50. Divorce


– Short de bain ?

– J'ai.

– Vêtements plus chauds pour le soir et ton imper au cas où il pleut ?

– Inutile, mais j'ai aussi.

– Trousse de toilette complète, trousse de soin ? N'oublie pas de prendre ton traitement avec toi. Mets-le tout de suite dans ta valise !

Jungkook souffla lourdement.

– Maman, il est déjà dedans.

Ce que sa mère pouvait l'agacer... Il avait enfin réussi à boucler son bagage qu'elle s'était mise en tête de tout lui faire défaire pour en vérifier le contenu. Et bien sûr, c'était juste au moment où il prévoyait de se coucher. Insupportable ! Il était suffisamment grand pour préparer son voyage tout seul et il n'avait aucunement besoin de son aide. Surtout que sa patience n'était pas son point fort ces derniers temps. Ses migraines le frappaient à répétition depuis son malaise à l'école, ce qui le fatiguait beaucoup, en plus de le mettre en état de stress permanent.

Le départ pour Jeju était prévu demain et on ne pouvait pas dire qu'il avait hâte d'y être. Vivre pendant soixante-douze heures avec ses camarades, manger et dormir avec eux ? Ça ne l'enchantait pas le moins du monde. Il ne savait même pas pourquoi il s'encombrait de son short de bain. Ce n'était pas comme s'il aimait se baigner de toute manière, et encore moins comme s'il se plaisait à dévoiler son torse et ses jambes. Non, vraiment, rien ne lui laissait penser qu'il y aurait la moindre chance qu'il s'amuse.

– Mon lapin, prononça craintivement Hyemi.

Jungkook releva la tête et remarqua tout de suite le malaise sur son visage. Il se traduisait par ses lèvres pincées et ses yeux qui cherchaient les siens avec beaucoup d'appréhension. Quelque chose la troublait. Il décida de l'aider un peu.

– Qu'est-ce qu'il y a, maman ? demanda-t-il doucement.

C'était sans doute une des premières fois qu'il se montrait aussi bienveillant avec elle. Et peut-être était-ce ce qui encouragea Hyemi à poser sa question.

– Est-ce qu'il y aurait quelque chose... dont tu aimerais me parler avant que tu t'en ailles ?

Jungkook sonda son regard, suspicieux. Réflexion faite, ce n'était manifestement pas une question, plutôt une perche. Sa mère savait quelque chose et essayait de lui soutirer des informations. Le lycée l'avait sans doute contacté à cause de son passage à l'infirmerie.

– Dis moi ce que tu as à me dire, s'il te plaît, la poussa-t-il, sans pour autant paraître sec.

– D'accord, mais tu me promets de ne pas t'énerver ?

Jungkook se retint de grimacer. Cette conversation débutait mal. Très mal. Généralement, lorsque quelqu'un disait cela, il était clair que la personne en face aurait toutes les raisons du monde de s'énerver. Il souffla imperceptiblement, décidant de faire des efforts pour ne pas laisser transparaître son aigreur.

– Je te promets, marmonna-t-il.

– D'accord. Alors, j'ai voulu mettre un coup de propre dans ta chambre il y a quelques jours et...

– Quoi ?! Tu as fouillé dans ma-

Il s'interrompit brusquement, ferma fort les yeux et prit une profonde inspiration.

– Continue.

Hyemi hocha la tête, soulagée que son fils se soit repris.

– Je voulais juste ranger un peu ton bureau, expliqua-t-elle. Je n'ai pas pu m'empêcher de voir ce qu'il y avait dans le tiroir.

À cet instant précis, le cœur de Jungkook entama une course folle. Elle l'avait vue. Comment avait-il pu se montrer aussi imprudent ? Il aurait dû mieux la cacher. En même temps, jamais il n'aurait pensé qu'elle fouillerait sa chambre.

– J'ai attendu que tu viennes m'en parler mais...

Mais il ne l'avait jamais fait.

– Où as-tu eu cette enveloppe ? Depuis combien de temps l'as-tu ?

Les larmes lui montèrent aux yeux. Il baissa la tête pour échapper à la déception qu'il lisait dans ceux de sa mère.

– Pardonne-moi, maman, glapit-il. Je ne savais pas comment te le dire... Je ne savais pas comment aborder le sujet. Je ne voulais pas te décevoir, je ne voulais pas que tu souffres. J'étais juste... juste...

– Mon bébé, regarde-moi.

Hyemi prit son visage en coupe, l'incitant à le remonter pour la regarder.

– Oui, je suis déçue que tu me caches des choses, admit-elle. Mais je ne t'en veux pas. Je sais que tu ne voulais pas me blesser et c'est ce qui compte. Mais ce n'est pas ton rôle de me protéger, c'est le mien, tu comprends ?

Jungkook acquiesça, tout en essuyant sa joue du bout de sa manche. Puis elle reprit, plus fermement cette fois :

– J'aimerais savoir comment ces papiers te sont parvenus. Et ne me mens pas.

Le moment tant redouté arrivait enfin. Et aussitôt, les rôles s'inversèrent.

– Tu... Tu promets de ne pas te fâcher ? demanda Jungkook d'une petite voix.

Hyemi lui en fit la promesse. Alors, sans beaucoup de confiance, il se décida à lui avouer une bonne fois pour toutes ce qui l'avait tourmenté pendant ces dix derniers jours.

– Tu te souviens de mon dîner avec mes amis ? En fait, je t'ai menti. J'ai... J'ai vu papa.

Inquiet, il prit le temps d'étudier sa réaction avant de continuer. Hyemi avait la bouche entrouverte et les yeux ronds. Jungkook ne savait pas s'il était bon de poursuivre ses aveux, mais il en avait déjà trop dit pour reculer.

– Il m'a appelé quand Mike était encore là. Son... gars m'a vu dans la rue et c'est comme ça qu'il a su que nous étions rentrés. Je ne voulais pas le voir au départ ! ajouta-t-il précipitamment. J'ai écouté son message vocal dans lequel il m'invitait à dîner, soi-disant qu'il voulait rattraper le temps perdu. Mais j'ai fait la connerie d'accepter au bout de quelques jours.

Soudain, tandis que les traits de Hyemi se crispaient de plus en plus, son discours s'accéléra.

– Je voulais des réponses, maman ! Je voulais savoir pourquoi il nous avait abandonnés comme ça, et pourquoi il n'avait jamais cherché à me joindre. Je voulais entendre ses excuses et ses explications. Mais il s'est juste joué de moi, en fait ! Il m'a tendu un piège pour pouvoir me refourguer ses putains de papiers de divorce. Il a voulu faire de moi son pigeon voyageur et comme un abruti, je l'ai fait.

La honte le terrassait. Si bien qu'il ne parvint plus à soutenir son regard. Surtout que l'attouchement de monsieur Kim était en premier plan dans ses souvenirs de cette soirée et qu'il avait volontairement choisi de ne pas dévoiler cet horrible secret. Il refoula son frisson de dégoût, priant pour que ni son corps, ni ses yeux, ne le trahissent. Il ne voulait pas envisager la possibilité qu'elle soit mise au courant. Car, bien que calme en apparence, Hyemi était au bord de la crise de nerfs. Il y avait cette ride qui se creusait entre ses sourcils, celle qui apparaissait lorsqu'elle s'apprêtait à crier.

Jungkook n'eut pas à attendre beaucoup plus longtemps pour qu'elle explose enfin :

– Quel salaud, bon sang ! Mais quel salaud !

– Maman...

– Je ne voulais pas divorcer à l'époque car je savais que ça t'aurait posé des problèmes à l'école. Mais maintenant que tu es plus grand, je ne veux plus rien avoir à faire avec lui !

– Pour moi ? Pourquoi ça m'aurait causé des problèmes ?

Elle soupira fortement.

– Jungkook, le divorce n'est pas bien vu ici, tu le sais. Je ne voulais pas risquer de te mettre des camarades à dos en leur donnant une raison de te pointer du doigt.

Jungkook afficha ouvertement sa surprise. Il avait toujours pensé que ses raisons étaient purement égoïstes, comme toucher la pension alimentaire ou encore garder une mainmise sur son père, par exemple. Il n'aurait jamais cru que cela puisse être pour sa sécurité et il s'en voulut d'avoir vu les choses de la mauvaise manière. De s'être mépris sur les intentions de sa mère.

– Je ne veux plus jamais que tu l'approches, Jungkook, ni que tu me caches ce genre de choses, tu as compris ? S'il te recontacte, je veux que tu me le dises immédiatement. Ce n'est pas à toi de gérer ça.

– Je ne compte plus l'approcher, ne t'en fais pas, assura-t-il.

– Je l'espère. Car ton père n'est pas un homme fiable, et je ne veux pas qu'il te fasse du mal.

– C'est déjà trop tard pour ça, marmonna Jungkook, acerbe. J'aurais dû t'écouter quand tu m'as interdit de le voir y a des années.

– Et j'aurais dû me douter que tu ne le ferais pas. Tu sais, il y a beaucoup de choses que je ne t'ai pas dites sur ton père. Et peut-être que c'était une erreur de ma part mais...

Il l'interrompit d'un geste de la main.

– Ne dis rien, je sais. J'ai compris en grandissant, j'ai compris en le voyant la dernière fois. Le jour où il est parti de la maison, tu m'as dit que votre mariage n'avait été qu'une mascarade pour cacher à la société son homosexualité. J'en fais également partie, de cette mascarade, n'est-ce pas ? Il ne m'a jamais voulu, peut-être même jamais apprécié...

Hyemi lui sourit tristement et caressa son visage d'un geste tendre.

– Ton père... commença-t-elle, hésitante sur le choix de ses mots. Je ne doute pas qu'il t'ai aimé, et qu'il t'aime toujours, à sa manière. Mais je ne peux pas parler à sa place. Après tout, j'ai cru ses paroles pendant plus de vingt ans pour finalement me rendre compte que tout n'était que mensonge.

Elle prit sa main et la serra fermement. Sa voix, elle, se fit aussi douce que rassurante.

– Je vais signer ces papiers, Jungkook. Plus rien ne nous rattachera à lui. Il ne nous blessera plus, je te le promets.

Un baiser posé là sur son front et Jungkook ferma les yeux, secrètement surpris d'apprécier autant un geste qu'il ne supportait plus depuis longtemps venant d'elle.

– Tu devrais te coucher maintenant, tu te lèves tôt demain, souffla chaleureusement sa mère.

Un sourire étira ses lèvres tandis que ses yeux ne la quittaient pas lorsqu'elle quitta sa chambre en lui souhaitant bonne nuit.

Dès lors que la porte fut refermée, Jungkook soupira de soulagement. Le poids qui lui pesait sur le cœur depuis des jours avait disparu, et ça faisait un bien fou. Lui qui avait tant redouté la réaction de sa mère, qui s'attendait à ce qu'elle lui hurle dessus, se mette à pleurer ou bien encore le punisse, celle-ci avait encaissé la nouvelle avec bien plus de sang-froid qu'il ne l'avait fait. Et pour la première fois depuis longtemps, elle avait été le soutien maternel qu'il avait tant cherché, sans en avoir conscience.

Cela le faisait réfléchir à quelque chose. Peut-être qu'il arriverait lui aussi à faire son deuil comme sa mère l'avait fait. Après tout, certaines personnes s'en sortaient très bien avec une jambe, un bras ou un rein en moins, ce qui était dix fois plus handicapant.

Jungkook pouvait vivre sans un papa.


• • •「◆」• • •


Hey ! 

Ce soir, pas de long blabla, juste une mise en bouche : préparez-vous au décollage. Le voyage scolaire commence dès le prochain chapitre, et il risque d'être mouvementé ;)

À bientôt !

Astëlya

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