aussi a des yeux bleus où meurent des étoiles.

-Non.

Luz lève un sourcil.

-T'es gay ? Tu ne veux pas tromper ton mec ?

-Non. Et je m'en fous. Ce n'est pas vraiment mon mec de toute façon.

C'est vague. Mais je me comprends. Louis, qui n'est pas comme mon copain mais plutôt comme... Une étoile en orbite autour de moi. Parfois je me dis que Louis, ce n'est pas l'aimer que je veux, mais mourir dans ses bras. Je veux qu'il soit la dernière personne au monde que je puisse regarder. Je veux qu'il explose en moi comme une supernova. Mais l'aimer... Ca semble si fade. Louis... Le seul à pouvoir poser ses mains partout sur mon corps et à savoir me faire autant de mal que de bien. C'est trop lumineux et violent à la fois pour que ce soit simplement mon copain.

-Ok... Tu veux en parler ?

J'hésite un peu. Ca me paraît bizarre, d'être prêt à exposer un pan de ma vie à une inconnue. Et pourtant j'en ai envie. Parce qu'à part à Louis, je ne parle pas à grand monde. Et Luz est gentille.

Je me rallonge entre les coussins et je pose une main sur mon ventre. J'ai toujours mal mais un peu moins. Alors je le masse pour que la douleur passe tout à fait, et pendant ce temps là, je parle.

-Louis et moi on vit dans le même immeuble. On est voisins. Mais depuis dix jours on est partis de chez nous pour... vivre. Je crois. Mais en fait, vivre c'est nul.

-Ton Louis, il est comme toi ?

Je lui jette un regard intrigué.

-C'est quoi « comme moi » ?

-Du genre à paniquer quand une fille l'embrasse.

Au début ça me vexe et puis je vois son sourire amusé alors je rigole un peu.

-Non. Il n'est pas comme ça... Il est plutôt comme un soleil. Un soleil qui brûle les gens autour de lui, et qui se brûle avec.

Luz me regarde un moment sans rien dire et puis elle écrase sa cigarette sur la couverture d'un magazine posé sur la table de nuit. Ensuite elle se retourne vers moi, sa main soutenant sa tête.

-Toi tu te brûles tout seul aussi, non ?

Je ne dis rien. Ca me fait un peu mal, quelque part sous la cage thoracique. Elle murmure en me regardant droit dans les yeux :

-J'ai été à l'hôpital il y a deux ans parce que je faisais de l'anorexie.

Je ne réponds toujours pas. Mon ventre est tordu de cette petite douleur sourde qui ne me laisse jamais tout à fait tranquille. Le poing de colère de mon organisme, qui me rappelle que je lui fais du mal. Et Luz appuie dessus avec ses mots chuchotés.

-Ça se soigne tu sais. Mais il faut que tu fasses quelque chose, si ce n'est pas déjà le cas. Ne laisse pas ça te détruire, Harry.

Je détourne la tête. Je ne suis pas malade. Et je sais quand il faut que je mange pour reprendre du poids, et quand je n'en peux plus. Je sais faire. Je ne suis même pas sous la barre de la maigreur. Et je suis déjà moche alors plus gros... Bref.

Elle me sourit un peu et elle se rapproche de moi et pose sa tête sur ma poitrine.

-Tu veux retourner en bas ?

-Pas vraiment.

-Louis n'est pas là ?

Louis n'est même pas venu me chercher. Je suis sûr qu'il baise avec Gabriel dans une autre immense chambre Ikea de l'appartement. Ou alors il participe à une orgie dans le salon.

-Je ne veux pas le voir.

-D'accord. Je peux éteindre la lumière ?

-Oui. Mais laisse la toute petite s'il-te-plaît.

Je m'en fous. Je suis un bébé qui ne reste pas dans le noir sans veilleuse. Luz se lève et va éteindre la grande lumière, nous laissant dans une demi pénombre. Je me sens beaucoup mieux. Mon ventre me fait moins mal, et je n'ai plus du tout envie de vomir. Je tends la main vers Luz, et elle s'approche de moi. J'ai à nouveau envie de respirer sa peau, maintenant que je sais qu'elle a été semblable à la mienne.

On se câline un peu, sur le lit, comme un couple n'osant pas se toucher tout à fait. Je crois que Luz a toujours très envie de moi mais qu'elle n'ose pas me brusquer et ça me rend heureux. Alors je l'embrasse à nouveau dans le cou, en léchant un peu sa pomme d'Adam à peine perceptible. C'est différent du cou de Louis, qui pique un peu même lorsqu'il se rase. Je crois que j'aime bien quand même.

-Je n'ai jamais couché avec une fille.

Luz se détache un peu, et puis elle a un demi-sourire qui fait apparaître une fossette le long de sa joue.

-Qui a dit que nous allions coucher ensemble ?

-Je pensais que tu voulais.

Elle se met à rire. Je ne comprends rien du tout. Bon.

-Je veux bien. Mais toi... ?

-J'ai envie maintenant.

Elle touche ma joue du bout de ses doigts, en me regardant dans les yeux. Mon corps devient un peu plus lourd. Il se nimbe du frisson avant-coureur de l'amour.

Je n'apporte pas une grande importance au sexe en général.C'est plutôt... comme ça. Quelque chose d'humain et d'incompréhensible. Et quelque fois c'est important et d'autre pas vraiment. Et la fidélité en général... De toute façon je ne sors pas avec Louis alors ça règle le problème.

Là, avec Luz, c'est important. Il y a quelque chose de réel et de palpable dans l'atmosphère, qui nous enrobe lentement comme le nappage d'un bonbon caramélisé.

Elle se déshabille, et je prend ses seins nus entre mes mains. Il y a quelque chose de sacré dans leur rondeur, et dans la dureté de ses tétons. Je me sens comme un adolescent qui ferait l'amour pour la première fois, et pourtant je l'ai fait des dizaines avec Louis. Son corps est le seul univers que je connaisse. Et maintenant, je découvre qu'il en existe un autre, et sûrement des milliers, qui peuvent me faire ressentir des sensations similaires à celles que j'ai lorsque je touche ses cuisses, son ventre, le haut de ses épaules, ses fesses, son sexe.

J'embrasse les seins de Luz. On se déshabille l'un contre l'autre. Nos corps deviennent moites. Je suis avide de la connaître par cœur et je veux poser mes mains partout sur elle. C'est si différent du corps de Louis. Plus doux, plus souple, plus léger. Plus tendre. Ses halètements sont différents aussi. Je ne sais pas si je préfère mais ça me rend fébrile d'une façon agréable. J'embrasse son dos, le long de sa colonne vertébrale. Elle a un tatouage sur le creux des reins qui représente une petite chaîne brisée en deux. Je l'embrasse aussi, et elle me sourit. Ensuite nos corps s'emmêlent. Je viens en elle plusieurs fois, et elle se cambre de plaisir entre les oreillers. On s'embrasse fort, nos dents s'entrechoquent et lorsqu'elle gémit de plaisir, les cuisses serrées contre mes hanches, je me meurs un peu, sans un bruit, terrassé.

Ses doigts s'égarent dans mes cheveux. Je suis essoufflé. Je me retire doucement, et on se sert l'un contre l'autre. On ne s'embrasse plus, mais on se touche encore. Ses doigts entourent mon sexe. Ils sont si fins, si doux. Je la touche aussi, et ce ne sont que des caresses mais j'ai l'impression qu'elle est la première personne au monde à m'offrir un amour pur et innocent, un amour sans arrière-pensées, un amour pour se rassurer et panser les blessures. On jouit à nouveau, blottit l'un contre l'autre dans une même chaleur, et elle embrasse lentement mon ventre et la peau de mes cuisses.

Ensuite, je ne sais plus. Je m'endors.

Sans aucun rêves, je dors d'un sommeil profond, presque d'enfant.

Quand je me réveille, elle n'est plus là, et le soleil est déjà haut dans le ciel.

J'ai un peu mal partout. Je récupère mes habits et je les enfile. Je fais le tour de la pièce. Il n'y a pas de petit mot avec un numéro de téléphone, et quelque part, ça me soulage. J'ai ressenti beaucoup trop de choses belles contre son corps, des choses que je détruirais si elles étaient à moi trop longtemps.

Je sors de la chambre. Je sais que Luz aura totalement disparu. Je traverse le grand couloir et puis je rentre dans le salon. La pièce est en bordel, et un majordome en fait le tour, un sac en plastique à la main. Je lui dis bonjour, un peu hésitant, et il m'indique que les invités restants sont dans la cuisine. Je respire un grand coup.

J'ai un peu peur de voir Louis, à vrai dire. Je sais qu'il va être en colère et... j'ai un peu honte. Même si c'était trop agréable pour être regretté. Alors je prends mon courage à deux mains et je pénètre dans la pièce.

Il n'y a plus que trois personnes. Un mec avec des lunettes rondes que je ne connais pas, Tom et Gabriel.

Ils me fixent tous, visiblement surpris de me voir apparaître.

-Salut Harry.

Je ne réponds pas, parce que mon estomac est devenu soudainement très lourd. Louis n'est pas là. Et comme pour confirmer mes craintes, Gabriel dit, un peu embarrassé :

-Louis est parti dans la nuit... Tu veux que je te ramènes avant d'aller bosser ?

Je reste un moment silencieux. Louis est parti. Qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce qu'il est parti définitivement ? Est-ce qu'il m'a abandonné ? Est-ce qu'il est rentré chez lui, en me laissant tout seul dans cette ville inconnue ? Ou est-ce qu'il était simplement fatigué ? Est-ce qu'il sait ?

Je ne peux pas demander ça à Gabriel. Il ne comprendrait pas, et je n'ai pas envie de lui parler de toute façon. Alors je secoue lentement la tête et je dis que je vais prendre le bus, qu'il n'a pas besoin de s'occuper de moi. Il insiste un peu, mollement. Je suppose qu'il veut faire bonne figure. Il a l'air satisfait quand je refuse encore son aide, après avoir été récupéré ma veste. Il m'indique la ligne de bus et le nom de mon arrêt et je le remercie du bout des lèvres avant de quitter l'appartement.

Dehors, il fait déjà lourd. Le ciel est très bleu pourtant, mais la chaleur moite me donne l'impression d'être collant de sueur. À moins que ce ne soit moi. Ma peau coupable des baisers d'une autre.

Je marche jusqu'à l'arrêt de bus et je m'adosse à la vitre, entre un papy et son sac de course et une jeune femme écoutant de la musique, les yeux dans le vide.

J'ai mal au coeur, d'une façon inhabituelle. Je crois que j'ai peur que Louis m'en veuille pour toujours. Je crois que j'ai peur d'avoir mis fin à ce nous étrange que nous étions en train de construire. Je crois que j'ai peur d'avoir tout abimé.

Nous n'étions pas parfaits, nous ne marchions pas très droit, nous pleurions sans arrêt en nous faisant du mal, mais même dans le noir, nous savions où était la main de l'autre. Nous étions capable de lier nos doigts paupières fermées.

Lorsque le bus arrive, j'ai les yeux embués de larmes.

Quand je m'assois à une place libre contre la vitre, je suis en train de pleurer. Je remonte mes jambes contre mon torse pour enfouir mon visage entre mes genoux. Je me fiche que les gens me voient comme ça. De toute façon, ils s'en foutent. Personne ne me parle. Je chiale comme un môme, j'ai de la morve qui colle au tissu de mon jean. Et les gens détournent le regard.

Je ne sais plus qui je hais.

Moi ou les autres.

Je ne sais plus ce que j'ai envie de détruire.

Mon corps ou le monde.

Je rate presque mon arrêt. Je descends du bus alors qu'il s'apprête à repartir, et je me prends les pieds dans le trottoir. Je ne sais pas comment je fais pour ne pas m'écrouler.



L'immeuble de Gabriel est juste devant moi, et il y a une barre de métal qui m'étouffe la bouche. J'ai envie de vomir, comme à chaque fois que je suis triste ou que j'ai peur. Mais je n'ai rien à vomir. Mon estomac est vide, mon estomac est si souvent vide, c'est peut-être pour ça que je fais n'importe quoi, que je réfléchis plus. J'ai le cerveau aussi creux que mes côtes.

Heureusement, il n'y a pas d'interphone pour entrer dans le hall. Tout est vieux. Les murs sentent la pisse. Je suppose que des clochards viennent dormir là la nuit... Peut-être que c'est ce que je vais finir par devoir faire, si Louis m'a vraiment abandonné.

Je rentre dans l'ascenseur et me retrouve face à mon visage dans le reflet de la vitre et la lumière tamisée. Je me remets à pleurer. Je hoquète sans pouvoir m'arrêter, et je fixe les larmes qui roulent dans mon cou. J'ai du mal à me voir à cause de mes yeux embués. Je suis un flou dramatique. J'ai tellement honte. C'est ça, cette douleur. La honte.

Tout mon corps me démange. Je voudrais pouvoir bouffer ma peau, l'échanger contre une autre, tout neuve. Une peau qui n'aurait jamais été touchée par une main humaine. Une peau d'enfant.

Les portes s'ouvrent derrière moi et je sors de l'ascenseur en essuyant mes yeux comme je peux. Mes paupières sont rouges et gonflées.

Je frappe à la porte en reniflant, mes épaules toujours secouées par des sanglots qui ne veulent pas cesser, qui sont en train de m'étouffer. Un océan fait des remous dans mon ventre, j'ai vraiment l'impression que je vais m'écrouler si seul le silence répond à mes appels. Il faut que Louis ouvre cette porte, il faut que Louis apparaisse sur le palier, qu'il me prenne la main et qu'il me serre contre lui. Il faut que je m'excuse et qu'il me dise que c'est rien, que c'est pas grave, qu'on peut tout recommencer en éclipsant le reste.

Mais il ne répond pas.

Je ne sais pas si l'appartement est vide ou s'il m'ignore tout simplement.

Je n'ai pas les clés.

Je me laisse tomber contre la porte, et je me remets à pleurer, la tête contre le mur. Mes doigts tremblent autour de mon portable quand je le sors de ma poche. Je cherche son nom dans mes contacts, et j'appelle. Il y a son visage qui me fixe sur l'écran, une photo un peu floue, prise dans l'escalier menant au toit, lui un peu plus loin, en jogging, sa cigarette faisant un écran de fumée devant ses yeux. Je me souviens de ce matin là, il était sept heures, l'air était bleu et sa peau était douce sous mes doigts, nous nous étions réveillés dans son lit, le soleil inondant déjà sa chambre, et Louis s'était étiré, le drap blanc de la couette descendant sous ses hanches nus. Puis nous étions montés là-haut, sur le toit du monde, pour regarder l'aube s'enfuir à l'horizon, et le petit matin étaler son corps pâle sur l'ensemble de la ville. Cette journée avait été belle. Cette journée était si loin, à présent.

Et là, recroquevillé dans le hall sombre d'un immeuble inconnu, mon appel résonnant dans le vide, je me rends compte que j'ai sûrement tout perdu.

Tout ce qu'il était prêt à m'offrir.

Parce que j'en suis certain, il sait. Il m'a vu embrasser Luz. Il nous a sûrement vu monter là-haut. Et moi, comme un con, je lui en veux un peu. De ne pas être venu me chercher. De ne pas s'être battu pour moi. Son corps aurait du s'interposer. Ses doigts auraient du attraper la peau de mon poignet, s'enfoncer dans mes os. Il aurait du me tirer à lui, et m'embrasser au milieu de la foule. Mais il n'a rien fait. Il est parti.

Je raccroche.

Puis trente secondes après, je rappelle.

Deux fois.

Trois fois.

Dix.

Je lui laisse un message vocal, j'ai une voix totalement désespérée, je suis hystérique. Je gueule dans le téléphone qu'il a pas le droit de me faire ça, de me laisser tout seul. Je lui dit qu'il aurait mieux fait de me laisser crever dans mon bain, si c'était pour m'abandonner comme un chien quelques mois plus tard. Je lui dit que je le hais, qu'il me dégoûte.

Je lui hurle tout ce que j'aurai voulu que lui me dise.

Je lui hurle ça parce que c'est moi que je déteste.

C'est mon coeur que je déchire, c'est mon coeur dont je répands le sang noir sur le carrelage froid.

Il me rend fou, il me rend fou à me laisser me débattre dans le noir.

Il me rend fou à m'enfermer dans le silence.

Au quinzième appel, je suis bloqué. Son visage ne veut plus s'afficher sur mon écran, et je n'ai plus assez de larmes pour pleurer. Ça me tord l'estomac. Je laisse mon portable tomber par terre, il fait un drôle de bruit de verre cassé mais je m'en fous, je me recroqueville un peu plus sur moi-même, roulé en boule, le visage écrasé contre la porte de l'appartement et je suffoque.

Je suis en train de faire une crise de panique, et personne n'est là pour m'aider. Il n'y a même plus de lumière, seulement la lumière verte d'un minuscule panneau EXIT sur le mur d'en face. Je le fixe, les yeux écarquillés, ma respiration saccadée dans ma poitrine. J'ai l'impression que des mains sont en train de m'ouvrir les poumons, de les déchirer en deux. Je me répète en boucle dans ma tête que Louis m'a abandonné que Louis est parti et que tout est de ma faute tout est de ma faute parce que je ne suis qu'un connard égoïste parce que je ne lui ai jamais dit que je l'aimais parce qu'on a jamais su trouver les mots tous les deux parce que depuis le départ ça ne menait à rien notre histoire parce que forcément, à un moment, j'allais tout faire rater, c'est comme ça, je suis comme ça, je sais même pas pourquoi j'existe, pourquoi mon corps est toujours là, à se traîner sur terre, pourquoi personne ne m'a jamais écrasé, un camion une comète quelque chose d'énorme et de lourd et et et-

Je me mets à tousser. Ça me déchire la gorge, je crois que je suis vraiment en train de m'étouffer, l'air est bloqué dans ma gorge et j'ai envie de vomir pour respirer mais je ne peux pas ce n'est plus possible j'y arrive pas je suis coupé en deux et quelque chose m'écrase et il y a des points lumineux devant mes yeux qui dansent et battent la chamade et puis comme des tâches de sang qui s'étalent autour de moi et qui sont en train de m'engloutir et

Je tombe en avant.

La porte s'est ouverte d'un coup, ma main glisse, je ne m'étais même pas rendu compte que je m'étais accroché à la poignée.

Je suis par terre, immobile, à suffoquer le nez dans la moquette, et je suis incapable de comprendre à qui appartiennent ces mains qui me mettent sur le côté, incapable de reconnaître cette voix qui me parle, qui semble venir de loin, de très loin, parce que je n'entends pas les mots, ou si peu, il y a tout mon sang qui bat dans mes tempes, à une allure folle, et je suis en train de tomber dans un trou noir sans fond.

Je crois que je m'évanouis quelques secondes. Quand je reviens à moi, mes doigts sont plein de fourmis, engourdis et lourds. Mais j'entends les sons cette fois, d'une manière décuplée. Je n'arrive pas à bouger la tête, je n'ai plus aucune force, et pourtant je sais que c'est Louis qui me parle et me tiens contre lui, je sais que c'est lui, je reconnais les accents inquiets de sa voix, je reconnais sa peau, sa chaleur, la façon dont il fait glisser ses doigts dans mes cheveux, avec lenteur.

Je cligne des paupières. La lumière revient, c'est douloureux, j'ai un mal de tête affreux et la gorge sèche. J'entends encore mon coeur qui bat à une vitesse affolante dans ma poitrine.

Louis a sa main dans la mienne, et il me parle doucement. Je l'entends me demander de serrer ses doigts si possible, alors j'obéis. Une pression légère. Pourtant je sais qu'il l'a sent. Il avance son autre main, et caresse ma joue, c'est léger mais je sens immédiatement la pression retomber dans mon corps.


Louis est là.

Il n'est pas parti.

Il est là.


Je serre un peu plus fort ses doigts entre les miens et je souffle, la voix cassée et lente :

— Ne me laisse pas... S'il te plaît...


Puis, à nouveau,

écran noir devant mes yeux. 



- - - 

Merci pour tous vos retours sur le dernier chapitre. ♥︎ Je suis très heureuse de voir que des gens attendaient encore cette fiction malgré ma longue pause ! Bon, maintenant je ne sais pas si vous êtes satisfait-e-s de la tournure qu'elle prend (oups?)........ Dans tous les cas il y aura un chapitre dimanche prochain donc vous n'aurez pas beaucoup de temps à attendre pour savoir comment Louis va réagir... (Est-ce que vous avez envie de frapper H ?) 

Bonne fin de soirée et à la semaine prochaine. ♥︎

PS : Sachez que je suis en train de finir mon brouillon pour ma participation au Nanowrimo + au Christmas Challenge, donc en décembre - si tout se passe bien - il y aura une nouvelle fiction dont je posterai un chapitre par jour jusqu'au 24. 🎄

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