15. Panique



Avant un déménagement, il y a beaucoup de choses auxquelles il faut penser. Il faut donc savoir se montrer pragmatique. Tandis que certains décidaient de leur localisation en fonction de la météo, des écoles ou bien encore du prix de l'immobilier, la mère de Jungkook, elle, avait basé ses recherches sur un seul critère : le psychologue qui prendrait la relève du Dr. Kang. C'était ainsi qu'elle avait trouvé un homme à la voix doucereuse qui exerçait dans un hôpital de Londres.

 Tu peux me dire tout ce qui te passe par la tête. Il n'y a que toi qui ait le pouvoir de retrouver tes souvenirs. Moi, je ne suis que le médiateur entre ton subconscient et ton inconscient. Mais pour cela, il va falloir que tu me parles et me fasses confiance si tu souhaites que ça marche.

L'homme en question était un Dr. Kang version anglaise. Il était donc la « relève ». Ou plutôt, il était « Dr. Thomas J. Anderson, thérapeute spécialisé en psycho-traumatologie et victimologie », de son intitulé exact. Enfin, si on en croyait le petit écriteau sur la porte d'entrée du bloc de consultation n°9.

Mais peu importait comment il s'appelait. Peu importait quel était le numéro de son bureau. Jungkook ne l'aimait pas. Il n'aimait pas la manière infantilisante qu'il avait de lui parler. Il n'aimait pas son timbre mielleux qui lui donnait l'horrible sensation d'avoir du sucre collé à sa gorge. Il n'aimait pas le fait qu'il veuille le forcer à discuter. Il ne l'aimait pas, pour la simple et bonne raison qu'en ce moment, il n'aimait personne.

Depuis qu'il s'était réveillé à l'hôpital, tout était devenu difficile pour lui. Il avait du mal à garder sa lucidité et il oscillait entre léthargie et hystérie. Il agissait pour la plupart du temps comme un fantôme errant sans but. Il était dévitalisé, confus. Mais il suffisait d'un rien pour transformer cette confusion en irritabilité, et cette irritabilité en angoisse ; un son, un geste, une sensation ou encore une odeur... Il ne suffisait également que d'un instant pour rendre cette angoisse si étouffante qu'il finissait par céder à la panique. 

Son nouveau psychologue en avait plus d'une fois fait les frais. Jungkook devait au moins lui reconnaître une qualité : il avait la patience d'un saint. Cela faisait maintenant trois semaines qu'il le consultait et il n'avait toujours pas décroché un mot.

À chaque séance, c'était la même histoire. À chaque séance, le Dr. Anderson faisait la conversation tout seul, essayait de pénétrer son esprit jusqu'à ce qu'il touche une de ses cordes sensibles et s'acharne dessus. Et à chaque séance, le garçon finissait recroquevillé au sol, pleurant, hurlant, le suppliant d'arrêter. 

Aujourd'hui, cependant, fut différent. Aujourd'hui, Jungkook en avait marre de se faire malmener sans rien dire en retour. Il voulait lui faire fermer sa bouche. Alors, il se leva de son fauteuil et regarda son psychologue d'un œil mauvais, les poings serrés contre ses cuisses.

 Je ne veux pas que ça marche, je ne veux pas parler et je ne veux pas me souvenir. Il y a quoi que vous ne comprenez pas ?

L'Irritabilité ; il la sentait bouillir sous son épiderme, couler jusque dans ses veines.

 Laissez-moi tranquille ! reprit-il plus fortement.

 Jungkook, assieds-toi, s'il te plaît. Je ne veux pas te faire de mal mais simplement t'aider.

L'homme quitta à son tour son fauteuil et commença à contourner le bureau, les paumes en l'air devant lui en gage de paix.

 Ne m'approchez pas ! s'écria Jungkook en esquissant un mouvement de recul.

Un frisson de crainte traversa son regard. 

 Vous allez me faire du mal, v-vous aussi... Vous mentez... Vous voulez me faire du m-mal comme eux ! 

Le Dr. Anderson se stoppa et demanda prudemment :

 Comme qui, Jungkook ?

C'était la première fois que son patient mentionnait son traumatisme.

 Non ! Je ne veux pas me rappeler. Non... s'il vous plaît...

 Qui t'a fait du mal ? insista-t-il d'une voix étonnamment douce. Est-ce qu'ils étaient deux ? Trois ?

 Je... Je ne sais pas... Arrêtez...

Jungkook continua de le supplier dans des souffles brisés. Son corps s'était mis à trembler comme une feuille. Il s'attrapa les bras avec force, plantant ses ongles dans ses plaies cicatrisées pour supprimer les spasmes. Il voulait se contenir mais il n'y arrivait pas. Il était terrifié.

 Tu dois contrôler ta peur. Tu es en sécurité ici, Jungkook. Ne réfléchis pas, laisse ta parole se libérer. Ces cicatrices sur tes bras, qui te les a faites ? Est-ce toi, ou quelqu'un d'autre ? 

 Je ne sais pas... Je ne sais pas...

Ton corps parle et te donne tout un tas d'indices, Jungkook. Tu dois l'écouter.

– Taisez-vous !

Jungkook se boucha les oreilles pour faire taire la voix qui essayait de s'infiltrer dans son esprit. Des gouttes de sueurs perlaient de ses cheveux, glaçant son front brûlant à chaque passage. Son cœur battait si puissamment qu'il aurait pu lui déchirer la poitrine. Son pouls, qu'il entendait résonner dans sa boîte crânienne, lui donnait des vertiges. 

À bout de force, il se laissa tomber à genoux et se roula en boule.

L'Angoisse ; il suffoquait.

 Ne me faites pas de mal... Ne me faites pas de mal...

Il murmura cette phrase sans relâche, le visage inondé de larmes, balançant son corps d'avant en arrière et les mains posées à plat sur ses oreilles.

Conscient de son état, le docteur fut contraint de s'arrêter là. Trop forcer la mémoire d'un patient pouvait s'avérer dangereux, il risquerait sans le vouloir de lui faire des dégâts irréversibles. Il avança alors une fois de plus vers lui, dans le but de le redresser, mais lorsque ses mains se posèrent sur ses épaules, le garçon se débattit avec une hargne incontrôlée. 

– Non !

Jungkook lutta pour s'échapper et ses doigts se perdirent dans ses cheveux. Il les attrapa, les tira violemment sans remarquer les mèches qu'il arrachait progressivement.

 Ne fais pas ça ! Je t'en supplie, arrête ! Tu me fais mal !

Il ne s'adressait plus à son thérapeute. Il avait perdu toute notion de la réalité. Il avait perdu pied. Les yeux écarquillés d'effroi, il hurlait à s'en détruire la gorge pendant que ses ongles commençaient à griffer son visage, son cou et son corps, mettant sa peau à sang. Alarmé, le Dr. Anderson se précipita vers son bureau pour attraper le téléphone.

 Envoyez de suite une équipe de soin au bloc 9, ordonna-t-il d'une voix grave dans le combiné.

L'obscurité envahit soudain Jungkook. Sa tête s'écrasa sur la moquette et il sombra dans l'inconscience, au même moment où la porte du bureau s'ouvrait à la volée.

La Panique ; il y avait encore cédé.


• • •「◆」• • •


Hello ! Bon, c'est pas très réjouissant tout ça, j'en conviens. Mais c'est important de voir dans quel état psychologique était Jungkook à l'époque, car même si aujourd'hui il se reconstruit doucement, il revient de très loin. 

(Pour ceux qui lisent la fic pour la première fois, retenez bien le nom du doc' de Jk, il pourrait vous sembler familier d'ici quelques chapitres héhé)

Bref- comment allez-vous, sinon ? Moi, je m'apprête à commencer une semaine de six jours sans repos, je pleure rien qu'en y pensant. Et dire que ce sera pareil celle d'après, pfff... Vivement mes prochaines vacances.

Astëlya

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