40. Répondeur
Le claquement de la porte d'entrée tira Jungkook de son sommeil. Les paupières collées, il se redressa dans son lit en s'accompagnant d'une série de grognements. Sa nuque était raide, sa tête lourde. Il détestait cette sensation qui frappait certains matins, celle d'avoir dormi dans un rouleau compresseur.
Une paire de pieds écrasa violemment les marches de l'escalier et la porte de la chambre rencontra soudainement le mur dans un bruit retentissant.
– Allez, Prince des glaces, on se réveille !
Jungkook reprit ses grognements. La voix de Mike était sans doute la moins recommandée si l'on espérait un réveil doux et délicat.
– Hmph... d'jà... veillé, grommela-t-il, la bouche pâteuse.
– Il est midi, Jay, sors du lit !
Il ouvrit difficilement les yeux et se décrocha la mâchoire dans un bâillement sonore. Puis vint le craquement de sa nuque, qu'il bascula à droite puis à gauche avant d'étirer les bras au-dessus de sa tête.
– T'étais où ? demanda-t-il en se relâchant.
– En balade.
– T'aurais dû me réveiller !
Il se frotta une nouvelle fois les yeux tandis que Mike s'asseyait sur le bord du lit.
– Je n'ai pas voulu. Je sais que tu as passé une sale nuit.
– Je m'en fous. J'aimerais profiter de toi au maximum.
Mike ne put s'empêcher de sourire. Avec son air encore endormi, ses yeux bouffis, ses cheveux en pagaille et sa bouille pleine de traces d'oreillers, Jungkook était la réplique parfaite de l'enfant à qui l'on voudrait pincer les joues en babillant.
– T'en fais pas, il nous reste encore du temps. D'ailleurs, ça te dit un après-midi drama dans le canapé ? J'ai acheté des popcorns.
Jungkook pouffa.
– Avoue qu'elles te manquaient, nos journées séries à l'eau de rose !
– T'as pas idée ! Bon, je te laisse te lever tranquillement pendant que je prépare tout dans le salon.
– Hm ! Je te rejoins dans cinq minutes.
Mike entreprit de se lever mais se laissa retomber sur le matelas. Il prit le visage de Jungkook entre ses mains et accrocha ses prunelles aux siennes, lui transmettant à travers ce regard son affection immense.
– Tu sais à quel point tu comptes pour moi, Jay, hein ?
Jungkook plissa les yeux sans comprendre. Cette question sortie de nulle part le rendait perplexe. Dans sa tête, il songea à sortir une blague pour briser cet élan d'amour qu'il ne savait pas comment interpréter, jusqu'à ce qu'il entende :
— Tu sais que je t'aime autant que mon propre frère, n'est-ce pas ?
La mention du frère défunt de Mike lui coupa instantanément l'envie. Ce n'était pas le bon moment pour se moquer de lui ou le rejeter.
Plus troublé encore fut-il, Jungkook acquiesça sans un mot, et Mike lui ébouriffa les cheveux.
– Bien, lui souffla-t-il. Je t'attends en bas, prends ton temps.
Il sourit tendrement à Jungkook et quitta la chambre d'un pas pressé sans oublier de fermer la porte derrière lui. Mais au lieu de se rendre à l'étage inférieur, il se laissa retomber contre celle-ci, les poings serrés et le regard vide.
Les paroles de Jimin résonnaient encore dans sa tête. Cruelles, bouleversantes.
Au fond, Mike s'en était toujours douté, sans jamais réellement vouloir y croire. Peut-être que son père était déjà au courant depuis longtemps, mais tenu au secret professionnel, il ne lui en avait jamais parlé.
De toute façon, que pouvait-il y faire ?
Lui, Mike, petit humain insignifiant, minuscule poussière dans l'univers. Que pouvait-il faire contre cette vérité qui le dépassait ? Que devait-il faire de cette information ? Comment pouvait-il la gérer, que pouvait-il faire pour Jungkook ? De quelle manière pouvait-il lui apporter son aide et son soutien, maintenant qu'il savait ?
Sous ses paupières, le visage de son petit frère n'avait jamais cessé de lui sourire. Il l'aidait à surmonter les peines et les douleurs, chaque fois qu'il les fermait. Mais pour la première fois depuis qu'il avait fait son deuil, Mike se sentait submergé. Son estomac était sens dessus-dessous. Lui, dont le mental avait toujours été d'acier, aujourd'hui il lui semblait n'être qu'un morceau de verre fragile et cassant.
L'histoire risquait-elle de se répéter ? Il avait si peur que cela se produise.
Seul dans ce couloir tapissé d'ombre et le visage trempé, il laissa éclater des sanglots silencieux. Les larmes qu'il avait tant retenues devant son ami roulaient désormais librement. Des larmes d'une tristesse diluée au dégoût.
Il en voulait à l'Homme d'avoir fait autant souffrir ces êtres si chers à ses yeux ; il en voulait au Ciel et à la Terre de ne pas avoir su les protéger.
Il s'en voulait à lui.
Il en voulait au monde entier, tout simplement.
**
– Mais tu es stupide ou quoi ?! Tu vois bien qu'il est pas net ce gars. Éloigne-toi de lui tout de suite !
Cela faisait vingt bonnes minutes que Mike s'excitait tout seul devant l'écran télé. C'était ainsi dès qu'il regardait des dramas. Il ne cessait de commenter tout ce qui se passait et de s'adresser aux personnages, comme si ces derniers pouvaient l'entendre, coincés dans leur prison de pixels colorés.
Jungkook avait l'habitude de ses débordements d'émotions. Cela ne l'empêchait pas cependant d'avoir les oreilles qui bourdonnaient.
– Calme-toi, ce n'est qu'une série.
– Tu ne comprends pas, Jay ! Ce n'est pas qu'une série ! Il s'agit de la vie de cette pauvre gamine et elle va se faire avoir comme une bleue, tout ça à cause du beau sourire de Sungjae ! Je te le dis, ce flic est trop louche pour moi.
C'était ça, le problème avec Mike : il avait toujours trois coups d'avance sur le scénario. Contrairement à Jungkook qui aimait se laisser surprendre (il n'y avait bien que dans le cinéma qu'il en était ainsi), lui devinait toujours tout. Il lui suffisait d'un regard tordu, d'un sourire en coin ou d'une phrase sortie du lot pour déterminer qui était le méchant de l'histoire, qui allait mourir, et qui allait s'en sortir. C'était parfois un peu agaçant.
– Tu ne t'es jamais dit que, si ça se trouve, nous étions nous-même dans une série sans le savoir ? Ou alors dans un livre ?
Jungkook haussa un sourcil. Le temps d'un instant, il fut tenté de se moquer, mais il se rappela s'être fait une réflexion similaire quand il était plus jeune. Parfois, lorsque son regard se perdait dans le ciel hivernal et que les flocons glacés virevoltaient devant ses yeux, il se disait que, peut-être, sa vie était enfermée à l'intérieur d'une grosse boule à neige que l'on venait de retourner.
L'écran de son téléphone s'alluma. Il le vit du coin de l'œil et se pencha sur la table basse pour le récupérer.
Un appel en absence et un message vocal ? Zut ! Il avait encore oublié d'enlever le mode silencieux en se levant.
Le numéro ne lui disait rien et personne ne connaissait le sien à part ses amis. Il aborda une mine suspicieuse et consulta sa messagerie pour savoir de qui il s'agissait. Tout en se faisant, il mit l'épisode sur pause, son portable coincé entre son oreille et son épaule.
"Vous avez un nouveau message..."
— Désolé Mike, j'arrête deux minutes.
"Aujourd'hui, à 14h56..."
Jungkook reconnut la voix de la personne dès la première seconde. Son sang déserta son visage.
– Qu'est-ce que...
Il n'eut pas le temps d'en écouter plus qu'une brûlure semblable à une décharge électrique le fit jeter le téléphone à ses pieds. L'objet rebondit deux fois sur le sol avant de venir s'écraser face cachée entre les poils du tapis. Il l'observa sans pouvoir détourner le regard.
– Jay, ça va ? C'était qui ?
La voix de Mike semblait si lointaine. Étouffée dans du coton. Jungkook ne pouvait pas lui répondre. L'angoisse avait pris d'assaut sa gorge et le privait du moindre son. Effarouché, il continuait de surveiller le bout de technologie comme s'il allait se mettre à bouger, possédé par une entité maléfique.
« Pourquoi lui ? » « Qu'est-ce qu'il me veut ? » « Pourquoi maintenant ? » Les questions s'affolaient dans son esprit. Elles se répétaient, se succédaient, s'accumulaient. Et de la même manière qu'une virgule sépare des phrases, les premiers mots entendus dans le téléphone ponctuaient chacune d'entre elles.
Ces mots qui, désormais, étaient marqués au fer rouge dans la mémoire de Jungkook.
"Bonjour, Jungkook. C'est Papa..."
• • •「◆」• • •
Bonjour, les amis. C'est Astëlya... (tintintiiiiin)
Pardon, ce n'est pas drôle. Mais fallait bien que je détende l'atmosphère non ? Et aussi que je vous fasse oublier le fait que je vous ai plantés en plein milieu d'une conversation Jimin/Mike et que vous n'aurez jamais la fin (du moins pas de suite).
J'espère que vous m'aimez quand même !
Bref, ici s'achève la course à la publication. Je continuerai de publier fréquemment, en fonction de mon avancée, mais il n'y aura plus un chapitre par jour.
Ceci étant dit, je vous embrasse !
Astëlya
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