43. Haut-le-cœur



⚠ Présence de TW non-cité dans la NDA : vomissements



– Jungkook, tu vas bien ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

Un autre coup fit trembler la porte.

Hyemi ne saurait dire combien de fois elle avait abattu son poing dessus. Tout ce qu'elle pouvait affirmer était que chaque appel laissé sans réponse accentuait son angoisse.

– Chéri, parle-moi, supplia-t-elle. Je m'inquiète !

Il y a quelques minutes encore, elle était tranquillement en train de se préparer une tisane dans la cuisine. À présent, elle s'acharnait contre une porte, complètement désemparée. Jungkook était rentré à la maison et avait couru à l'étage pour s'enfermer dans la salle de bain sans lui fournir d'explication. Il ne lui avait pas adressé le moindre mot ou regard.

Elle se maudissait. Jamais elle n'aurait dû l'autoriser à manger dehors avec ses camarades de classe. Qu'est-ce qui lui avait pris ? Elle avait été imprudente !

L'eau coulait en trombe dans le lavabo et dans la douche. Elle en devinait parfaitement la raison.

Qu'avait-il pu se produire pour que son fils soit dans un pareil état ?

Lui avait-on fait du mal ?

Et si l'enfer recommençait ?

Ses craintes se multiplièrent soudain et elle redoubla d'effort.

– Jungkook, ouvre cette porte ! ordonna-t-elle cette fois.

Elle tambourina encore et encore, sans savoir que Jungkook ne l'entendait même pas.

La tête au-dessus de la cuvette, il n'entendait que le bruit répugnant de ses régurgitations mêlé à celui de ses sanglots. Le souffle lui manquait, les larmes dévalaient ses joues et irritaient sa peau. Il avait mal, sa gorge le piquait comme s'il avait avalé un million d'aiguilles. Or il n'avait dégusté ce soir qu'un amer festin d'hypocrisie et de manipulation.

Comment avait-il pu croire une seconde en cet homme ?

La réponse était tristement évidente. Au fond de lui, il avait espéré. Ou plutôt, le petit garçon caché dans les multiples facettes de sa personne avait espéré de tout son cœur. Cette âme d'enfant qui, pendant des années, avait attendu silencieusement le retour de son père sans jamais se l'avouer.

Enfoiré ! Il n'était qu'une merde. Jungkook lui en voulait tellement.

Tu n'es qu'une merde toi aussi, Jeon Jungkook ! Il s'en voulait tellement plus encore. Jamais il n'aurait dû aller à ce dîner.

Naïf !

Faible !

Proie facile !

Un nouveau haut-le-cœur s'empara de lui et la remontée acide jaillit d'entre ses lèvres gercées. Sa main frottait sa jambe sans relâche. Une réaction viscérale ; la sensation du toucher de l'autre continuait de brûler les cellules de son corps, de sa peau, comme un liquide abrasif. Il pouvait bien vomir de tout son soûl, rien n'arriverait à faire disparaître son dégoût tant celui-ci était profond.

Il aurait aimé que tout ceci ne soit qu'une bonne blague ou un de ses affreux cauchemars. Dieu comme il souhaitait se réveiller ! Mais peu importe le nombre de fois qu'il fermait les yeux, il se trouvait toujours au même endroit lorsqu'il les rouvrait.

Et les souvenirs de ce qui s'était produit, quelques heures plus tôt, ondoyaient dans son esprit...


La maison de son père.

Il y était, au pas de la porte, telle une statue de marbre. Son visage pâle était figé, seuls ses yeux bougeaient. Frénétiques, ils se posaient sur tout ce qu'ils croisaient, s'accrochant au moindre détail à analyser, à répertorier dans sa mémoire.

Pas d'étage ; maison de plain-pied. Deux fenêtres sur la façade avant, un auvent en bois au-dessus de chacune d'elles. Une fissure naissante au pied de la gouttière rattachée au toit. Une brindille sur la deuxième marche du perron...

Il n'y avait absolument rien d'intéressant ou de potentiellement utile à retenir, si ce n'était l'avantage que représentait l'absence d'étage (en cas d'extraction d'urgence, il pourrait passer par la fenêtre sans avoir à sacrifier une jambe ou un poignet, ce qui était bon à savoir).

En somme, la maison était tout ce qu'il y avait de plus banal. Ni appréciable, ni détestable. Ni petite, ni grande. Ni accueillante, ni repoussante. Jungkook ne s'était pas attendu à ce qu'elle soit aussi quelconque. À vrai dire, il n'avait eu aucune attente. Jamais il n'avait imaginé à quoi pouvait ressembler la maison de son père, pour la simple et bonne raison qu'il n'avait jamais prévu de la voir un jour.

Tout comme il n'avait jamais prévu de changer d'avis et de suivre le conseil de Mike.

– Il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis... Mes fesses, oui, jura-t-il entre ses dents.

La main suspendue dans le vide à quelques centimètres de la sonnette, il était dans l'incapacité d'annoncer sa présence. Il s'était pourtant cru suffisamment robuste pour surmonter cette épreuve au moment d'envoyer un message à son père. De toute évidence, il avait surestimé son courage.

Qu'est-ce qui lui avait pris d'accepter ce dîner ? Il avait tellement craint que les regrets ne le hantent plus tard s'il ne venait pas qu'il n'avait pas anticipé ceux qui le hanteraient dès l'instant où il viendrait. Quelle ironie ! Il ne savait même pas de quoi ils allaient pouvoir parler tant il y avait de sujets à ne pas aborder.

Le souffle coupé, il ferma les yeux pour se calmer et le visage de Taehyung s'imprima sous ses paupières. Taehyung qui lui sourit. Taehyung qui le berce dans ses bras. Taehyung qui lui murmure tout bas :

« Tout ira bien, respire. »

Il s'accrocha de toutes ses forces à cette représentation et s'obligea à respirer.

1... 2... 3...

Quand il estima être enfin prêt, au bout d'une trentaine d'inspirations, il tendit l'index vers le bouton et appuya dessus. Il regretta presque aussitôt son geste, réalisant qu'il n'était finalement pas prêt du tout.

Trop tard.

La boule dans son ventre doubla de volume et son souffle se coupa une seconde fois tandis qu'il patientait. Dans un premier temps, le silence fut total. Puis il se ponctua de bruits de pas approchant de l'entrée, et la porte ne tarda pas à s'ouvrir sur un homme d'une cinquantaine d'années, au crâne légèrement dégarni et doté d'un certain embonpoint.

– Oh, mais c'est le petit Jungkook !

La voix de l'homme était joyeuse et accueillante, tout comme son sourire semblait sincère. Pourtant Jungkook se raidit lorsqu'il ressentit le besoin irrépressible de lui échapper, de le fuir à toutes jambes.

Qui était cette personne ?

Pourquoi réveillait-elle ainsi son instinct de survie ?

Pourquoi son visage lui était-il étrangement familier ?

– Chéri, ton fils est là ! cria l'homme vers la porte. Allons, qu'est-ce que tu attends pour entrer ? ajouta-t-il ensuite à Jungkook. Je ne vais pas te manger, tu sais.

Jungkook ne put répondre. Le poil des bras hérissé et l'échine frissonnante, il avait oublié le fonctionnement de ses cordes vocales et de ses pieds. Le regard torve qui dégoulinait sur son corps le cristallisait.

Fuir...

Fuir...

Fuir, fuir, fuir !

Sa conscience lui hurlait de faire demi-tour, de ne plus jamais revenir près de cette maison. Mais lorsque la silhouette svelte et élancée de son père fit apparition dans son champ de vision, plus rien autour de lui n'eut raison d'exister. Ni ses doutes, ni ses peurs, ni son alarme intérieure. En une seconde seulement, ses émotions prirent le dessus et l'envie de sauter au cou de son papa comme un enfant en manque le saisit.

Mais il entendit :

– Tu ressembles de plus en plus à ta mère...

Cela n'était pas un compliment de la part de son père, c'était une critique. Jungkook connaissait ce rehaussement de sourcil méprisant. Alors il garda les pieds bien ancrés au sol.

– Effectivement, il ne tient pas beaucoup de toi ! enchérit l'homme à ses côtés. T'es sûr que c'est le tien ?

Celui-ci se mit à rire. D'un rire aussi gras que sa bedaine. En l'entendant, Jungkook éprouva une forte envie de pleurer. Il gratta nerveusement la peau de son poignet pour se contenir et fit au mieux pour ne rien montrer.

On l'invita à entrer.

Contrairement à l'extérieur, il ne prit pas le temps de passer en revue la décoration du vestibule. Ne souhaitant pas s'attarder dans un espace aussi restreint, il garda la tête baissée vers le sol et se débarrassa de ses chaussures avant de se laisser conduire jusqu'à la salle à manger.

La table y était déjà dressée. On pouvait voir dessus plusieurs plats d'accompagnement, certains froids, d'autres fumants. Son père lui indiqua une chaise pour qu'il prenne place puis s'installa face à lui, à droite de son conjoint.

– On ne va pas traîner, tu as école demain.

Jungkook acquiesça docilement sans ouvrir la bouche. Il n'avait pas prononcé un mot depuis son arrivée, marquant un silence volontaire pour les autres, qui ne faisait cependant qu'amplifier le vacarme infernal qui éclatait dans sa tête. Son esprit était saturé de pensées et de murmures oppressants, de questions, de méfiance, d'avertissements.

M. Jeon se pencha tout à coup pour lui servir une assiette. Jungkook dévia la tête pour éviter son regard mais croisa involontairement celui de l'homme à la place. Sa gorge se noua. La même lueur impure logeait au fond de ses yeux.

Pourquoi le fixait-il depuis tout à l'heure ? Que lui voulait-il ? À quoi pouvait-il penser en le dévisageant de cette manière ?

Jungkook était dérangé, mal à l'aise. S'il pouvait seulement disparaître de sa vue, devenir invisible ou se téléporter...

Son attention glissa inconsciemment sur la fenêtre.

– Tu te rappelles de moi ?

Il sursauta brusquement, la question le ramenant directement à table. Il réalisa alors avec dépit que la fenêtre n'était pas une option dans l'immédiat. Il ne pouvait pas disparaître, ni devenir invisible, ni se téléporter. Il ne pouvait pas fuir. En revanche, il pouvait répondre, donner satisfaction à l'homme en espérant qu'il se désintéresse de lui par la suite.

Il se força donc à le regarder une autre fois, prenant sur lui pour le supporter quelques secondes avant de déclarer forfait. Cela ne servait à rien, il ne se rappelait pas de lui. La seule chose qu'il avait pu discerner en arrivant était son nom de famille affiché à côté de celui de son père sur la boîte aux lettres.

– J-je...

Il déglutit.

– Excusez-moi, M-monsieur Kim... ma mémoire est... m-mauvaise.

Il baissa la tête, ulcéré par sa propre honte. Il venait de bégayer. Il venait de se montrer faible. Les doigts cramponnés à son pantalon, il lutta pour contenir les tremblements de ses jambes tout en se maudissant.

Si seulement quelqu'un pouvait l'aider.

« Je t'en supplie, papa, fais quelque chose... », pria-t-il avidement .

Son abandon, son absence, ses remarques, son inconsidération... Il était prêt à tout lui pardonner, à condition qu'il le sorte de là. Mais lorsqu'il posa discrètement les yeux sur lui, une solitude sans limite l'envahit. Son père avait l'air gêné. Il avait l'air gêné alors qu'il tapotait sa tempe du bout de son index.

« Pardonne-le, il n'a pas toute sa tête. » C'était le message qu'il semblait mimer à son conjoint, pensant que Jungkook ne le verrait pas. Mais il le voyait, et il aurait voulu lui dire que non, il n'était pas fou, qu'il était simplement amnésique et que ce n'était pas sa faute. Il aurait voulu le lui crier haut et fort.

Mais le sujet bascula avant qu'il n'ait la chance de retrouver sa voix.

– Alors fiston, toujours un champion à l'école ? Je me rappelle que tu as toujours été doué pour les études.

– Je... me débrouille, murmura-t-il, la gorge sèche.

Il n'avait pas une once de courage.

Dégouté de lui-même, il s'empara de la bouteille d'eau pour se servir un verre, prenant soin cette fois d'éviter tout contact visuel avec les deux adultes.

– Ne sois pas modeste, insista M. Jeon. On sait tous les deux que ce n'est pas de ta mère dont tu as hérité l'intelligence.

Sa main se stoppa dans son geste et la moitié de l'eau tomba sur la table. Il s'empressa de l'éponger avec sa serviette, redoutant qu'on lui fasse une réflexion.

– Tu as bien de la chance d'avoir un fils comme Jungkook, enchérit M. Kim sans prendre en compte sa maladresse. Le mien est con comme un manche à balais. Il n'en fout pas une et sabote ses études.

– T'es dur avec lui ! C'est un bon garçon.

– Plus jeune, il était bon, oui.

– Ah, les enfants ne grandissent jamais comme on le voudrait. D'ailleurs, ça me fait penser... Ils étaient dans le même collège, Jungkook et lui. C'est drôle comme coïncidence !

– C'est vrai, maintenant que tu le dis ! Ils...

Jungkook décrocha brièvement de la conversation. Quelque chose venait d'effleurer son mollet. Perplexe, il attendit. Puis, ne percevant rien d'autre, mit ça sur le compte de son imagination.

Mais le mouvement se répéta, plus franchement cette fois. Il se débarrassa alors de son verre qu'il était en train de boire pour se concentrer pleinement sur la sensation.

Il ne mit pas longtemps à comprendre de quoi il s'agissait.

C'était un pied.

Un pied déchaussé qui remontait lentement le long de sa jambe.

Soudain paralysé, son regard effaré se joignit craintivement à celui de M. Kim, et le sourire qu'il découvrit, à première vue bienveillant, lui coupa si violemment la respiration qu'il manqua de se recroqueviller sur lui-même.

Fébrile, il chercha de l'aide auprès de son père tandis que les frottements s'accentuaient, mais ce dernier avait le visage plongé sur son assiette. Le pauvre M. Jeon n'avait pas la moindre idée de ce qui se tramait sous la table. Pas la moindre idée des orteils qui caressaient la cuisse de son fils dans le plus grand des secrets.

Au bord de l'écœurement, Jungkook ne parvenait pas à bouger. Les ongles plantés dans son jean, il était prisonnier de son propre corps, condamné à subir, telle une âme enfermée dans une coquille soudée.

Tout changea cependant lorsque l'extrémité de l'autre approcha de son entrejambe. La panique déferla en lui comme une vague d'acide, et il recula subitement sa chaise, les nerfs à vif, provoquant un bruit strident ainsi que la surprise des deux adultes.

Sous leurs yeux ronds, il se mordit la lèvre à l'en faire rougir, et demanda, dans un effort incommensurable :

– Les... Les toilettes ?

– Sur la gauche, au fond du...

M. Jeon n'eut pas le temps de finir que Jungkook se précipitait déjà en direction du couloir, dans tous ses états et l'esprit en fusion.

Qu'était-il en train de se passer ?

Qu'était devenu son père ?

Quelle sorte de personne malsaine partageait sa vie ?

La porte de la salle de bain claqua bruyamment derrière lui. Il s'adossa au mur, haletant, et son regard tomba sur ses mains tremblantes.

« Pourquoi tu restes, Jungkook ? Le père que tu as connu est mort. Va-t'en ! Il ne t'a même pas défendu. »

– Va-t'en, souffla-t-il pour lui-même.

« Peut-être qu'il n'a pas vu. Il aurait forcément dit quelque chose s'il avait vu. Ou alors il s'en fiche ? Peut-être qu'il sait et qu'il cautionne. Vraiment ? Impossible ! Il n'est pas comme ça. »

Ses pensées s'entrechoquaient et lui donnaient le tournis. Tout s'agitait autour de lui. Il approcha du lavabo pour rencontrer son reflet dans le miroir, et ses yeux s'enfoncèrent dans ceux de son double, comme s'il cherchait à le consulter.

« Et si j'avais tout imaginé ? Et si j'étais vraiment fou ? »

Non. Le pied de M. Kim, il le sentait encore sur lui, sur sa cuisse, dans sa chair. Il n'avait rien imaginé. Tout s'était bel et bien produit.

Le cœur au bord des lèvres, il tenta de faire passer la nausée en aspergeant son visage d'eau froide.

Respirer. Avant tout, respirer.

Ensuite, agir comme si de rien n'était, et partir le plus vite possible. C'était la meilleure chose à faire.

Ne voulant pas que son absence paraisse suspecte, et ne souhaitant faire encore plus l'objet de remarques dégradantes, il quitta la salle de bain et rejoignit sa place, interrompant involontairement les messes-basses des hommes.

Un détail qu'il n'avait jusqu'alors pas remarqué lui sauta aux yeux.

– Jungkook, nous avons quelque chose à te...

– C'est quoi, ça ? l'interrompit-il brusquement en désignant le bijou brillant autour de son annulaire osseux.

Cette question lui trancha presque les lèvres en les quittant. M. Jeon ne sembla pas se formaliser de sa virulence, car il répondit avec une neutralité exemplaire.

– C'est exactement pour cela que je t'ai fait venir. Joonho et moi avons prévu de nous marier à l'étranger dès que possible. Bien entendu, tu es convié.

Jungkook n'en crut pas ses oreilles. Cela devait être une blague qu'il lui faisait, et pas n'importe laquelle, une de très mauvais goût. Pendant une poignée de secondes, il attendit la chute, le rire qu'on se force à sortir quand notre boutade tombe à l'eau, mais rien ne vint. Il ne blaguait pas.

Sa vue se troubla tout à coup et son pouls s'accéléra. La peur enfla dans sa poitrine en reconnaissant les premiers signes de crise. Il s'efforça de garder le contrôle de sa respiration, l'idée de perdre connaissance en leur présence lui étant insupportable. S'était-il déjà senti aussi effrayé auparavant ? Avait-il déjà craint autant pour sa vie ? Pourquoi même craignait-il pour sa vie ? C'était ridicule !

– P-pourquoi... v-vien... drais-je ? parvint-il à prononcer.

– Parce que tu es mon fils, Jungkook. N'est-ce pas le devoir d'un enfant d'être présent pour son père ?

Jungkook resta interdit pendant que les larmes lui montaient aux yeux.

– Et... Et toi ? Q-quand as-tu... fais ton devoir de père ? Tu n'es même pas v-venu me voir à... à l'hôpital...

– À l'hôpital ? Jungkook, enfin ! Tu crois que c'est facile de poser des jours de congés ? Et puis, tu n'es jamais venu me voir non plus avant ça, je te rappelle ! Tu ne m'as même pas prévenu avant de quitter la Corée.

C'en fut trop. Jungkook ne put en encaisser davantage. Il se leva en reniflant mais ses jambes menacèrent de le lâcher. Il fit un terrible effort pour rester debout.

– Je... Je te hais t-tellement, lâcha-t-il du bout des lèvres.

Les larmes qui s'écrasaient dans son assiette comme de la pluie faisaient bien plus de bruit qu'en avait fait son murmure. Titubant, il s'essuya les yeux avec sa manche et quitta la table pour se rendre dans le vestibule.

À la hâte, il enfila ses chaussures sans prendre le temps de les lacer. Sa seule urgence était de partir d'ici. C'était son seul besoin. Sa nouvelle obsession. Mais avant qu'il n'eut atteint la porte d'entrée, son père se présenta derrière lui avec une large enveloppe.

– Les papiers pour le divorce, annonça-t-il en la lui tendant. Dis à ta mère que j'ai été assez patient et que je ne compte plus gâcher une seconde pour elle. Je ne peux pas me marier tant que je le suis toujours officiellement à elle, alors elle a intérêt à les signer.

Jungkook récupéra le dossier d'une main tremblante alors que toutes les pièces s'assemblaient pour prendre forme. Alors c'était ça, la raison de sa présence. Son père n'avait jamais été dans l'optique de rattraper le temps perdu, il s'était juste servi de lui comme intermédiaire.

Cette vérité sécha ses dernières larmes et sa tristesse mua en une haine colossale. Une haine qui, sans prévenir, le consuma tout entier et brouilla son esprit, faisant naître en lui des instincts malveillants.

Meurtriers.

Jungkook n'était pas de nature violente. Jamais il n'avait blessé qui que ce soit, jamais il ne s'était battu avec qui que ce soit. Mais il détestait être manipulé encore plus qu'il détestait être faible. Et cet homme, là, juste devant lui... il voulait lui faire du mal. Il voulait l'étrangler, le défigurer pour qu'on ne puisse plus le reconnaître. Il voulait volontairement le blesser, le faire taire, disparaître.

Il ne fit rien de tout ça. Plutôt, il contint ses pulsions en plantant ses yeux assassins dans les siens, et de façon incontrôlée, lui cracha d'une voix qu'il ne se connaissait pas des mots qu'il pensait en revanche jusqu'au plus profond de son être :

– Si seulement tu pouvais crever...

Et pour la première fois de sa vie, Jungkook eut peur de lui-même.


• • •「◆」• • •


Bonsoir !

J'espère que la lecture de ce chapitre n'a pas été trop difficile (il a en tout cas été pour moi très difficile à réécrire). Sachez que c'est loin d'être la pire scène de l'histoire, malheureusement.

Je pense que de nouvelles théories vont fourmiller dans votre esprit à partir de maintenant. Ne cogitez pas trop, car vous n'aurez pas fini de le faire !

On se retrouve pour le prochain chapitre.

Astëlya


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